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A partir du XVIIe. siècle, la France étend son emprise sur les territoires du Nouveau Monde, et notamment aux Antilles, sur les îles de la Guadeloupe, de la Martinique et de Saint-Domingue. Afin d’exploiter les nouvelles cultures, le système de traite des populations d’Afrique se rationnalise. La traite occidentale est à l’origine d’environ 12 millions de déportations. Revenons dans cette vidéo sur le commerce triangulaire, en s’appuyant sur le parcours et le quotidien d’un esclave dans une plantation de canne à sucre aux Antilles françaises.

N. B. : le but n’est pas ici d’aborder dans son intégralité le vaste sujet de la traite occidentale et de l’esclavage en Amérique, mais de saisir, à travers l’exemple de la culture sucrière, les épreuves traversées par les esclaves et les méthodes employées par les esclavagistes.

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Transcription
00:00 France, juin 2020.
00:03 De nombreuses manifestations éclatent contre les violences policières et le racisme, dans
00:08 le sillage du mouvement Black Lives Matter, qui fait suite au meurtre de George Floyd
00:12 par un policier aux Etats-Unis.
00:13 A Paris, dans la nuit du 23 juin, un militant antiraciste jette de la peinture rouge sur
00:20 la statue de Colbert, située devant l'Assemblée Nationale.
00:24 Cet acte vise à dénoncer le rôle joué par le ministre des Finances de Louis XIV dans
00:28 l'esclavage et la traite occidentale.
00:30 En effet, Colbert est à l'origine du Code Noir, texte de 1685, réglementant les rapports
00:37 entre maîtres et esclaves dans les colonies.
00:39 Entre le XVIIe et le XIXe siècle, les monarchies européennes rationalisent un système de
00:45 déportation des populations noires d'Afrique vers le Nouveau Monde, qui sont réduites en
00:49 esclavage et forcées de travailler dans les champs.
00:51 Dans les Antilles françaises, la culture de la canne devient centrale, le sucre étant
00:57 un produit très rentable, car fort apprécié sur le vieux continent.
01:01 Revenons sur le système de la traite pratiqué par les occidentaux, et observons le parcours,
01:06 puis le quotidien des esclaves, des villages africains aux plantations antillaises.
01:10 1492 est une année notable de l'Histoire.
01:32 En Espagne, le dernier royaume musulman ibérique s'effondre.
01:35 C'est la fin de la Reconquista, et les royaumes chrétiens, en effervescence, souhaitent propager
01:41 la religion partout où ils le peuvent.
01:43 Dans la recherche de nouvelles routes commerciales vers les Indes, engagées depuis le XVe siècle,
01:47 de nouvelles terres sont découvertes à l'ouest, par-delà le grand océan.
01:51 Christophe Colomb débarque aux Antilles cette année-là pour le comte de l'Espagne.
01:56 Le Portugal quant à lui, s'implante au Brésil avec Pablo Alvarez Cabral.
02:01 Les royaumes ibériques font mainmise sur l'Amérique, et les grands empires, aztèques
02:07 et inca, sont détruits.
02:08 L'implantation dans ces territoires est motivée par un double enjeu, économique
02:14 tout d'abord, mais également religieux, par un processus de conversion forcée et
02:18 d'asservissement des populations autochtones.
02:20 Les colons espagnols mettent en place une forme de travail forcé, afin d'exploiter
02:28 les immenses richesses amérindiennes, comme l'or, l'argent et les nouvelles cultures,
02:32 l'encomienda.
02:33 On regroupe sur un territoire donné les indigènes qu'on oblige à travailler dans les mines,
02:39 les champs et les chantiers de construction, sous l'autorité d'un colon, l'encomendero.
02:44 Les populations des Antilles, d'Amérique centrale et du sud, sont ainsi réduites en
02:48 esclavage.
02:49 Mais rapidement, les indiens ne suffisent plus à satisfaire l'appétit destructeur
02:53 des occidentaux.
02:54 La main-d'œuvre vient à manquer.
02:56 Les amérindiens meurent par centaines de milliers de maladies dues au choc microbien,
03:02 de massacres massifs étroitement liés aux conversions, et surtout, d'épuisement au
03:06 travail forcé.
03:07 Face à ces conditions épouvantables, un jésuite espagnol, Bartolomé de Las Casas,
03:12 prend la défense des amérindiens lors de la fameuse controverse de Valladolid en 1550,
03:17 un grand débat religieux et politique qui doit répondre à une question simple.
03:20 Doit-on convertir les indigènes par la force ?
03:23 La réponse est non, et Las Casas réussit à préserver les indiens du travail forcé.
03:28 Dès lors, les colons se tournent vers une nouvelle main-d'œuvre plus robuste et plus
03:33 résistante au travail des colonies.
03:35 Les populations noires d'Afrique.
03:37 Dès le début du XVIe siècle, les portugais avaient fait venir des hommes noirs d'Angola
03:42 au Brésil en tant qu'esclaves.
03:43 Après la controverse de Valladolid, la déportation des africains se développe de manière systématique.
03:49 Cette pratique de mise en esclavage était déjà motivée par la papauté, comme le
03:56 témoigne la bulle pontificale Romanus Pontifex du pape Nicolas V, datant de 1455, qui légitime
04:03 le commerce des africains en les qualifiant de bois d'ébène.
04:05 Le Vatican y trouve un intérêt économique évident, avec toutes les perspectives de
04:12 bénéfices liées à la traite négrière, et un intérêt religieux certain, avec la
04:16 possibilité de nouvelles conversions au christianisme.
04:18 Au XVIIe et XVIIIe siècle, les autres états européens, Hollande, France, Angleterre notamment,
04:26 s'implantent en Amérique.
04:28 Une partie des Antilles échappe aux espagnols, cette myriade d'îles étant difficile à
04:33 contrôler.
04:34 La France s'établit à Saint-Domingue, en Guadeloupe ou en Martinique principalement.
04:40 La culture de la canne à sucre est introduite par les portugais au Brésil dès le XVIe
04:46 siècle, puis étendue aux Antilles un siècle plus tard.
04:49 Les puissances européennes profitent du besoin de main d'œuvre pour établir un fructueux
04:55 commerce maritime, organisé autour de la traite des Noirs, le commerce triangulaire.
05:00 De riches armateurs organisent le départ de vaisseaux depuis les grands ports négriers
05:07 européens, par exemple Nantes, Bordeaux, Liverpool ou encore Amsterdam.
05:12 Ils partent charger de marchandises manufacturées, qu'ils vont troquer sur les côtes ouest
05:17 africaines, contre des esclaves qu'ils vont ensuite déporter aux Amériques et aux Antilles
05:22 pour les échanger contre du sucre, des teintures, du café, du cacao ou encore du tabac, qu'ils
05:27 revendront à prix d'or dans les capitales européennes.
05:29 En France, aux esclaves africains ont privilégié des travailleurs volontaires, les 36 mois,
05:37 nommés ainsi car ils ont des contrats de 3 ans.
05:39 Ils ont l'espoir d'obtenir une terre, de démarrer une nouvelle vie.
05:43 Rapidement, les engagés manquent, les conditions de travail sont trop dures, et souvent, le
05:49 rêve se transforme en cauchemar.
05:51 Richelieu et Louis XIII autorisent la traite en 1642.
05:54 Mais c'est réellement sous Louis XIV, puis au XVIIIe siècle, que le système se rationalise,
06:00 et qu'une économie sucrière, utilisant les esclaves déportés d'Afrique, se développe.
06:04 Par exemple, à Saint-Domingue, il y a 30 000 esclaves qui produisent 3 000 tonnes de sucre
06:10 en 1690.
06:11 Un siècle plus tard, 500 000 esclaves en produisent 100 000 tonnes.
06:16 Suivons désormais le parcours d'un esclave, de son village en Afrique, en passant par
06:25 le comptoir de vente, jusqu'à une habitation sucrière aux Antilles.
06:28 A la source de la mise en esclavage se trouve la complicité des royaumes africains dans
06:33 le fonctionnement de la traite atlantique, et leur étroite coopération avec les négriers
06:37 européens.
06:38 Le royaume du Dahomey, dans le sud de l'actuel Bénin, était l'un des principaux fournisseurs
06:44 d'esclaves pour les négociants.
06:45 Le fait de réduire en esclavage était une part essentielle des traditions de ce peuple,
06:50 et une façon d'imposer une domination politique et économique grâce aux nombreuses guerres
06:54 et rasias, et la vente de ses prisonniers.
06:56 Ils disposaient d'une armée de métiers, consacrées à la capture d'esclaves, composée
07:02 de 12 000 hommes, dont 5 000 amazones, les fameuses femmes guerrières réputées pour
07:06 leur force et leur cruauté.
07:07 L'assaut est lancé aux aurores, par surprise, dans les villages encore assoupis.
07:13 Les personnes âgées sont décapitées, et le reste de la tribu fait prisonnier.
07:19 Les captifs sont ensuite convoyés vers les côtes.
07:23 Après de longues marches, où ils sont parfois revendus à des tribus locales, hommes, femmes
07:30 et enfants sont gardés dans des forts ou des barraquements sur les littoraux, où ils
07:34 sont stockés.
07:35 Le port de Ouida et l'île de Gorée sont les deux principaux points de départ des
07:41 déportations.
07:42 Les esclaves sont alors constitués en lots.
07:45 Les prisonniers de langues différentes, et parfois de tribus rivales, sont mis ensemble,
07:50 afin d'empêcher la coopération et enrayer les velléités de révolte.
07:54 Il ne reste plus qu'à attendre les négociants venus d'Europe.
07:58 Depuis, les ports français, dont le plus important est Nantes, de riches bourgeois
08:05 ou certains nobles financent les expéditions de la traite.
08:07 Ils se font appeler négociants, car ils négocient en gros, et non marchands, qui eux font du
08:14 commerce de détail.
08:15 Beaucoup se perçoivent qu'ils sauvent les populations des guerres incessantes qui secouent
08:20 les tribus africaines, et qu'elles pourront accéder par ce biais à la civilisation.
08:24 Dans les ports, on remplit les cales du navire.
08:28 Toiles imprimées, soie, outils, armes à feu ou encore alcool, qui seront revendues
08:32 aux royaumes africains.
08:33 Le vaisseau navigue le long des littoraux, et une fois sur le lieu de négoce, le capitaine
08:39 s'acquitte des taxes d'ancrage et de commerce.
08:41 Durant le costing, le cabotage négrier, un chirurgien inspecte minutieusement les esclaves.
08:48 Vérification de la condition physique, inspection des dents, des yeux et de la vigueur musculaire.
08:53 Le but est de sélectionner les esclaves en meilleure forme, afin qu'ils survivent à
08:59 la traversée, puis une fois dans les colonies, qu'ils soient aptes aux rues de travail de
09:03 la canne.
09:04 Les négociations sont âpres et mouvementées.
09:07 L'affaire conclut, les esclaves sont marqués au fer rouge.
09:10 Les femmes sont très souvent soumises à l'acte d'appareillage, viol massif, commis
09:17 par les matelots, après l'acquisition des esclaves.
09:19 Un processus tout bénéfique pour les armateurs, qui y voient la possibilité d'augmenter
09:24 la valeur économique de leurs marchandises.
09:26 Les navires négriers sont des navires de commerce classiques, que les armateurs aménagent
09:34 afin de pouvoir contenir un maximum d'esclaves.
09:36 L'entrepont sert à stocker les prisonniers, et les cales, les marchandises.
09:41 Les captifs sont entassés les uns sur les autres, couchés tête bêche, pour gagner
09:45 un maximum de place.
09:46 Ils disposent d'environ 1m2 de surface pour vivre durant des semaines, dans la pénombre,
09:52 la puanteur, et les maladies.
09:54 Les esclaves sont nus, pour éviter la prolifération des insectes et des maladies.
10:03 Dans la plupart des navires négriers, les hommes et les femmes avec leurs enfants sont
10:09 séparés par une barricade, afin de limiter les communications et les risques de révolte.
10:13 Lors du départ, les esclaves sont enchaînés jour et nuit, deux par deux, aux poignées
10:21 et aux chevilles.
10:22 Une fois loin des côtes, ils sont enchaînés uniquement la nuit.
10:27 Femme et enfant sont autorisés à rester sur le pont durant la journée, avant d'être
10:35 renvoyés à fond de cale au coucher du soleil, après une fouille minutieuse.
10:38 Lors du passage du milieu, la traversée de l'Atlantique jusqu'aux colonies, au
10:45 lever du jour, les prisonniers sont emmenés sur le pont, où on les oblige à danser pour
10:50 activer leurs muscles et entretenir leurs conditions physiques.
10:52 Ils sont attachés pour empêcher les tentatives de suicide.
10:56 Pendant ce temps, l'entrepont est lavé.
11:00 Ils sont nourris deux fois par jour.
11:04 Riz, maïs, fèves et manioc en soupe constituent l'essentiel des repas.
11:08 Les esclaves sont lavés à l'eau de mer, rasés tous les quinze jours pour éviter
11:13 les poux.
11:14 Les maladies règnent sur l'embarcation, à cause de ces conditions de vie déplorables.
11:19 Malgré l'utilisation de citron pour éviter la diffusion du scorbut chez les prisonniers,
11:24 certains historiens évoquent près de 1 800 000 esclaves décédés durant la traversée,
11:29 sur 12 à 13 millions de déportés, durant toute la période de la traite atlantique,
11:33 soit un taux de mortalité de près de 15%.
11:35 Le passage du milieu est également un moment de constante peur pour les capitaines.
11:41 L'équipage, constitué de 40 à 50 matelots, instaure un climat de terreur afin d'empêcher
11:48 les révoltes.
11:49 Si une révolte échoue, elle est brutalement réprimée.
11:53 Si par chance elle réussit, l'incapacité des esclaves à manœuvrer une si grande embarcation
12:00 les condamne à une dérive mortelle sur l'océan.
12:02 Après environ 6 semaines de traversée, le navire négrié arrive aux Antilles, Saint-Domingue,
12:11 Guadeloupe ou Martinique.
12:12 Les esclaves sont lavés, nettoyés et huilés avant la vente aux enchères.
12:17 Les maîtres béquets, les colons blancs des Antilles françaises, se rendent ainsi sur
12:22 la place du marché afin d'acheter de nouveaux esclaves, accompagnés de leur procureur,
12:27 la personne chargée de tenir les comptes financiers de l'habitation, d'acheter et
12:31 de revendre les esclaves.
12:32 Une nouvelle inspection est faite des dents, des yeux et de la condition physique.
12:36 Après la vente aux enchères, les capitaines se débarrassent des derniers esclaves invendus,
12:42 en général les plus âgés ou les malades, à travers une vente de groupe à un prix
12:45 réduit.
12:46 Les capitaines chargent alors leur bateau de sucre évidemment, mais également de tabac,
12:51 de coton, d'indigo ou de café.
12:53 Retour au port de départ, où les marchandises sont revendues dans les grandes villes européennes.
12:58 La rentabilité n'est pas exceptionnelle, le risque de perte est assez élevé, mais
13:04 en moyenne, les financeurs peuvent faire un bénéfice de 15 à 30% sur la somme investie.
13:09 L'espoir d'un gros coût, qui rapporterait énormément sur un seul voyage, motive toujours
13:15 les négociants à lancer de nouveaux navires sur les océans.
13:17 Afin de régir les rapports maîtres-esclaves dans les colonies, une ordonnance est édictée
13:24 sous Louis XIV par son ministre des finances Colbert.
13:27 Plus connu sous le nom de « Cône Noir », le texte réglemente le système esclavagiste.
13:31 A l'origine, il a pour but de réaffirmer l'autorité royale face aux colons, afin
13:37 de limiter leurs exactions sur les esclaves dans un but précis, favoriser la production
13:42 pour engranger un maximum de bénéfices.
13:43 Il est autorisé de fouetter les esclaves, avec des verges et des cordes, et non des
13:49 bâtons, pour ne pas leur casser les os.
13:51 Le propriétaire peut les entraver, ou les mutiler en cas de fuite.
13:59 On coupe une oreille, et on marque l'épaule au fer rouge.
14:02 En cas de récidive, on coupe une jambe, et l'on marque l'autre épaule de la même
14:07 manière.
14:08 Enfin, en cas de troisième tentative de marronnage, terme désignant la fuite d'un captif, le
14:13 maître a le droit d'ôter la vie de son esclave.
14:15 A partir des années 1780, ces actes de mutilation sont interdits par les gouverneurs antillais,
14:22 le propriétaire pouvant être frappé d'infamie.
14:24 Le Cône Noir considère les esclaves comme des biens meubles, et les soumet donc au régime
14:30 de la propriété, c'est cible, vendable, échangeable.
14:33 Le prisonnier ne redevient humain qu'en cas de crime, puisqu'il peut être déclaré
14:38 responsable de ces actes.
14:39 Une fois acheté, l'esclave est baptisé, avec une religion qu'il ne connaît pas,
14:46 et on lui attribue un nouveau prénom.
14:47 Il est envoyé dans une plantation, que l'on nomme Habitation, qui peut accueillir de 60
14:53 à 400 esclaves.
14:54 Les captifs habitent dans de petites maisonnettes étroites, que l'on appelle casanègres.
14:59 Faites de branches et de chaumes de canne, ces bâtisses sont dans un état médiocre.
15:03 Toute l'année, la canne à sucre doit être plantée, désherbée, coupée, récoltée
15:10 et transportée, puis broyée et chauffée pour être transformée.
15:14 L'organisation de la plantation fait en sorte que la récolte soit un processus continu.
15:20 Les périodes les plus exigeantes nécessitent que les esclaves soient à l'ouvrage nuit
15:25 et jour.
15:26 Sous un soleil de plomb et un climat tropical, hommes, femmes et enfants travaillent sous
15:31 le regard du contre-maître, prêts à les fouetter lorsque la cadence n'est pas assez
15:35 rapide.
15:36 Les esclaves passent en général la journée entière au champ, même les femmes enceintes,
15:40 qui travaillent jusqu'au dernier moment.
15:42 Les accidents sont constants, bras broyés dans les meules ou brûlés dans les chaudières.
15:48 Le Côte-Noir prévoit que les esclaves aient leur dimanche de libre, pour aller à la messe
15:54 et respecter le jour sacré du Seigneur, mais également pour s'occuper du minuscule lopin
15:58 de terre octroyé avec leur case.
16:00 Dans les faits, la plupart des maîtres les obligent à travailler, arguant qu'il y
16:06 a trop de tâches à effectuer dans la plantation.
16:08 Les esclaves sont divisés en deux catégories dans l'organisation de la plantation, le
16:15 grand et le petit atelier.
16:17 Le petit atelier est composé des enfants de 11 à 16 ans, des esclaves trop vieux pour
16:23 travailler au champ ou de ceux qui ont été mutilés dans les machines de broyage de la
16:26 canne.
16:27 Leur travail est constitué de tâches moins éreintantes, comme s'occuper du bétail
16:31 ou ameublir la terre.
16:33 Le gros du travail est donc réalisé par le grand atelier, où la plupart des esclaves
16:37 sont placés.
16:38 D'un côté, le jardin, les champs de canne, et de l'autre, le moulin, le lieu de transformation
16:44 de la canne à sucre.
16:45 Les conditions de travail inhumaines, les maltraitances, les accidents, les maladies
16:50 et la malnutrition réduisent l'espérance de vie à 30-40 ans.
16:54 L'unique horizon qu'un esclave peut envisager est celui d'être affranchi, procédé extrêmement
16:59 rare car jugé dangereux, ou la fuite, qui généralement se termine par une nouvelle
17:03 capture ou la mort.
17:05 A raison d'un homme libre pour 17 esclaves, il est nécessaire pour le maître d'une
17:15 plantation de s'appuyer sur une hiérarchie stricte pour maintenir l'ordre.
17:18 Les individus sont mis en compétition pour éviter toute coalition ou tentative de révolte
17:24 contre le béquet.
17:25 Concrètement, ce sont des esclaves qui surveillent d'autres esclaves.
17:29 Il y a tout d'abord les nègres de jardin, les esclaves de base, la majorité de ceux
17:34 qui travaillent dans la plantation.
17:35 Viennent ensuite ceux qui les surveillent, les commandeurs ou contremaîtres, qui sont
17:40 choisis pour leur capacité à se faire obéir.
17:43 Ils chapeautent la production et s'assurent de la bonne exécution du travail.
17:47 Ils infligent les punitions, tiennent le fouet, vérifient le respect des horaires.
17:51 Leur rôle est très important dans la répression du marronnage.
17:54 L'économe se charge de tenir les comptes de la production.
17:59 Les nègres à talent sont un peu mieux traités, car ils disposent de compétences propres.
18:04 Ils savent par exemple fabriquer le sucre ou le rhum.
18:06 Les esclaves domestiques, quant à eux, juisent de certains privilèges.
18:11 Ils vivent dans la maison du maître et sont mieux nourris que les autres.
18:14 Ce sont en général des femmes qui sont assignées à de multiples fonctions d'intendance.
18:19 Elles sont à la fois servantes, nourrices, domestiques, cuisinières, et sont également
18:24 utilisées comme objets sexuels.
18:26 La bonne organisation d'une plantation se crée dans ses rapports de domination et de
18:32 compétition, où tout est fait pour que l'individualisme et l'égoïsme deviennent la règle pour
18:37 chacun.
18:38 Face au système esclavagiste, quelques voix s'élèvent.
18:44 Certains philosophes des Lumières dénoncent la traite négrière, non sans une certaine
18:48 ambiguïté.
18:49 Par exemple, Voltaire condamne l'esclavage dans Candide, tout en possédant des parts
18:54 dans la Compagnie des Indes, très active dans le commerce triangulaire.
18:58 Des sociétés abolitionnistes apparaissent à la fin du XVIIIe siècle, en Angleterre,
19:03 puis en France, mais visent dans un premier temps la suppression de la traite négrière,
19:07 et non l'abolition de l'esclavage.
19:09 Au moment de la Révolution, des révoltes éclatent en Martinique, en Guadeloupe, et
19:14 surtout à Saint-Domingue, où Toussaint l'ouverture inflige une série de revers aux colons français.
19:19 En 1794, la France est le premier pays à abolir l'esclavage, et faire des anciens
19:34 esclaves des citoyens de plein droit.
19:36 Sauf en Martinique, où les planteurs préfèrent passer sous domination britannique pour contourner
19:40 la loi.
19:41 Il repassera sous giron français en 1802, date à laquelle Napoléon rétablira l'esclavage.
19:47 Mais le monde change, l'Angleterre fait sa révolution industrielle.
19:51 Le système de traite perd en rentabilité.
19:53 Il est supprimé au Royaume-Uni en 1808.
19:57 Durant le Congrès de Vienne en 1815, les monarchies européennes assimilent la traite
20:02 négrière à de la piraterie.
20:03 Mais la suppression de la traite ne supprime pas l'esclavage.
20:07 En France, on réprime la traite négrière en 1827, et il faut attendre 1848 et la deuxième
20:13 république pour que l'esclavage soit définitivement aboli, sous l'impulsion de Victor Schoelcher.
20:18 Les propriétaires sont indemnisés, tandis que les affranchis ne recevront ni taire ni
20:23 indemnisation.
20:24 Il ne faut pas s'y tromper, l'abolition tient plus de cause économique qu'humaniste
20:29 et s'intègre dans une mutation de l'économie mondiale.
20:31 Pour en revenir à l'activité sucrière, la culture de la betterave en France qui
20:36 se développe tout au long du XIXe siècle n'est pas étrangère au déclin des plantations
20:39 coloniales aux Antilles.
20:40 Entre le XVIe et le XIXe siècle, on estime à 12 millions le nombre de déportés, toutes
20:48 nations confondues.
20:49 Cette saignée démographique, auxquelles il faut ajouter les victimes de la traite orientale,
20:54 a eu des conséquences catastrophiques sur le continent africain, croissant ses développements
20:58 ralentis, insécurité croissante ou instabilité politique récurrente.
21:02 Sur les 12 millions de victimes, 1 200 000 personnes ont été déportées dans les Antilles
21:08 françaises.
21:09 On estime à environ 5 millions les descendants d'esclaves en France et près de 10 millions
21:13 en Haïti, ancienne Saint-Domingue, devenue indépendante en 1804.
21:17 Ce système mercantile a considérablement enrichi les Européens, participant à l'essor
21:23 d'une classe bourgeoise qui a mis en place des outils propices à son développement,
21:27 comme les banques, pour financer la traite, ou les assurances, pour couvrir les risques
21:32 d'une telle entreprise.
21:33 Le mode d'organisation des plantations fut également un laboratoire pour les mines,
21:39 les usines et les manufactures du XIXe siècle, période durant laquelle la classe ouvrière
21:44 deviendra la nouvelle force servile du capitalisme.
21:47 Voilà, j'espère que cette vidéo vous a plu.
21:55 Comme d'habitude, si vous souhaitez soutenir la chaîne, vous pouvez acquérir cette magnifique
21:59 illustration de Manon Pelletier, du studio DTDA, en vous rendant sur la page Tipeee et
22:04 Utip.
22:05 J'en profite encore pour remercier les tipeurs et utipeurs sans qui rien ne serait possible.
22:09 Encore merci d'avoir visionné, et à bientôt pour un nouvel épisode.
22:14 Ciao !

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