Il était une fois : "je suis rentrée à la maternité avec mon bébé et j'en suis ressortie seule..."

  • l’année dernière
Le deuil périnatal est un sujet encore peu connu, voilà pourquoi, des femmes tiennent à témoigner pour mettre en avant cette souffrance qu’elles garderont à vie, c’est le cas de Cécile. C’est lors de sa troisième échographie de contrôle, à quasiment huit mois de grossesse, que Cécile a appris que sa fille était atteinte d’une importante malformation du cerveau. Un grave problème de santé qui a conduit à une IMG (interruption médicale de grossesse) à un mois de la naissance de l’enfant. Ella a vécu ce qu’on appelle un deuil périnatal.
Transcription
00:00 J'ai deux garçons en pleine santé et j'ai accouché d'une petite fille à trois ans
00:17 qui est née sans vie.
00:18 On a décidé avec mon mari d'avoir un second enfant lorsque notre premier garçon a eu
00:23 4-5 ans.
00:24 Donc je suis tombée enceinte d'une petite fille.
00:26 La grossesse s'est plutôt bien déroulée.
00:28 Elle s'est tombée en plein pendant le confinement, le premier confinement, donc le Covid.
00:32 La troisième échographie obligatoire, donc celle à 7 mois et demi par là, on a découvert
00:35 qu'il y avait une malformation au niveau du cerveau.
00:38 On a fait des IRM et des scanners pour suivre l'évolution de la malformation.
00:43 Au départ, le pronostic était plutôt encourageant.
00:46 On pensait qu'elle pourrait vivre et qu'elle aurait potentiellement un handicap plutôt
00:50 léger.
00:51 Une semaine avant l'accouchement, donc vers 8 mois, un peu plus de 8 mois, le pronostic
00:54 pour le coup est devenu beaucoup plus sinistre et beaucoup moins favorable.
00:58 Son cerveau était très endommagé.
01:00 On s'est posé la question tous les deux.
01:11 On a vu les conséquences qu'il pouvait avoir sa naissance sur notre vie.
01:14 Ça en soi, ça ne nous dérangeait pas en fait, le fait d'avoir un enfant handicapé.
01:17 Ce n'est pas quelque chose qu'on veut de base, c'est certain.
01:19 Mais on s'était dit qu'on pourrait vivre avec, qu'on pourrait aménager, on pourrait
01:23 faire en sorte que ce soit faisable.
01:26 Donc le débat n'était pas trop là-dessus.
01:27 C'était plutôt en fait sur ses conditions de vie à elle.
01:30 Comment est-ce qu'elle, elle allait vivre ? Qui allait la prendre en charge ? Quand
01:34 on ne serait plus là, qui s'occuperait d'elle ? Etc.
01:36 La décision, elle est prise aussi, donc elle est demandée par la famille lorsqu'on a
01:40 l'option, enfin cette possibilité, pardon.
01:42 Mais elle est validée par deux médecins compétents.
01:45 Elle est étudiée en comité, en fait, un comité qui se réunit avec justement les
01:49 spécialistes et les médecins qui suivent le dossier.
01:51 C'est une décision extrêmement difficile à prendre.
01:54 De mon point de vue, je trouve que c'est sûrement la décision la plus difficile que
01:57 j'ai eu à prendre de ma vie, clairement.
01:58 Pour mon mari aussi, ça pose plein de questions sur le après et surtout sur la culpabilité
02:03 en fait qu'on peut avoir parce que finalement, on a un choix.
02:06 C'est un mauvais choix à faire.
02:08 De toute façon, il n'y a pas de bon choix dans ces cas-là.
02:10 Donc vous avez la date d'accouchement.
02:14 En général, c'est quelques jours après la décision.
02:16 Donc nous, c'était à peu près une semaine après.
02:18 En fait, vous arrivez à l'hôpital, vous êtes admise.
02:21 Ils vous donnent un premier cachet en fait par rapport au travail du col, etc.
02:25 Ensuite, il y a vraiment la procédure d'IMG à proprement dit, donc où ils arrêtent
02:28 en fait le coeur du bébé.
02:29 Donc ça a été quelque chose d'extrêmement long, vraiment des heures vraiment très,
02:33 très éprouvantes parce que du coup, finalement, le travail est plus difficile à mettre en
02:37 place parce qu'il n'y a pas le bébé qui est vivant et du coup qui a besoin de sortir.
02:41 Suite à l'accouchement, donc on vous laisse votre bébé en fait pendant quelques minutes,
02:45 quelques heures parfois.
02:46 En fait, vous accouchez, le sage-femme, enfin moi c'était un sage-femme en l'occurrence,
02:49 donc il récupère le bébé, il le nettoie un petit peu, comme s'il était vivant en
02:54 fait.
02:55 C'est le même processus.
02:56 Il vous le remet en fait sur vous et c'est le moment où vous le rencontrez et à la
02:59 fois vous lui dites au revoir.
03:00 Donc c'est un espèce de mélange de sentiments.
03:03 En même temps, l'accouchement avant était relativement éprouvant et ça reste quand
03:07 même un moment de joie dans un sens puisque vous rencontrez finalement votre bébé.
03:12 Donc vous le faites qu'il ne soit pas vivant.
03:14 Vous le savez, vous le voyez, mais finalement j'ai envie de dire qu'à ce moment-là,
03:17 ça paraît presque accessoire, ça passe vraiment au second plan.
03:20 Vous, tout ce que vous voyez quand on vous donne votre bébé, c'est que c'est votre
03:24 bébé, vous l'avez porté pendant presque 9 mois, enfin 8 mois et quelques et vous le
03:27 trouvez magnifique en fait.
03:28 Donc vous partagez ces instants-là qui seront les derniers du coup avec lui.
03:31 On prend quelques photos, on lui parle.
03:34 Le silence est quand même assourdissant.
03:38 L'accouchement se passe dans le silence, il n'y a pas de cri en fait à l'issue de
03:42 la sortie et puis le sages-femmes revient le chercher et le ramène en fait.
03:46 Vous avez ramené quelques affaires en fait qu'on vous avait demandé de ramener pour
03:50 l'habiller en fait, qui sont son unique tenue.
03:53 Donc voilà, il récupère les petites affaires, il l'habille et puis en fait ça s'arrête
03:58 là.
03:59 Vous êtes remonté en chambre, vous avez vos suites de couches tout à fait classiques
04:03 et moi je crois qu'ils m'ont sorti le lendemain en fait de l'hôpital.
04:06 Je suis reparti le lendemain.
04:08 Pour le coup vraiment les bras vides, on se retrouve seul en fait.
04:12 On a accouché la veille d'un bébé magnifique et mort en fait.
04:18 Et donc on repart et le seul endroit où on peut le revoir finalement, c'est la morgue.
04:23 Il était parti en fait avec notre famille, on savait que j'allais accoucher.
04:30 On s'est dit que c'était mieux en fait s'il n'était pas avec nous en fait, pas
04:32 à la maison.
04:33 On avait fait en sorte, et ça s'était plutôt bien "goupillé" de pouvoir procéder à
04:39 l'enterrement juste avant son retour.
04:41 Sachant que quand il m'avait quitté, j'étais déjà à presque 8 mois de grossesse.
04:45 Donc j'avais quand même un ventre assez important.
04:49 Il savait qu'il y avait sa petite sœur, il l'attendait.
04:51 Donc il est rentré en fait de vacances.
04:53 La première chose qu'il a fait, c'est qu'il s'est précipité sur moi en disant
04:56 bonjour à sa petite sœur, en enlâchant mon ventre en fait et en lui parlant.
05:00 Donc là il faut se contenir un minimum, mais en même temps ça vous rappelle en fait
05:03 ce que vous venez de vivre.
05:04 Et je pense qu'il a été très difficile, ça a été de voir sa peine à lui en fait.
05:08 Et le fait de lui infliger ça en plus, bah pareil ça rajoute une dose de culpabilité
05:14 aussi en fait.
05:15 Parce qu'on se dit "mais en fait tout ça, c'est pas normal qu'il le vive à son âge
05:19 en fait".
05:20 Donc il y a une partie de nous qui est très peinée pour lui et où c'est très culpabilisant
05:26 là aussi.
05:27 On lui a assis sur le canapé, on lui a dit en fait que sa petite sœur était morte en
05:32 fait.
05:33 On avait demandé à la psy en fait à l'hôpital avant qu'il revienne de vacances, comment
05:38 est-ce qu'on pouvait annoncer ça, comment amorcer la chose.
05:40 Donc elle nous avait dit d'être très très claire dans nos propos en fait, qu'il y
05:43 avait pas de "elle est partie au ciel" ou "elle est partie", enfin voilà il fallait
05:49 nommer la mort en fait.
05:50 Il est resté très très silencieux en fait, plutôt stoïque, très très triste.
05:55 Quand on l'a vu en fait sur son visage, il s'est vraiment décomposé.
05:57 Je crois que je n'oublierai jamais son petit visage quand on lui a annoncé.
06:01 Moi j'ai eu de la chance, ma grossesse est passée pendant le confinement.
06:07 Donc en fait il y a peu de gens finalement qui m'avaient vue enceinte.
06:11 Donc ça, ça a été un gros plus parce que en fait tout l'entourage un peu lointain,
06:16 tous les gens que vous croisez un petit peu, finalement ils ne l'ont pas trop vu.
06:19 On avait l'impression qu'il y avait une partie de nous qui était morte en fait.
06:25 Et en vrai, on avait un bébé qui était mort, donc oui, une partie de nous était
06:29 partie avec elle, clairement.
06:31 L'enterrement etc, moi j'avais l'impression qu'on m'avait amputée et clairement que
06:35 ma place était avec elle en fait, parce que la place d'un bébé c'est forcément
06:38 avec son parent.
06:39 Mais en fait, il n'y a pas le choix, il faut continuer à vivre.
06:43 On avait un petit garçon qui avait 5 ans, qui était très triste, qui avait besoin
06:46 de nous.
06:47 Pour moi, c'était vital d'avoir de nouveau un nouvel enfant en fait.
06:52 Moi en tout cas, j'avais besoin d'un élan de vie en fait.
06:55 Je voyais pas à quoi je servais, je voyais pas en fait à quoi servait ma vie et comment
06:58 je pouvais l'occuper en fait.
06:59 C'est un sentiment très spécial.
07:01 Pour moi, j'étais un peu morte en fait, donc je voyais pas l'intérêt d'être là.
07:04 J'ai eu de la chance, du coup je suis retombée enceinte très vite.
07:06 Donc j'ai accouché deux fois en moins d'un an finalement.
07:09 Et pour le coup, ce bébé d'après, ça a été vraiment le souffle de vie qui nous
07:13 a permis de maintenir la terte hors de l'eau.
07:16 Alors la troisième grossesse du coup, elle a été assez difficile à vivre, très très
07:21 angoissante.
07:22 Là pour le coup, avec mon mari, on avait pas du tout la même approche.
07:24 Moi je voulais le dire à personne, je voulais en parler à personne.
07:27 J'attendais vraiment la troisième éco pour être sûre que tout allait bien.
07:30 Même si en fait, on vous dit, tout le monde vous dit que c'est la deuxième que ça joue,
07:34 que la troisième c'est hyper rare, etc.
07:35 Ce qui est vrai.
07:36 Mais moi, tant que celle-ci n'était pas passée, j'étais pas du tout à l'aise
07:39 pour en parler.
07:40 Et pour le coup, je me suis fait déclencher.
07:42 Ils ont compris aussi le contexte psychologique et donc ils ont bien voulu me déclencher,
07:47 mais pas avant 39 semaines d'aménoré.
07:48 On a inscrit notre fille dans le livret de famille.
07:54 On l'a vraiment considéré comme un membre de notre famille.
07:57 Alors c'est vrai que dans la société, c'est un peu compliqué.
07:59 Quand on vous demande le nombre d'enfants que vous avez, vous répondez le nombre d'enfants
08:02 vivants, parce que ça jette tout de suite un malaise en fait si vous répondez trois
08:06 et que vous devez réexpliquer ce qui s'est passé avant.
08:09 Mais voilà, nous on a trois enfants.
08:10 Il y en a une qui n'est pas là, mais elle fait vraiment partie de notre famille.
08:13 Il faut savoir qu'en fait, à partir du moment où vous accouchez, donc vous avez
08:16 un certificat d'accouchement qui est délivré par l'équipe médicale, vous avez le droit
08:20 d'inscrire votre enfant sur le livret de famille.
08:22 On vit comme des gens lambda, comme on vivait avant.
08:28 C'est-à-dire que sur le papier, tout ressemble exactement à ce qu'on faisait avant.
08:31 Après, la seule chose, je dirais, c'est que moi, j'ai l'impression que notre bonheur
08:35 sera maintenant, aujourd'hui, différent.
08:37 Dans le sens où, même si on pouvait avoir la vie la plus parfaite sur le papier, celle
08:42 dont on a toujours rêvé, en fait, il nous manquera toujours notre enfant.
08:45 Donc, finalement, notre vie ne sera plus vraiment la même.
08:49 [Musique]

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