• l’année dernière
Aujourd’hui, l’histoire est remplacée par le mémoriel, l’analyse historique par l’émotion. Dans nos pays dits "développés", l’homme contemporain vit sous l’hypnose permanente de "l’info", de ces images déversées en continu sur nos écrans. L’actualité omniprésente est devenue comme une drogue qui capte l’attention, au prétexte qu’on y verrait "l’Histoire qui se déroule sous nos yeux".
Comment, alors qu'en matière d'information, l'instantanéité fait loi et que l'Histoire se remet en ordre de marche, comprendre le monde ? L'historien Olivier Milza, auteur de "Clefs pour le temps présent - Précis de culture générale inactuelle" (éd. de l'Artilleur), est reçu par Philippe Conrad et nous présente quelques pistes de réflexion et se propose d'éclairer l'actualité en remontant aux origines des questions abordées. Il s'agit de "coller" à l'époque présente en prenant comme sujets les événements actuels mais en insistant sur le substrat de culture générale qu'il faut acquérir pour saisir les grands mouvements des civilisations.

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Transcription
00:00 Emmanuel Macron est un menteur.
00:03 Lors d'une prise de parole, il dit aux Français qu'il supprime la redevance audiovisuelle.
00:08 Mais il oublie de préciser qu'il continue de verser un chèque de 4 milliards d'euros par an aux médias du service public.
00:15 On veut donc nous faire travailler deux ans de plus parce qu'il manque des milliards dans nos caisses de retraite,
00:20 mais des milliards partent en fumée pour financer les copains et les coquins de l'audiovisuel public.
00:26 Les coquins, ce sont ceux qui dilapident notre argent. Ils se versent des salaires énormes,
00:31 engagent des projets fous comme la plateforme vidéo Salto, vouée dès sa naissance à l'échec,
00:36 et aucune sanction, notamment à l'égard de la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte.
00:44 Les copains, ce sont ceux qui profitent de notre argent.
00:47 Comment expliquer que le service public a donné de l'argent pour plus de la moitié des productions de Bernard-Henri Lévy ?
00:53 Des centaines de milliers d'euros déversés en pure perte pour lui, mais aussi pour les documentaires de son épouse,
00:59 mais aussi pour ceux de son principal associé.
01:03 Pour TVL, nous n'avons pas l'argent de l'État et nous faisons face, en ce mois de juin, à une situation très compliquée.
01:10 Un vrai coup dur avec l'explosion de nos factures d'électricité.
01:14 Votre télévision voit passer sa facture de 15 000 à 100 000 euros.
01:19 Une facture multipliée par 6.
01:22 Alors, téléspectateurs et amis de TVL, bougez-vous, mobilisez-vous, financez TVL contre les menteurs.
01:29 C'est la seule solution.
01:32 [Générique]
01:55 [Générique]
02:23 [Générique]
02:31 Chers téléspectateurs de TVL, bonjour et bienvenue dans Passé-présent,
02:35 votre émission historique présentée en partenariat avec la revue d'histoire européenne.
02:41 Aujourd'hui, vous allez retrouver Philippe Conrad et son invité, Olivier Milsa,
02:47 pour son livre qui est un précis inactuel de culture générale, "Les clés pour le temps présent".
02:54 Retrouvons maintenant Philippe Conrad et son invité.
02:56 [Générique]
03:06 Chers téléspectateurs de TVL, bienvenue dans notre émission Passé-présent.
03:12 J'ai le plaisir de recevoir aujourd'hui monsieur Olivier Milsa,
03:17 qui a publié aux éditions de l'Artilleur, excellente maison d'édition au passage,
03:22 "Clés pour le temps présent, précis à inactuel de culture générale".
03:29 "Clés pour le temps présent, précis inactuel de culture générale",
03:33 qui est un livre, une petite bombe à retardement, et même une petite bombe tout court,
03:37 à travers la multitude d'analyses et de réflexions originales et pertinentes
03:44 qu'il nous présente pour mieux comprendre l'évolution de notre époque
03:49 et tirer les leçons d'un certain nombre de dérives que nous subissons actuellement.
03:56 Alors, Olivier Milsa, quelles sont les raisons
04:03 qui vous ont poussé à réaliser cet ouvrage ?
04:07 Vous êtes, je ne l'ai pas précisé, vous êtes professeur d'histoire en classe préparatoire,
04:12 vous êtes au passage le fils de Pierre Milsa, le célèbre historien d'histoire contemporaine.
04:18 Pourquoi cette enquête à propos des clés pour le temps présent ?
04:24 – Alors, il y a deux raisons, mais les deux sont liées.
04:26 La première raison, c'est qu'on assiste depuis plusieurs années maintenant
04:32 au remplacement, c'est le cas de le dire, progressivement de l'histoire par le mémoriel.
04:37 Et le mémoriel me pose un problème, il est légitime pour certaines communautés,
04:42 mais il a tendance à porter l'analyse, non pas sur l'histoire d'une communauté
04:48 ou d'une séquence historique, mais sur le ressenti émotif.
04:51 Alors, on ne fait pas d'histoire avec du ressenti émotif,
04:54 on fait de l'histoire avec des sources, avec des archives,
04:56 et parfois pour découvrir les causes des événements historiques.
05:00 Et ce que voyons, et voyons les ravages de cette dérive du mémoriel
05:06 chez les étudiants, je me suis dit qu'il était important
05:09 pour un historien de revenir aux sources de l'histoire
05:12 et d'analyser l'actualité, non pas comme un flash immédiat
05:14 qui, comme disait Bernanos, ne nous apprend rien,
05:17 puisqu'il faut ensuite analyser tout.
05:20 Et puis la deuxième raison, mais elle est liée à la première,
05:22 c'est que j'enseigne en classe préparatoire, au niveau universitaire,
05:26 en tout cas depuis plus de 30 ans,
05:28 et que j'ai vu évoluer la population universitaire,
05:31 et que j'ai beaucoup d'étudiants, pas tous, Dieu merci,
05:34 beaucoup d'étudiants qui fonctionnent uniquement avec une vision immédiate,
05:38 une espèce de présentisme de l'actualité.
05:40 Ils ont l'illusion que, dénonçait d'ailleurs Bernanos dans "La France contre les robots",
05:45 juste après la seconde guerre mondiale,
05:46 ils ont l'illusion que, en étant branchés en immédiateté
05:50 sur un événement qu'il aurait décrit,
05:54 ils en comprennent les causes.
05:56 Je vais prendre un seul exemple, très rapide, récent.
05:59 La cause de la guerre en Ukraine, c'est la guerre en Ukraine,
06:02 ce qui est le comble de la tautologie.
06:04 En gros, celui qui attaque, n'est-ce pas, c'est celui qui est cause de la guerre.
06:08 C'est le méchant.
06:09 Et celui qui reçoit est le gentil,
06:11 et on a toute une narratologie qui s'est mise en place progressivement,
06:14 qu'on avait déjà vu pour la Syrie, d'ailleurs, pour l'événement syrien,
06:17 et qui fait qu'à un moment donné,
06:19 on remplace l'analyse en profondeur, en profondeur de champ,
06:23 en temps long, comme disait Brodel,
06:25 par un réactif émotionnel sur un événement.
06:29 Voilà les deux raisons principales qui m'ont fait concevoir ce livre.
06:32 – Oui, et il y a eu d'autres événements au cours de votre carrière.
06:35 – Oh oui, je te fais deux exemples.
06:36 – Vous avez pu constater également le phénomène,
06:38 je pense à l'Irak par exemple,
06:40 les deux guerres du Golfe lancées contre Saddam Hussein
06:46 sur fond de programmes américains.
06:48 – Oui, c'est amusant d'ailleurs, parce que je disais souvent aux étudiants,
06:50 quand on avait l'occasion d'en parler,
06:51 quand le programme s'y prêtait, c'est un peu étonnant,
06:54 parce que Vladimir Poutine est un méchant qui attaque l'Ukraine, n'est-ce pas ?
07:00 Mais par contre les États-Unis sont des gentils
07:02 lorsqu'ils envahissent l'Irak au moment de la deuxième campagne d'Irak,
07:06 sans aucun mandat d'ailleurs, c'est assez amusant,
07:09 c'est-à-dire qu'il y a le camp du bien et le camp du mal,
07:11 et ça c'est dramatique, parce que si on en revient,
07:14 moi j'ai 69 ans, j'ai fait mes études supérieures dans les années 70,
07:18 on avait des professeurs qui étaient très engagés,
07:20 des professeurs engagés à gauche, à droite,
07:22 éventuellement à l'extrême droite et à l'extrême gauche,
07:24 mais il y avait un vrai débat, si vous voulez,
07:26 il y avait un vrai débat, même un débat historiographique
07:28 qui s'inscrivait notamment dans les émissions de télévision,
07:31 alors qu'aujourd'hui on n'a plus de débat,
07:33 c'est-à-dire qu'aujourd'hui il y a une vulgate, il y a une doxa,
07:36 et si tu sors de cette doxa, tu es dans le camp du mal.
07:40 – C'est ça, c'est-à-dire qu'aujourd'hui le journaliste normalisé
07:43 a pris la place du professeur de presse.
07:46 – Tout à fait, le journaliste qui s'imagine d'ailleurs qu'il est objectif
07:49 alors qu'il est au service d'une propagande,
07:51 une propagande d'État, j'ai toujours été étonné,
07:53 nous avions cette année, nous avons eu pendant deux ans
07:56 à Sciences Po, Sciences Po concours commun,
07:58 une question sur la peur, et donc on a travaillé en philosophe,
08:02 en historien sur cette question de la peur,
08:05 et je leur ai proposé quelques analyses,
08:07 notamment en utilisant un peu l'épisode du Covid,
08:10 et je leur ai proposé, en l'occurrence c'est une proposition,
08:12 je ne vous impose rien, une vision qui était celle par exemple
08:15 d'Ariane Bilran par exemple, sur le débat interdit,
08:18 en disant il y a une narration qui nous a été imposée,
08:20 des mesures qui nous ont été imposées,
08:22 il est amusant de voir d'ailleurs qu'aujourd'hui on est en train
08:24 de se rendre compte que le complotisme du lundi devient la vérité du samedi,
08:28 et ce qui m'avait étonné c'est que mes étudiants, très courtoisants,
08:31 me disaient "mais monsieur, mais c'est ce que disent les médias",
08:34 donc je leur dis "vous considérez donc que toute personnalité
08:39 qui a une vision différente de celle des médias
08:41 est forcément quelqu'un qui est complotiste,
08:43 et donc pour vous les médias ont un discours objectif sur l'actualité,
08:46 ça c'est assez effrayant.
08:47 – Ils sont porteurs de la seule vérité avec un V majusculé,
08:50 c'est effectivement très inquiétant quand on constate
08:53 ce qu'est le paysage médiatique aujourd'hui évidemment.
08:57 Alors dans votre ouvrage, dans "Ces clés pour le temps présent",
09:01 vous insistez sur un certain nombre de points
09:04 qui me paraissent tout à fait intéressants,
09:06 et vous revenez sur le retour tout à fait spectaculaire
09:11 et significatif de la géopolitique dans le discours,
09:15 permettant l'analyse des situations que nous vivons aujourd'hui,
09:20 ce qui est un phénomène qui peut paraître banal
09:23 depuis une vingtaine d'années,
09:25 mais ça n'était pas du tout le cas au siècle dernier,
09:29 et comment interprétez-vous ce retour de la géopolitique
09:34 post-guerre froide en quelque sorte ?
09:37 – Pendant très longtemps, les progressistes,
09:39 on va les appeler comme ça, ont boudé la géopolitique
09:41 parce qu'elle était accusée d'être strictement allemande.
09:44 Deux observations, c'est pas parce qu'elle est allemande
09:47 qu'elle n'est pas pertinente déjà,
09:49 parce qu'elle était très antérieure au nazisme
09:51 et à la réduction à Dieter Hohm,
09:53 donc déjà, oh là là, la géopolitique c'est au service d'un impérialisme allemand.
09:56 – On voit en France où elle avait été bannie carrément.
09:58 – Elle avait été bannie complètement.
10:00 Alors pas bannie complètement, mais il fallait faire des études d'histoire,
10:03 par exemple pour accéder, pour les gens de ma génération,
10:06 tout de suite après, à ce qu'on appelait
10:09 l'École Française des Relations Internationales,
10:11 qui a sauvé un peu le nerf de l'historiographie française,
10:14 parce que, que ce soit Pierre Renouvin, plus tard Jean-Baptiste Duroselle,
10:18 et bien d'autres, et leurs élèves, avaient maintenu cette idée renouvinienne
10:23 de force profonde qui agisse sur les relations internationales.
10:26 Mais enfin, ça s'était réservé, si vous voulez, à ceux qui faisaient de l'histoire.
10:30 Cette géopolitique, elle a été bannie jusqu'au moment,
10:33 vous parliez de post-guerre froide, où on s'est rendu compte, un peu atterré,
10:38 que la fin du mur de Berlin ne signifiait pas l'entrée dans le paradis, n'est-ce pas,
10:42 européiste de la paix perpétuelle cancienne,
10:45 qu'on assistait dans le monde au retour des imperia, des imperiums,
10:50 donc des empires, Chine, Inde, Russie, etc.
10:53 et que donc on rentrait à nouveau dans l'histoire,
10:56 et que pour comprendre la position géostratégique ou géopolitique
10:59 de la Chine ou de l'Inde, ou des pays du monde arabo-musulman, d'ailleurs,
11:04 il fallait revenir à des clés de géopolitique,
11:08 c'est-à-dire une analyse de la politique en fonction de la géographie,
11:11 c'est-à-dire revenir aux forces profondes et donc à l'histoire.
11:14 – Avec un pionnier quand même chez nous, qui a fait beaucoup pour ce retour,
11:20 c'est la revue "Hérodote".
11:23 – "Hérodote", alors ça c'est ancien et c'est vrai.
11:26 – J'ai oublié le nom de son animateur.
11:29 – Et plus récemment, enfin ça fait déjà maintenant 10 ans,
11:32 la revue "Conflit", mais la revue "Conflit" qui est une remarquable revue,
11:36 que moi je conseille à mes étudiants, en relation internationale,
11:41 bon mais "Hérodote" a eu un rôle, "Yves Lacoste" a eu un rôle,
11:45 vraiment un rôle important là-dedans, mais quand même je pense que c'est
11:50 depuis 20-25 ans que la réalité qui s'impose à nous tous du retour de l'histoire,
11:55 de l'histoire complexe, etc., nous a amené à nous dire,
11:59 l'analyse émotionnelle présentiste ne suffit pas, il faut qu'on revienne…
12:05 – Et puis la guerre froide avait gelé en quelque sorte deux blocs idéologiques
12:10 et prétendait annuler quelque part.
12:14 – Ça créait une fainéantise intellectuelle qui faisait,
12:16 bon bah pour l'éternité on aura le bloc de l'Est et le bloc de l'Ouest, n'est-ce pas ?
12:20 Bon bah non, de toute façon non, le bloc de l'Est a explosé,
12:25 mais bien avant 1989, les premiers prodromes ont lieu à l'époque brechnevienne.
12:31 – Puis même avec la rupture sino-soviétique, même.
12:34 – Absolument, absolument, et donc là il a bien fallu retrouver les voies de la géopolitique
12:39 et qui aujourd'hui, bon c'est des voies importantes qui permettent de…
12:43 c'est pour ça que j'ai consacré ma première grande partie
12:45 aux questions internationales, aux questions géopolitiques
12:48 où le plus d'imbécilité et de mensonges sont proférés à longueur de chaînes mainstream
12:54 pour essayer de comprendre un petit peu les racines profondes des comportements actuels.
12:58 – Oui parce que vous prenez quelques cas concrets
13:01 du traitement médiatique courant de certains événements,
13:06 il est clair que par exemple un épisode comme celui de l'insurrection en Syrie
13:12 et la guerre qui a suivi, si on n'a pas en tête l'histoire du Proche-Orient
13:19 depuis pratiquement un siècle, le Proche-Orient post-Ottoman,
13:22 – Depuis les origines.
13:24 – Il est évident qu'on n'a aucune capacité à comprendre les évolutions en cours.
13:30 Et alors qu'on pointe du doigt évidemment la menace ou le danger
13:35 que peut représenter l'islamisme, les frères musulmans, etc.
13:40 Mais dans le cas de la Syrie, la répression menée par Assad-Perre
13:46 contre les islamistes, alors là, c'était considéré comme inacceptable.
13:51 Donc il y a eu une bourrée de contradictions tout ça aussi.
13:54 – Vous avez raison de pointer le doigt sur le cas syrien,
13:57 autre que c'est un pays que j'ai beaucoup parcouru
13:59 comme guide de conférence de voyages,
14:02 et qui m'a profondément marqué, donc que j'ai étudié en détail.
14:05 Bon, la Syrie est le prototype du pays où la désinformation est totale.
14:09 Par exemple, pour prendre un seul exemple,
14:11 il ne s'agit pas de dire que Bachar el-Assad c'est bien,
14:13 il s'agit de comprendre qui est Bachar el-Assad, c'est un dalaouite.
14:17 Une religion complexe, faite de masdéismes, un peu d'islam, etc.
14:21 Mais c'est surtout une minorité basée dans la région de l'Attaquieh.
14:25 Et le deal, si j'ose dire, proposé au Assad, dès Rafel el-Assad jusqu'à aujourd'hui,
14:30 il est simple, bon ben vous reconnaissez notre pouvoir,
14:33 je suis un peu le raïs si vous voulez syrien, et celui de ma communauté,
14:37 mais en échange, je protège les communautés.
14:40 Le bel hommage qui a été fait à Bachar el-Assad,
14:43 ce qui a bien ennuyé d'ailleurs les chanceliers occidentaux,
14:46 l'ont été par les chrétiens d'Orient,
14:48 qui s'ils n'ont pas été totalement génocidés, le doivent au Assad.
14:51 Alors avec des raisons évidemment géostratégiques et politiques des Assad.
14:54 Mais voilà, ça c'est pour moi de la réinformation.
14:56 Il ne s'agit pas de dire que c'est bien, il s'agit de comprendre pourquoi.
14:59 Et surtout de revenir même à l'antiquité,
15:01 de ce qu'a été le monde syrien dans l'antiquité.
15:03 On est forcé de faire ça, pour comprendre la lente évolution,
15:06 effectivement, d'un pays.
15:08 Et puis, cette désinformation aussi extraordinaire,
15:11 au moment des printemps arabes,
15:12 alors j'entendais ça partout, les printemps arabes,
15:14 dont je me suis méfié tout de suite.
15:16 D'abord parce que c'est extraordinaire,
15:17 c'est que les mêmes intellectuels qui vous disaient,
15:18 il ne faut pas appliquer au monde arabe des clés de lecture occidentales,
15:22 parlaient de printemps arabe comme si on était en 1848.
15:25 Alors que ce n'était pas du tout la question.
15:27 Le monde arabo-musulman a un certain nombre de difficultés,
15:29 pas assez d'élite politique moderne, en particulier,
15:32 une conception très caliphale du pouvoir.
15:35 C'est comme ça, ils sont comme ça.
15:37 Ils ont besoin d'un homme de référence, d'un raïs, etc.
15:39 – C'est la réalité.
15:40 – Il ne s'agit pas de dire que c'est bien,
15:41 il s'agit de dire, voilà ce qui explique l'évolution
15:44 de nos amis du monde arabo-musulman,
15:46 et faire comprendre aux étudiants,
15:48 ou à un public qui a envie de comprendre les choses,
15:51 qu'adresser des satisfécites ou des condamnations
15:54 sur ce qui s'est passé hier ou avant-hier…
15:58 – Oui, ça n'a pas véritablement de sens.
16:03 Et d'ailleurs, à ce sujet, vous qui êtes un spectateur éclairé
16:08 de l'évolution de ces mondes-là,
16:10 comment est-ce que vous voyez aujourd'hui
16:13 l'évolution du Proche-Orient, de la Syrie,
16:15 et puis du Proche-Orient avec la Nouvelle-Etonne,
16:19 qu'apportent leurs rapprochements irano-saoudiens ?
16:23 Est-ce que vous imaginez qu'on peut penser
16:27 à la possibilité d'une stabilisation
16:30 par rapport aux multiples tensions qui agitaient ce monde-là depuis…
16:35 – Je vais sans doute scandaliser ceux qui sont des démocrates systématiques,
16:39 c'est bien d'être démocrate, mais dans ce pays,
16:41 dans cette région du monde, ce n'est pas une démocratie.
16:44 L'Iran, comme la Turquie d'Erdogan d'ailleurs,
16:48 aspire à devenir des grandes puissances régionales.
16:52 J'ai l'impression que, nonobstant d'autres conflits
16:56 qui peuvent avoir lieu, ça peut aboutir
16:58 à une stabilisation momentanée.
17:00 On a une vision en Occident du mauvais Erdogan,
17:04 le Zinen, le Pabot.
17:05 C'est comme ça, il est pour le pantouranisme,
17:08 le retour au panautonomisme.
17:10 Bon, ça a un problème avec les Kurdes, etc.
17:12 Mais malgré tout, il y a une forme de stabilité.
17:15 Et puis c'est vrai que les nouvelles relations,
17:17 comme vous le notiez, entre les différents partenaires,
17:19 stabilisent un peu les choses, même si la guerre au Yémen
17:22 nous montre bien les tensions entre les différents partenaires.
17:25 En tout cas, ce sont des pays qui se cherchent.
17:27 L'Iran est un pays étonnant, que je connais un petit peu.
17:31 Il faut faire très attention avec l'Iran.
17:34 Ce sont des politiques, les dirigeants iraniens.
17:37 Il ne faut pas les prendre pour des anturbanés, excusez-moi.
17:39 On peut condamner ce qu'on veut,
17:43 mais ces gens-là ont le sens de l'histoire.
17:45 Voilà, bien sûr.
17:46 Et d'ailleurs, curieusement, ils se revendiquent aussi,
17:49 comme le faisait le chat d'Iran,
17:51 on remonte à percer police, pratiquement.
17:53 Depuis l'Empire perse de l'ancien État.
17:54 Absolument, absolument.
17:55 Et ça, on ne veut toujours pas le comprendre.
17:57 On ne peut pas le comprendre, parce que nous, on est le pays,
17:59 je parle de la France et de l'Europe occidentale, en tout cas,
18:01 qui a décidé de supprimer toute référence historiale.
18:05 Bon, c'est comme ça.
18:06 Le monde commence maintenant, c'est une folie.
18:08 Eux, pas du tout.
18:09 Ils ont 2000, 3000, 4000 ans d'histoire.
18:12 Et ils essayent.
18:13 Je pense à un autre pays comme l'Inde,
18:15 qui va devenir une des grandes puissances de la région,
18:17 pays que j'ai beaucoup parcouru à titre personnel.
18:19 C'est un pays qui cherche désespérément,
18:21 et qui parvient plus ou moins à essayer de concilier,
18:25 maintenir la tradition, notamment la tradition religieuse,
18:28 la richesse extraordinaire de l'Inde, et la modernité.
18:31 Bon, eux, ils essayent de faire ça.
18:33 Ils ne veulent pas brader, si vous voulez, une partie d'eux.
18:36 Ce qu'avait réussi le Japon au 19ème siècle.
18:38 Ce qu'avait réussi, d'une certaine façon, Meiji, effectivement.
18:41 Qui était parvenu un petit peu.
18:43 Et ce qui est plus proche de nous,
18:44 alors c'est peut-être parce que j'ai écrit beaucoup là-dessus,
18:46 ce qui a été la très belle expérience pour moi du monde austro-hongrois.
18:49 Le monde austro-hongrois était parvenu à concilier,
18:52 dans un État non pas multinational,
18:55 mais cimenté sur l'autorité de l'Empereur.
18:58 Vous savez, François-Joseph disait toujours,
19:00 "Ne touchez pas à mes Juifs".
19:02 C'est assez intéressant d'ailleurs.
19:03 – Oui, bien sûr.
19:04 – Voilà, "Ne touchez pas à mes Juifs".
19:05 Vous faites ce que vous voulez.
19:06 Vous parlez slovene, slovak, tchèque, hongrois.
19:10 Plusieurs premiers ministres de l'Empire austro-hongrois furent hongrois.
19:13 Bon, à condition que vous obéissiez à une certaine autorité.
19:16 C'était pas mal le modèle austro-hongrois.
19:18 Bon, il a éclaté au moment de la guerre de 1914, bien entendu.
19:21 Donc ça, ça me semble tout à fait important.
19:26 Et je pense que pour le monde arabo-musulman,
19:28 enfin l'Orient en général,
19:30 tout va se bouleverser complètement, effectivement,
19:33 avec de nouvelles forces, de nouvelles solidarités,
19:35 vous le notiez tout à l'heure, tout à fait étonnantes,
19:37 qui d'ailleurs à un moment donné stabilisent plus ou moins,
19:39 plus ou moins les relations avec Israël d'ailleurs.
19:42 Notamment en ce qui concerne l'Arabie Saoudite.
19:44 Bon, de ce point de vue-là, je vais…
19:47 Bon, je ne pense pas qu'avec TV Libertés, je me ferais des ennemis,
19:49 mais je dirais qu'il y a un homme qui avait fort bien compris ça,
19:51 et dont la politique étrangère avait été tout entière portée là-dessus,
19:55 c'est un certain Donald Trump, n'est-ce pas ?
19:58 - Oui.
19:59 - Donald Trump qui est le prototype,
20:01 je reviens à notre premier propos,
20:02 du personnage qui a été, dès même pas son élection,
20:06 dès sa candidature, il était le nouvel Hitler.
20:09 Moi j'ai entendu des gens qui me disaient "c'est Hitler".
20:11 Voilà, c'est tout.
20:12 Le bilan diplomatique de Trump est intéressant.
20:15 Un personnage est un peu énervant et que c'est tout Hitler,
20:17 n'importe qui, ce n'est pas la question.
20:18 Mais si vous voulez, pour pire que Reagan d'ailleurs,
20:21 mais voilà quelqu'un qui, effectivement, a compris peut-être
20:24 qu'on était dans une mutation totale,
20:28 on assiste à une mutation totale de la géopolitique mondiale.
20:31 - Le rapport des forces dans le monde.
20:33 - Et ce fameux… ça donne à Samuel Huntington, enfin…
20:37 - Oui.
20:38 - Alors, moi j'ai entendu des choses sur Huntington.
20:41 - Bien sûr.
20:42 - Mais monsieur, ce type est anti-musulman.
20:44 Vous lisez les… aujourd'hui vous avez lu les 800 pages ?
20:47 - Oui, oui, oui.
20:48 - J'ai jamais entendu un procès aussi fort et parfois intelligent
20:52 sur la colonisation de chez Huntington.
20:54 Il faut arrêter les bêtises.
20:55 Bon, pas du tout ça, mais le retour à un conflit intellectuel et religieux,
20:58 on est dedans.
20:59 On est dedans.
21:00 Voilà, il avait tout à fait raison.
21:02 - Et puis quand il imaginait le réveil aussi d'un monde slave orthodoxe…
21:09 - Absolument.
21:10 - …dont il faisait un espace spécifique…
21:12 - Même Hélène Carrère d'Ancours, que j'ai l'honneur de connaître un petit peu,
21:16 qui fut un ami de mon père, une collègue éminente historienne,
21:21 même elle n'avait peut-être pas compris cette remontée du slavisme
21:27 et de l'eurasiatisme russe.
21:30 - Oui, c'est ça.
21:31 - Elle l'avait un petit peu mis en sommeil.
21:33 Elle s'était un peu trompée d'ailleurs là-dessus.
21:35 - Dans son empire éclaté.
21:36 - Voilà, dans son empire éclaté.
21:37 - Il valorisait les périphéries comme moteur du bouleversement soviétique.
21:42 Et puis en fait, non, c'est parti du centre slave,
21:46 la révolution qui a abouti à la fin de l'URSS.
21:51 Alors il y a dans cette perspective de formation de nouveaux espaces impériaux,
21:58 certains diront d'états civilisationnels qui regroupent autour d'eux
22:02 un certain nombre de pays proches.
22:04 Qu'en est-il de cette union européenne institutionnelle aujourd'hui
22:12 dont on cherche vainement à quelle adhésion populaire
22:19 elle pourrait correspondre ?
22:21 Est-ce que l'Europe, ça va rester une Europe fragmentée,
22:25 une Europe des nations ?
22:26 Est-ce qu'il y a la perspective, la possibilité selon vous,
22:29 d'une dynamique qui permettrait d'accéder à l'Europe puissance ?
22:34 Certainement pas avec les institutions et les dirigeants actuels.
22:38 Quelles sont les hypothèses auxquelles vous pensez pour l'avenir sur ce terrain précis ?
22:44 - Alors, l'Europe des nations sûrement pas,
22:45 puisque de toute façon l'européisme détruit les nations.
22:49 Bon, détruit les nations, détruit les peuples sciemment pour une raison simple,
22:52 c'est que l'européisme n'est qu'un vecteur du mondialisme américain
22:56 et que si on veut créer un monde de consommateurs serviles,
23:00 qu'importe leurs origines,
23:02 donc ce qui s'oppose le plus à ce projet mondialiste, c'est les peuples.
23:06 C'est les peuples, c'est les identités, c'est les héritiers, c'est les traditions.
23:10 Donc, ça on n'aura pas.
23:12 Moi je pense plutôt à court terme, à long terme je ne suis pas prophète,
23:17 de toute façon un éclatement de l'Europe c'est déjà fait.
23:19 Vous avez une Europe orientale qui regarde ailleurs,
23:21 et une Europe occidentale.
23:23 Bon, l'Europe ne pourra jamais,
23:27 enfin jamais ne disons pas cela,
23:29 mais pour le moment elle ne doit pas devenir un impérium,
23:31 parce que pour avoir un impérium il faut deux conditions.
23:34 Il faut une première condition qui est militaire,
23:36 on n'a pas d'armée européiste,
23:38 je dis "iste" pour pas qu'on confonde avec "européenne",
23:41 on n'a pas d'armée européenne bien entendu.
23:43 On n'a pas de politique étrangère commune, c'est pas vrai du tout,
23:45 on a des intérêts très divergents.
23:47 Et surtout, ce qu'on ne comprend pas en France,
23:50 ou qu'on comprend trop et qu'on n'aime pas,
23:52 c'est que ce qui distingue l'Inde, la Chine ou la Russie par exemple,
23:56 c'est que ce sont des ensembles qui se situent par rapport à une histoire,
24:01 à une identité, à une culture de temps long et profond.
24:04 C'est ça qui les fédère.
24:06 Alors que chez nous au contraire, on cultive l'amnésie.
24:09 L'amnésie ou pire encore, on apprend aux élèves à détester le pays
24:14 en lui montrant que les aspects les plus négatifs.
24:16 Donc c'est quelque chose d'assez effroyable.
24:18 C'est-à-dire bon, la colonisation etc.
24:20 Sans aucune nuance d'ailleurs, celui d'Étang-Passant,
24:22 ou le régime de Vichy, etc.
24:24 Sans aucune nuance d'ailleurs.
24:25 Donc dans ces autres pays, et je pense notamment à la Russie,
24:28 même si parfois ça m'énerve parce que je ne suis pas particulièrement communiste,
24:32 je serais même plutôt un peu anticommuniste, en tout cas antitotalitaire,
24:36 mais je peux comprendre à un moment donné que Poutine se soit dit
24:39 "si on commence à rentrer dans la repentance historique,
24:42 on détruit l'identité de la Russie".
24:44 Je peux le comprendre.
24:46 - Et puis il y a eu les 20 millions de morts de la grande guerre patriotique.
24:48 - Alors qu'il s'en serve que les 20 millions de morts de la grande guerre patriotique,
24:52 qui s'appelle d'ailleurs la grande guerre patriotique,
24:54 soit une utilisation, ce qui est de bonne guerre.
24:56 Mais je crois qu'il y a là quelque chose de fort,
24:58 qui est que c'est un dirigeant,
25:01 qui effectivement n'a pas supporté la fin de l'Empire,
25:06 mais surtout l'humiliation qu'a subie la Russie depuis 1989-1990.
25:10 Une vraie humiliation que j'ai vécue, j'ai beaucoup vécu en Russie à cette époque.
25:14 Une humiliation de tout le monde,
25:16 et qui essaye de redonner de la grandeur à son pays.
25:19 Alors parfois ça peut être assez brutal, ça peut être assez radical,
25:22 mais bon voilà.
25:24 Et ce que nous ne comprenons pas par exemple en Europe,
25:27 c'est que les sanctions totalement inutiles que nous imposons aux Russes,
25:31 loin de... il y a une opposition en Russie certes,
25:35 mais loin de relâcher les liens avec Poutine,
25:39 renforcent le patriotisme russe.
25:41 Vous savez les Russes ils regardent les réseaux sociaux,
25:43 ils regardent l'Europe occidentale,
25:46 déprogrammer Tchaïkovski ou Rachmaninoff,
25:49 parce que c'est la Russie, donc c'est le mal.
25:53 Ils voient que Gogol est interdit d'études, n'est-ce pas,
25:57 parce que Gogol c'est un Russe.
25:58 On croit rêver, n'est-ce pas.
26:00 Bon voilà, il y avait deux universités françaises en Russie,
26:04 dont celle qui était animée par Marek Halter en particulier,
26:07 qui a été fermée.
26:08 Voilà, Marek Halter que j'ai entendu récemment dire "mais c'est absurde,
26:11 il faut essayer de dire à Poutine on comprend ce que vous avez vécu,
26:14 il faut arrêter cette guerre et faire un traité de paix,
26:16 mais surtout pas déconstruire complètement la culture russe,
26:20 c'est aberrant.
26:21 – D'ailleurs Sciences Po a rompu des relations
26:24 qui étaient établies avec les universités russes, je crois.
26:28 – Oui, et Sciences Po notamment, Sciences Po Paris est devenue quand même,
26:32 il ne faut pas être trop sévère,
26:33 puisque je fais des classes préparatoires à Sciences Po,
26:36 je veux dire le fer de l'ange du wokisme quand même en France,
26:39 il faut être honnête, donc bon,
26:41 voilà aujourd'hui il y a même des restos russes qui ferment,
26:44 enfin on vit dans un…
26:46 si vous voulez c'est comme si, je ne sais pas,
26:48 Yankelevich avait dit "je ne reparlerai plus allemand après la guerre",
26:51 mais ça, ça n'engageait que ce grand philosophe,
26:53 mais enfin c'est comme si après la guerre on avait décidé de dire
26:55 "on ne lira plus ni Goethe, ni Olderlin, ni Hegel, ni Kant,
27:00 parce qu'il y a eu le nazisme", enfin c'est… voilà.
27:02 – C'est absurde.
27:03 – Et nous on est là-dedans.
27:04 – Et alors il y a un point sur lequel vous insistez beaucoup dans votre livre,
27:08 c'est l'opposition entre mémoire et histoire,
27:11 vous l'avez un peu évoqué au début de notre entretien,
27:14 je voudrais que l'on revienne sur cette affaire-là,
27:18 et quelle perspective est-ce que vous imaginez
27:22 pour faire triompher dans ce débat, pour faire triompher l'histoire ?
27:27 – Oui mais alors là, cher Philippe Conrad,
27:31 si on veut refaire triompher l'histoire, il faut faire de la politique.
27:35 On ne fera pas triompher l'histoire…
27:38 – Sans choix politiques.
27:39 – Avec une majorité politique, dirigée par le Président de la République,
27:43 pour qui, je cite, il n'y a pas de culture française, etc.
27:46 Bon, donc ça ce n'est pas possible, on ne fera pas ça, voilà.
27:50 Donc ça veut dire aussi, quand même, même si vous m'avez invité
27:54 pour parler d'histoire et pas de politique,
27:56 une reconquête politique, il faut être quand même évident.
27:59 On a plusieurs familles politiques, la Nubes Bonbon,
28:02 qui est révolutionnaire, qui revient aux vieilles arcanes
28:05 du marxisme révolutionnaire, qui par définition déteste le patriotisme.
28:09 – Du passé faisant tabarrage.
28:11 – Du passé faisant tabarrage, full esclave de bout de bout.
28:13 Et on a, enfin de ceux et de celles qui n'existent plus,
28:16 on a LR qui est en train de se fondre complètement
28:19 dans la majorité présidentielle, finalement, en dehors de Debout la France
28:23 et du Rassemblement National, et éventuellement de reconquête,
28:25 mais qui n'est pas au Parlement.
28:28 Voilà, tant que nous serons dans une perspective de déconstruction permanente,
28:33 il est bien évident que nous ne parviendrons pas,
28:36 même si des livres modestes comme le mien,
28:39 et d'autres auteurs, bien sûr, essayent de…
28:42 – En tout cas, je rappelle le titre de votre livre,
28:45 "Olivier Millezat, clé pour le temps présent,
28:47 précis inactuel de culture générale aux éditions de l'artilleur".
28:52 Merci Olivier Millezat.
28:53 – Merci Philippe Corrin.
28:55 [Générique]
29:04 – Merci Philippe, merci Olivier Millezat, dont je rappelle le titre de l'ouvrage,
29:08 "Précis inactuel de culture générale, clé pour le temps présent aux éditions de l'artilleur".
29:13 Vous allez maintenant retrouver Christopher Lanne et sa petite histoire,
29:17 mais avant, n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
29:21 et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
29:24 Merci et à bientôt.
29:25 [Générique]
29:47 – Bon, aujourd'hui on a du boulot.
29:49 À l'occasion de la sortie de ce hors-série de la Nouvelle Revue d'Histoire
29:52 sur le sujet "Être minoritaire en Terre d'Islam",
29:55 nous allons nous intéresser à la question de l'Espagne musulmane
29:59 et du mensonge de la cohabitation heureuse et harmonieuse.
30:03 C'est bien connu en Terre d'Islam, c'est le bonheur total,
30:06 on rigole, on danse, on rit.
30:08 Quand on parle de l'Espagne musulmane, on parle bien sûr de la période
30:11 pendant laquelle l'Espagne, à l'Andalouse, a été occupée par les musulmans.
30:15 Ça va de l'invasion de l'Hispania Visigothique en 711
30:18 jusqu'à la fin de la Reconquista en 1492.
30:22 Et aujourd'hui, on nous présente, les spécialistes français nous présentent
30:25 en tout cas cette période d'occupation musulmane
30:28 comme une période harmonieuse où régnait l'amitié, la convivialité,
30:32 l'échange culturel et religieux et mon cul sur la commode, etc.
30:36 Cette question, pour les historiens d'aujourd'hui, idéologisée à l'extrême,
30:40 a pris la dimension d'un véritable enjeu culturel.
30:43 On veut nous faire croire à une cohabitation harmonieuse et pacifique
30:46 entre juifs, chrétiens et musulmans, de la même manière qu'aujourd'hui,
30:49 on veut nous faire gober les mêmes sornettes concernant les flux migratoires qui nous touchent.
30:53 Alors, l'Espagne musulmane, à l'Andalouse, est-elle un exemple de vivre ensemble ?
30:58 [Rire]
30:59 Non.
31:00 Comme le montrent aujourd'hui les historiens sérieux
31:02 qui veulent bien s'intéresser de près et objectivement au sujet,
31:06 comme par exemple Raphaël Sánchez-Sos,
31:09 les musulmans ont implanté un régime très pervers
31:12 qui a eu de cesse d'humilier et de persécuter les juifs et les chrétiens.
31:16 Un autre historien a fait un remarquable travail sur le sujet,
31:19 il s'agit de Séraphin van Rool,
31:21 donc, euh...
31:22 Séraphin, je m'excuse, pour l'espagnol,
31:24 tout ce que je sais, c'est que les J se prononcent R,
31:27 donc Séraphin van Rool.
31:29 Pour lui, il s'agit tout simplement d'un régime,
31:31 le régime mis en place par les musulmans,
31:33 qui s'apparente à l'Apartheid en Afrique du Sud.
31:35 Alors, on est déjà loin de la cohabitation heureuse, là.
31:38 Certes, il y a eu des échanges culturels, et ça c'est normal, proximité oblige,
31:41 mais pour lui, il s'agissait d'une période terrifiante pour les minorités
31:45 en terre d'islam, en terre nouvellement conquise.
31:48 Cet historien prend à rebrousse-poil l'idéologie dominante
31:51 qui veut nous montrer Al-Andalus comme étant une terre riche,
31:54 pacifique, raffinée,
31:56 qui a en plus apporté toute la culture de ce Moyen-Âge.
31:59 Et cette civilisation supérieure,
32:01 eh bien, elle aurait chuté à partir du moment
32:03 où les royaumes chrétiens du Nord,
32:05 ces barbares incultes,
32:07 auraient repris possession de ces terres.
32:09 [musique]
32:37 On va commencer par le commencement.
32:39 De 711 à 756,
32:41 pour l'historien, il s'agit d'une véritable orgie de sang.
32:45 Et pas seulement envers les juifs et les chrétiens,
32:47 mais entre musulmans.
32:48 Il y a des tensions et des rixes entre la caste arabe,
32:51 qui est minoritaire mais qui a le pouvoir,
32:53 et les berbères, qui sont majoritaires,
32:55 mais qui ont été écartés de ce pouvoir.
32:57 Et concernant les 4 à 5 millions d'hispanos romains
33:00 et d'hispanos visigots,
33:01 ils ont très vite détesté l'envahisseur
33:03 qui a dû faire face à de nombreuses révoltes.
33:05 Alors quand les musulmans parvenaient à s'entendre entre eux,
33:08 ils envoyaient des armées contre les chrétiens,
33:10 mais la plupart du temps, quand ils étaient en conflit,
33:12 ils se contentaient de rasias sanglantes.
33:14 Mais le ton va se durcir crescendo à chaque fois
33:17 suite à l'arrivée de croyants plus fondamentalistes
33:20 qui reprochaient à ceux déjà sur place
33:22 de ne pas avoir assez islamisé le pays.
33:24 On a eu les Omeyades en 756,
33:27 les Almoravides en 1086,
33:29 et les Almohades en 1145.
33:32 Et sous le règne de tous ces dirigeants éclairés,
33:35 on peut citer de nombreuses persécutions antichrétiennes
33:38 comme à Cordoue au IXe siècle
33:40 ou encore le massacre des frères missionnaires
33:42 qui avaient osé pénétrer dans Grenade
33:44 pour prêcher la parole du Christ.
33:46 On peut encore citer la déportation des chrétiens en Afrique
33:49 ou encore les pogroms lancés contre les juifs.
33:52 Et si on se réfère aux chroniques de l'époque,
33:54 tant musulmanes que chrétiennes,
33:55 eh bien on nous parle d'un état de guerre permanent.
33:58 Et aujourd'hui, par magie,
33:59 c'est devenu un état de paix
34:01 et un modèle de vivre ensemble.
34:02 Mais bon, allez comprendre !
34:03 Le plus étonnant dans tout ça,
34:04 c'est qu'on nous présente à l'Andalouse
34:06 comme un état multiconfessionnel, multiculturel,
34:09 alors qu'il était avant tout et surtout
34:11 un état musulman de langue arabe.
34:14 C'est tout.
34:15 Concernant les chrétiens qui étaient restés sur place,
34:17 eh bien ils ont été islamisés de force.
34:19 Et pour les chrétiens et les juifs qui restaient,
34:22 ils étaient tolérés au début,
34:23 puis acceptés en fonction des circonstances.
34:26 Voilà, je me suis mal levé le matin,
34:28 je suis de mauvaise humeur, j'ai mal à la gorge,
34:30 j'ai un petit pogrom, une petite déportation,
34:32 et tout s'arrange.
34:33 Un royaume de paix.
34:35 Absolue.
34:36 Comme je le disais,
34:37 il y avait la majorité de la population d'Al-Andalouse
34:40 qui était islamisée,
34:41 pour 90% d'entre eux au XIIe siècle.
34:44 Et concernant les minorités,
34:46 certes, ils avaient le droit à l'existence
34:48 en fonction des circonstances,
34:50 mais une ségrégation de faits était placée
34:53 entre les musulmans et eux.
34:54 Ce qui a conduit l'historien que j'ai cité tout à l'heure
34:57 à parler d'un régime
34:58 qui s'apparente à celui de l'Apartheid en Afrique du Sud.
35:01 Le vivre ensemble, mais derrière un mur, quand même.
35:03 [Musique]
35:05 [Musique]
35:34 Pour ce qui est des droits qu'avaient les chrétiens
35:36 en cette terre musulmane,
35:37 eh bien, on s'aperçoit que
35:39 ce sont des droits tout à fait honorables
35:42 et pas du tout discriminatoires.
35:44 Le musulman avait le droit de se déplacer à cheval
35:46 alors que le chrétien était lui monté sur un âne.
35:49 C'est super, on appréciera le geste.
35:51 L'église, quand elle n'était pas rasée, bien sûr,
35:53 devait être plus petite que la mosquée.
35:56 Le chrétien, d'immi, devait payer un impôt supérieur
35:59 et les amendes qui le touchaient étaient également supérieures.
36:01 Par exemple, elles étaient inférieures de moitié
36:03 pour les musulmans.
36:04 Ça, c'est cadeau. C'est les allocs.
36:06 Les mariages mixtes étaient bien sûr interdits
36:08 et on nous dit également qu'un chrétien
36:10 qui tuait un musulman, même en cas de légitime défense,
36:13 était condamné à mort.
36:15 Ça, c'était radical.
36:16 Par contre, dans le cas inverse,
36:17 si un musulman tue un chrétien gratuitement
36:19 comme ça, parce qu'il avait mal à la gorge,
36:21 pas de problème.
36:22 Un chrétien n'avait pas le droit d'avoir
36:24 une maison plus haute que celle d'un musulman,
36:26 il n'avait pas le droit d'avoir des serviteurs musulmans
36:29 et il devait se lever quand un musulman
36:31 entrait dans une pièce.
36:32 Non mais là, c'est la moindre des choses, quand même.
36:34 Voilà.
36:35 Voilà le portrait de la société multiculturelle
36:38 où règne le vivre ensemble et l'harmonie
36:40 que nous vantent nos idéologues d'aujourd'hui.
36:42 C'est beau. C'est beau.
36:44 Je finirai par un dernier mot
36:45 concernant l'héritage musulman,
36:47 que les musulmans auraient légué à l'Europe médiévale
36:49 et qui aurait fait toute la culture médiévale.
36:51 Je vais citer l'historien van der Grouel.
36:53 Pour lui, qu'on le veuille ou non,
36:55 sur le plan religieux,
36:57 l'Europe n'a pratiquement rien pris de l'islam,
37:00 ni les dogmes, ni des arguments théologiques,
37:03 ni des références textuelles.
37:05 Elle n'a rien pris non plus dans le domaine juridique,
37:07 institutionnel ou politique.
37:09 Et concernant la culture populaire traditionnelle espagnole,
37:13 à laquelle on a prêté de nombreuses influences musulmanes,
37:16 eh bien ces influences sont tout à fait marginales.
37:18 Elles ont été marginales surtout par rapport
37:20 à l'immense héritage latin et chrétien
37:23 qui constitue la majorité de ses sources.
37:25 Voilà, c'est tout pour aujourd'hui sur ce sujet.
37:28 Si vous voulez en savoir plus sur d'autres situations,
37:31 comme par exemple dans les Balkans,
37:33 ou même concernant les chrétiens d'Orient,
37:35 sur le fait de savoir ce que c'est de vivre en terre d'islam
37:37 en étant minoritaire,
37:39 je vous conseille bien entendu
37:41 ce numéro de la nouvelle revue d'histoire hors série
37:43 "D'Al-Andalus aux chrétiens d'Orient,
37:45 être minoritaire en terre d'islam".
37:47 Merci à tous d'avoir suivi ce nouvel épisode
37:49 de La Petite Histoire.
37:51 J'espère qu'il vous a plu.
37:53 Je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures
37:55 sur TV Liberté.
37:57 [musique]
37:59 [fin du générique]

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