La crise écologique se double d’une crise de l’écologie. Les courants politiques qui se sont bâtis sur l’urgence climatique ne parviennent pas à faire masse et régressent même électoralement en France et en Europe, quand ils ne sont pas menacés déjà par une contre-révolution écologique. Celle du déni qui monte dans tout l’Occident, avec Trump et les populismes de droite ou libertariens en porte-étendard. Comment interpréter une telle désaffection alors même que l’urgence n’a jamais été aussi palpable et précisément instruite ? [...]
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00:00La crise écologique se double d'une crise de l'écologie.
00:13Les courants politiques qui se sont bâtis sur l'urgence climatique ne parviennent pas à faire masse
00:18et régressent même électoralement en France comme en Europe.
00:22Quand ils ne sont pas menacés déjà par une contre-révolution écologique.
00:27Celle du déni qui monte dans tout l'Occident, avec Trump et les populismes de droite ou libertariens en porte-étendard.
00:35Comment interpréter une telle désaffection alors même que l'urgence n'a jamais été aussi palpable et précisément instruite ?
00:44Il y a bien sûr l'argument anesthésiant, celui consistant à dire que l'écologie ayant rallié l'essentiel de l'échiquier politique à sa cause,
00:53elle n'aurait plus besoin de mouvements dédiés.
00:56Mais l'écologie est-elle vraiment victime de son succès ?
00:59Dans une certaine mesure, oui.
01:01Notamment si l'on enterrine l'idée qu'il y aurait plusieurs écologies,
01:05et notamment une écologie de droite et une écologie de gauche.
01:09L'une plaçant l'offre au cœur du dispositif de transformation des économies,
01:15misant sur l'innovation, mobilisant les mécanismes de marché, notamment la taxe et les permis,
01:21et rêvant d'une écologie à infusion lente, sans violence réglementaire ou disqualification brutale du capital existant,
01:30et ayant la finance pour allier.
01:32L'autre plaçant le consommateur et la sobriété au centre de la transformation,
01:38prônant la redistribution pour s'attaquer en priorité à l'empreinte carbone des plus riches,
01:44une reconfiguration plus profonde et planifiée de la production,
01:48mobilisant notamment des outils réglementaires contraignants, quitte à sacrifier la croissance.
01:54Et au fond, à travers l'écologie, on retrouve les grands fondamentaux qui ont polarisé le débat politique sur la question sociale.
02:02Pour la droite, l'efficacité du capital étant un préalable à l'augmentation du bien-être de tous.
02:08Pour la gauche, l'efficacité sociale étant un préalable à la performance des économies.
02:15Mais c'est une explication courte et qui voile une crise bien plus profonde du prosélytisme vert.
02:21Jamais les questions des désordres climatiques, de la perte de biodiversité, de la raréfaction de l'eau,
02:28des projections alarmistes du GIEC n'ont été autant partagées.
02:32Pour autant, ce constat alarmiste ne rallie pas la population aux remèdes et efforts proposés.
02:39Les enjeux classiques de croissance et de pouvoir d'achat demeurent toujours aussi prégnants, écrasant les impératifs écologiques.
02:47Rejet massif des taxes carbone, d'un côté, qui renchérissent le prix de l'énergie.
02:53Très faible adhésion aux pratiques sobres de la part des ménages, qui s'effacent dès que le pouvoir d'achat est menacé.
03:00Procrastination des États en matière de planification écologique.
03:05Le court termisme prévaut.
03:07Et l'écologie se retrouve désarmée en termes de moyens.
03:10Si l'on cherche l'explication à ce hiatus, entre diagnostic et moyens, il provient essentiellement de deux causes.
03:18D'abord, d'une forme de défaitisme écologique, où l'effort demandé à chacun paraît produire des effets dérisoires, aussitôt dilapidés.
03:27Pourquoi fournir un effort quand les deux tiers de l'humanité continuent à foncer plein carbone, portés par la fièvre du rattrapage ?
03:36Quand les milliardaires du monde et les géants de la gestion de fonds ont la main sur l'investissement
03:41et conçoivent nos usages, s'en remettant exclusivement en leur foi dans la technologie pour sauver la planète,
03:48et dans le pire des cas, en coloniser d'autres.
03:52La deuxième grande cause à la démobilisation écologique provient de l'incapacité des économistes à bâtir un corpus cohérent et désirable.
04:01L'écologie demeure punitive aux yeux du plus grand nombre et véhicule deux utopies antagoniques qui demeurent des utopies, au sens où personne n'y croit vraiment.
04:121. Celle du miracle technologique qui résoudrait tout.
04:162. Celle du miracle moral, celui d'un retour aux valeurs vraies, porteuses de bien-être, d'un capitalisme expurgé de l'hystérie productiviste.
04:26Une vertu qui prendrait le dessus sur toutes nos addictions consuméristes.
04:31Avec, de surcroît, une injonction paradoxale d'une mobilisation de l'épargne sans retour sur investissement, autre que la survie de l'espèce.
04:41Dans très longtemps.
04:43Les politiques en sont conscients.
04:45Et c'est bien pour cela qu'ils soignent le choix des mots.
04:48La notion de Green Deal faisant résonance au New Deal en est un exemple.
04:53Mais il suffit de scruter le résultat des Européennes pour comprendre que l'écologie n'a ni trouvé sa doctrine, ni son slogan pour allier le plus grand nombre.