Julie Ferrage, maman et auteure du blog @a_nos_etoiles sur Instagram, qui nous raconte comment elle a survécu à la perte de ses trois bébés morts pendant la grossesse.
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00:00 Bonjour, je m'appelle Julie, j'ai 37 ans, je vis à Paris avec mon mari Thomas, ma fille Olivia qui a 5 ans et demi.
00:07 Je suis aussi la maman de trois bébés qui n'ont pas pu vivre à cause d'une maladie génétique encore non identifiée à ce jour.
00:14 Le deuil périnatal de toute façon c'est une expérience qui est très solitaire.
00:25 Fondamentalement, personne ne pourra jamais se mettre à la place des parents qui le vivent. Par contre, le message que j'aimerais faire passer à l'entourage c'est
00:32 même si ça vous fait peur, même si vous ne comprenez pas ce que les parents vivent, vous pouvez faire une différence.
00:38 Et cette différence, vous pouvez la faire en étant là, vous pouvez la faire en appelant, vous pouvez la faire en étant présent.
00:43 Si vraiment vous avez peur de prendre contact avec les parents parce que, et c'est tout à fait compréhensible,
00:49 vous craignez que le parent se mette à pleurer, vous craignez de ne pas savoir comment gérer finalement ses réactions,
00:54 envoyez un mail, un sms, une carte, un colis, vraiment ça fait énormément de bien.
00:58 J'ai un parcours assez classique.
01:01 Je tombe amoureuse, je me marie, on décide de fonder une famille, je tombe enceinte très vite,
01:08 la grossesse se passe bien, le début de grossesse se passe bien, on passe l'écho du premier trimestre, tout va bien, c'est une petite fille a priori.
01:18 Je continue de travailler, je vis ma vie et puis on arrive à l'échographie du deuxième trimestre,
01:24 qui est dite échographie morphologique, parce que c'est l'échographie qui doit vérifier
01:29 normalement si le bébé va bien, s'il y a des problèmes de santé, des points d'alerte.
01:35 Pendant l'échographie,
01:39 le médecin reste très silencieux, elle ne dit rien, elle se concentre, l'échographie dure très longtemps.
01:48 Moi, à ce moment-là, je ne peux pas soupçonner qu'il y ait un problème. On n'a jamais eu d'histoire
01:53 d'enfant décédé ou de bébé mort-né dans nos familles respectives, en tout cas pas des histoires qu'on connaît.
01:57 On s'est rendu à l'échographie avec plein d'espoir, on était vraiment dans l'optique de voir notre bébé.
02:06 Et tout à coup, le médecin, qui est une femme, s'arrête, repose la sonde et nous dit "Rhabillez-vous, il y a un problème".
02:13 Elle nous explique
02:17 que le bébé a de graves malformations au cerveau, elle ne sait pas ce que c'est, il est beaucoup trop petit.
02:22 Elle me renvoie vers mon obstétricien
02:26 pour qu'il puisse m'adresser à un centre de diagnostic prénatal, un centre pluridisciplinaire où il y a plein de médecins
02:33 qui suivent les grossesses à haut risque,
02:35 qui suivent les femmes comme moi dont le bébé présente des malformations
02:42 ou des maladies détectées.
02:46 Je suis réadressée vers un centre de diagnostic prénatal, ils font
02:49 tout un tas d'examens, ça dure trois semaines, j'ai des prises de sang, j'ai une amniosynthèse.
02:54 On ne sait pas ce que le bébé a, mais tout ce qu'on voit c'est que les malformations
02:58 continuent d'évoluer et même pire, elles sont tellement graves que le bébé décèdera, soit en utéro soit à la naissance.
03:04 Donc mon mari et moi, on décide de faire ce qu'on appelle une interruption médicale de grossesse.
03:07 L'interruption médicale de grossesse, je vais être très claire, j'en avais jamais entendu parler avant, je ne savais même pas que c'était possible.
03:16 J'en suis à six mois de grossesse.
03:18 Moi dans mon univers à moi, les bébés ne mourraient pas, donc ils n'avaient pas de problème.
03:22 On m'avait toujours dit "passez les trois premiers mois, ne t'inquiète pas, tout ira bien".
03:26 Donc
03:29 j'ai mangé ce qu'il fallait, j'ai pris aucun risque pendant la grossesse et là en fait on m'annonce que mon bébé ne va pas vivre.
03:34 Donc c'est vraiment le ciel qui me tourne sur la tête à ce moment-là, moi et mon mari.
03:38 Je suis prise en charge au bout de quelques semaines dans l'hôpital où j'accouche puisque j'apprends que
03:44 lorsque le bébé décède pendant la grossesse, quelle que soit la cause, on doit accoucher.
03:48 J'accouche donc de ma petite Maya, qui est le plus beau bébé du monde,
03:53 que je prends dans mes bras pour lui dire au revoir, qui est aujourd'hui inscrite dans notre livret de famille.
03:58 Et je rentre à la maison et quand je rentre à la maison, autant j'ai été très entourée, très suivie pendant
04:04 toute l'étape du diagnostic.
04:07 J'ai reçu des colis, des cartes, on m'a appelée, les médecins étaient très présents aussi.
04:12 Autant quand je rentre à la maison, là je suis seule, vraiment fondamentalement seule.
04:17 Les gens s'imaginent que le pire est derrière moi et que maintenant ça va aller. Et en fait c'est pas vrai du tout.
04:22 Le pire dans le deuil périnatal, et je pense que tous les parents pourront vous le dire, c'est quand on se retrouve tout seul chez soi.
04:28 On a tout ce travail, tout ce chemin de deuil à faire et que
04:31 finalement les gens s'attendent de nous à ce qu'on soit fort, à ce qu'on passe à autre chose,
04:35 à ce qu'on se remette sur pied très vite et à ce qu'on reprenne une vie
04:39 normale très vite. Et en fait la vie normale, elle ne peut pas reprendre. On a perdu notre bébé.
04:43 C'est insoutenable en fait comme perte. Donc
04:46 je me retrouve vraiment très très seule et seule en plus avec mes questions, avec mes angoisses.
04:52 Quand j'essaie d'en parler autour de moi, on me dit toujours
04:56 "Ah mais t'inquiète pas, tu vas retomber enceinte et puis t'oublieras". Et en fait
05:02 alors je peux vous le dire aujourd'hui, 7 ans après, on n'oublie pas et c'est normal de ne pas oublier. Vraiment c'est très normal.
05:08 Mais effectivement par contre je retourne enceinte très vite et ce que les gens non plus ne soupçonnent pas à ce moment là, c'est que cette
05:13 grossesse d'après, elle est insoutenable au niveau du stress et des angoisses. C'est à dire que moi qui est basculée dans un univers où les
05:20 bébés peuvent mourir,
05:22 finalement je passe neuf mois à me dire "Et en fait si ça se reproduit ?" parce que on n'a pas trouvé de cause, on ne sait pas
05:29 pourquoi notre bébé
05:30 précédent, Maya, était si malade.
05:33 Qu'est ce qui me dit que ça va pas recommencer ? Et donc du coup c'est vrai que c'est une grossesse qui est
05:38 très stressante, très très très très angoissante et les gens ne le comprennent pas. Les gens s'attendent à ce que je sois épanouie,
05:44 à ce que enfin je sois heureuse parce que voilà je porte la vie à nouveau et c'est plutôt tout le contraire qui se produit.
05:50 Alors j'ai de la chance, dans mon malheur j'ai beaucoup de chance, ma fille naît en vie donc en 2015.
05:55 Donc ma petite Olivia qui va très bien aujourd'hui.
05:58 Et deux ans plus tard,
06:02 en se pensant quand même un peu plus à l'abri, on décide de relancer un projet de grossesse. Donc je retourne enceinte à nouveau très
06:07 vite, ce qui est une vraie chance dans mon parcours et
06:09 à nouveau une récidive comme pour Maya.
06:12 Notre petite fille, un petit bébé,
06:15 présente les mêmes malformations au même stade et donc on doit repasser à nouveau par un suivi en centre de diagnostic prénatal et à nouveau
06:21 donc une interruption médicale de grossesse.
06:23 C'est pas plus simple la deuxième fois que la première, ça c'est quelque chose que les gens aussi ne soupçonnent pas. On pourrait imaginer que
06:31 c'est bon, ça va, les parents sont passés par là donc maintenant
06:33 tout ira bien et en fait non, c'est très très difficile.
06:36 Donc je
06:40 replonge à nouveau dans le deuil périnatal avec toujours cette immense solitude.
06:44 Ce qui est compliqué aussi c'est qu'au travail, mon chef de l'époque ne sait pas gérer donc il me met au placard,
06:50 les amis appellent moins, autant la première fois j'avais eu plein de cartes, plein de colis, autant cette fois-ci,
06:56 après tout, Julie est passée par là donc pourquoi s'embêter à prendre de ses nouvelles.
07:01 Donc je suis encore plus seule que la première fois si c'était possible toutefois.
07:04 Deux ans se passent,
07:07 je crée un compte Instagram qui s'appelle "À nos étoiles" parce que justement cette solitude qui a été absolument
07:12 insoutenable dans laquelle j'ai été plongée la deuxième fois,
07:14 je me suis dit à un moment
07:16 c'est pas possible en fait que d'autres femmes la vivent et à un moment donné,
07:19 si les gens sont pas capables d'être là pour nous, si l'entourage est pas capable d'être là pour nous,
07:23 il faut que nous on soit capable d'être là en fait les unes pour les autres.
07:26 Donc j'ai créé "À nos étoiles" au départ comme un compte communautaire d'entraide, de conseil, de soutien.
07:30 Le message principal c'est vraiment que c'est normal de pas aller bien après la mort de son bébé.
07:34 Vraiment, je sais que ça pourrait tomber sous le sens,
07:37 mais c'est quelque chose qui va tellement à l'encontre des idées reçues,
07:40 qu'on en finit par se culpabiliser quand on perd son bébé d'être triste et d'aller mal et moi je sais ce qui m'est arrivé à
07:44 l'époque, c'est pas normal et c'est pas normal non plus de rentrer chez soi une fois le bébé décédé et d'être seule en fait.
07:50 Donc c'est pour ça que j'ai créé ce compte
07:53 et on a depuis énormément d'autres comptes sur "Deuil Périnatal" qui ont commencé à
07:57 fleurir sur Instagram et sur d'autres réseaux sociaux, d'autres qui existaient
08:00 déjà depuis beaucoup plus longtemps, on a beaucoup d'associations qui sont là et c'est merveilleux parce que plus on sera nombreux à en parler et
08:06 plus justement on pourra libérer la parole autour de ce tabou parce que "Deuil Périnatal" c'est un tabou
08:10 immense.
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