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La "grande muraille verte" a été lancée en 2007 pour lutter contre la désertification, en créant une bande de végétation de Dakar à Djibouti. Une muraille de 8 000 kilomètres qui traverse 11 pays du continent africain. Depuis, le projet a pris un tour plus social : il vise à restaurer des terres mangées par le désert et à créer des millions d'emplois. Mais ses retombées sont bien maigres à ce jour. Près de 12 milliards d’euros ont été réunis, début 2021, pour tenter de le relancer.

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00:00 [Générique]
00:13 Faire reverdir le Sahara et le Sahel.
00:16 Créer une bande de végétation qui traverserait le continent africain, de Dakar à Djibouti.
00:22 Près de 8000 km de long, 11 pays traversés, c'est la Grande Muraille Verte.
00:29 Un projet né il y a presque 20 ans, officiellement lancé par l'Union africaine en 2007,
00:34 pour lutter contre la désertification.
00:37 Depuis, le projet a évolué.
00:39 Il est devenu plus social.
00:40 Il s'agit de restaurer des terres mangées par le désert,
00:44 mais aussi de créer des millions d'emplois, de susciter une croissance verte.
00:49 Mais les progrès sont pour l'instant bien minces.
00:51 Alors, en janvier dernier, au One Planet Summit à Paris,
00:55 les donateurs ont promis de débloquer 14 milliards de dollars sur les cinq prochaines années.
01:00 Pour le président français, Emmanuel Macron,
01:02 la Grande Muraille Verte doit absolument voir le jour.
01:07 Ce forum autour de la Grande Muraille Verte est la première étape d'une longue route
01:12 pour asseoir la place des solutions fondées sur la nature.
01:15 Au fond, je pense que ce qui est très important à mes yeux dans cette initiative,
01:21 c'est que nous développons des solutions qui sont basées sur la nature
01:26 et des solutions qui sont basées sur la vitalité des écosystèmes africains,
01:30 et en particulier des 11 pays consacrés.
01:32 Ce qui sont deux changements de paradigme très profonds,
01:36 mais qui sont les conditions de la réussite.
01:39 La Grande Muraille Verte est donc à nouveau une priorité pour la communauté internationale.
01:44 Il faut dire que 15 ans après son lancement, seulement 4% des objectifs ont été réalisés.
01:50 Nos correspondants se sont donc rendus dans deux pays sahéliens
01:53 qui vivent ce projet de façon bien différente.
01:56 Vous allez le voir, le Sénégal et le Nigeria.
01:59 Billet retour sur la Grande Muraille Verte, c'est un reportage signé Sarah Sacco et Moïse Gomis.
02:05 Les anciens racontent que la région de Luga a un jour été verte.
02:16 Aujourd'hui, il n'y pleut que quelques semaines par an.
02:20 300 millilitres exactement en moyenne.
02:24 Nous sommes en pleine zone semi-aride au nord-ouest du Sénégal,
02:28 sur le tracé de la Grande Muraille Verte.
02:32 C'est ici que l'équipe d'Aïda Relali, ancien ministre de l'Environnement
02:37 et écologiste convaincu, concentre ses efforts.
02:40 Je suis un grand planteur d'arbres
02:44 et surtout passionné par la question de lever les populations à agir
02:51 pour leur bien-être et le bien-être de l'environnement qui les entoure,
02:56 parce que tout est lié.
02:59 L'environnementaliste a été récemment nommé à la tête de l'Agence Nationale de la Reforestation
03:04 et de la Grande Muraille Verte pour tenter de dépoussiérer ce projet vieux de 15 ans.
03:09 Il y a eu beaucoup de séminaires, beaucoup d'études, beaucoup de rapports,
03:13 beaucoup de blabla, et sur le terrain, il y a eu beaucoup de rien.
03:17 Aïda Relali lui applique une formule toute simple,
03:21 aller à la rencontre des populations, de village en village,
03:24 pour les convaincre de l'utilité de planter des arbres.
03:27 Voilà, c'est bon, c'est bon, c'est bon.
03:29 Comme ici, à Mbayawa, une communauté rurale située au nord de la région de Luga.
03:40 L'écologiste apporte toujours dans son convoi de précieux cadeaux.
03:44 - Ça, avant de le planter, il faut bien retirer le plastique noir.
03:51 Surtout, faites bien attention à ne pas enlever la terre.
03:54 Plus d'un millier de plants sont distribués en quelques minutes.
04:00 Citronnier, manguier, c'est l'innovation d'Aïda Relali depuis sa prise de fonction.
04:07 Privilégier les arbres fruitiers pour impliquer les populations.
04:11 - C'est aussi simple pour moi en donnant aux gens les arbres dont ils ont besoin.
04:17 Pas en faisant des programmes pour venir planter des arbres dont personne n'a besoin,
04:21 qui vont à terme mourir.
04:23 Parce que cet arbre dont ils ont besoin, ils vont s'en occuper,
04:26 ils vont l'aimer, ils vont l'arroser, et ils vont attendre de lui qu'il donne des fruits.
04:32 Dans le village de Mbayawa, les arbres fruitiers ont totalement disparu du paysage.
04:37 C'est donc avec enthousiasme et au grand complet que la femme Mbeng plante son citronnier.
04:45 Ce couple d'agriculteurs, parents de 7 enfants, a vu changer sa région.
04:51 - Il n'y a plus autant d'arbres aujourd'hui que quand j'étais enfant.
04:58 A l'époque, la végétation était dense. Ce n'était pas aride comme aujourd'hui.
05:04 Donc je suis trop content. Les arbres sont importants. Leur valeur est inestimable.
05:13 Ce qu'on plante aujourd'hui, si ça donne des fruits, c'est toute la famille qui va en bénéficier.
05:22 Imagine, on achète le kilo de citron à 600 francs.
05:27 Louga est le coeur de la zone sylvopastorale du Sénégal.
05:32 En cette veille d'hivernage, l'herbe a disparu du sol. Le bétail errant dévore la moindre petite pousse.
05:41 C'est ce surpâturage, aggravé par le changement climatique, qui explique la désertification de la région.
05:51 Pour laisser respirer la nature, il faut innover à moindre coût.
05:56 Ces gousses sont bon marché et très appréciées par le bétail.
06:01 - Après avoir mangé ce fruit, il y a les graines qui vont rester dans les excréments des bêtes.
06:11 En les rendant à la terre, après, en pleine saison de pluie, nous pouvons avoir des arbres.
06:16 La Grande Muraille Verte mène cette expérience dans la zone.
06:19 Se servir du bétail pour disséminer l'acacia radiana ou arbre du désert.
06:24 - C'est un arbre qui est extrêmement nutritif pour le bétail, qui permet au bétail d'avoir assez de lait.
06:30 Mais comme je le disais, il est très important parce qu'il attire l'azote vers la surface et il enrichit en fait le sol.
06:39 Les gousses d'acacia sont distribuées gratuitement.
06:43 Une aubaine pour le jeune Ousmane, 11 ans.
06:48 - Est-ce que ça et ça, on n'a pas de douleur de goutte-dit ?
06:52 - Oui.
06:53 - On va voir ça.
06:55 Donc il arrive qu'ils les amènent loin pour pouvoir trouver à manger.
07:00 Aider le cycle de la nature tout en répondant aux besoins des populations.
07:07 C'est la stratégie d'Aïda Relali qui applique la régénération dite naturelle.
07:14 Nous retrouvons l'écologiste en pleine activité à Mboula, une commune rurale de la région.
07:19 Cette fois, à bord d'un curieux convoi.
07:22 - C'est le singe qui mange les fruits.
07:24 On a mangé les singes, il n'y a plus de singes qui dispersent les graines.
07:28 Alors il nous faut, nous les humains, aider la nature, remplacer les animaux pour disperser les graines à la main,
07:35 pour l'enspierre, des centaines de milliers.
07:38 On reviendra ici dans 3 ou 4 ans et vous verrez plein de baobabs.
07:44 Combien de graines germeront dans le sol sableux ?
07:48 Aïda Relali fait un pari.
07:50 L'écologiste teste une technique qu'il a expérimentée avec succès dans le sud du pays,
07:55 où la pluviométrie est 4 à 5 fois plus élevée.
07:59 A ses côtés, des éleveurs peul sont venus bénévolement participer à l'opération.
08:05 - Oui, j'ai été informé qu'on sèmerait les plantes aujourd'hui.
08:10 J'ai réuni mes amis, des connaissances, chacun a mené son cheval.
08:14 On participe parce que cette réserve est très très importante pour nous.
08:18 C'est le seul endroit où il y a encore de l'herbe pour nos animaux.
08:22 La réserve. 700 hectares de terre clôturée, protégée du bétail et de la coupe de bois.
08:32 Un sanctuaire.
08:34 La Grande Muraille Verte en compte une trentaine, au total, au Sénégal.
08:39 C'est d'ailleurs l'un des succès les plus visibles de l'agence.
08:42 - Regardez là, il n'y a aucun tapis herbacé.
08:45 Regardez ici.
08:47 Et ça, c'est pour le bétail.
08:49 Et ça aussi, ça crée de l'ombre sur la terre.
08:52 La terre n'est pas cognée par le soleil, qui prend l'eau, qui tue toute la biodiversité.
08:58 Quand il va pleuvoir dessus, tout cela va pourrir, va donner à manger à la terre.
09:04 Et l'année prochaine, le tapis herbacé sera encore plus important.
09:09 Des solutions simples et beaucoup de sensibilisation.
09:13 Cela suffira-t-il pour voir enfin sortir du sable la Grande Muraille Verte ?
09:18 La première évaluation officielle du projet dresse un bilan sans appel.
09:23 4% seulement des objectifs d'ici 2030 ont été atteints en matière de restauration des terres,
09:29 dans la zone stricte d'intervention.
09:31 18% si l'on considère la zone élargie.
09:35 Mauvaise gouvernance, promesses non tenues des bailleurs de fonds, les raisons indexées sont multiples.
09:41 Au Nigeria, moins de 5 000 hectares ont été restaurés en 10 ans.
09:49 La désertification menacerait plus de 40 millions de personnes dans le nord du pays.
10:00 La désertification, la déforestation, cela a plongé les communautés dans la pauvreté.
10:06 Et la pauvreté mène à la migration qui mène au conflit.
10:13 Yavala Safiyanou est l'un des dirigeants de la représentation nigériane du projet.
10:20 Il fait une visite de terrain dans le Jigawa, aux confins du Niger,
10:24 l'un des rares endroits du pays où l'agence peut opérer normalement.
10:29 L'insécurité est un challenge.
10:31 Il n'y a pas grand chose que nous puissions faire de plus qu'embaucher des gardes forestiers
10:36 dans les zones où la sécurité n'est pas trop dégradée.
10:40 Mais dans les zones où la sécurité est trop dégradée, nous suspendons nos interventions.
10:45 L'équipe arrive enfin à Gabazmari, un petit village.
10:55 Depuis 2018, une opération de reboisement est en cours.
11:00 Sur trois hectares, une surface équivalente à quatre terrains de football,
11:05 le paysage s'est transformé.
11:08 Malgré les apparences, la difficulté majeure ne vient pas du manque d'eau.
11:19 Nos projets sont très souvent vandalisés, que ce soit par des animaux introduits de manière intentionnelle ou non,
11:26 des vandales qui viennent détruire nos récoltes et couper des arbres, ou par des voleurs.
11:32 Et même ces barbelés que vous voyez, ils peuvent être facilement arrachés et emportés
11:40 si nous n'avions pas les gardes forestiers pour les surveiller.
11:46 Dans ce contexte, la Grande Muraille Verte s'est orientée vers la formation.
11:51 Pour le découvrir, direction l'état voisin de Kano.
11:57 La communauté rurale de Kadandani subit de plein fouet la désertification.
12:10 Mouktar Magaji est un chef traditionnel qui exerce son autorité sur huit villages.
12:16 Il est aussi cultivateur sur la plantation héritée de son père,
12:20 une terre qui s'est considérablement appauvrie ces dernières décennies.
12:24 Quand j'étais petit enfant, on m'emmenait dans ce champ et il y avait beaucoup d'arbres.
12:30 Et les récoltes à l'époque étaient plus importantes qu'aujourd'hui.
12:37 Avant, ce champ nous nourrissait tous, plus de 30 personnes.
12:41 Maintenant, les choses ont bien changé.
12:43 Les arbres sont morts et nos récoltes sont insuffisantes pour nourrir la famille.
12:48 Mouktar a bénéficié d'une formation dispensée depuis trois ans dans la région.
13:00 Nous avons appris beaucoup de la Grande Muraille Verte.
13:07 En premier lieu, ils nous ont appris à prendre soin de nos plantes traditionnelles,
13:12 celles qui poussent spontanément.
13:14 Ensuite, ils nous ont appris à planter ces arbres fruitiers, comme ceci.
13:22 Ils nous ont montré comment, quand on les plante et que l'on s'occupe d'eux,
13:26 ils vont grandir pendant l'hivernage et après nous ramener la richesse du sol.
13:30 Le village possède désormais sa propre pépinière.
13:36 Des manguiers, mais aussi des orangers et des datiers y sont cultivés.
13:40 Les plants grandissent grâce aux soins prodigués par toute la communauté,
13:44 sous la supervision de Mouktar Maghaji.
13:47 Le patriarche espère sauver son village.
13:51 Le désert du Sahara avance sur nos terres
13:56 et beaucoup de nos ressortissants ont quitté le village pour les villes de Légos ou de Port Harcourt pour chercher de l'argent.
14:03 Pourtant, nos sols sont riches ici. Moi, j'en suis convaincu.
14:07 Depuis tout petit, je connais la valeur de ce sol.
14:11 Si nous arrivons à bien nous occuper de la terre, si nous arrivons à l'arranger,
14:16 ce sont les étrangers qui finiront par venir chez nous et pas nos enfants qui partiront.
14:21 La grande muraille verte forme aussi des femmes.
14:25 Dans le nord musulman et conservateur, celles-ci sortent peu de la cour familiale.
14:31 Sailoubal Awal est la première épouse d'un ouvrier agricole du village.
14:36 Depuis sa formation il y a près d'un an, elle fabrique du savon chez elle.
14:42 Chaque sachet vendu lui rapporte 20 nerah, quelques centimes d'euros.
14:46 Un commerce très modeste, mais qui fait la différence pour cette mère de famille.
14:50 Je remercie Dieu parce que ma vie a beaucoup changé.
14:56 Quand j'ai un petit besoin, je peux le résoudre sans stresser,
15:00 sans pour autant aller emprunter de l'argent à quelqu'un.
15:04 Quand je me réveille le matin et que le père de mes enfants n'arrive pas à me donner de quoi leur payer le petit déjeuner
15:10 et qu'il dit qu'il n'a pas d'argent, je peux leur donner.
15:14 Quelques 1500 personnes ont ainsi été formées et autant d'emplois créés.
15:20 On est encore loin des 10 millions d'emplois verts visant à la vie.
15:24 Et pour atteindre les 100 millions d'hectares de terre restaurées d'ici 2030,
15:28 il faudrait multiplier par 4 le rythme actuel du reboisement.
15:32 Des objectifs qui paraissent aujourd'hui perdus d'avance.
15:38 L'heure n'est toutefois pas au renoncement.
15:42 L'annonce en janvier dernier de 12 milliards d'euros de financements internationaux
15:46 a remis la grande muraille verte sous le feu des projecteurs.
15:50 De l'avis de tous, il y a urgence.
15:54 Dans le Sahel, on estime à 135 millions le nombre de personnes
15:58 dont les moyens de subsistance dépendent de ces terres dégradées.
16:02 Et voilà donc pour ce reportage sur la grande muraille verte.
16:06 Un reportage que vous pourrez retrouver bien sûr sur france24.com.
16:10 Je vous dis à très vite pour un nouveau numéro de Biais-Retour.
16:14 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
16:17 Les sous-titres ont été réalisés par la communauté d'Amara.org
16:20 Je vous dis à très vite pour un nouveau numéro de Biais-Retour.
16:23 [Musique]

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