Rébellion avortée de Wagner : Poutine veut "éviter à tout prix la contagion de ce mouvement"

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Transcription
00:00 Nous sommes avec Alexandre Vautravert, rédacteur en chef de la revue militaire suisse,
00:04 directeur scientifique au Centre d'Histoire et de Prospective Militaire.
00:08 Alexandre Vautravert, bonjour.
00:10 Merci beaucoup d'être avec nous sur France 24.
00:14 On va donc continuer à analyser la situation avec vous.
00:17 Aujourd'hui, quel avenir pour ces combattants de Wagner ?
00:20 On vient d'en parler en Afrique, mais ils sont aussi présents, bien sûr, sur le front ukrainien.
00:25 Est-ce qu'ils vont être prêts, ces combattants de Wagner, à intégrer l'armée russe
00:29 comme ça a été prévu, eux qui sont très fidèles, on le sait, à leur chef, Yevgeny Prigojin ?
00:35 Alors, je pense que vous posez plusieurs questions et chacune appelle une réponse peut-être un peu différente.
00:41 Prenons tout d'abord, si vous êtes d'accord, la question des mercenaires de Wagner en Afrique.
00:48 Wagner est une entreprise qui a connu un tel succès, un tel développement,
00:55 qu'aujourd'hui, Wagner est devenue une franchise.
00:57 En fait, ce sont plusieurs organisations qui ont chacune une direction locale, nationale, régionale.
01:05 Ces différentes organisations ont leurs propres canaux de recrutement, ils ont leurs propres budgets.
01:11 Et donc, dans une certaine mesure, Wagner à l'international peut tout à fait demeurer comme il l'a été,
01:19 le fer de lance finalement des intérêts de la Russie.
01:22 Donc, exclusivement, pas uniquement le domaine de la défense, mais surtout des affaires étrangères.
01:29 Pour ce qui est de Wagner en Russie, là, la situation est très différente.
01:36 Je pense qu'on a franchi vraiment certains seuils très très graves ce week-end.
01:41 Et en particulier, prenons acte du fait que 10% des forces russes
01:47 qui tenaient le front contre la contre-offensive ukrainienne,
01:51 du jour au lendemain, ont tourné les talons et puis sont allés faire autre chose,
01:56 alors changement de régime ou pas.
01:59 Mais enfin, ça fait pratiquement 10% des forces que l'armée russe a perdues sur ces lignes de défense.
02:06 Et là, la réintégration va être très très difficile.
02:09 Et Yevgeny Prigojine, il a accepté de s'exiler en Biélorussie.
02:12 Est-ce que Wagner peut toujours exister sans son chef aujourd'hui ?
02:17 C'est possible. Vous savez qu'il existe plusieurs organisations similaires en Russie.
02:21 Il y en a quatre qui ont des dimensions, on va dire, apparentées à Wagner.
02:26 Donc on peut très bien imaginer un changement de leadership.
02:29 En réalité, on ne connaît pas toutes les conditions sur lesquelles le gouvernement russe
02:38 finalement a admis ou a cédé à cet homme fort.
02:44 Mais ce dont on peut être absolument certain, c'est que la Russie n'était pas en mesure,
02:50 les forces armées russes n'étaient pas en mesure de riposter contre cette attaque.
02:54 Ils ont été totalement surpris par cela.
02:57 Et ce qui est le plus important aujourd'hui pour Poutine,
03:00 et il a probablement signé et accepté n'importe quelle condition pour cela,
03:06 c'est d'éviter à tout prix la contagion de ce mouvement de contestation qui existe chez Wagner,
03:13 d'éviter que ce mouvement de contagion puisse pénétrer ou s'insinuer
03:20 au sein d'autres troupes combattantes en Ukraine actuellement.
03:24 Cette crise, elle révèle des fissures réelles au plus haut niveau de l'État russe.
03:28 C'est ce qu'a estimé le secrétaire d'État américain Antony Blinken hier.
03:32 Selon Kiev, Vladimir Poutine a été humilié.
03:36 Cette crise à laquelle on a assisté ce week-end,
03:40 aujourd'hui le président russe Vladimir Poutine en sort clairement affaibli.
03:44 Vladimir Poutine qui d'ailleurs est apparu dans une première vidéo aujourd'hui.
03:49 Alors très affaibli effectivement, je pense que c'est une claque,
03:53 il faut appeler les choses par leur nom.
03:55 Vous avez d'une part le manque d'anticipation,
03:58 la planification extrêmement douteuse, bancale,
04:02 en fait depuis maintenant non seulement des mois dans le cadre de cette opération militaire spéciale,
04:09 vous avez un commandement militaire qui est surpris de manière répétée,
04:14 qui n'a pas su anticiper, qui a mal calculé,
04:17 mais vous avez en fait là derrière tout un appareil d'État qui a misé sur les mauvais chevaux
04:22 et qui a mal organisé ces réformes.
04:26 Et les seules réponses qu'apporte maintenant le président Poutine
04:30 depuis un peu moins de 12 mois,
04:33 c'est de revenir en arrière avant les réformes de 2006-2008,
04:39 avant les réformes Sedjoukov des forces armées et de l'industrie d'armement russe,
04:43 c'est-à-dire retour en arrière aux années 1980.
04:46 Voilà les propositions qui sont des mots d'ordre du président Poutine.
04:52 L'autre élément essentiel,
04:55 c'est le fait que Poutine s'est fait aujourd'hui clairement déborder sur sa droite,
05:00 par les milieux les plus conservateurs,
05:03 davantage conservateurs que lui, mais davantage populistes aussi.
05:07 Et ce langage qu'utilise Prigogine, il ne faut pas le sous-estimer.
05:12 Je peux partir du principe qu'un certain nombre de militaires dans les rangs de l'armée russe
05:18 peuvent trouver certaines sympathies,
05:20 voire même peuvent trouver une certaine admiration pour ce personnage.
05:24 Alors aujourd'hui, doit-on craindre justement un Vladimir Poutine affaibli,
05:27 humilié quand on sait que la Russie possède l'arme nucléaire ?
05:33 L'arme nucléaire, il possède plus de 6 000 têtes nucléaires,
05:37 donc c'est un problème supplémentaire.
05:39 Est-ce que la Russie est en mesure de maîtriser l'ensemble de ses dépôts et l'ensemble de ses forces ?
05:45 On sait, parce qu'un certain nombre d'analystes ont passé leur week-end sur la lecture des colonnes,
05:53 et en particulier des avis mortuaires des journaux locaux russes.
05:58 On sait qu'il y a toute une série de personnels militaires, contractuels ou professionnels,
06:02 dont la tâche au sein des forces stratégiques russes était la garde,
06:08 donc la surveillance de ces infrastructures.
06:10 Et on sait que beaucoup de ces forces, de ces personnels ont été dépêchés sur place en Ukraine.
06:16 Donc oui, on peut se poser cette question.
06:19 Et je pense qu'il y a une certaine équation qui peut être réalisée
06:24 entre l'affaiblissement de la Russie ou de l'armée russe en général,
06:28 et puis les problématiques liées à la sécurité de ces armes stratégiques.
06:33 Et est-ce qu'il s'est passé ce week-end peut-être un tournant dans la guerre en Ukraine ?
06:38 L'armée ukrainienne qui poursuit en ce moment sa contre-offensive,
06:41 et qui d'ailleurs a dit aujourd'hui avoir libéré une nouvelle localité sur le front sud,
06:45 et avoir fait quelques petites avancées, notamment à Barmoud dans le Donbass.
06:50 Alors vous vous trouvez aujourd'hui dans la situation où la défense russe a perdu 10% de ses moyens,
06:58 et ce sont les 10% de force avec les soldats les plus expérimentés, armés jusqu'aux dents,
07:05 les véritables vétérans de cette guerre pour le côté russe.
07:10 Ajoutez à cela très probablement les désorganisations qui ont suivi,
07:15 et donc il y a peut-être effectivement des opportunités du côté de l'Ukraine.
07:19 Maintenant, chaque fois qu'il y a eu de véritables opportunités de gagner
07:24 de manière extrêmement rapide et décisive,
07:27 je vous rappelle que du côté des États-Unis d'Amérique ou d'autres pays, d'autres observateurs,
07:32 il y a eu plus qu'un mot d'attention et de réserve vis-à-vis des possibles attaques menées par l'Ukraine,
07:45 parce que le scénario effectivement le plus épouvantable serait l'effondrement d'un des partis au conflit,
07:51 que ce soit du côté de la Russie ou du côté de l'Ukraine,
07:54 c'est quelque chose que personne n'a envie de voir.
07:57 Merci beaucoup Alexandre Vautravert, merci d'avoir été notre invité sur France 24.
08:02 Voilà ce qu'on pouvait dire sur les conséquences de ce coup de force avorté ce week-end du patron de Wagner, Yevgeny Prigojine.
08:11 On va y revenir bien sûr longuement dans nos prochaines éditions.

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