John Quigging est un économiste réputé, notamment sur l’environnement ou la décision en incertitude. Professeur à l’université du Queensland en Australie il a publié en 2010, suite à la crise financière de 2008, un livre Zombie Economics qui s’attache à montrer combien la défense libérale du marché dépend d’idées qui ont été justement démenties par cette crise. Ce type d’idées, sont de celles qui ont la vie dure en ce sens qu’elles semblent toujours réapparaître même après avoir été contredites par le fonctionnement pratique de l’économie. [...]
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00:00John Keeging est un économiste réputé, notamment sur l'environnement ou la décision
00:14en incertitude.
00:15Professeur à l'Université de Queensland en Australie, il a publié en 2010, suite
00:20à la crise financière de 2008, un livre, Zombie Economics, qui s'attache à montrer
00:26combien la défense libérale du marché dépend d'idées qui ont été justement démenties
00:31par cette crise.
00:32Ce type d'idées sont de celles qui ont la vie dure, en ce sens qu'elles semblent
00:38toujours réapparaître, même après avoir été contredites par le fonctionnement pratique
00:42de l'économie.
00:43C'est par exemple le cas de l'idée de l'efficacité des marchés financiers,
00:48qui seraient toujours capables d'exploiter au mieux toute l'information donnée par
00:52les prix pour atteindre l'équilibre économique optimal.
00:55Ces idées reviennent sans cesse dans le débat public, alors qu'on aurait pu penser
00:59qu'elles seraient à jamais déconsidérées.
01:01Ni jamais mortes, ni complètement vivantes, car soumises à de nouvelles remises en question,
01:07ce sont des idées « zombies », comme les qualifie Paul Gruckman, un qualificatif repris
01:12par John Keegan pour son livre.
01:14Parmi les idées qu'il examine, il y a la théorie du ruissellement.
01:18Cette théorie justifie des politiques économiques qui affirment que si elles bénéficient aux
01:24plus riches, elles seront aussi à terme bénéfiques à tous.
01:28Plus concrètement, cette théorie implique de ne pas augmenter les impôts sur les plus
01:33riches et les entreprises, puisque ceux-ci utiliseront leurs revenus pour investir et
01:37donc obtenir une croissance en hausse qui permettrait d'augmenter les recettes publiques,
01:42donc de réduire les déficits, ce qui bénéficierait à tous.
01:46C'est la mécanique qui est censée mettre en route la politique de l'offre.
01:50Une application de cette théorie qui est devenue dominante dans les années 1980, comme
01:55le souligne John Keegan, et qui consiste justement à privilégier la rentabilité
02:00immédiate des entreprises, en réduisant la fiscalité les concernant, pour enclencher
02:05ce cercle vertueux débouchant sur l'amélioration du bien-être de tous.
02:10A l'appui de cette conviction, nombreux sont les économistes qui ont expliqué que
02:15la croissance observée dans les années 1980, en Irlande, en Islande ou dans les
02:20Pays-Baltes, était due à cette fiscalité favorable aux entreprises.
02:24Mais c'est précisément cet enchaînement vertueux conduisant à une croissance profitant
02:28à tous, dont la crise de 2008 a montré qu'il n'était qu'un succès apparent, construit
02:34sur du sable comme l'écrit John Keegan.
02:36Car en réalité, les investissements censés découler de cette fiscalité favorable aux
02:42riches se sont révélés faits pour l'essentiel sur des marchés financiers, qui se sont précisément
02:47développés parallèlement à l'émergence de cette politique de l'offre.
02:50Et ces placements financiers n'avaient pas pour objectif d'être productifs, mais étaient
02:55en fait majoritairement spéculatifs, et ont engendré la crise.
03:00Finalement, non seulement la vie meilleure à terme, promise par cette théorie, n'est
03:07toujours pas visible, mais ce que l'on observe, c'est bien plutôt le contraire.
03:11Une augmentation spectaculaire des inégalités.
03:14Et pas uniquement des inégalités de revenus.
03:17John Keegan cite de nombreuses études qui documentent ce constat, également comme sur
03:23l'accès aux services publics, en particulier de santé et d'éducation, ou sur la mobilité
03:29sociale, où les enfants ont d'autant plus de chances d'avoir de bonnes situations que
03:34leurs parents ont eux-mêmes un statut social élevé.
03:37Et même sur la possibilité d'acquérir des biens d'équipement ménager, machine
03:42à laver, réfrigérateur, télévision, ordinateur, malgré la baisse de prix de ces équipements.
03:50Quant aux inégalités de revenus, et c'est la seule vérification observable à mettre
03:55au crédit de la théorie du ruissellement, elle est valable au sommet de la hiérarchie
03:59des revenus, avec les salaires stratosphériques des PDG qui ruissellent ensuite sur les top
04:05managers.
04:06Pendant ce temps-là, les plus pauvres le deviennent davantage et les classes moyennes
04:11peinent à se maintenir.