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L’économie est souvent vue comme un réseau de contraintes s’imposant à toutes les actions humaines, en définissant le cadre où elles se font. Clinton le résumait d’une formule lapidaire : « c’est l’économie stupide ! » pour signifier à ses opposants qu’il ne fallait pas prendre ses désirs pour des réalités. Par une formidable inversion, ce ne sont plus les lois naturelles de la physique, de la chimie ou de la biologie qui bornent la liberté des humains, mais celles de l’économie, qui n’étant pourtant que des constructions sociales évoluant historiquement, sont naturalisées, à commencer par la loi du marché. [...]

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00:00 L'économie est souvent vue comme un réseau de contraintes s'imposant à toutes les
00:12 actions humaines, en définissant le cadre où elles se font.
00:15 Clinton le résumait d'une formule lapidaire "c'est l'économie stupide" pour signifier
00:20 à ses opposants qu'il ne fallait pas prendre ses désirs pour des réalités.
00:24 Par une formidable inversion, ce ne sont plus les lois naturelles de la physique, de la
00:30 chimie ou de la biologie qui bornent la liberté des humains, mais celles de l'économie,
00:34 qui n'étant pourtant que des constructions sociales, évoluant historiquement, sont naturalisées
00:40 à commencer par la loi du marché.
00:41 Ce rôle essentiel que joueraient les lois de l'économie conduit logiquement à se
00:47 tourner vers les économistes qui font profession de les étudier et de les comprendre.
00:52 Et dans tous les grands pays développés, existent des conseils économiques censés
00:57 aider les politiques à définir les politiques publiques, prenant en compte ces fameuses
01:02 lois.
01:03 Pourtant, nombre d'économistes regrettent de ne pas être écoutés par les politiques
01:08 et cherchent à en comprendre des raisons.
01:10 Parmi celles-ci, il y a la manière de raisonner des uns et des autres.
01:15 À la rigueur formelle basée sur l'abstraction et les statistiques des économistes, s'opposeraient
01:21 les discours politiques jouant avec les faits pour emporter l'adhésion des électeurs.
01:27 Un euphémisme pour parler de mensonge.
01:29 Une autre explication, plus fondamentale et souvent répétée, serait l'adoption d'horizons
01:35 de réflexion différents.
01:37 Le long terme pour les économistes, qui est le temps logique pour l'aboutissement des
01:41 ajustements des marchés après un choc politique, et le court terme politique des échéances
01:47 électorales qui empêchent de répondre aux défis majeurs de l'avenir identifiés par
01:52 les économistes.
01:53 Comme ils avaient si bien su le faire après la crise de 2008.
01:57 De plus, les économistes affirment détenir les politiques optimales, ce qui pose un problème
02:03 logique avec leur plainte de ne pas être écoutés.
02:06 Car si ces politiques ne sont pas appliquées, comment savoir si elles auraient été efficaces
02:11 et donc optimales ?
02:12 Une ultime explication serait le déficit de culture économique, excluant par définition
02:19 les économistes, ou un marché de l'information qui met sur le même plan les idées qui relèvent
02:24 du consensus scientifique et les élucubrations farfelues.
02:27 Pour bien faire comprendre à quel point la culture économique est nécessaire, on prend
02:32 souvent l'exemple du chômage.
02:34 Ceux qui n'ont jamais fait d'économie auraient une vision statique du monde, croyant que
02:39 l'emploi est un gâteau de taille fixe impliquant une nécessaire réduction du temps de travail.
02:44 A l'opposé, les économistes sûrs de leur culture expliquent que nous sommes dans un
02:50 système dynamique avec des innovations qui vont engendrer de la croissance et des nouveaux
02:56 emplois.
02:57 Mais encore faudrait-il que ces emplois soient utiles à la collectivité.
03:01 Les ingénieurs de Volkswagen ou les forçats du clic payés une misère pour augmenter
03:07 le nombre de likes dans les moteurs de recherche donnent malheureusement la preuve qu'il
03:12 n'en est rien.
03:13 Ce qui compte avant tout, ce n'est pas de savoir si le gâteau est fixe ou pas, c'est
03:17 de savoir de quoi il est composé.
03:20 Des tâches utiles à tous ou seulement à ceux qui en espèrent des profits ? Des activités
03:26 épanouissantes ou des travaux répétitifs et épuisants ? Des emplois engendrant de
03:31 plus en plus de burn-out ou enrichissant ceux qui les occupent ?
03:35 Et que dire des conséquences environnementales de nos productions et de nos consommations
03:39 ?
03:40 Là, c'est moins la culture économique qui manque qu'une réflexion sur la société
03:46 que nous voulons construire.
03:47 Pourtant, loin de ces raisons, il n'est pas si difficile de comprendre pourquoi les
03:53 politiques écoutent si peu les économistes.
03:55 C'est qu'ils sont dans un monde si abstrait que les politiques optimales qu'ils en
04:00 déduisent n'ont aucune chance d'être appliquées dans le monde réel.
04:05 Ce qui n'a pas été le cas des épidémiologistes lors de la pandémie, capables de s'appuyer
04:11 sur des faits statistiques, mesurant les effets des mesures qu'ils suggèrent, et
04:16 les responsables politiques comprennent parfaitement que les propositions des économistes ne
04:20 reposent que sur des bases très fragiles, se référant à un monde trop visiblement
04:25 imaginaire comme cette taxe carbone universelle sans exemption, quel qu'en soit l'émetteur.
04:31 Et quand ils l'oublient, ils ont les iles jaunes et font rapidement marche arrière
04:36 au grand désarroi de nos économistes qui ne peuvent plus que se lamenter et en chercher
04:41 désespérément les causes.
04:43 [Musique]
04:49 [fin du générique]

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