Dans certains coins de France, on a vécu mai surtout survécu d'eau fraiche et de...fruits En Guadeloupe, la banane a longtemps constitué un moyen de subsistance des esclaves noirs avant d'accompagner l'essor économique de l'île au XXe siècle. En Provence, sur les versants boisés du massif des Maures, pousse en abondance celui qu'on appelle "l'arbre de vie". Le châtaignier offre, depuis 2 000 ans, une source d'alimentation qui fut longtemps indispensable aux habitants de la région. La culture de la châtaigne, développée dès le XIIe siècle par les Chartreux du Monastère de Notre-Dame de Clémence de la Verne, va permettre l'essor économique et faire la renommée des villages du massif. Année de Production : 2023
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00:00 (Générique)
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00:35 -On va rentrer dans la banane.
00:39 Regardez comme c'est agréable.
00:41 De zéro à six mois, le bananier atteint son âge adulte.
00:44 Six mois après, voilà le résultat.
00:46 Le bananier fait sa fleur.
00:48 Regardez, la fleur est sortie.
00:51 Quelqu'un m'avait dit un jour
00:52 que la banane, c'est le fruit béni des dieux.
00:55 La nature lui a tout donné.
00:57 -Elle est le sourire éclatant de la Guadeloupe.
01:01 ---
01:05 -Originaire d'Asie du Sud-Est,
01:07 la banane a trouvé sur l'île Papillon sa terre d'élection.
01:11 Des bananeraies s'étendent à perte de vue
01:15 au pied des montagnes ou dans les plaines,
01:17 régnant en maître sur la nature de l'archipel.
01:20 Introduite dans l'ère carribe au XVIe siècle,
01:24 elle se voit bientôt,
01:26 à la différence d'autres cultures symboles de souffrance,
01:29 comme la canne à sucre ou le café,
01:31 associée pour les esclaves africains à un début de liberté.
01:35 Si elle a bouleversé,
01:37 parfois pour le pire, avec sa culture intensive,
01:40 l'équilibre et la santé écologique de l'île,
01:43 la perle jaune antillaise a constitué pour sa population
01:47 une voie d'émancipation.
01:48 ...
01:52 ...
02:04 L'histoire du bananier en Guadeloupe
02:06 s'enracine très tôt sur les terres amérindiennes,
02:10 comme ici, sur la basse terre, dans la ville de Trois-Rivières.
02:14 ...
02:17 Le parc archéologique des roches gravées
02:19 forme l'un des plus beaux témoignages d'art rupestre
02:22 laissé par les peuples amérindiens,
02:24 qui furent les premiers à habiter l'île des 6000 avant J.-C.
02:28 ...
02:31 -C'est un site sacré,
02:32 emprunt de spiritualité des Amérindiens,
02:35 qui sont des peuples animistes,
02:37 qui croient en une force de vie
02:40 qui est liée en toutes choses,
02:41 dans les arbres, les volcans, la mer, l'eau.
02:44 Et ces roches gravées, ces figures gravées dans la roche,
02:48 font partie de l'émanation de cette spiritualité amérindienne.
02:53 ...
03:06 Ce sont des figures assez schématiques.
03:09 La figure que nous avons ici, surnommée le "cacique",
03:12 en référence au grand chef des Grandes Antilles,
03:15 on a le rond pour la tête,
03:18 deux ronds creusés pour les yeux et un pour la bouche,
03:22 et une coiffe qui lui a valu ce surnom de chef, en réalité.
03:27 ...
03:28 -Des pétroglyphes, vieux de plus de 1 500 ans,
03:32 qui évoqueraient également des mythes de création
03:34 autour de l'agriculture,
03:36 et notamment du maïs et du manioc,
03:39 les deux plantes les plus importantes
03:41 du monde agricole amérindien.
03:42 ...
03:45 -On a très tôt des plantes qui viennent d'Europe et d'Afrique,
03:48 notamment de zones équatoriales et tropicales,
03:51 les mêmes environnements qu'ici, qui vont être adoptées,
03:54 dont la canne à sucre, l'indigo aussi, et la banane.
03:59 ...
04:01 -C'est au XVIe siècle que les toutes premières expéditions espagnoles
04:05 introduisent le bananier aux Antilles.
04:07 ...
04:09 -C'est une plante qui, comme elle est tropicale,
04:11 va certainement facilement se développer.
04:14 Les Amérindiens vont voir qu'on peut manger,
04:17 que ça s'adapte bien à leur consommation,
04:19 et vont l'adopter très rapidement.
04:21 A cette époque-là, la banane n'est pas vue comme une culture de rendement,
04:25 mais une culture vivrière, qui va accompagner
04:28 ce mouvement de colonisation, notamment avec la canne à sucre.
04:31 ...
04:33 -Une culture nourricière qui joue un rôle inattendu
04:36 pour les esclaves africains, amenée à partir du XVIIe siècle
04:40 par les colons français.
04:42 ...
04:50 Dans l'ouest de la Bastère, la plus ancienne commune de l'île,
04:54 vieux habitants abritent sur les hauteurs la grivelière,
04:58 une plantation de café fondée à la fin du XVIIIe siècle,
05:01 dans laquelle s'est discrètement immiscée la banane.
05:04 ...
05:07 -Les habitations que l'on voit derrière nous
05:10 sont les anciennes habitations des esclaves,
05:12 qui ont été restaurées à l'identique.
05:14 Les cases d'ouvriers étaient des bâtisses assez sommaires.
05:18 Souvent, c'était globalement deux pièces.
05:20 Généralement, une pièce où la famille mangeait,
05:22 et puis, par exemple, une autre pièce où la famille dormait,
05:26 à même le sol.
05:27 C'était vraiment des conditions très rudimentaires.
05:30 ...
05:41 C'était des conditions de travail assez pénibles,
05:44 puisqu'on est dans une zone très ponctue,
05:46 avec des accès difficiles, il y a beaucoup de charges à porter.
05:50 ...
05:51 -Exploitées jusqu'à l'épuisement,
05:54 les esclaves trouvent pourtant un semblant de répit.
05:57 Ils cultivent leur lopin de terre,
06:00 et c'est là que figure en bonne place une plante
06:02 qui leur est déjà familière, le bananier.
06:05 ...
06:07 -Le jardin de l'esclave, c'est le prémice
06:10 de ce qu'on a appelé le jardin créole, en Guadeloupe.
06:13 C'est un jardin qui est destiné essentiellement à de la subsistance.
06:16 Les esclaves qui vivaient justement dans ces zones enculées
06:20 se nourrissaient de plantes à tubercules, ignames,
06:23 patates douces, que l'on trouvait ici,
06:26 et puis, en matière de bananes, les bananes à cuir,
06:29 qu'on appelle les bananes-légumes de type plantain,
06:31 mais aussi les bananiers-desserts.
06:33 C'est un aliment qui convenait très bien
06:35 pour pouvoir "caler" les sobas des travailleurs,
06:40 parce que lorsque vous travaillez dans le couchon, c'est dur.
06:44 C'était surtout utilisé comme aliment énergétique à la base.
06:47 ...
06:51 C'était vraiment le symbole de l'autonomie alimentaire.
06:54 Une fois que j'ai cette touffe,
06:56 je sais que sur plusieurs mois, je vais avoir des régimes.
07:00 J'ai de quoi nourrir ma famille dans la durée,
07:02 avec un minimum d'entretien.
07:04 C'est pour ça que le bananier a une très forte symbolique.
07:08 Et grâce au bananier,
07:10 justement, les esclaves ont pu...
07:12 Alors, soit ceux qui maronnaient
07:16 ou ceux qui vivaient dans une exploitation,
07:19 ils ont pu garantir une alimentation dans le long terme pour leurs enfants.
07:23 ...
07:27 -Une culture nourricière majeure pour les Guadeloupéens,
07:30 qui voit grâce à elle leur destin changer au XXe siècle.
07:34 ...
07:38 Située dans le sud-est de la Basse-Terre,
07:41 Cap-Esther-Belleau est riche de nombreuses bananeraies,
07:45 dont celle de Jean-Michel Emmanuel,
07:47 exploitant depuis plus de 50 ans.
07:49 ...
07:51 Initié très jeune à la culture de la banane par son grand-père,
07:55 il a toujours su qu'il consacrerait sa vie aux fruits au blond.
07:58 ...
08:04 -Je suis fou de banane.
08:07 Et je vais vous dire pourquoi.
08:11 Si je n'avais pas fait ce métier-là,
08:14 je n'aurais pas su.
08:16 Mais j'aurais loupé ma vie.
08:18 -Après l'abolition de l'esclavage en 1848,
08:22 les anciens esclaves continuent majoritairement
08:25 de travailler au sein des grandes exploitations.
08:28 Ce n'est que 80 ans plus tard
08:30 que leurs descendants gagnent enfin leur indépendance économique.
08:34 A la fin des années 1920, un cyclone ravage l'île
08:38 et entraîne le remplacement des cultures de cacao et de café
08:42 par celle de la banane-dessert, qui a de plus en plus de succès.
08:46 A la différence de l'exploitation de la canne à sucre,
08:49 concentrée entre les mains de la grande propriété,
08:52 la culture du bananier devient alors le fait
08:55 de petits et moyens producteurs.
08:57 -Quand vous grandissez au début du XXe siècle,
09:01 je parle de mes parents, que vous n'avez rien,
09:03 que vous n'avez pas grand-chose,
09:05 et que petit à petit, vous avez la possibilité
09:08 de devenir vous-même un entrepreneur,
09:10 même si vous êtes petit,
09:11 cela ne peut pas être perçu
09:14 autrement qu'en tant que progrès, un progrès social.
09:17 Donc si vous voulez, tout cela participe du fait
09:20 que la banane a été essentielle dans l'évolution du pays.
09:24 Pendant des années, cela a permis la création d'emplois,
09:28 cela a fait vivre des milliers de personnes.
09:31 -Lorsqu'en 1946,
09:33 elle devient département français d'Outre-mer,
09:36 la Guadeloupe opère une nouvelle mutation.
09:38 La politique de modernisation agricole,
09:41 impulsée par le général de Gaulle dans les années 1960,
09:44 favorise alors l'accès à la propriété foncière,
09:47 notamment pour les petits planteurs de bananes.
09:50 Une révolution pour la société guadeloupéenne.
09:53 -La banane a été un véritable eldorado.
09:56 Elle a permis précisément l'émergence
09:58 d'une petite bourgeoisie paysanne.
10:01 Et qui dit émergence d'une petite bourgeoisie paysanne,
10:04 dit aussi une autre vision du monde,
10:07 une autre perception, plus de possibilités.
10:10 Et cela a aussi permis à un bon nombre de jeunes guadeloupéens
10:15 d'accéder aux universités
10:17 et d'avoir une formation à l'égal
10:19 de tous les autres enfants de ce monde-là.
10:23 Elle va permettre à un bon nombre de familles
10:27 d'avoir une protection sociale
10:29 pour que les avancées sociales suivent.
10:31 Musique intrigante
10:34 -Mais avec la monoculture,
10:36 le fruit du bonheur devient bientôt le fruit du malheur.
10:40 Utilisé massivement pour lutter
10:42 contre un parasite s'attaquant aux cultures de bananes,
10:46 un puissant pesticide, le chlordécone,
10:48 finit par souiller les sols
10:50 et affecter la santé des guadeloupéens.
10:52 ...
10:55 -Le scandale du chlordécone a eu comme effet
10:58 de nous faire prendre conscience
11:00 de la pauvreté d'un adage que nous avons chez nous.
11:03 C'est un adage qui dit la chose suivante.
11:05 "Nous ne sommes que des locataires d'une terre
11:08 "qui appartient à nos enfants."
11:09 Et on le disait.
11:12 Mais le scandale du chlordécone nous a fait
11:14 vraiment prendre conscience de ce que c'est.
11:17 Et nous avons compris qu'il fallait que nous prenions soin
11:20 de cet outil qui est la Guadeloupe,
11:23 qui sera toujours la Guadeloupe
11:25 et qui sera toujours à la disposition
11:27 de ceux qui seront là, génération après génération.
11:30 ...
11:38 -À Trois-Rivières, à l'heure de la transition écologique,
11:41 la maison de la banane incarne des pratiques agraires
11:44 respectueuses de l'environnement.
11:46 -Venez, je vais vous montrer où j'ai planté la vanille.
11:50 Venez voir ça.
11:51 -Fondée il y a 20 ans par Nancy Bureau,
11:53 elle offre au regard, dans un magnifique jardin créole,
11:57 de multiples espèces végétales et diverses variétés de bananes.
12:01 -La banane, c'est un fruit, effectivement,
12:04 qu'on peut trouver toute l'année.
12:06 C'est un fruit qui coûte pas très cher,
12:08 donc tout le monde a accès à la banane.
12:11 Chez nous, en Créole, on dit "banane en toutes sauces",
12:14 à toutes les sauces.
12:15 Le bananier, c'est le roi du jardin.
12:17 On a plusieurs variétés. J'ai la banane-pomme,
12:20 j'ai la musabé-carie avec la fleur jaune,
12:22 j'ai les petites frissinettes.
12:24 La frissinette, c'est la plus petite variété qu'on peut manger.
12:28 Musique douce
12:30 ...
12:42 Ce matin, on va faire un smoothie.
12:44 On va utiliser la banane-pomme.
12:46 -Délicieuse.
12:48 -Vous savez pourquoi on l'appelle banane-pomme ?
12:50 Parce qu'il y a une acidité derrière qui rappelle la golden.
12:54 Je vais éplucher la banane.
12:55 On garde comme ça.
12:57 -Voilà. Tu peux mettre ça aussi.
12:59 Allez-y. Travaille, ça ira.
13:01 -Action.
13:02 ...
13:06 -Oh là là !
13:07 ...
13:11 -Dans les yeux !
13:12 -Dans les yeux. Voilà.
13:14 -C'est délicieux.
13:16 -Délicieux.
13:17 -C'est quand du bonheur.
13:18 Comme on dit, la banane de Guadeloupe, c'est la meilleure.
13:22 Vous avez vu le goût que ça a ?
13:24 C'est dans notre patrimoine.
13:26 On ne pourra pas s'en passer.
13:27 S'il n'y a plus de banane, il n'y a plus de vie.
13:30 ...
13:37 Musique douce
13:39 ...
13:45 Musique douce
13:48 -Dans le Var,
13:50 sur les bords de la Méditerranée,
13:52 le Massif des Morts domine un paysage
13:55 dont l'austère beauté s'étend à perte de vue.
13:58 ...
14:01 Il tient son nom de la langue provençale
14:03 "Lehi-Mahouro",
14:05 signifiant "la montagne noire".
14:07 ...
14:10 Derrière son aspect mystérieux,
14:12 ce massif abrite un arbre
14:14 dont le fruit d'automne gorgé de soleil
14:16 recèle saveurs et richesses nourricières,
14:19 le châtaignier.
14:20 -On l'appelle l'arbre de vie.
14:22 Ca veut tout dire.
14:23 Ca donne aux gens le caractère,
14:25 ça donne à la région l'économie.
14:27 Les samedis, les dimanches,
14:29 toutes les familles sont dans la châtaignerie.
14:32 -Pendant des siècles, la châtaigne ou le marron
14:35 va nourrir les populations rurales
14:37 et accompagner le développement de ce territoire.
14:40 Il en fait encore aujourd'hui la renommée.
14:43 -Ca faisait des années qu'on avait
14:46 une aussi belle récolte.
14:48 -C'est à la fin de l'été que se récolte la châtaigne.
14:51 Depuis plus de 2 000 ans,
14:53 elle se ramasse à la main, comme au temps des Romains.
14:57 A l'époque, le massif des Morts se trouve
14:59 sur les anciennes routes pavées
15:01 qui reliaient l'Italie au sud de la France.
15:04 ...
15:09 -Ce qui est intéressant, c'est que les châteignes
15:12 sont les plus riches en châtaignes.
15:14 ...
15:17 -Durant la paix romaine,
15:18 entre 6 000 et 8 000 légionnaires
15:20 s'installent sur la côte varoise.
15:23 La châtaigne, très présente
15:25 dans les régions entre Rome et Turin,
15:27 fait alors partie de leur nourriture
15:29 et de leur pharmacopée.
15:31 -Les Romains qui parcouraient
15:34 un trajet de Rome vers Arles
15:38 ont très vite compris que la châtaigne
15:41 était un aliment qui pouvait se conserver
15:43 lorsqu'il la faisait sécher, lorsqu'il la transformait
15:46 en farine pour faire du pain.
15:48 C'était un produit qui leur permettait,
15:50 à tout moment, où qu'il soit, de vivre
15:52 et de pouvoir continuer à vivre.
15:54 On les retrouve ici, parce qu'ils ont emmené avec eux
15:57 des plantations de châtaigniers.
15:59 ...
16:02 -Mais c'est au Moyen Âge, sous l'impulsion des moines,
16:05 que le massif va véritablement se recouvrir de bocs piquants.
16:09 En 1170, deux Chartreux,
16:12 dont l'ordre exige qu'ils mènent une vie austère et reculée,
16:15 cherchent un lieu isolé.
16:17 Ils trouvent un prieur,
16:19 le monastère de la Verne,
16:21 perché à flanc de colline, seul,
16:24 au milieu du massif.
16:26 Pour eux, le paradis.
16:28 Aujourd'hui, la communauté des Sœurs de Bethléem,
16:32 plus ouverte, a remplacé celle des Chartreux.
16:35 L'impressionnante bâtisse
16:37 abrite toujours les douze ermitages.
16:40 Située de chaque côté du Grand Cloître,
16:43 ces demeures individuelles sont conçues
16:45 pour permettre aux Chartreux de vivre reclus
16:48 dans un silence absolu.
16:50 Indirectement, la châtaigne du Var
16:53 va naître de la retraite de ces Chartreux.
16:56 -Le Chartreux, c'est prière,
16:59 méditation, lecture de livres pieux,
17:02 tout ceci dans la solitude.
17:05 Son repas est servi à travers un guichet,
17:09 c'est-à-dire une sorte de passe-plat.
17:11 Il ne rencontre même pas le regard du converse
17:14 qui va lui déposer ce repas.
17:16 -Dans leurs assiettes,
17:18 des menus fortement influencés
17:20 par le choix de l'implantation dans le massif des morts.
17:24 Les moines converses,
17:25 qui gèrent l'organisation du monastère
17:27 en permettant aux Chartreux de vivre dans leurs cellules,
17:31 vont se servir de ce qu'ils ont à disposition.
17:33 ...
17:42 -Nous voici dans la boulangerie.
17:45 On a un énorme four
17:48 qui va aller chauffer un jour ou deux
17:52 avant la cuisson des pains
17:55 à la châtaigne
17:58 pour l'ensemble de la communauté,
18:00 à la fois pour les Chartreux, les converses
18:02 et les familiers laïcs,
18:04 ce qui représentait une bonne quarantaine de personnes.
18:07 Ici, on n'a pratiquement pas de possibilité
18:10 de cultiver le blé,
18:12 donc le pain, c'était à base de cette farine.
18:16 Musique douce
18:18 -Sans autre choix,
18:20 la châtaigne devient la base de leur alimentation.
18:22 Les converses vont développer sa culture,
18:26 favorisée par le climat du sud de la France.
18:29 ...
18:31 Ils pratiquent plantation et greffage.
18:34 Le domaine s'étend alors sur tous les versants nord
18:37 des collines entourant le monastère.
18:40 ...
18:42 -Les Chartreux arrivent ici,
18:43 donc il y a effectivement présence de châtaigniers.
18:47 C'est un arbre qu'on peut cultiver.
18:50 Ils ont véritablement créé des exploitations,
18:54 c'est-à-dire qu'on a une formation de vergers.
18:57 On le voit très bien,
18:59 vous avez des rangs de châtaigniers.
19:01 Un châtaignier est planté tous les 10 m environ.
19:04 C'est effectivement les Chartreux qui l'ont mis en place.
19:07 -Pour leur main-d'oeuvre,
19:09 les converses vont employer la population locale.
19:12 Il faut alors beaucoup de monde pour exploiter ces terres
19:15 qui s'étendent sur 3 000 hectares.
19:18 Au plus fort de l'essor du domaine,
19:20 on viendra de toute la région pour travailler la châtaigne.
19:24 Musique douce
19:28 ...
19:31 Au XVe siècle, l'afflux de travailleurs
19:33 transformera le massif des morts.
19:36 De nouveaux villages voient le jour à la lisière de la forêt.
19:40 ...
19:45 Au village des Mayons, l'un des hameaux
19:48 qui a vu le jour grâce au monastère,
19:50 on a même confié sa protection au grand-père châtaignier.
19:54 ...
19:57 L'arbre millénaire qui domine le village
20:00 veille sur ses habitants.
20:01 ...
20:06 -C'est le symbole du village,
20:08 puisque la châtaigne, c'est ce qui a permis aux gens
20:11 de pouvoir vivre et de pouvoir développer leur économie.
20:15 La châtaigne, c'est l'emblème du village.
20:18 C'est pour ça que sur le blason des Mayons,
20:20 on retrouve la bogue de la châtaigne.
20:23 ...
20:27 ...
20:32 -Vas-y, pousse, pousse.
20:34 ...
20:36 -Dans les petites ruelles des Mayons,
20:38 la châtaigne est toujours reine.
20:40 Le village doit tout à cette forêt.
20:43 Certaines façades de maisons affichent même fièrement
20:46 les outils qui ont permis au village de se développer.
20:50 -Ici, on est vraiment sur le vieux quartier,
20:53 où les premières maisons se sont implantées dès le XVe siècle,
20:56 quand on a les premiers travailleurs qui viennent exploiter la forêt,
21:00 les charbonniers, le chêne-niege, la châtaigne.
21:03 On a une population qui est assez pauvre,
21:05 donc ça va être des habitats de fortune
21:07 qui vont se construire avec les roches qu'on trouve sur place.
21:11 On va pas dire que c'est de la survie,
21:13 mais ça va être de la vie très modeste.
21:15 Et donc, c'est vraiment les habitats à proximité de la forêt
21:19 pour rester à proximité du lieu de travail,
21:22 ne pas avoir à revenir aux autres communes alentours.
21:25 Et petit à petit, les maisons vont s'étendre sur la colline,
21:30 puisqu'on va avoir de plus en plus de personnes
21:32 qui viennent travailler dans la forêt.
21:35 -Les Mayons vont connaître différentes vagues
21:40 d'immigration successives.
21:42 Les Allemands, d'abord, puis, à partir du XVIIIe siècle,
21:45 les Italiens, pour cultiver la châtaigne et l'olivier.
21:50 Musique douce
21:52 ...
21:55 Mais au XIXe siècle,
21:57 le développement du train va changer la donne.
22:00 En 1862, la ligne impériale Paris-Lyon-Méditerranée,
22:04 voulue par Napoléon III,
22:06 s'arrête à la gare le Luc-le-Canet, au coeur du Massif des Morts.
22:10 Son architecture napoléonienne,
22:12 qui tranche avec le style simple du Massif,
22:15 laisse imaginer la révolution qu'elle fut pour la région.
22:19 -Cette gare, dans la plaine des Morts, ici,
22:22 ça va favoriser, effectivement,
22:25 cette nouvelle économie autour de la châtaigne.
22:28 On va plus avoir de facilité à transformer la châtaigne
22:31 et à l'amener sur les grandes tables,
22:33 avec des recettes particulières, le marron glacé, la dinde aux marrons.
22:37 Ca va devenir un produit de luxe,
22:39 alors que, localement, c'est plutôt le produit du pauvre,
22:42 des gens du pays.
22:44 -A la fin du XIXe siècle,
22:47 le marron du Luc devient une véritable marque.
22:50 Quatre wagons remplis de châtaignes
22:52 partent chaque jour vers les principales villes de France.
22:56 L'image du marron du Luc rayonne,
22:59 et un village en particulier va tirer ses marrons du feu,
23:02 Colobrière.
23:04 Ce village a tout le charme du sud de la France.
23:09 Petites rues escarpées, maisons colorées
23:12 et ambiance conviviale.
23:16 Dans les années 1940,
23:18 le village a décidé d'exploiter lui-même sa production.
23:22 Sa principale usine, la confiserie azuréenne,
23:25 va lui permettre de s'imposer comme la capitale de la châtaigne.
23:30 -Regardez, messieurs-dames, regardez.
23:32 C'est du joyau, ça.
23:34 -Pourtant, rien ne prédestinait ce petit village
23:37 connu pour ses chênes lièges
23:39 à se spécialiser dans le marron glacé.
23:41 C'est un événement dramatique qui va servir de tremplin.
23:47 -La confiserie azuréenne, auparavant,
23:49 c'est une usine qui fabrique des bouchons de liège.
23:52 Il y a un incendie grandiose sur les années 47-48,
23:56 et l'usine de liège ne pouvant plus fonctionner,
24:00 les propriétaires de l'époque ont l'heureuse idée
24:04 de se servir du produit naturel dans cette région,
24:07 et c'est la châtaigne.
24:09 Les gens du village viennent emmener la récolte
24:12 et les gens de l'usine travaillent autour du marron,
24:15 ce qui fait que l'économie de ce village
24:17 a été principalement menée et portée
24:21 par la confiserie azuréenne.
24:23 Musique intrigante
24:26 ...
24:30 -La crème de marron et le marron glacé,
24:32 dont la recette remonterait au XVIIe siècle,
24:34 à la cour de Louis XIV,
24:36 vont faire la renommée de ce petit village.
24:39 ...
24:47 Sa châtaigne urée s'étend jusqu'à devenir
24:50 la plus grande de la région.
24:52 Les produits de Colobrière
24:55 se retrouvent sur les tables des plus fins gastronomes.
24:58 ...
25:02 -Comme le goût de la châtaigne, ici, est un goût assez spécial,
25:05 qui est balayé par les vins marins
25:08 et qui donne ce goût particulier à notre produit,
25:11 les plus exigeants ont reconnu ce produit de haut de gamme, festif,
25:16 et qu'ils ont appelé le caviar de fin d'année.
25:19 ...
25:30 -Véritable patrimoine local,
25:33 les colobriérois en ont même fait une fête.
25:36 15 000 personnes se prestent alors dans le petit village.
25:39 Mais au moment de déguster,
25:41 rares sont ceux qui se souviennent de faire une petite prière
25:45 pour les austères chartreux,
25:47 qui ont malgré eux donné tant de plaisir.
25:50 ...
25:55 ...