• l’année dernière
Si 30 ans après l’affaire de la secte de l’Ordre du Temple Solaire, le mystère résolu reste très difficile à comprendre et les mouvements sectaires partout dans le monde prospèrent, cette série documentaire montre la lente et infernale mécanique de l’emprise et les difficultés d’en sortir.
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Transcription
00:00 ...
00:18 -Oui, dans la cave.
00:19 Dans la cave ou dans le placard de la cuisine en haut.
00:22 Dans le placard de la cuisine en haut, tu es privilégiée.
00:25 ...
00:33 -Ah !
00:34 -Ah, délicieux !
00:36 ...
00:38 -Marie de temps vert me cache la tête de Camille.
00:41 Ah, voilà.
00:42 ...
00:44 -Ouais, c'est leur anniversaire.
00:47 -C'est leur anniversaire.
00:48 -C'est leur mariage.
00:49 -Venez, petite mariage.
00:51 Vous avez un gros plat.
00:52 -Oui, bonsoir.
00:54 -Vous avez un gros plat.
00:55 ...
00:57 Vous n'êtes pas très enthousiaste.
00:58 Vous n'avez pas beaucoup de sourire.
00:59 On vous dit du taff, derrière.
01:01 ...
01:02 Je crois qu'elle préfère le poivre gras.
01:04 ...
01:07 -Alors, du dernier repas final,
01:09 je ne sais pas si on peut parler de la scène comme dans les évangiles,
01:11 mais enfin, c'est à ce côté-là,
01:13 où on parle ouvertement de transit sur Sirius,
01:16 que ça ne va pas tarder, que ça va arriver,
01:19 que c'est le moment des gens qui apparaissent détendus,
01:23 parfois rigolards, et on sait que ces gens-là ne sont pas morts de plaies par balle.
01:28 On sait qu'ils sont morts à la suite d'un travaineuse,
01:32 et on leur a inoculé un poison mortel.
01:37 C'est comme ça qu'ils sont morts.
01:39 ...
01:53 -Est-ce qu'ils ont validé ? Est-ce qu'ils ont accompagné ?
01:55 Est-ce qu'ils n'ont fait que suivre ?
01:56 Est-ce qu'ils l'ont fait par conviction, par fatalité ?
01:59 Je crois, objectivement, je le dis avec beaucoup de sincérité,
02:03 personne n'est capable de l'expliquer.
02:05 ...
02:35 ...
02:51 -Pour comprendre le rôle du feu dans l'OTS,
02:53 il faut faire le détour par le processus de l'alchimie.
02:56 C'est pas le feu purificateur.
03:00 C'est pas le feu pour détruire les corps et pas laisser de traces.
03:04 C'est un feu qui permet au carbone des cellules, des adeptes,
03:09 carbone purifié, transformé,
03:13 de se transmuter en énergie.
03:15 Et cette énergie est nécessaire pour propulser jusqu'à Sirius
03:19 ce qui reste de l'adepte.
03:21 ...
03:26 -J'aurais pu regretter de découvrir
03:30 que je n'étais pas dans les petits papiers de nos maîtres
03:33 qui ont appelé des frères bien supérieurs à moi.
03:38 Et donc, il fallait bien que j'admette
03:41 que je n'étais qu'un petit homme de chair et d'os
03:44 qui devait terminer un cycle terrestre bien triste et bien monotone.
03:49 C'est vrai que j'aurais pu regretter ça, mais non.
03:52 J'étais quand même saisi par les horreurs,
03:54 par l'horreur de ce qui s'est passé.
03:56 Non, je n'ai pas eu ce cynisme-là.
03:58 ...
04:05 Je voulais contacter un médium.
04:07 Je me disais que j'irais bien écouter ce que Luc Jouret pourrait nous dire
04:11 de ce qu'il est devenu, du parcours qu'il a fait.
04:14 Je voulais trouver un médium pour interroger Luc Jouret.
04:17 Vous voyez les idées qu'on a, des fois.
04:21 ...
04:27 Je voulais savoir s'ils sont bien arrivés sur Sirius, déjà.
04:30 Si ceux qui les ont reçus sur Sirius
04:34 étaient contents du travail qu'ils avaient fait.
04:37 ...
04:38 Et si lui s'était rendu compte
04:40 de ce qu'il avait fait avant de partir sur la Terre.
04:43 Dans un certain nombre de documents qu'on a trouvés à Salvan,
04:46 on trouve un document écrit, d'après mes souvenirs,
04:50 dans lequel Jody Mambrou critique Luc Jouret
04:53 sur ce qui s'est passé à Chéry.
04:55 Parce qu'à Chéry, les gens qui sont morts ont été assassinés.
05:00 On sait que Jody Mambrou n'a pas été à Chéry.
05:03 On sait qu'il était à Salvan quand les crimes de Chéry se sont commis.
05:06 ...
05:08 C'est toujours pareil. Est-ce sincère ?
05:10 Est-ce pour faire porter le chapeau post-mortem ?
05:13 A Jouret, on ne peut pas le savoir.
05:15 Dans ces documents, il dit qu'il voulait un transit tranquille et serein,
05:19 alors qu'en réalité, à Chéry, c'était un transit violent.
05:22 ...
05:30 Ce qu'on a découvert en 1994, dans les ordinateurs,
05:34 c'est que le transit vers Sirius
05:38 devait se produire à Saint-Sauveur, au Québec,
05:41 quand Luc Jouret recherchait des armes à feu.
05:44 ...
05:48 Il devait y avoir à l'intérieur 63 victimes.
05:52 Mais le fait qu'en 1993, par hasard, on enquête sur eux,
05:58 ça a comme dérangé leur plan,
06:00 et c'est pour ça qu'ils ont quitté le Québec
06:02 et ils sont retournés en Suisse.
06:05 ...
06:11 Mon frère m'a téléphonée,
06:13 et je sentais une voix assez profonde et un peu dramatique,
06:17 qui me dit « Mais tu as entendu les nouvelles ? »
06:19 Je lui dis « Oui, oui, j'ai entendu les nouvelles.
06:22 Mais tu te rends compte de ce qui est arrivé ?
06:25 Non, pas du tout. »
06:26 Et là, il a dit que c'était...
06:30 Enfin voilà, que toute cette communauté était partie en flamme.
06:35 J'ai évidemment immédiatement appelé ma mère,
06:38 qui, dans mon souvenir, n'était pas encore au courant.
06:41 Elle m'a immédiatement demandé
06:46 si je pouvais l'aider à localiser ses amis.
06:49 Et le moment d'alarme est venu,
06:53 et ça l'a beaucoup touché, mais moi aussi,
06:55 quand on a été visiter la maison de cette famille
06:59 avec trois ou quatre enfants, et qu'ils n'étaient pas là.
07:02 Puis c'était totalement inexpliqué qu'ils ne soient pas là.
07:04 Et là, on a tout de suite compris
07:06 qu'ils avaient probablement été aussi de la partie.
07:09 Au départ, on pensait que tout le monde s'était suicidé.
07:14 Mais une peur s'est installée chez les uns et les autres.
07:17 Je pense que ma mère l'a ressentie aussi.
07:19 On se demandait si quelqu'un allait pas venir la chercher
07:21 pour l'assassiner.
07:23 Voilà. Parce que c'était sorti assez vite
07:26 que ces gens ne s'étaient pas tous suicidés.
07:28 D'une certaine manière, moi, j'étais assez rassuré
07:38 qu'elle soit dans ce groupe.
07:40 Ça me paraissait des personnes un peu allumées, New Age,
07:43 mais je n'avais pas perçu ce côté-là.
07:46 Je crois qu'on a exprimé chacun nos inquiétudes
07:48 face à cet enfermement qu'on ressentait clairement chez maman.
07:53 Mais on n'a pas agi.
07:55 Et en fond, on ne savait pas trop comment agir.
07:57 Et on se disait, bon, c'est son choix et c'est son affaire, mais...
08:00 Puis après, après tout, je m'en fiche,
08:02 parce qu'encore une fois, elle s'en est sortie, donc...
08:05 Si j'avais perdu ma mère, je peux vous assurer
08:10 que je serais dans l'analyse et la souffrance
08:13 et infecté par ce drame
08:19 au point où je chercherais des explications,
08:22 et dans la colère et l'indignation perpétuelles.
08:26 Voilà, moi, je suis miraculé.
08:30 -Elle, clairement, elle a voulu tirer un trait et ne plus en parler.
08:35 Je pense qu'elle a vécu ça quand même comme un échec dans sa vie,
08:39 d'avoir fait partie, mais ça, elle ne l'a jamais dit.
08:42 -J'ai aussi... J'ai moi-même voulu enfouir certaines choses, probablement.
08:49 Je sais pas.
08:51 Je m'en veux de ne pas avoir plus dialogué avec elle.
08:54 En parlant avec vous, je me dis, c'est vrai,
08:56 j'aurais pu lui poser un tas de questions.
08:58 De toute manière, elle n'y répondait pas vraiment, quoi.
09:10 -J'ai ouvert les yeux au moment du premier massacre.
09:12 Là, je crois que le monde s'est écroulé.
09:17 Tout à coup, tout réapparaît,
09:23 et c'est la culpabilité absolue, tout à coup, de se dire...
09:26 "Mais je savais ça, et si j'avais prévenu ?"
09:30 Mais j'aurais pu, j'aurais dû prévenir pour que ça n'arrive pas.
09:37 Le sentiment de n'avoir pas fait...
09:40 Pas fait mon boulot.
09:43 D'homme.
09:45 La première impression après le massacre,
09:56 ça a été mon propre aveuglement.
09:58 Ça a été, moi, de me rendre compte à quel point...
10:03 Euh...
10:04 J'étais pas un homme qui tenait debout tout seul.
10:12 Et ça...
10:17 Quand on a 35 balais,
10:21 qu'on a l'impression d'exister pour quelque chose
10:24 et qu'on fait tout à coup ce constat...
10:26 que c'est du flan, tout ça, c'est de la posture,
10:30 c'est ce qu'on fait voir de soi,
10:32 mais qu'à l'intérieur, on est...
10:34 On tient pas debout.
10:39 C'est...
10:41 C'est extrêmement violent.
10:43 C'est extrêmement violent.
10:46 Musique douce
10:48 ...
11:05 Dire que j'ai fait des choses que je n'ai pas voulues,
11:09 ça, je peux pas le dire.
11:11 J'ai consenti à tout.
11:13 J'ai tout accepté et j'ai trouvé des bonnes raisons
11:16 de faire ce que j'ai fait.
11:17 J'ai adhéré, je peux dire, de cœur et d'âme
11:21 aux thèses du temple.
11:23 En jetant le regard, aujourd'hui,
11:30 sur toutes ces expériences-là,
11:32 c'était une descente aux enfers
11:36 dans le fantasme délirant d'un mystique
11:40 qui prenait vraiment ses désirs pour des réalités.
11:43 ...
11:49 Je pourrais presque dire
11:50 que j'ai connu deux Charles d'Auvergne.
11:53 Il y avait un Charles d'Auvergne des rituels
11:56 et un Charles d'Auvergne de la vie corrente.
11:59 J'étais sur ce versant-là.
12:01 Et quand j'ai fait la psychothérapie,
12:04 ma question qui revenait tout le temps,
12:07 je demandais à mon psychanalyste,
12:08 "Est-ce qu'il y a un nom à ce que j'ai vécu ?
12:11 "Est-ce qu'il y a un nom pour ça ?"
12:13 Il ne voulait pas me dire.
12:15 Et c'est à la fin qu'il m'a dit,
12:17 "Vous étiez sur un versant schizophrène."
12:20 Il m'a dit, "Il n'y avait pas de névrose,
12:23 "mais vous étiez sur le versant.
12:25 "Ça pouvait continuer."
12:27 Et je pense aujourd'hui que le mysticisme,
12:29 c'est une maladie grave.
12:36 ♪ ♪ ♪
12:46 Quand sont arrivées les meurtres et les suicides de l'OTS,
12:50 et que j'ai commencé à travailler ici, au Québec,
12:54 sur les suites à donner à ces choses-là,
12:56 comme reporter,
12:58 plus j'avançais dans l'enquête, plus j'apprenais des choses,
13:02 et moins j'étais en mesure de vérifier moi-même ces choses-là.
13:06 Ça m'a énormément déstabilisé.
13:08 ♪ ♪ ♪
13:17 Tout ce travail sur ces réseaux parallèles,
13:20 souterrains, politiques, m'a beaucoup intéressé.
13:23 Je soupçonnais des trafics d'armes, d'argent, de drogue.
13:26 Les histoires de comptes de banque à l'étranger,
13:29 des trafics d'armes internationaux.
13:32 ♪ ♪ ♪
13:41 Les membres, ces liens avec la mafia,
13:44 ces liens avec les services de secret français,
13:46 avec Charles Pascouin et tout ça.
13:47 ♪ ♪ ♪
13:54 Il y a bien un moment, dans notre métier,
13:56 où il faut qu'on trouve quelque chose de concret, de substantiel.
14:00 Un document, une interview même qu'on ne peut pas exploiter,
14:03 mais que quelqu'un nous a dit, comme on dit, en off.
14:05 Je me suis rendu compte que ça ne nous menait nulle part,
14:08 et là, j'ai vraiment cessé de me dire
14:13 qu'il y avait quelque chose de plausible là-dedans.
14:14 Et à ma connaissance, personne n'a abouti
14:17 à quelque chose de réellement sérieux.
14:18 Donc, pour moi, ça reste quand même du domaine de l'hypothèse,
14:21 voire même du fantasme.
14:23 On s'en va dans un autre monde complètement, là,
14:26 et on perd un peu pied là-dedans.
14:29 Comme disait le philosophe, la vérité se cache au fond du puits.
14:32 Et dans ce cas-là, je ne suis jamais allé au fond du puits.
14:35 Et je n'ai pas l'intention d'y aller.
14:37 ♪ ♪ ♪
14:48 Mon enquête a duré à peu près entre 4 et 5 ans.
14:51 Et c'est vrai qu'au fil du temps, on se rend compte
14:53 que quoi qu'on fasse, on n'avance pas, on n'a rien de plus.
14:57 Encore aujourd'hui, au moins toutes les semaines,
14:59 je me dis, tiens, cette affaire, tiens, je pense à ça.
15:02 Est-ce qu'on n'aurait pas pu faire ça ?
15:03 Est-ce que ça n'aurait pas été intéressant de faire ça ?
15:05 Vous voyez que c'est quand même une affaire qui m'a marqué
15:07 durablement, quand même.
15:09 Mais de toute façon, qui a marqué durablement ?
15:10 Tous les gens qui ont travaillé dessus.
15:12 Et moi, je m'étais toujours dit que peut-être qu'avec le temps passant,
15:16 des gens parleraient.
15:17 Personne n'a parlé depuis 20 ans.
15:19 Donc, probablement qu'on n'a pas fait fausse route.
15:22 Je ne pense pas.
15:24 Je pense que ce suicide collectif, c'est comme un cheval de Troie
15:27 pour éviter qu'on aille finalement comprendre un acte purement criminel
15:33 perpétré par des gens qui sont encore en vie aujourd'hui.
15:37 Alain Vuarnet aurait tellement voulu que les siens de mort
15:40 n'aient jamais eu en paix.
15:42 Pourtant, il se bat toujours contre la thèse avancée
15:45 par le juge Fontaine.
15:46 Pour Alain Vuarnet, il ne peut s'agir que d'un assassinat.
15:53 Alain Vuarnet soutenait qu'ils avaient été victimes
15:56 d'un assassinat pur et simple,
15:59 c'est-à-dire d'une intervention extérieure à la secte
16:02 motivée par des raisons politico-financières,
16:04 on ne sait pas trop lesquelles,
16:05 et qui aurait conduit à l'extermination de la secte
16:09 par des barbouzes, se débarrassant des cadavres à la fin
16:13 avec des lances-flammes au phosphore.
16:15 En juillet dernier, il fait exhumer les corps de sa mère
16:19 et de son frère pour donner de la vie à l'éthique.
16:21 Il a fait des tests sur les corps de sa mère et de son frère
16:23 pour de nouvelles analyses.
16:25 Selon les experts privés qu'il a nommés,
16:27 les cadavres contiendraient des doses anormales de phosphore.
16:30 La présence du phosphore sur la Terre
16:33 et sur les dépouilles de ma mère et de mon petit frère,
16:35 pour être clair, explique une intervention extérieure,
16:39 car le phosphore, vous ne pouvez l'utiliser qu'avec un lance-flamme.
16:42 Nous, on a prélevé de la Terre.
16:46 Nous, dans la Terre, on a des traces de supercarburant,
16:48 on n'a pas de traces d'autres produits, si vous voulez,
16:51 on n'a rien d'autre.
16:52 Et puis, j'allais dire, pourquoi ?
16:53 Pourquoi une complicité extérieure ?
16:56 Et si un lance-flamme avait été utilisé,
16:58 les crémations, on sait ce que c'est,
17:00 elles auraient été d'une autre envergure.
17:02 Je pense qu'on n'aurait pas reconnu les corps des victimes.
17:04 Une des raisons pour lesquelles la thèse complotiste
17:06 est apparue chez les familles des adeptes,
17:11 c'est la culpabilité qui peut naître chez ces familles
17:14 de ne pas avoir pris conscience de la relation d'emprise
17:19 dans laquelle leurs proches étaient encore liés.
17:22 Ce qui se passe dans la tête d'un individu,
17:24 on ne le voit pas au grand jour.
17:26 Et quand on le découvre au moment de la mort d'un individu,
17:29 c'est d'une violence incroyable.
17:30 Et il faut bien trouver des raisons.
17:32 On ne peut pas croire que des gens qu'on aime
17:34 ont fait ce geste tiré par la blague de se suicider
17:38 pour suivre des gens dans un autre système solaire.
17:43 C'est... ça n'a pas de sens.
17:46 On le sait bien.
17:47 Pourtant, il n'y a pas d'autre réponse à donner que ça.
17:52 La vérité des morts de l'OTS
17:55 est à trouver dans l'irrationnel, et pas dans le rationnel.
18:00 (musique douce)
18:03 - Le 23 mars 1997, je reçois un téléphone
18:21 pour m'aviser que, malheureusement,
18:24 il y a eu un incendie à Saint-Casimir.
18:27 - À l'intérieur de cet incendie-là, il y a cinq corps,
18:30 cinq victimes.
18:31 - Il restait quand même un petit noyau de fidèles
18:36 ici, au Québec.
18:37 - Dans ce chalet de Saint-Casimir,
18:40 les pompiers ne tardent pas à découvrir cinq cadavres
18:42 à l'intérieur de la maison.
18:44 Une femme de 63 ans gîte au rez-de-chaussée
18:47 avec un sac en plastique sur la tête.
18:49 Deux hommes et deux femmes sont étendus sur un lit à l'étage.
18:52 Peu après, les pompiers aperçoivent trois enfants
18:55 qui dormaient dans un hangar situé tout près du chalet.
18:58 - Ils semblaient perdus un peu à gare.
19:01 Immédiatement, les pompiers s'en sont occupés,
19:03 les ont emmenés au chaud,
19:04 et ils ont été emmenés voir un médecin.
19:06 - Les enfants ont été entendus par la Sûreté du Québec,
19:12 naturellement, puisqu'on est vraiment sur un témoignage direct.
19:15 Et d'après ce qu'ils disent,
19:18 c'est les parents qui leur ont proposé de partir,
19:20 et après discussion,
19:22 ils se sont refusés à cette fin funeste
19:25 et se sont écartés de leur famille
19:28 et se sont allés un petit peu plus loin dans la propriété
19:31 pour laisser advenir ce qui est advenu.
19:35 - Je sais qu'à plusieurs reprises,
19:37 les policiers ont rencontré les gens
19:39 parce qu'on craignait vraiment qu'eux aussi se suicident.
19:42 Moi, je leur ai demandé une chose,
19:44 de ne pas amener les enfants avec eux,
19:46 de laisser les enfants tranquilles, de les laisser vivre.
19:48 À ce moment-là, je savais pas qu'ils avaient fait
19:50 déjà une tentative la veille
19:52 pour amener les enfants avec eux.
19:54 Je l'ai appris plus tard, mais au moins, je me suis dit,
19:57 bon bien, si j'ai pu servir à quelque chose
20:00 pour sauver les enfants,
20:02 bien, c'est toujours ça de pris.
20:04 Malgré tout ce qui s'est passé,
20:07 malgré tout ce qu'on a dit sur l'OTS,
20:10 c'est assez troublant de se rendre compte
20:12 de l'emprise que Jouret et Dimambro
20:15 avaient exercée sur ces gens-là
20:17 pour que des années plus tard,
20:19 ils fassent la même chose.
20:21 (musique douce)
20:24 Une des découvertes qu'on a faites avec ma femme
20:39 après les histoires du temple,
20:41 c'est qu'on avait pas d'amis à l'extérieur.
20:43 Nos seuls amis, c'était l'ordre.
20:47 (musique douce)
20:50 Nous, on s'est retrouvés vraiment à ras les paquettes.
20:55 On était les parias dans le pays.
20:57 On était mal vus, on était rejetés,
21:00 on était exclus.
21:02 Et ça, ça a duré.
21:04 J'ai commencé mon métier de compteur.
21:06 J'ai des contrats qui ont sauté
21:08 parce que les gens savaient que je faisais partie du temple.
21:11 J'ai même eu un corbeau, un corbeau qui m'a suivi
21:14 quand ils savaient que j'avais un contrat.
21:17 Ils l'appelaient pour faire sauter le contrat.
21:20 Et puis les contrats sautaient, ça, je peux vous dire.
21:23 Et sans explication.
21:25 Ils ont été tellement stigmatisés.
21:34 Ils avaient peur, ils avaient peur de parler,
21:38 ils avaient peur que leur déposition
21:40 soit donnée à des journalistes.
21:42 Ils avaient peur d'être ridiculisés
21:44 avec un regard médiatique qui était malveillant.
21:47 Les médias et peut-être l'opinion publique se disaient
21:51 "C'est des illuminés, ils l'ont bien voulu,
21:54 tant pis pour eux, ils ont fait ce choix."
21:56 Notre action dans le temple
21:59 était quand même une action secrète.
22:01 Et donc la peur que le secret
22:05 pendant lequel on avait vécu dans le temple
22:08 était dans l'illégalité.
22:11 Voyez ? Que l'on était des hors-la-loi,
22:15 qu'on était des...
22:17 À cause de cette activité clandestine.
22:20 Cinq ans après le drame du Vercors
22:29 qui avait fait 16 morts,
22:31 l'OTS, l'organisation du Temple solaire,
22:33 sera face à la justice.
22:35 Elle sera représentée par une seule personne,
22:37 Michel Tabachnik,
22:39 soupçonné d'avoir poussé les membres de la secte
22:42 au suicide en décembre 1995.
22:44 Le procès va durer 15 jours.
22:46 Il s'intéressera à tout.
22:48 - Vous n'avez pas peur ? - Absolument pas.
22:50 - Vous allez dire quoi ? - Laissez-le nous entendre.
22:53 - Dans quel état d'esprit vous êtes ? - Pourquoi vous êtes là ?
22:57 Parce que je n'ai rien à me reprocher.
22:59 La seule personne poursuivie dans l'affaire
23:07 de l'ordre du Temple solaire,
23:09 c'était Michel Tabachnik,
23:10 le chef d'orchestre international.
23:12 Il était poursuivi pour association de malfaiteurs
23:17 en vue de la commission de crime d'assassinat.
23:21 - Michel Tabachnik, s'il vous plaît.
23:23 - Arrive le moment où il a fallu traverser le Grand Haule
23:44 pour arriver à la porte de la maison de Michel Tabachnik.
23:47 Il a fallu traverser le Grand Haule
23:49 pour arriver à la porte du tribunal.
23:51 Dès qu'on arrivait, tout de suite,
23:53 on avait les médias qui se jetaient sur nous.
23:56 On était comme des bêtes, nous.
23:59 Je m'en suis voulu d'avoir eu ce geste-là,
24:03 de m'être caché.
24:05 Parce que je n'avais rien à cacher, justement.
24:08 Mais l'assaut était tellement agressif que...
24:12 ...
24:15 - Moi, ce que j'ai vu de la part des anciens Alepses
24:21 qui sont venus témoigner,
24:23 ils faisaient comme si Tabachnik n'existait pas.
24:26 Alors, est-ce qu'on l'interprète comme une différence
24:29 ou est-ce qu'on peut l'interpréter
24:31 comme une volonté de... de le couvrir ?
24:34 - Tous les gens qui étaient là,
24:36 en tout cas, très proches des témoins,
24:38 très proches de Tabachnik, moi, j'étais à quelques mètres,
24:41 ils l'ont bien senti.
24:43 Il y avait à la fois pour certains une sorte de déférence,
24:46 une sorte de respect, ils l'ont salué,
24:49 et pour d'autres, il y avait une sorte de crainte.
24:52 Et pour certains, il y avait un mélange des deux.
24:55 - Ces gens-là sont de bonne foi, mais ils sont complètement indoctrinés.
25:00 Je trouve que c'est diabolique de penser que des années après,
25:03 il y a encore un conditionnement tel
25:06 qu'on ne remet rien en question.
25:08 Le seul qui remet en question, c'est qui, maintenant ?
25:11 - Tabachnik. Parce qu'il est beaucoup plus intelligent qu'eux,
25:14 parce qu'il sait ce qu'il a enseigné,
25:16 parce qu'il sait aussi à quoi ça a conduit.
25:18 - La défense de Michel Tabachnik était bien simple.
25:23 Il s'agissait pour lui de dire que ces écrits,
25:27 les archers, n'avaient qu'une vertu philosophique,
25:31 une vertu ésotérique qui améliorait l'homme
25:34 et qu'en aucun cas de tels écrits n'avaient une vertu morbide, mortifère,
25:39 incitant les adeptes au suicide, c'est-à-dire à la mort acceptée.
25:43 - On nage en plein délire.
25:51 Il n'y a pas que l'organisation du Temple solaire
25:53 qui est surréaliste dans cette affaire.
25:55 Tout est surréaliste.
25:57 On a l'impression que c'est le procès d'un autre.
25:59 Mais où est le procès de M. Michel Tabachnik ?
26:02 - Il n'y a rien. Ce dossier est le vide.
26:04 Et on malaxe des mots, on tord des concepts,
26:07 on essaie de faire dire aux mots ce qu'ils ne veulent pas dire
26:10 pour essayer de justifier cette lamentable poursuite.
26:13 - Je suis presque dans le même caca.
26:15 Je me suis perdu des êtres que j'ai aimés,
26:17 mes enfants qui ont perdu leur mère,
26:19 je suis presque dans le même caca.
26:21 - La justice a considéré que la preuve n'était pas rapportée
26:32 que Michel Tabachnik savait pertinemment
26:35 que ses écrits amèneraient les gens à se suicider.
26:38 - La difficulté de cette affaire, c'est l'ambiguïté,
26:40 l'ambivalence permanente de tous et de toutes.
26:43 Les mots sont ambigus, les textes sont ambigus,
26:46 les conférences sont ambigus, les témoignages sont ambigus aussi.
26:49 Des adeptes, il faut être lucide.
26:52 Tout est, j'allais dire, sujet à interprétation.
26:55 - C'est injugeable.
26:57 Et d'ailleurs, ils ont reconnu, le tribunal a reconnu
26:59 qu'ils ne pouvaient pas juger.
27:01 Il a prononcé une relax.
27:03 Une relax, ça veut dire qu'il n'y a pas d'affaire.
27:06 - Monsieur Tabachnik a servi de bouc émissaire
27:09 d'une affaire très complète
27:11 et c'est l'honneur des magistrats d'avoir...
27:14 - A l'époque, il n'existait pas encore
27:16 ce qu'on va appeler le délit de manipulation mentale
27:19 qui était beaucoup plus adapté,
27:21 mais qui malheureusement est passé dans la loi française pénale
27:25 quelques mois seulement après le procès de 2001.
27:28 - Et c'est peut-être parce qu'il y a eu ces drames du Temple solaire
27:32 que le législateur français a été amené
27:35 à rédiger une loi en ce sens.
27:38 C'est pas facile à appliquer.
27:40 Depuis 2001, il n'y a eu qu'une cinquantaine
27:43 ou une soixantaine de décisions rendues
27:45 qui ne vont pas toutes dans le sens souhaité,
27:48 mais à l'époque, c'était impossible.
27:59 - Les dérives sectaires existent depuis la nuit des temps,
28:02 se renouvellent sans cesse sous des formes diverses
28:06 et jamais aucune leçon n'est tirée de cela.
28:09 - On ne peut absolument pas se prémunir d'une telle manipulation
28:12 et je pense qu'au contraire, elles vont devenir de plus en plus nombreuses
28:15 parce qu'il y a un éclatement des valeurs communes.
28:18 Donc chacun se fabrique une réalité du monde
28:21 avec des bouts de l'ego irrationnels.
28:24 Je pense qu'ils sont à la merci de plein de charlots.
28:28 Alors se prémunir, non, il n'y a pas d'école.
28:30 La seule école, c'est l'expérience.
28:33 Là, je peux vous dire que je suis vacciné.
28:38 L'essentiel pour moi de ce que j'ai vécu dans ces histoires-là,
28:50 c'est d'avoir réussi à se reconstruire après.
28:55 C'est une des raisons pour lesquelles j'ai commencé le livre.
28:58 C'était de me défaire de ça.
29:00 Écrire le livre, ça a été un acte d'honnêteté vis-à-vis de moi-même.
29:10 Les doutes que j'avais résolument mis de côté,
29:16 tout ça, je rouvrais le grand livre et puis je rentrais dedans.
29:21 Et là, en mettant le point final,
29:24 j'ai dit, ça y est, là, je suis libéré.
29:27 Ça, je savais, je posais mon stylo sur mon histoire.
29:30 On a tous besoin d'être reconnus, d'être compris, d'être aimé.
29:34 C'est ça, l'adepte.
29:36 Il a ce besoin-là et il a la malchance de tomber
29:39 entre les pattes de quelqu'un qui a une perversité.
29:42 La plupart des anciens adeptes qui sont passés à travers ces histoires-là,
29:46 ils ont eu des moments de perversité.
29:49 Et qui, à travers ces drames-là, me disent...
29:53 Le plus important, c'est l'espèce de viol psychique qu'on a eu.
29:57 C'est-à-dire qu'on nous a empêchés d'être nous-mêmes.
30:01 En fait, il a eu une vie très rock'n'roll, dis-moi.
30:19 Des costumes blancs, des pépettes...
30:22 Des blousons de cuir avec des aigles dans le dos,
30:28 du champagne... Putain...
30:30 C'est la première fois, peut-être, que je le vois comme ça.
30:35 En aucune façon, quand moi, je suivais l'enseignement,
30:44 et avant de me faire un enseignement,
30:46 je suivais l'enseignement, et avant de m'approcher du noyau dur,
30:50 je pouvais avoir l'impression de faire partie d'une secte.
30:53 Il y a cette chose magnifique du cerveau humain
30:58 qui s'appelle la dissonance cognitive,
31:00 qui est cette capacité à s'aveugler.
31:02 Parce que quand on s'engage dans une vérité,
31:05 quelle qu'elle soit, en politique, en religion, en amour,
31:08 on est obligé de s'aveugler pour continuer à croire.
31:11 On occulte toujours une partie de la vérité.
31:14 La vérité pue de la gueule.
31:16 C'est ce que racontent les contes du monde entier.
31:21 Sous-titrage ST' 501
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