Face à l'Info Été (Émission du 18/08/2023)

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Tous les soirs et pendant tout l'été, les chroniqueurs de #FacealinfoEte débattent de l'actualité du jour de 19h à 20h

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00:00 Ça fait deux fois.
00:02 19h sur CNews, bienvenue dans Face à l'Info.
00:05 Et avant de commencer votre émission, il est 19h,
00:09 l'heure de faire le point sur les principales informations
00:11 avec notre journaliste Simon Guillin.
00:13 Simon, bonsoir.
00:14 Bonsoir chère Célia et bonsoir à tous.
00:17 Prenez toutes vos précautions puisqu'il va faire très chaud
00:19 ce week-end sur presque tout le territoire.
00:21 Une vigilance orange canicule est tendue de 19 à 28 départements
00:26 par Météo France pour la journée de demain,
00:28 avec des températures qui pourraient dépasser les 40 degrés
00:31 dans le sud de la France.
00:32 La vallée du Rhône est déjà soumise à de très fortes chaleurs
00:34 depuis plusieurs jours.
00:36 Un Guinéen de 17 ans, condamné à 18 mois de prison ferme
00:39 par le Tribunal pour enfants de Rouen,
00:41 il était reconnu coupable de l'agression sexuelle
00:44 d'une fillette de 6 ans.
00:45 Les faits se sont produits en octobre 2022.
00:48 Dans le cadre d'une tentative de cambriolage,
00:50 le père de la fillette avait ensuite interpellé l'agresseur
00:53 de son enfant et l'avait passé à tabac.
00:56 Et puis à l'international, après quasiment 3 jours
00:59 de propagation incontrôlable des flammes,
01:01 les pompiers constatent quelques améliorations
01:03 sur l'île de Ténérife.
01:05 Le feu de forêt qui a déjà ravagé près de 4000 hectares,
01:08 c'est l'incendie le plus complexe des 4 dernières décennies
01:10 dans l'archipel espagnol des Canaries.
01:12 - Ces informations, on se retrouve tout à l'heure
01:18 pour de nouvelles actualités.
01:20 Et pour m'accompagner ce soir, je vous présente
01:23 mes 3 éditorialistes.
01:25 Nathan Devers, écrivain, bonsoir.
01:27 - Bonsoir.
01:28 - Régis Le Saumier, toujours présent également.
01:30 Vous êtes rédacteur en chef de la rédaction Omerta,
01:33 directeur de cette rédaction.
01:35 Et Alexandre Devey, qui est un petit peu en retard
01:37 pour ce rendez-vous.
01:38 - Non mais j'étais en loge, mais on n'est pas venu me...
01:40 - Journaliste au Figaro.
01:43 - Bonsoir.
01:44 - Bonsoir.
01:45 Au sommaire de cette émission, les méga-feux au Canada
01:47 et leurs conséquences.
01:48 Depuis le début de l'année, ils ont émis l'équivalent
01:50 de plus d'un milliard de tonnes de dioxyde de carbone,
01:53 soit presque autant que le Japon, 5e plus gros pollueur du monde
01:56 en 2021.
01:57 Un constat inquiétant pour l'environnement,
01:59 puisque la saison des incendies est encore loin d'être finie.
02:02 Les explications de Régis Le Saumier.
02:04 Et c'est depuis Borne-les-Mimosas qu'Emmanuel Macron
02:07 a pris la parole hier soir.
02:08 Un discours prononcé à l'occasion de l'anniversaire
02:10 de la libération de la commune du Var.
02:12 Et nous verrons avec Nathan Devers qu'après les émeutes,
02:15 le président de la République s'est adressé à la jeunesse.
02:18 Pour lui, la liberté n'est pas une frénésie de transgression.
02:22 Enfin, nous terminerons cette émission avec l'édito
02:24 d'Alexandre Devecchio.
02:25 100 ans après sa mort, Maurice Barès continue
02:27 de diviser la classe politique.
02:29 Dans une tribune publiée dans le Figaro Magazine,
02:31 le député LR Jean-Louis Thierviau est revenu sur la place
02:34 que l'écrivain a occupée dans la vie intellectuelle française.
02:37 Une tribune qui a suscité des réactions à gauche.
02:40 Un programme varié et des opinions bien tranchées,
02:43 c'est ce qui vous attend dans Face à l'Info été.
02:45 C'est parti.
02:47 (Générique)
02:59 - Alors Régis, ce soir, vous voulez nous parler du Canada
03:03 puisque l'autre jour, vous comptiez l'apocalypse à Hawaï.
03:06 Que se passe-t-il au Canada ?
03:07 - Oui, vous allez dire que je suis Monsieur Catastrophe
03:09 dans cette émission.
03:10 - Super international.
03:11 - Je vous amène à chaque fois des mauvaises nouvelles,
03:13 de choses qui se passent.
03:14 Heureusement, vous allez voir, heureusement,
03:16 de l'autre côté du monde, mais ça a un impact.
03:20 Oui, on a changé de climat et de latitude.
03:23 Ce n'est plus Hawaï, ce n'est le Canada.
03:25 Mais le constat est le même.
03:27 2023, c'est vraiment l'année des méga-feux.
03:30 Chez nous, on ne se sent pas trop con,
03:33 bien que l'été ne soit pas terminé, la canicule arrive.
03:37 On a vu quand même une accélération des feux
03:40 ces dernières semaines.
03:42 C'est un peu plus calme que l'an dernier.
03:44 Vous vous souvenez de la teste de bûches dans les Landes.
03:47 On avait connu, avec cet épisode d'ailleurs,
03:50 pour la première fois, ce qu'on appelle des méga-feux,
03:52 c'est-à-dire une quantité de végétation qui brûle,
03:56 comme il y en avait eu l'année précédente,
04:00 et il y en a toujours cette année, au Portugal, en Grèce,
04:03 et en général, traditionnellement, en Californie,
04:05 mais il n'y avait pas eu ça en France.
04:08 On avait même subi un grave incendie
04:10 dans les Monts d'Arrée, en Bretagne.
04:12 La Bretagne, c'est quand même plutôt
04:14 les déluges de pluie au mois d'août,
04:16 et là, c'était les largages de tonnes d'eau par Canadair.
04:18 Donc ça, c'était vraiment exceptionnel.
04:20 Cette année, chez nous, on est un peu plus préservé,
04:23 encore que, je disais, la saison n'est pas terminée,
04:26 alors que le Canada, ça fait...
04:29 - Ça fait des mois que le pays brûle.
04:31 Mais il y a eu une accalmie, et c'est reparti.
04:33 - Oui. Alors, le pays brûle, c'est exactement cela,
04:36 depuis la fin du mois de mai.
04:38 Et comme vous l'avez dit en intro,
04:40 et il faut l'insister, ces méga-feux canadiens,
04:43 à eux seuls, ont émis autant de CO2
04:47 que tout le Japon pendant un an.
04:49 Le Japon est quand même la 5e puissance
04:52 émettrice de CO2 dans le monde.
04:54 C'est à un milliard de tonnes.
04:56 C'est du jamais vu pour un pays.
04:59 Donc, il faut rappeler aussi,
05:02 ce n'était pas simplement un seul feu,
05:04 ce sont des milliers de feux qui ont ravagé le Canada.
05:07 Je vais en revenir tout à l'heure
05:09 sur la question des superficies qui ont été brûlées.
05:12 Le directeur du Service canadien des forêts,
05:17 un certain Michael Norton, déclare,
05:19 cet été s'est transformé en un véritable marathon.
05:22 Il explique, nos estimations préliminaires indiquent
05:25 que les émissions de la saison en cours
05:27 ont donc dépassé ce milliard de tonnes,
05:29 et le risque d'incendie devrait être encore supérieur
05:32 à la normale jusqu'en septembre.
05:34 - Donc, c'est l'optimisme qui règne, ou pas ?
05:36 - Oui, ce n'est pas vraiment l'optimisme.
05:38 En fait, ce qui a été étonnant avec le Canada,
05:41 c'est que ces méga-feux se sont répandus
05:43 d'un bout à l'autre du pays,
05:45 avec une intensité absolument remarquable.
05:47 Évidemment, c'est plus l'Est du Canada qui a été touché,
05:50 mais il y en a eu aussi à l'Ouest.
05:52 Le Canada était en alerte d'incendie maximale
05:55 pendant 90 jours.
05:57 C'est la période la plus longue jamais enregistrée
05:59 dans son histoire.
06:00 Le précédent record, c'était 2021, avec 50 jours.
06:03 La saison des feux, là encore une fois,
06:06 je cite Michael Norton,
06:08 "cette année très instructive, elle nous a montré
06:10 ce qui nous attend si nous ne faisons rien
06:12 pour réduire les émissions".
06:14 Les Canadiens sont très au fait des problèmes
06:18 et de ce que ça peut causer,
06:20 des conséquences que ça peut avoir pour eux.
06:22 - Ce qui a brûlé au Canada correspond à l'équivalent
06:24 de la Grèce ?
06:26 - Il y a 13,5 millions d'hectares,
06:28 c'est exactement la superficie de la Grèce
06:30 qui a brûlé au Canada.
06:31 C'est deux fois la superficie du record absolu
06:34 qui datait de 1989, où il y avait 7,3 millions.
06:37 On est dans une situation absolument apocalyptique
06:40 dans ce pays.
06:41 - Mais est-ce que le Canada a reçu de l'aide
06:43 pour faire face à ces méga-feux ?
06:44 - Oui, il y a eu 5000 pompiers qui sont venus
06:47 de 12 pays différents.
06:50 La Colombie-Britannique a été vraiment...
06:52 Tout le monde est venu au chevet de la Colombie-Britannique,
06:55 je vous disais, à l'Ouest du Canada,
06:58 qui était la province la plus durement touchée.
07:01 La semaine prochaine et ce week-end,
07:03 un peu comme chez nous, on devrait à nouveau y observer
07:06 des températures anormalement élevées
07:08 et les efforts des pompiers vont être encore plus compliqués
07:12 par cette situation.
07:15 Il faut déplorer quatre personnes qui ont péri
07:18 en combattant ces méga-feux canadiens.
07:21 - Mais ce n'est pas fini puisque ce week-end,
07:23 c'est toute une ville entière qui a dû être évacuée.
07:25 - Oui, alors là, c'est étonnant.
07:27 Je regardais sur Twitter juste avant d'arriver,
07:29 des images ont commencé à être diffusées
07:32 sur des comptes Twitter de personnes.
07:34 La ville s'appelle Yellowknife.
07:37 C'est dans les territoires du Nord-Ouest,
07:39 donc c'est encore plus au nord de la Colombie-Britannique.
07:45 Des milliers de personnes, vendredi, en quelques heures,
07:48 ont reçu l'ordre de quitter Yellowknife.
07:51 Actuellement, il y a 20 000 personnes qui patientent.
07:54 Il y a une seule route pour quitter la ville
07:56 et ces personnes, évidemment,
07:58 essaient de quitter la ville, tous en même temps.
08:00 Donc c'est encore une situation qui n'est pas résolue.
08:03 La mairie a ordonné l'évacuation,
08:05 mais parce que la ville est complètement encerclée
08:08 par les méga-feux.
08:09 Donc les 20 000 personnes, alors je cite un habitant,
08:13 là aussi j'ai trouvé ce témoignage sur Twitter.
08:16 Les gens paniquent, c'est le chaos absolu.
08:18 Il s'appelle Tyler Argueau.
08:20 Les routes pour sortir de la ville sont bordées par les flammes.
08:24 Le ciel de Yellowknife est orangé car le feu est proche.
08:27 L'air est irrespirable.
08:29 Dans le centre-ville, la fumée s'est infiltrée partout.
08:33 Il pleut des cendres.
08:35 Un témoignage bouleversant.
08:36 Merci, Régis Le Sommet, pour ces informations sur le Canada.
08:39 Alexandre Devecchio, est-ce que vous connaissez ce pays
08:42 et puis est-ce que ça vous inquiète,
08:44 ces émissions qui sont quand même très importantes
08:47 pour l'environnement ?
08:49 Je connais ce pays, je connais un peu le Québec,
08:52 notamment, qui est un très beau pays.
08:55 Est-ce que ça m'inquiète ?
08:57 Ça s'inscrit effectivement, je pense,
08:59 dans une période de réchauffement climatique.
09:02 C'est quelque chose que les scientifiques ont analysé.
09:06 Maintenant, je pense qu'il ne faut pas céder à la panique.
09:09 La panique paralyse en fait et empêche d'agir
09:12 et qu'il faut essayer de penser comment on va vivre
09:15 avec ce réchauffement climatique.
09:18 Sans doute, il va falloir travailler pour le diminuer.
09:21 Il va falloir compter aussi sur les progrès de la technique.
09:24 L'homme en est capable, mais il va aussi falloir anticiper,
09:27 changer nos modes de vie.
09:29 Peut-être s'il y a plus d'incendies, prévoir plus de moyens.
09:32 Donc non, je ne crois pas qu'il faille paniquer,
09:35 mais en revanche, il faut anticiper et prendre
09:38 les décisions politiques qui s'imposent.
09:40 Un avis que vous partagez, Nathan Devers,
09:42 est-ce qu'on est prêt à changer nos modes de vie
09:44 pour éviter ces catastrophes ?
09:46 Oui, j'ai l'impression peut-être que je me trompe,
09:49 mais j'ai l'impression que depuis quelques années,
09:52 même les personnes qui avaient tendance à être climato-sceptiques,
09:55 ou à relativiser l'importance du réchauffement climatique,
09:59 sont bien obligées de voir, en tout cas pendant les étés,
10:02 c'est absolument flagrant, que les étés sont absolument anormaux.
10:06 On va le voir ce week-end.
10:08 Oui, bien sûr, je n'ai que 25 ans, mais même en 25 ans,
10:11 on se souvient quand même que des étés...
10:13 Alors là, cet été à Paris, ça n'a pas été absolument caniculaire,
10:16 mais il y a une différence centrale entre les étés
10:18 que j'ai pu connaître dans ma petite enfance et ceux d'aujourd'hui.
10:20 Et alors, si j'en avais 50 ou 60, je pense que j'aurais ce sentiment encore plus.
10:24 Et deuxièmement, on voit bien à l'échelle internationale.
10:27 La question, à mon avis, elle est double.
10:29 Elle est qu'on commence à se rendre compte qu'il ne faut pas parler
10:31 du réchauffement climatique uniquement quand il y a des catastrophes épisodiques
10:34 pendant l'été, mais qu'il faut en parler dans l'année.
10:36 Et deuxièmement, qu'en effet, on va devoir changer nos modes de vie.
10:39 Et je suis assez d'accord avec Alexandre quand il disait
10:41 que ce n'est pas en étant pétrifiés qu'on va essayer de penser la situation,
10:44 c'est au contraire en prenant du recul.
10:46 Et avec une différence quand même, enfin une nuance en tout cas,
10:48 que j'aimerais poser, c'est que, évidemment, que les scientifiques,
10:51 le travail qu'ils font est majeur, à la fois d'analyse
10:54 et en même temps de recommandation, et qu'il ne faut pas appliquer
10:58 mécaniquement les recommandations des scientifiques,
11:00 c'est-à-dire qu'à supposer qu'il y en ait certaines qui aillent à l'encontre
11:03 des principes de l'État de droit, comme les libertés publiques, etc.,
11:06 il faudra aussi trouver un cadre républicain, libertaire, démocrate,
11:11 respectueux des droits de l'homme, pour appliquer ces recommandations.
11:14 Et donc si vous voulez, on l'a vu pendant le coronavirus,
11:16 quand une crise scientifique donne lieu à une décision politique
11:20 qui n'est plus une décision, mais qui est juste, si vous voulez,
11:22 une adaptation, comme s'il fallait juste convertir la langue scientifique
11:24 en langue politique, là ça peut être un danger.
11:26 - Je me rends, il n'y a pas de nuance entre nous.
11:29 On est d'accord là-dessus, on était d'ailleurs, on n'est pas toujours d'accord,
11:31 mais sur la politique qui a été menée pendant le Covid, on était d'accord.
11:35 D'ailleurs, je disais d'une part, il faut faire aussi confiance
11:37 à la capacité à l'homme de s'adapter, c'est pour ça que je parlais
11:40 de la technique, on va pouvoir sans doute améliorer nos modes de production.
11:45 Quand c'est changer nos modes de vie, peut-être, mais c'est aussi,
11:48 voilà, miser sur notre capacité à inventer des choses
11:53 et notre capacité à s'adapter.
11:55 Quand je parlais des incendies, il y a sans doute moyen de s'adapter,
12:00 de faire plus de précautions, d'avoir plus de moyens pour les arrêter.
12:05 Donc je crois qu'il ne faut pas considérer tout cela comme une fatalité.
12:08 C'est vrai qu'on a vu pendant le Covid que les experts pouvaient aussi se tromper,
12:12 se contredire, donc il ne faudrait pas, bien sûr que le danger existe,
12:17 mais il ne faudrait pas brader nos principes fondamentaux
12:21 sous prétexte de réchauffement de la planète.
12:24 Je crois que ce serait le pire des services à nous rendre en réalité,
12:28 parce que je parlais aussi de notre capacité d'adaptation.
12:31 Je crois que nous replier sur nous-mêmes ne changerait pas grand-chose à la situation.
12:35 Ce serait la certitude pour le coup que ce soit un grand péril pour l'humanité
12:44 si on était dans une logique de rétrécissement.
12:49 Merci beaucoup. De retour en France, et cette fois avec le discours d'Emmanuel Macron prononcé hier.
12:55 On va vous montrer un extrait puisque le président de la République s'est adressé à la jeunesse.
13:00 On en parle juste après avec Nathan Devers.
13:02 Hors de ce champ commun prospère la désunion, la division,
13:06 qui pavent la voie du chaos et de l'injustice.
13:09 En cet été 1944, les libérateurs nous ont fait toucher du doigt
13:15 une certaine idée de la liberté, individuelle et collective.
13:22 Sans phrases et sans écume, ils nous ont montré que c'était là
13:27 et que c'était cela, exercer sa liberté.
13:31 Ce n'est pas une frénésie de transgression,
13:35 ce n'est pas une fièvre de renverser les interdits.
13:38 C'est d'abord et avant tout une volonté maîtrisée et forte,
13:43 capable d'assumer les contraintes qu'elle se choisit.
13:47 Et cette liberté-là, qui n'existe que parce qu'elle est toujours et d'abord collective,
13:53 les droits qui s'en suivent, qui ne sont là que parce qu'il y avait d'abord des devoirs,
13:57 c'est ce dont nous devons nourrir nos jeunes générations.
14:02 Nathan Devers, vous vouliez donc revenir sur le discours d'Emmanuel Macron
14:06 prononcé hier et qui a un quelque peu perturbé notre émission.
14:09 Oui, c'était la première critique que j'avais à faire.
14:12 D'abord, merci au président parce qu'il m'a laissé finir mon édito avant de commencer ce discours.
14:15 C'était très gentil.
14:16 Mais malheureusement, on n'a pas pu écouter ce que disait Olivier d'Artigolle sur Jean-Luc Gollemann en entier.
14:20 Ça, c'est la première critique politique très radicale que je voulais lui adresser.
14:25 Non, plus sérieusement, c'était un discours de commémoration de l'anniversaire de la libération en 1944 de Borne-les-Mimosas.
14:33 Ce type de discours de commémoration historique, que ce soit d'un événement positif ou négatif,
14:39 présente toujours une difficulté absolument évidente.
14:43 C'est qu'il y a une frontière plus ou moins explicite, plus ou moins affirmée
14:49 entre ce qui relève de la commémoration historique, du rappel des faits, des commentaires sur tel ou tel personnage
14:55 et ce qui relève du commentaire politique actuel.
14:58 Et que sans même avoir besoin de parler explicitement des événements que nous pouvons traverser à chaque époque,
15:05 à partir du moment où vous allez décider de mettre en valeur ou de mettre en relief tel ou tel aspect de la personnalité
15:10 de tel ou tel personnage historique, que vous allez interpréter d'une certaine manière le passé,
15:14 et bien évidemment que vous en tirez des conclusions sur le présent.
15:19 En tout cas, c'est comme ça que les journalistes politiques décodent depuis la nuit des temps les discours de commémoration historique.
15:24 Nietzsche, dans la seconde considération inactuelle, évoquait déjà un rapport à l'histoire,
15:30 qui est ce qu'il appelle le rapport à l'histoire monumentale.
15:33 Cela veut dire dès lors que ce qu'on attend de l'histoire, ce n'est pas comme à l'université,
15:37 d'en avoir une connaissance exhaustive, d'en avoir une connaissance extrêmement précise ou extrêmement nuancée.
15:42 Ce qu'on attend de l'histoire, c'est d'être dans un rapport de commémoration, un rapport monumental à l'histoire.
15:46 Et bien à partir de là, on est obligé de simplifier, on est obligé sinon de caricaturer,
15:50 du moins de présenter une lecture qui va nous permettre d'agir.
15:53 Et donc on va par exemple être dans les grands hommes, etc.
15:56 Alors au moins la vertu de ce discours, c'est qu'Emmanuel Macron a affirmé très clairement dès le début,
16:02 que justement depuis qu'il est président et qu'il vient chaque année en Provence pour célébrer la libération des villes de Provence,
16:08 - C'est une tradition pour les présidents. - C'est une tradition, tout à fait.
16:10 Et il l'a dit, c'est l'introduction de son discours, chaque année a été perturbée par des crises,
16:14 ou quasiment presque chaque, que ce soit le coronavirus, que ce soit la guerre en Ukraine,
16:18 que ce soit aujourd'hui, il a mentionné ce qui se passait au Niger,
16:21 et il a lui-même dit qu'il y avait ce risque d'ambiguïté.
16:26 Alors cette année, le premier événement qu'il y avait, qui n'est pas un événement historique de premier plan,
16:33 mais dont Emmanuel Macron affirmait qu'il est majeur, et je suis d'accord avec lui sur ce point,
16:37 c'est la disparition de Pierre Welch. Alors ce nom ne dit pas forcément quelque chose, téléspectateurs,
16:41 mais Pierre Welch était un homme qui a été le dernier survivant du débarquement en Provence,
16:48 et qui a été un grand résistant, qui a rejoint volontairement la résistance à Alger,
16:54 qui ensuite est arrivé en Provence, non loin de Bormes-les-Mimosas, en ancien du commando d'Afrique,
16:59 et qui est donc décédé depuis l'année dernière.
17:01 Et donc Emmanuel Macron a commencé en disant que c'était la première fois qu'il arrivait à Bormes-les-Mimosas
17:07 pour célébrer ce débarquement dont il n'existe plus de témoin visuel.
17:11 Et c'est vrai que c'est un élément qui est absolument majeur quant à notre perception de la Seconde Guerre mondiale,
17:17 c'est que ces événements-là, dont on avait jusqu'alors, moi par exemple, mon grand-père avait fait ce débarquement en Provence,
17:22 je ne l'ai pas suffisamment connu pour me souvenir des récits qu'il pouvait m'avoir fait quand j'étais tout petit,
17:27 mais en tout cas je sais que c'est dans la mémoire familiale,
17:29 et évidemment qu'on a un rapport à cet événement qui est tout à fait différent,
17:32 quand on le sait, qui relève d'une sorte de temporalité intime.
17:35 Et à partir de là, disait Emmanuel Macron, nous rentrons, nous passons de la mémoire vers l'histoire,
17:40 et il annonce d'ailleurs que l'année prochaine, pour les 80 ans de la libération de la Normandie, de la Provence, de Paris,
17:45 il va faire tout un cycle mémoriel pour justement être dans cette logique de transition.
17:50 Alors, cette question-là, ça pose un problème qui est très important,
17:54 c'est que va-t-il en être de la mémoire et de la perception de la Seconde Guerre mondiale,
17:59 et plus particulièrement de la résistance, dans les jeunes générations ?
18:02 Ça veut dire dans les générations juste après moi, qui n'auront pas connu ces témoins directs,
18:06 et qui n'auront accès à la Seconde Guerre mondiale qu'à travers les manuels d'histoire.
18:10 C'est dans ce contexte qu'Emmanuel Macron a invoqué l'exemple de la résistance
18:15 pour parler de la situation des jeunes d'aujourd'hui.
18:17 Exactement. Alors, il y avait déjà eu un précédent à la comparaison, à l'analogie,
18:21 entre la résistance et les jeunes d'aujourd'hui, je ne sais pas si vous vous souvenez,
18:24 c'était le 18 juin 2018. Emmanuel Macron était au Mont-Valérien pour célébrer l'appel du 18 juin,
18:30 et juste après son discours, il passait faire une sorte de bain de foule,
18:33 et il y avait plusieurs adolescents qui essayaient de prendre des selfies avec lui
18:37 ou de lui serrer la main. Parmi eux, un adolescent qui avait les cheveux un peu longs,
18:41 un peu en bataille, et qui lui avait dit qu'il avait chanté l'International,
18:44 et qui après l'avait alpagué en lui disant "ça va Manu".
18:47 Et là, Emmanuel Macron, c'était des images qui avaient fait un peu jaser,
18:50 puisqu'Emmanuel Macron s'était énervé en lui disant "tu ne m'appelles pas comme ça,
18:53 il faut que tu m'appelles Monsieur, Monsieur le Président, pour qui te prends-tu ?"
18:56 Il avait dit cette phrase assez magnifique, puisqu'elle ressemblait un peu à OSS 117,
19:00 "si tu veux faire la révolution, il faut commencer par avoir des diplômes
19:03 et par apprendre à te nourrir". Et après, ça c'était la séquence qui avait beaucoup circulé.
19:08 Et juste après, dans les secondes qui avaient suivi, il était devenu un peu plus sympathique
19:13 avec cet adolescent, donc il lui avait posé des questions, "que fais-tu dans la vie ?
19:16 Je passe le brevet bientôt, alors tu le prépares ?"
19:19 Il dit "oui, mais j'ai déjà tous les points par le contrôle continu,
19:22 et donc voilà, c'est bon, je ne suis pas très stressé".
19:25 Et Emmanuel Macron lui dit "mais c'est très important que tu vises l'excellence,
19:28 que tu vises le meilleur, que tu aies une mention".
19:31 Et il ajoute cette phrase que j'ai notée "ceux que tu es venu honorer aujourd'hui",
19:34 donc le Général de Gaulle et les gens qui ont rejoint la France Libre en 18 juin,
19:38 "ceux que tu es venu honorer aujourd'hui ne se sont pas juste contentés d'avoir la barre".
19:43 Parce que l'adolescent disait "je veux avoir la barre, la moyenne".
19:46 Et donc il faisait une sorte de comparaison implicite entre le fait d'avoir répondu à l'appel du 18 juin
19:51 et le fait de vouloir avoir une mention au brevet des collèges.
19:54 Alors c'est très amusant, mais finalement ça renseigne sur quelque chose.
19:57 D'abord, à mon avis, là évidemment c'est une conversation orale, improvisée,
20:01 il y a une forme de cruauté à l'heure des réseaux sociaux, de pouvoir tout filmer,
20:04 ça peut arriver à tout le monde de faire une comparaison un peu malvenue,
20:07 mais c'était le lapsus, si vous voulez, d'une volonté tout à fait légitime,
20:11 me semble-t-il, de vouloir redonner une place forte et une place vivante
20:14 à la mémoire de la résistance dans la jeunesse,
20:17 et évidemment qu'à partir de là on est obligé de créer des analogies
20:20 entre une jeunesse, celle de la résistance, qui a été dans une situation qui est à la fois tragique,
20:24 mais qui a en même temps facilité des destinées épiques,
20:27 et une jeunesse d'aujourd'hui dont c'est vrai, les considérations sont d'avoir le brevet, le bac, etc.
20:30 Donc c'est évident que les situations ne sont pas les mêmes.
20:33 Mais il y avait quand même, dans cette comparaison un peu étrange,
20:37 il y avait quand même pour le coup vraiment une ambiguïté sur la difficile adaptation
20:41 de la morale de la résistance à une époque qui est guidée par l'injonction de réussir sa vie.
20:46 Et évidemment qu'il n'y a aucune commune mesure entre des gens qui ont été prêts à mourir
20:51 pour sauver l'idée qu'il se faisait de la France, de la démocratie, de la liberté,
20:54 de la République et du genre humain, et des gens qui aujourd'hui sont soumis
20:58 à cette grande injonction "libérale" de réussir sa vie.
21:01 Ça pose la question d'ailleurs du rapport, j'y reviendrai tout à l'heure,
21:04 de la liberté et le libéralisme ou le néolibéralisme.
21:08 Et donc aujourd'hui dans le discours, il a reparlé de la conception que les résistants avaient
21:14 de la liberté en faisant un parallèle avec la jeunesse actuelle.
21:18 Alors juste une petite parenthèse, quand il parle de la jeunesse actuelle,
21:22 les gens, les commentateurs ont beaucoup dit que c'était un commentaire sur les émeutes
21:26 qu'il y a eu parce qu'en effet, parmi les gens qui ont été interpellés pendant les émeutes,
21:29 il y avait énormément de mineurs et de gens très très jeunes, 14, 15 ans, etc.
21:33 Et sans doute qu'il s'agit du, si vous voulez, d'une remarque un peu anthropologique,
21:36 beaucoup plus globale sur ce qu'est la jeunesse.
21:38 Dans la récente interview qu'il a accordée au Figaro, il avait d'ailleurs toutes sortes
21:41 de considérations sur la jeunesse française qui est dans le nihilisme, etc.
21:45 Et donc, je cite Emmanuel Macron dans le texte.
21:48 "Il y a dans nos jeunes un appétit de liberté, un idéalisme, qui se cherche parfois
21:52 et auquel nous devons répondre. Sans quoi parfois, cette aspiration noble
21:56 se retourne contre elle-même et sape les fondations de cette nation de liberté,
21:59 d'égalité et de fraternité initiée en 1789. Hors de ce champ commun,
22:03 prospère la division, la désunion, qui pavent la voie du chaos et de l'injustice."
22:09 Alors, trois petites remarques. D'abord, il y a une forme quand même d'autocritique
22:12 dans ces lignes. Il dit "les jeunes ont une aspiration à la liberté,
22:15 nous devons y répondre. Et si nous n'y répondons pas, alors ça vire au chaos."
22:18 On peut lire implicitement entre les lignes que peut-être qu'il y a une certaine
22:21 explication de ce qui s'est passé pendant les émeutes et de ce qui s'est passé
22:25 d'ailleurs plus globalement quand il y a eu des violences pendant des manifestations,
22:28 pendant la réforme des retraites, etc. C'est que, alors c'est pas que la jeunesse
22:31 qui est révoltée, mais qu'en tout cas la révolte de la jeunesse n'étant pas
22:34 écoutée par le gouvernement, et j'y reviendrai, donne lieu à une certaine
22:38 forme de chaos. Mais deuxièmement, il y a une critique, bon, explicite,
22:42 c'est pas besoin de commenter, mais de la passion de la révolte,
22:46 quand cette passion n'est pas structurée par quelque chose d'autre,
22:49 notamment par une solidarité. Vous savez, c'est Albert Camus qui dans
22:52 "L'Homme des révoltés" disait "une révolte, c'est le fait de dire non,
22:55 non à une situation, mais le nom de la révolte suppose le oui".
22:58 Si je dis non à une situation, c'est au nom d'une certaine idée,
23:01 du genre humain, de la solidarité universelle, etc. Et donc Albert Camus
23:04 disait à juste titre que si je suis dans une révolte qui suspend au nom
23:08 de la révolte la solidarité entre les hommes, et bien à partir de là,
23:11 ma révolte engendre du chaos. Donc si par exemple, dans le cadre d'une
23:14 manifestation, j'en viens, je ne sais pas, lyncher un patron, et bien
23:17 j'estime que le patron n'est plus un être humain, que ma révolte suspend,
23:20 etc. Donc ça, c'est ce que dit Emmanuel Macron, je suis d'accord aussi.
23:23 Mais ce qui m'a marqué dans ce petit texte, c'est quand même,
23:26 alors c'est très implicite, mais c'est le ton infantilisant qu'il y a
23:29 dans ces lignes. "Il y a dans nos jeunes un appétit de liberté, virgule
23:32 un idéalisme". Oui, c'est quand même bizarre. Dans un État de droit,
23:36 une République, une démocratie, dont justement la devise commence
23:40 par la liberté, de dire que l'appétit de la liberté, c'est une forme
23:44 d'idéalisme, c'est une forme d'immaturité, que en gros, quand on grandit,
23:47 de la même manière que le fameux dicton dit que quand on est jeune,
23:50 on a le cœur à gauche et qu'après, on se droitise progressivement
23:53 en découvrant les impôts, etc. Là, c'est à peu près la même idée.
23:55 Quand on grandit, on finit par se dire finalement, la liberté, c'est le chaos.
23:58 C'est un peu typiquement, on en revient à OSS 117, sur la plage de Rio,
24:02 quand il est avec les libertaires qui prennent de la drogue, etc.
24:05 Il leur dit "Vous allez voir, vous allez grandir et vous allez finir
24:07 par renoncer à tout ça". Et deuxièmement, quand il dit aussi
24:11 "un appétit de la liberté auquel nous devons répondre".
24:14 C'est très implicite, mais si vous voulez, c'est une conception un peu
24:17 fonctionnaliste. C'est pas "il faut écouter l'appétit de la liberté",
24:20 c'est "il faut y répondre", comme s'il y avait un paramètre
24:22 de déséquilibre qu'il s'agit de rétablir. Et dans tous les cas,
24:25 il y a une conception "paternaliste de la jeunesse".
24:28 Alors quand je dis ça d'ailleurs, il faut être honnête,
24:30 c'est pas forcément critiquable d'avoir une conception paternaliste
24:32 de la jeunesse. Moi, j'avais critiqué chez Emmanuel Macron
24:34 une conception paternaliste du peuple. Ensuite, si on est dans une conception
24:37 paternaliste, par exemple, des enfants, alors là, si vous voulez,
24:40 vous êtes dans une logique où on peut tout à fait estimer
24:42 en philosophie politique qu'un enfant n'est pas encore, si vous voulez,
24:45 complètement dépositaire de ses droits et d'une forme de conscience
24:48 politique maturée. Mais c'est quand même intéressant de voir
24:51 qu'Emmanuel Macron, qui a été le président, qui a été élu
24:54 notamment parce qu'il était le plus jeune et qu'il incarnait ça,
24:56 un renouvellement profond de la jeunesse, cultive cette vision-là,
24:59 qui est une vision tout aussi verticale des jeunes générations
25:03 que celle de ses prédécesseurs.
25:05 - Comme de la transmission peut-être aussi pour les jeunes.
25:07 Est-ce qu'il a envie de... Au moment de son élection, on le disait,
25:11 le plus jeune président, ça a été l'une de ses qualités,
25:15 peut-être pour certains de ses électeurs. Mais est-ce que maintenant,
25:18 c'est plutôt qu'il veut se mettre en position de père pour la jeunesse ?
25:23 - Oui, c'est peut-être... - De guide ?
25:25 - Oui, c'est peut-être le paradoxe. C'est qu'en effet, entre les grands
25:28 accents de 2017, le pensée printemps, le renouvellement, la modernisation,
25:34 etc., et ce qui ensuite est advenu des 7 ans d'Emmanuel Macron,
25:39 ou presque, que nous avons eus pour l'instant, peut-être que dans l'histoire
25:42 de la Ve République, on n'a jamais vu autant de déséquilibre et de décalage
25:46 entre les aspirations sociétales et politiques des jeunes générations,
25:50 même si les jeunes, ce n'est pas une catégorie politique,
25:52 ce n'est pas une catégorie en sociologie, parce que c'est très disparate,
25:54 on en a déjà parlé, mais on n'a sans doute jamais vu un tel décalage
25:57 entre les aspirations des jeunes et l'action présidentielle.
25:59 Le moment du coronavirus en a été un exemple profond,
26:02 mais même, c'est un thème qui revient beaucoup, la question de savoir
26:05 s'il n'y a pas aujourd'hui une sorte de guerre des générations
26:07 qui est en train de se jouer, notamment, et j'y reviendrai tout à l'heure
26:09 à la fin de ma chronique, sur la mémoire de mai 68.
26:12 On va justement laisser une page de publicité, et on reviendra avec Nathan,
26:18 Alexandre de Vecchio et Régis Saumier sur toute cette actualité.
26:22 Restez avec nous sur CNews.
26:23 Bientôt 19h30 sur CNews, vous êtes toujours d'en face à l'Infoété,
26:29 et nous étions avec Nathan Devers sur le sujet du discours
26:33 d'Emmanuel Macron prononcé hier soir.
26:36 Et vous vouliez revenir surtout sur le passage
26:38 qu'Emmanuel Macron a consacré à la liberté.
26:40 Bien sûr, parce que je pense, je le dis souvent,
26:43 que la grande frontière politique aujourd'hui qui existe,
26:46 la grande binarité, n'est pas seulement entre la gauche et la droite,
26:50 ça existe toujours, n'est pas seulement entre le nationalisme
26:54 et le mondialisme, ça existe toujours quand même,
26:56 mais qu'il y a un nouveau front, ou une nouvelle conflictualité
26:59 qui est en train de poindre dans la société,
27:01 entre les libertaires, ou du moins ceux qui sont viscéralement
27:04 attachés au caractère irréductible des libertés publiques,
27:07 et ceux qui sont pas forcément liberticides ou autoritaires,
27:10 mais qui estiment du moins que les libertés publiques,
27:12 on peut, si vous voulez, s'adapter avec tout ça,
27:15 soit les réduire, soit les brader, soit même les affirmer,
27:18 mais estimer qu'elles ne sont pas prioritaires.
27:20 Et dans ce contexte, évidemment, l'interprétation de la résistance
27:22 est majeure, puisque la résistance, tout le monde s'accorde à dire
27:25 que les résistants, ce sont des gens qui se sont sacrifiés,
27:27 qui ont été prêts à mourir, ou qui sont morts,
27:29 ou qui ont été torturés, pour la liberté,
27:31 pour la France aussi, mais pour la France libre.
27:33 Donc à partir de là, de quelle liberté parle-t-on ?
27:35 C'est dans ce contexte que, dans son discours, Emmanuel Macron
27:37 interprète la conception que les résistants avaient de la liberté.
27:40 La liberté des résistants, je cite,
27:42 "n'est pas une frésénésie de transgression,
27:45 ça n'est pas une fièvre de renverser les interdits,
27:48 c'est d'abord et avant tout une volonté maîtrisée et forte,
27:51 capable d'assumer les contraintes qu'elle se choisit.
27:54 Et cette liberté-là, qui n'existe que parce qu'elle est toujours
27:57 et d'abord collective, les droits qui s'en suivent,
27:59 qui ne sont là que parce qu'il y avait d'abord des devoirs,
28:02 c'est ce dont nous devons nourrir nos jeunes générations."
28:05 Alors là, vous voyez, il nous dit deux choses.
28:07 La liberté passe par la contrainte, c'est pas le chaos ou l'anarchie.
28:11 La liberté, c'est la solidarité.
28:15 Et la liberté, c'est les devoirs avant les droits.
28:17 Alors, premièrement, ce qu'il dit sur la résistance,
28:20 historiquement, est plutôt vrai.
28:21 Alors, plutôt vrai, je mets ce bémol, parce que ça ne veut rien dire,
28:23 les résistants, c'est comme les jeunes.
28:25 Il y avait des gens qui ont résisté pour des raisons politiques
28:27 qui n'ont rien à voir.
28:28 Si vous prenez entre un résistant communiste
28:30 qui résiste après Barbarossa,
28:32 quelqu'un de l'action française, un juif, un Jean-Paul Sartre,
28:36 un Albert Camus, etc., des gens de combat,
28:38 vous ne pouvez pas mettre sur le même plan
28:40 tous les types de résistance,
28:41 et chacun avait une conception différente de la liberté.
28:44 Mais, globalement, c'est assez vrai pour deux raisons.
28:46 D'abord, parce qu'évidemment, la résistance a été une action,
28:49 un phénomène de solidarité, la fusion du groupe.
28:52 Vous avez ces Jean-Paul Sartre qui, avant la guerre,
28:54 était dans une philosophie "assez individualiste"
28:56 et qui, au moment du goulag, où il est enfermé,
28:59 ensuite il va résister,
29:00 il a la découverte du poids de la collectif.
29:02 Et deuxièmement, c'est qu'évidemment,
29:04 inutile de faire un dessin,
29:05 la résistance, c'est la liberté par la contrainte.
29:07 Ce n'est pas la liberté d'aller danser,
29:08 d'aller au nightclub toute la nuit, etc.
29:10 Ce n'est pas du tout ça.
29:11 C'est une liberté qui est extrêmement rigide, normée, etc.
29:14 Mais, ce qui est très problématique et discutable,
29:18 c'est la conclusion générale que Emmanuel Macron tire,
29:21 à savoir que la liberté,
29:22 la version républicaine de la liberté française,
29:25 démocrate de la liberté,
29:26 c'est de dire que les devoirs passent avant les droits.
29:29 Petite musique qu'on avait déjà entendue au moment du coronavirus
29:32 ou dans des discussions très concrètes,
29:34 quand certains, Alexandre par exemple,
29:37 nous critiquions une politique sanitaire jugée liberticide,
29:41 on nous répondait que, justement,
29:43 nous avions une mauvaise interprétation
29:45 de ce que c'était que la liberté
29:46 parce que nous estimions que la liberté,
29:48 c'était des droits qui étaient posés comme ça.
29:50 Or, évidemment, j'aimerais revenir sur cette articulation
29:53 entre les droits et les devoirs.
29:55 Parce que parfois, on a caricaturé les positions des "libertaires"
29:58 en estimant que ce sont des gens qui,
30:00 au nom d'un amour éperdu de la liberté,
30:02 nieraient l'importance des devoirs.
30:04 Et donc, c'est la liberté du renard dans le poulailler.
30:07 Donc, une liberté, si vous voulez,
30:08 qui consisterait à nuire à autrui,
30:10 à intoxiquer autrui,
30:11 à le mettre en danger
30:12 et qui s'affranchirait de tout devoir,
30:14 une sorte d'anarchisme, si vous voulez.
30:16 Alors, évidemment que dans un état de droit,
30:18 dans un état tout court,
30:19 il y a systématiquement une articulation
30:21 entre les devoirs et les droits.
30:23 Personne, même les libertariens les plus absolus,
30:25 ne pense pas qu'on mette, si vous voulez,
30:27 à l'individu une quantité infinie de droits
30:29 avec zéro devoir.
30:30 Ça n'existe pas.
30:31 La question est l'articulation de ces deux dimensions
30:34 et de savoir surtout laquelle doit avoir une priorité.
30:36 Est-ce qu'il y a une antécédence des droits sur les devoirs
30:38 ou des devoirs sur les droits ?
30:39 Dans ce contexte, il y a un philosophe
30:41 qui a écrit un livre majeur,
30:43 "L'État nous rend-t-il meilleur ?"
30:44 qui s'appelle Ruvène Ogien.
30:46 Il reprend une distinction qui est très vieille en philosophie
30:48 entre ce qu'on appelle la liberté positive
30:50 et la liberté négative
30:51 et il la revisite à l'aune du philosophie politique
30:53 assez intéressante.
30:54 Il dit que, tel qu'il l'a défini,
30:56 la liberté négative,
30:58 c'est le concept de la liberté en tant qu'indépendance.
31:00 Ça veut dire que l'État n'a pas à m'imposer
31:03 une manière d'agir,
31:04 n'a pas à m'imposer une conception du bien,
31:07 n'a pas à m'imposer une morale,
31:08 n'a pas à m'imposer une conception
31:11 de ce que doit être une spiritualité
31:14 et que si vous voulez, sur tout ce terrain-là,
31:16 je suis libre d'agir comme je le veux.
31:18 La liberté négative est au sens,
31:20 il faut l'entendre, la négation,
31:21 c'est au sens d'une liberté minimale.
31:23 La liberté négative,
31:24 ça veut dire que l'État est libre
31:26 à partir du moment où l'État dit aux citoyens
31:27 "Vous faites ce que vous voulez de vos vies,
31:29 ça ne me regarde pas",
31:30 dans le respect de la loi, bien sûr.
31:31 La liberté positive, c'est différent,
31:33 c'est quand le concept de liberté,
31:35 c'est que l'État vous impose
31:37 une certaine idée du bien
31:39 et que l'État vous donne une réponse philosophique
31:41 à la question "Qu'est-ce que la liberté ?"
31:42 Dans un État, si vous voulez, libertaire
31:44 de liberté négative,
31:45 l'État n'est pas là pour s'occuper de dire
31:47 "Qu'est-ce que la liberté ?"
31:48 Ça, c'est une question philosophique
31:49 et chacun peut avoir sa conception
31:50 selon notre religion,
31:51 selon nos appartenances idéologiques, etc.
31:53 Les États où la liberté est positive,
31:55 ce sont des États qui vont nous dire
31:56 que la liberté est indexée
31:58 à une certaine forme de morale,
32:00 de spiritualité.
32:01 Alors ça peut être des théocraties,
32:02 on va vous dire que "être libre, c'est écouter Dieu",
32:04 ça peut être des États puritains,
32:05 l'Angleterre du XIXe siècle notamment,
32:07 être libre, c'est avoir une certaine forme de décence,
32:10 une certaine forme de tenue, etc.
32:12 Une petite musique qu'on a entendue
32:13 au sujet du collège, du lycée,
32:15 ces derniers temps qu'à l'école,
32:16 il fallait venir en uniforme
32:17 parce qu'il fallait être quelqu'un de droit moralement.
32:20 Et ça peut être aussi
32:21 cette forme de discours qu'on entend aujourd'hui
32:23 consistant à nous dire
32:24 que la liberté, c'est la solidarité,
32:25 mais la solidarité ici érigée
32:27 en tant que valeur morale
32:28 et non pas en tant que principe juridique.
32:29 Donc si vous voulez,
32:30 cette distinction, elle est intéressante
32:32 parce qu'on pourrait s'imaginer un peu naïvement
32:34 que dans un régime autoritaire
32:36 ou dans un régime liberticide,
32:37 on ne parle jamais de liberté.
32:39 C'est pas vrai.
32:40 Si vous lisez les discours politiques
32:41 des grands autoritaires,
32:42 des grands despotes,
32:43 ce sont souvent des gens
32:44 qui se réfèrent au vocable de la liberté.
32:46 Seulement la grande différence
32:47 entre ces gens-là et des démocrates,
32:48 c'est qu'ils répondent à la question.
32:49 Ils vont vous dire la liberté,
32:50 c'est la soumission à la mémoire des morts,
32:53 de la patrie,
32:54 c'est la soumission à la terre,
32:55 c'est la soumission à Dieu,
32:56 c'est la soumission à la morale,
32:57 c'est la soumission je ne sais pas à quand,
32:58 vous voyez ce que je veux dire ?
32:59 Et donc à partir de là,
33:00 le paradoxe, c'est qu'un régime libertaire ou liberticide,
33:02 c'est au contraire un régime
33:03 qui souvent invoque énormément
33:05 la liberté en tant que valeur morale
33:07 et en lui donnant un conditionnement positif.
33:09 C'est dans ce contexte-là
33:10 qu'affirmer l'antécédence des devoirs sur les droits,
33:13 c'est précisément, surtout quand c'est fait au nom
33:15 de la solidarité entendue comme valeur morale
33:17 et pas comme principe politique,
33:18 c'est précisément entrer dans une zone un peu grise
33:21 qui est celle de la liberté positive.
33:23 Alors entendons-nous bien,
33:24 la liberté positive,
33:25 ça ne veut pas forcément dire le totalitarisme,
33:27 ça ne veut pas forcément dire vivre dans une dictature,
33:29 ça peut vouloir dire aussi,
33:30 je pense que c'est notre cas,
33:31 je ne pense pas qu'Emmanuel Macron du tout soit un autocrate.
33:33 Je pense qu'en revanche,
33:34 nous vivons dans une société
33:35 qui est beaucoup moins attachée à la liberté
33:37 et qu'Emmanuel Macron l'a parfaitement compris,
33:38 et qu'Emmanuel Macron s'y adapte.
33:40 Et c'est ce choix-là qui est contestable.
33:42 D'ailleurs, la chose qu'on peut souligner,
33:44 c'est que dans la mémoire de la résistance,
33:46 qui est évidemment majeure
33:47 et personne ne remettrait en cause
33:48 la mémoire de la résistance,
33:49 mais entre la résistance et nous,
33:51 il y a eu un autre événement
33:52 qui a redéfini complètement
33:53 notre rapport à la politique et à la liberté,
33:55 ça a été mai 68.
33:56 Et que typiquement,
33:57 ce qu'on peut dire du discours d'Emmanuel Macron,
33:59 le moins qu'on puisse dire,
34:00 c'est que ce n'est pas un discours
34:01 qui est très 68-art.
34:03 Et alors pour finir,
34:04 j'aimerais revenir sur cette question
34:07 qu'on entend tout le temps,
34:09 un peu en mode citation du bac
34:11 quand on parle de ces sujets-là
34:12 et qu'on a beaucoup entendu
34:13 au moment du coronavirus
34:14 et qu'on entendra beaucoup
34:15 au sujet de l'écologie,
34:16 c'est "ma liberté s'arrête
34:17 là où commence celle d'autrui".
34:19 C'est une phrase qui ouvre,
34:20 vous voyez, c'est typiquement
34:21 le genre de phrase
34:22 qui crée des faux débats
34:23 et des débats qui donnent l'impression
34:25 qu'il y aurait des gens sur Terre
34:26 qui seraient pour la liberté
34:27 de prendre un pistolet
34:28 et d'aller tuer n'importe qui dans la rue,
34:30 la liberté de violer,
34:31 la liberté de faire du mal,
34:32 la liberté d'agresser,
34:33 ce n'est absolument pas cela.
34:34 Mais seulement encore une fois,
34:36 la solidarité ou la fraternité
34:38 ou l'égalité ne valent que
34:40 quand elles sont des cadres
34:41 où s'exerce la liberté.
34:43 Des cadres, si vous voulez,
34:44 qui ont à la fois comme fonction
34:45 de poser la liberté,
34:46 de la poser pour tous
34:47 et donc si vous voulez,
34:48 de l'encadrer mais de la permettre.
34:50 Là, dans le discours qu'on entend,
34:52 ce n'est absolument pas cela.
34:53 C'est que là, la solidarité,
34:55 elle devient la justification,
34:57 elle devient la finalité
34:58 de la liberté.
34:59 Et je reviens à ce moment
35:00 du coronavirus qui a été
35:01 un grand moment de politique,
35:02 un moment de grande politique
35:03 où justement, on nous a dit
35:05 que la liberté,
35:06 c'était d'être solidaire.
35:08 Et ce n'est absolument pas
35:09 la même chose de nous dire
35:10 qu'on est libre tant qu'on ne
35:12 met pas en danger la vie d'autrui
35:13 ou tant qu'on n'enfreint pas la loi
35:15 que de dire vous êtes libre
35:16 dans le but d'être solidaire.
35:18 Ça, c'est un discours
35:19 qui est sinon religieux,
35:20 du moins encore une fois,
35:21 j'y reviens,
35:22 qui est emprunt d'une forme
35:24 de spiritualité.
35:25 Et le paradoxe,
35:26 le propre de la démocratie
35:28 et de l'État de droit,
35:29 c'est que l'État ne doit pas
35:30 imposer une spiritualité
35:32 aussi "bonne" soit-elle
35:33 à ses citoyens et que ça pose
35:35 donc la question de la liberté
35:37 non pas de faire du mal à autrui,
35:38 mais de se faire du mal
35:39 à soi-même.
35:40 Une liberté qui est aujourd'hui
35:41 remise de plus en plus en question,
35:42 qu'on considère les politiques
35:43 relatives au tabac, etc.
35:45 Merci beaucoup, Nathan Devers.
35:46 Un mot rapide, Régis Le Sommier.
35:48 Est-ce que vous partagez
35:49 cette analyse de cette notion
35:51 de la liberté selon Emmanuel Macron
35:53 dans ce discours ?
35:55 Je ne remets absolument pas en cause
35:57 l'idée que l'objectif
35:59 des résistants était en effet
36:02 de libérer le pays.
36:04 On a parlé de la libération
36:06 de la France.
36:07 En revanche, je trouve qu'il y a
36:08 un peu une confusion aujourd'hui
36:10 qui n'est pas propre à Emmanuel Macron
36:12 sur, et peut-être un oubli,
36:14 à travers justement
36:17 le geste commémorationnel
36:19 qui existe depuis 1945
36:22 sur les motivations profondes
36:24 des résistants à résister.
36:26 Vous avez cité au début
36:27 qu'il y avait un agrégat
36:30 très divers de personnes,
36:32 d'ailleurs certains étaient
36:34 de véritables autoritaires.
36:36 Vous avez cité l'Action française,
36:38 mais même chez les communistes.
36:40 Il y avait quand même des gens
36:42 dont la démocratie n'était pas
36:46 forcément le moteur principal.
36:48 Et ce qu'on oublie, je trouve,
36:49 un peu trop, c'est que ce qui les
36:51 associe et ce qui fait qu'ils se
36:53 retrouvent dans la résistance,
36:55 c'est précisément le fait d'être occupés.
36:58 Et le fait d'être occupés par une puissance,
37:00 l'Allemagne, que 20 ans avant,
37:03 eux-mêmes ou leurs pairs, ont combattu.
37:06 On a célébré la victoire de la France
37:10 de la Première Guerre mondiale.
37:12 Et 20 ans plus tard, on est occupés.
37:14 Donc dans la démarche, il y a surtout
37:16 l'idée qui est insupportable pour ces gens,
37:19 d'être occupés par les Allemands
37:21 et d'être occupés par une puissance étrangère.
37:23 Donc l'idée de libérer la France est profonde.
37:26 Ce choix est profond.
37:27 Ensuite, la question de savoir s'ils défendaient
37:30 la démocratie ou s'ils défendaient
37:32 les principes, les hauts principes,
37:33 non, je pense qu'à la base, ils ont agi
37:36 presque par réflexe.
37:38 Et quand on était résistant, et c'est là
37:41 où leur action est hautement louable,
37:44 et on devrait tous se poser la question
37:46 de savoir qu'est-ce qu'on aurait fait, nous,
37:48 à cette place.
37:49 Parce que partir dans la résistance,
37:51 ça veut dire laisser sa famille derrière soi,
37:53 ça veut dire où est le père de famille,
37:55 les Allemands ou la Gestapo peuvent dire
37:57 où est-il passé.
37:59 Ça veut dire quitter les siens
38:01 et les mettre en danger.
38:02 C'est tout un tas de sacrifices comme ça
38:04 pour aller se jeter dans le vide.
38:08 Parce qu'on n'a même pas la certitude,
38:10 quand on était dans le maquis de Saint-Marcel,
38:12 dans le maquis du Vercors,
38:13 la certitude de victoire, je peux vous dire
38:15 qu'elle était très, très infime.
38:17 Et ces gens-là se sont jetés dans le vide.
38:19 Je pense en particulier à Jean Prévost,
38:21 qui était un écrivain magnifique,
38:23 qui a défini justement,
38:24 qui rédigeait sa thèse sur Baudelaire
38:26 quand il a été tué par les Allemands
38:28 dans un combat dans le Vercors.
38:29 C'est quelqu'un qui s'est jeté dans le vide,
38:31 véritablement.
38:32 Et nous, la vraie question qu'on doit se poser,
38:34 ce n'est pas tellement la question de la liberté,
38:36 même si elle est fondamentale dans leur démarche,
38:38 c'est que ferions-nous à leur place
38:42 et quel modèle ils peuvent avoir
38:44 dans nos vies aujourd'hui.
38:45 Merci beaucoup, Régis Le Saumier.
38:47 À l'occasion du centenaire de la mort de Maurice Barès,
38:50 le député Les Républicains, Jean-Louis Thiriot,
38:52 est revenu dans un article publié
38:54 dans le Figaro magazine,
38:56 sur la place que l'écrivain a occupée
38:58 dans la vie intellectuelle française
38:59 des députés de la France Insoumise,
39:01 l'accusent de réhabiliter Barès.
39:03 Et justement, nous vous souhaitions vous montrer
39:05 ce tweet de Jean-Luc Mélenchon,
39:07 qui évoque Barès.
39:09 Alors, il parle d'abord de Médine.
39:10 Médine n'est pas raciste.
39:11 Vous savez, ce rappeur qui doit participer
39:14 aux universités d'été de la France Insoumise
39:16 et d'Europe Écologie Les Verts.
39:18 Alors, il dit "Médine n'est pas raciste.
39:20 Pourquoi vouloir lui faire avouer
39:21 des positions qui ne sont pas les siennes
39:23 après l'avoir invitée ?
39:24 Les admirateurs macronistes de Barès,
39:26 de Maurras et de Pétain ont de la chance
39:28 d'avoir des opposants aussi soumis
39:30 aux candidatons des hypocrites."
39:32 Alors, est-ce le cas, Alexandre de Vécuiaux ?
39:34 Que contient exactement cette tribune ?
39:36 Pourquoi il y a autant de réactions
39:38 assez vives du côté de la gauche
39:40 sur Maurice Barès ?
39:42 Pas du côté de toute la gauche,
39:43 mais au moins du côté de la France Insoumise.
39:45 Je suis bien placé pour savoir
39:48 ce qu'il y a dans cette tribune,
39:50 parce que je vais vous faire une confidence,
39:51 c'est moi qui l'ai commandée.
39:53 Et c'est bien de rappeler le contexte.
39:56 Il y a le centenaire de Maurice Barès,
39:58 mais c'est aussi parce qu'on a fait une série
40:00 sur ceux qui ont pensé la France
40:03 avec différents intellectuels
40:05 qui vont effectivement de Maurice Barès,
40:07 qui était à droite,
40:09 à des intellectuels de gauche,
40:11 voire d'extrême gauche, le prochain,
40:12 puisqu'il y en a un la semaine prochaine,
40:14 c'est Aragon, qui était communiste,
40:16 qui a dans un premier temps cautionné
40:18 le pacte germano-soviétique
40:20 avant de devenir un fervent patriote,
40:22 et qui par ailleurs était littérairement
40:24 un grand admirateur de Barès.
40:26 Donc je ne sais pas si Jean-Luc Mélenchon
40:27 va vouloir qu'on interdise de parler d'Aragon
40:30 ou interdire le Figaro de publier des articles
40:32 sur Aragon, ce serait intéressant.
40:35 On a par exemple Adrien Clouet,
40:37 député de la France Insoumise,
40:39 qui explique au micro d'Europe 1
40:41 "Tout auteur inspirateur du fascisme à la française
40:43 est disqualifié comme homme politique
40:45 et d'assainer, c'est un objet d'histoire,
40:47 mais en aucun cas un modèle politique
40:49 où on ne peut pas l'ériger en personnalité exemplaire
40:51 qui devrait nous inspirer."
40:53 Ça tombe bien, parce que ce n'est pas du tout
40:55 ce que fait Jean-Louis Thiriot, je vous le rappelais,
40:57 c'est dans le contexte d'une série d'articles,
41:00 et Jean-Louis Thiriot, si vous voulez,
41:03 il fait un article pour expliquer
41:06 quelles étaient les qualités intellectuelles
41:09 littéraires de Barès, il fait un article d'historien,
41:11 d'ailleurs je ne l'ai pas appelé en tant que député,
41:13 parce que c'est vrai qu'il est député, Jean-Louis Thiriot,
41:15 mais c'est un passionné d'histoire qui fait des papiers
41:17 dans le Figaro Histoire.
41:19 Donc c'était l'historien plutôt que le député.
41:21 Plutôt que l'homme politique, qui est par ailleurs
41:23 un homme politique de centre droit,
41:25 donc ce n'est pas un ultra conservateur,
41:27 Jean-Louis Thiriot, et il commence,
41:29 et non seulement il ne réhabilite pas Barès,
41:31 mais il commence son article
41:33 en rappelant effectivement,
41:35 et il faut le rappeler, l'antisémitisme initial
41:37 de Barès, et surtout son anti-dréfusisme,
41:39 Barès qui écrivait que "dréfus"
41:41 c'est "capable de trahir,
41:43 je le conclue, de sa race".
41:45 Effectivement c'est une phrase terrible,
41:47 une phrase que ne cautionne pas Jean-Louis Thiriot,
41:49 et que ne cautionne pas non plus,
41:51 si vous voulez,
41:53 le Figaro, qui est dénoncé
41:55 d'ailleurs dans cet article.
41:57 - Donc il n'est pas seulement réductible à ses propos antisémites.
41:59 - Oui, donc il y a ses propos antisémites
42:01 que nous rappelons,
42:03 mais effectivement ce serait
42:05 réducteur malgré tout
42:07 de considérer
42:09 que Barès n'est que cela.
42:11 Et Jean-Louis Thiriot
42:13 aborde Barès dans sa totalité.
42:15 Il rappelle en fait qu'il a eu le droit
42:17 à des obsèques nationales, c'était le 8 décembre
42:19 1923, en présence
42:21 du président de la République et du
42:23 maréchal Fauche, c'était des
42:25 obsèques presque
42:27 aussi importantes que celles de
42:29 Hugo ou de Zola,
42:31 et que de Gaulle à Malraux,
42:33 en passant par Mauriac ou Senghor,
42:35 on parlait tout à l'heure même d'Aragon,
42:37 tous étaient des admirateurs
42:39 de Barès. Il rappelle que Barès
42:41 était aussi l'écrivain de l'enracinement,
42:43 il explique ce que c'était, rien
42:45 à voir avec le nazisme
42:47 ou même le pétainisme,
42:49 l'enracinement selon Barès, écrit Thiriot,
42:51 c'est la mémoire des paysages que l'on a
42:53 parcouru, c'est le souvenir des pères
42:55 qui ont fait les fils, c'est savoir habiter
42:57 le monde pour savoir d'où l'on vient
42:59 et d'où l'on parle, rien de plus.
43:01 Écrit-il, c'est assez juste
43:03 et surtout il insiste sur le fait que Barès
43:05 a évolué. Quand on fait un papier
43:07 d'histoire, il faut
43:09 tout dire et après la guerre,
43:11 Barès reconnaît qu'il s'est trompé sur
43:13 l'affaire Dreyfus, il rend hommage
43:15 aux juifs qui sont tombés pour
43:17 la nation, il dit même que
43:19 les juifs ont parti à part entière de
43:21 l'identité nationale, il écrit pour être
43:23 exemple "membre naturel du corps
43:25 national" et dans
43:27 les familles
43:29 de la France,
43:31 il écrit
43:33 aussi,
43:35 il termine sur l'image du Grand
43:37 Rabbin de Lyon, il rappelle que
43:39 Barès, dans ses familles
43:41 politiques de la France,
43:43 écrit "tout catholique, protestant, socialiste,
43:45 libre-penseur, traditionnaliste et juif
43:47 concourt à l'œuvre commune".
43:49 Barès achève même ce livre sur
43:51 une image qui ne périra pas, celle
43:53 du Grand Rabbin de Lyon tombant au champ
43:55 d'honneur en tendant un crucifix à un soldat
43:57 catholique mourant.
43:59 Donc voilà, ça n'efface pas ce qu'a dit
44:01 Barès par le passé mais ça montre
44:03 une évolution, ce qui est intéressant et
44:05 c'est important de le rappeler aussi. - Mais on l'efface
44:07 de la mémoire et de l'histoire nationale ?
44:09 Même si ça n'efface pas ses
44:11 propos, est-ce que l'on doit
44:13 l'oublier dans l'histoire ?
44:15 Est-ce que les prochaines générations doivent connaître
44:17 quand même son histoire et son œuvre ?
44:19 - Je pense que oui, l'histoire n'est jamais manichéenne
44:21 et si on doit effacer Barès,
44:23 si vous voulez, de l'histoire,
44:25 le problème c'est qu'il faudra effacer
44:27 beaucoup de monde. La journaliste
44:29 Asilis Lecor
44:31 a rappelé récemment
44:33 certains propos de Jaurès par exemple, notamment
44:35 dans son discours de Thivoli
44:37 en 1898.
44:39 Je vous les cite "Nous savons bien que la race
44:41 juive dévorée par une sorte de fièvre
44:43 du gain, manie avec une particulière
44:45 habileté le mécanisme capitaliste,
44:47 mécanisme de rapine, de mensonge,
44:49 de corset, d'extorsion."
44:51 Je vous cite une autre phrase qu'il a
44:53 prononcée en 1895,
44:55 dans son voyage en Algérie.
44:57 Jaurès décrit ainsi les Juifs
44:59 "Par l'usure, l'infatigable activité
45:01 commerciale et l'abus de l'influence
45:03 politique, accaparons peu à peu la fortune,
45:05 le commerce, les emplois publics.
45:07 Ils tiennent une grande partie de la presse, les grandes
45:09 institutions financières et quand ils n'ont pu
45:11 agir sur les électeurs, ils agissent
45:13 sur les élus." En réalité, on voit bien
45:15 qu'à l'époque, une partie de la gauche
45:17 pouvait être, enfin pour le coup
45:19 ce sont des propos antisémites.
45:21 Jaurès est très ambigu sur
45:23 l'affaire Dreyfus, je suppose que Jean-Luc Mélenchon
45:25 ne veut pas qu'on interdise
45:27 ce qu'on parle de Jaurès.
45:29 Donc, bien sûr
45:31 qu'il faut faire de l'histoire, qu'il faut rappeler
45:33 les faits, mais je crois qu'il ne faut pas être dans
45:35 la cancel culture, effacer
45:37 des personnages historiques,
45:39 ne serait-ce d'abord
45:41 pour comprendre ce qu'était l'antisémitisme
45:43 de l'époque et pour le
45:45 combattre si jamais
45:47 il revenait sous cette forme-là
45:49 aujourd'hui. J'ajoute même
45:51 que France Mémoire,
45:53 qui est le service de l'Institut de France,
45:55 un service de l'État, qui propose
45:57 chaque année un calendrier de date anniversaire
45:59 dit qu'il faut commémorer
46:01 le centenaire de Bares.
46:03 Mais selon vous,
46:05 si la France Insoumise a tenté
46:07 de créer une polémique autour de l'antisémitisme
46:09 de Bares, ce n'est pas un hasard ?
46:11 Je vais y venir, mais je voulais juste
46:13 terminer sur le
46:15 propos d'avant sur
46:17 France Mémoire,
46:19 qui explique aussi que commémorer,
46:21 ce n'est pas la même chose que célébrer.
46:23 L'article n'était pas une célébration, mais
46:25 une explication historique.
46:27 Maintenant, vous avez raison,
46:29 je vais en venir à Jean-Luc Mélenchon
46:31 et à la France Insoumise.
46:33 Je crois que ce n'est pas du tout un hasard
46:35 s'ils s'excitent sur un papier
46:37 et s'ils créent une politique
46:39 totalement inutile
46:41 et artificielle. Je crois qu'en réalité,
46:43 aujourd'hui, l'extrême-gauche a
46:45 elle-même un problème avec l'antisémitisme.
46:47 Je vais vous rappeler
46:49 à Jean-Luc Mélenchon certains faits.
46:51 Le défilé dans une manifestation
46:53 avec les islamistes
46:55 avec une étoile jaune
46:57 pour faire croire
46:59 que les musulmans d'aujourd'hui seraient
47:01 les juifs d'hier, comme s'il y avait
47:03 des comptes de concentration en France. Je crois que c'était
47:05 une mémoire, une insulte
47:07 à la mémoire de ceux
47:09 qui ont péri
47:11 dans la Shoah. Mais Jean-Luc Mélenchon
47:13 ne s'est pas arrêté là. Il a
47:15 expliqué que Jésus avait tué
47:17 ses compatriotes. C'est quand même une référence
47:19 au peuple déicide. Je pense que
47:21 notre personnage politique, Jean-Luc Mélenchon,
47:23 en retenu de tels propos,
47:25 il aurait eu de lourdes
47:27 polémiques et de lourdes conséquences.
47:29 Il a soutenu, par exemple,
47:31 Jérémie Corbyn.
47:33 Jérémie Corbyn, qui était
47:35 le leader du Parti
47:37 travailliste et qui a été renié par son propre
47:39 parti, justement, parce qu'il était
47:41 antisémite. Il a expliqué
47:43 que l'affaire Merah,
47:45 c'était un complot.
47:47 Il avait une thèse complotiste en disant "c'est bizarre,
47:49 il se passe toujours
47:51 des attentats comme
47:53 l'attentat de Mohamed Merah, on rappelle
47:55 le massacre d'Ozar Athora,
47:57 une école juive, des enfants
47:59 juifs tués à beau portant". Il a
48:01 expliqué "c'est curieux, ça arrive juste avant
48:03 la présidentielle". Donc là, on était dans une
48:05 thèse complotiste
48:07 extrêmement limite. Et enfin,
48:09 effectivement, et Jean-Luc Mélenchon le dit
48:11 même dans son tweet,
48:13 apparemment, la France insoumise
48:15 trouve choquant de faire un article d'histoire
48:17 sur Barès, mais ne trouve pas choquant
48:19 d'inviter Médine.
48:21 J'ai fait une chronique sur ce plateau pour expliquer
48:23 l'ambiguïté de Médine sur
48:25 l'antisémitisme. Et ça
48:27 rejoint un problème contemporain,
48:29 c'est qu'aujourd'hui, peut-être qu'il y a un
48:31 antisémitisme résiduel à l'extrême droite,
48:33 par exemple, chez des gens comme Rivarol,
48:35 mais qui sont extrêmement marginaux,
48:37 qui étaient d'ailleurs très durs pendant la campagne
48:39 présidentielle avec
48:41 Éric Zemmour. Mais aujourd'hui, l'antisémitisme
48:43 qui tue est un
48:45 antisémitisme inspiré
48:47 par l'islamisme.
48:49 Je ne vais pas rappeler Sarah Halimi,
48:51 je ne vais pas rappeler Ilhan Halimi,
48:53 je ne vais pas rappeler Mohamed Mera,
48:55 je ne vais pas rappeler l'hyper-kachère.
48:57 Je les rappelle et je pourrais rappeler d'autres
48:59 cas. Je pourrais rappeler que
49:01 dans le 93, il n'y a plus d'enfants juifs
49:03 dans les écoles publiques, puisque les parents
49:05 craignent pour la sécurité
49:07 de ces enfants-là, tout simplement
49:09 parce qu'ils sont victimes d'agressions
49:11 d'autres élèves
49:13 qui sont souvent
49:15 musulmans et qui sont imprégnés
49:17 d'une idéologie islamiste
49:19 antisémite.
49:21 On n'entend pas Jean-Luc Mélenchon
49:23 sur ces questions-là. Non seulement on n'entend pas,
49:25 mais il semble flatter
49:27 les penchants
49:29 antisémites d'une partie
49:31 des banlieues. Je ne dis pas de toutes les banlieues,
49:33 je ne dis pas tous les musulmans, mais d'une partie
49:35 d'entre elles, notamment en invitant
49:37 des gens comme Médine. Je trouve ça très bien
49:39 que Jean-Luc Mélenchon et la France
49:41 Insoumise créent des polémiques
49:43 artificielles, puisque c'est l'occasion
49:45 de leur rappeler
49:47 tout leur passif et de leur rappeler
49:49 qu'hélas, des
49:51 juifs meurent aujourd'hui en France.
49:53 Ils ne sont pas responsables directement,
49:55 mais je crois qu'ils ne font rien pour l'empêcher.
49:57 Merci beaucoup Alexandre de Vécu. Justement, ça vous fait
49:59 réagir, cet édit au Régis Le Sommet.
50:01 Ça me fait réagir parce que là, sur
50:03 le fait que Le Figaro
50:05 publie un article,
50:07 un angle
50:09 sur la figure
50:11 historique de Maurice Barres et puis que
50:13 la France Insoumise s'en empare,
50:15 je trouve ça, et c'est tout
50:17 à fait à leur habitude, une hypocrisie
50:19 incroyable, parce que quand on voit
50:21 eux, les fondements de leur pensée
50:23 et leur penseur en particulier,
50:25 certains du XIXe siècle, sont
50:27 quasiment ouvertement antisémites. Je pense à
50:29 Proudhon, je pense à Bakounine,
50:31 je pense même à Louis Blanc, les fondateurs
50:33 du socialisme français, certains
50:35 ont des propos sur les Juifs
50:37 qui, en fait, ils expliquent justement
50:39 en disant que le Juif est l'exploitant
50:41 du travail, du travailleur
50:43 en fait, c'est lui qui capitalise.
50:45 Donc il y a un antisémitisme
50:47 d'extrême-gauche qui n'est jamais,
50:49 jamais rappelé quand on parle
50:51 justement du corps doctrinaire
50:53 de la France Insoumise.
50:54 C'est rapide Nathan Devers, avant de rendre l'antenne à Elodie Huchard.
50:56 Sur Barres, il faut rappeler une chose qui est majeure,
50:58 c'est qu'au début de l'affaire Dreyfus,
51:00 Léon Blum, jeune intellectuel, s'engage pour Dreyfus,
51:02 qui est le premier intellectuel qui va voir à son
51:04 appartement de Neuilly pour le convaincre d'être
51:06 Dreyfusard, c'est Maurice Barres. Pourquoi ?
51:08 Parce que, et c'est ça qui est très important,
51:10 Maurice Barres a créé une pensée dangereuse de l'enracinement,
51:12 mais avant de créer cette pensée, c'était l'auteur du culte
51:14 du moi. C'était l'auteur au contraire de la liberté
51:16 la plus totale, un peu typiquement
51:18 comme celle que j'évoquais tout à l'heure. Et donc, évidemment,
51:20 vous avez raison sur ce point, c'est qu'il y a une profonde
51:22 complexité de la pensée de Barres qui fait que quelqu'un
51:24 comme Aragon pouvait le tenir comme le maître romanesque
51:26 par excellence, et que s'interdire
51:28 de lire Barres, c'est la chose la plus bête
51:30 qui soit, et que lire Barres, c'est pas une complaisance
51:32 envers ni les thèses
51:34 barrettiennes, ni envers ce qu'il y a de
51:36 dangereux politiquement. - Merci beaucoup, messieurs.
51:38 Merci pour ce soir, merci de nous avoir suivis.
51:40 Je vous laisse avec Élodie Huchard pour l'heure des produits.
51:42 [Musique]