Le politologue Roland Cayrol était invité dans Les Visiteurs du Soir, ce samedi 10 juin, sur CNEWS. Il s’est exprimé sur l’adoption de la réforme des retraites : «On ne peut pas fonctionner comme si le peuple n’existait pas».
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00:00 Moi, je suis de ceux qui croient qu'il y a une crise démocratique,
00:04 mais pas forcément une crise de régime.
00:06 La démocratie ne fonctionne pas bien dans notre pays.
00:10 La démocratie représentative ne fonctionne pas bien
00:13 parce que les gens ont le sentiment que ces gens-là,
00:16 les politiques qui nous gouvernent,
00:18 ne nous représentent pas au sens propre du terme.
00:21 Ce n'est pas des gens comme nous.
00:23 Ils ont leur propre logique dans leur bulle.
00:27 Ils font leur carrière, ils viennent nous mentir dans les élections
00:30 et puis ils se moquent de tout ce qu'on pense après.
00:34 Cette démocratie représentative, elle est socialement pas représentative non plus.
00:38 Et en plus, il n'y a pas de démocratie participative.
00:41 On est un pays qui a jusqu'à maintenant refusé toutes les formes de participation,
00:47 plus ou moins directe, des citoyens, que ce soit par référendum,
00:51 par participation à des conseils municipaux, des conseils de quartier,
00:55 tout ce qu'on voudra.
00:56 Donc ça ne marche pas bien.
00:58 Mais la Constitution existe.
01:02 C'est une Constitution assez formidable
01:04 parce qu'on peut la tirer dans n'importe quel sens.
01:07 C'est une Constitution à la fois hyper présidentielle
01:10 et une Constitution qu'on appelle,
01:12 chez les juristes, de parlementarisme rationalisé.
01:16 Et tous les moyens qui ont été utilisés par le gouvernement
01:21 à l'envie dans cette réforme des retraites,
01:23 ils ont été chercher tous les articles possibles et imaginables
01:26 pour s'opposer à leurs opposants.
01:30 Tous ces articles permettent en effet à l'autorité gouvernementale
01:34 de s'exercer dans le respect d'une minorité qui est l'opposition.
01:39 Et ça fonctionne comme ça.
01:43 Le 49-3 est devenu le symbole pour beaucoup de Français de la dictature, quasiment.
01:49 J'ai même vu...
01:50 – Le 40 aussi maintenant.
01:52 – Le 40 aussi, voilà.
01:53 Tous les articles utilisés.
01:55 J'ai même vu dans le journal Le Monde un article d'un professeur de droit allemand
02:00 qui nous disait que dans la Constitution allemande, il n'y a pas de 49-3.
02:04 Il n'a pas lu la Constitution allemande parce qu'il y a pire que le 49-3.
02:08 En Allemagne, pour renverser un gouvernement, il faut, comme dans le 49-3,
02:13 une majorité absolue des membres composant le Bundestag qui votent contre.
02:18 Et il faut en plus qu'on se mette d'accord sur le remplaçant.
02:21 C'est dire que ça n'a encore jamais existé.
02:25 Donc ce n'est pas la dictature, c'est une façon de dire.
02:29 Le gouvernement gouverne et il doit pouvoir dire à l'Assemblée,
02:33 "écoutez, ce texte que je vous propose, il fait partie de mon ADN.
02:37 C'est quelque chose de fondamental pour moi.
02:39 Donc si vous n'en voulez pas, vous rejetez le texte
02:41 et en même temps vous vous débarrassez de moi.
02:43 Moi, je ne vois pas là où est la dictature.
02:46 Donc voilà, je crois qu'on n'a pas de crise de régime.
02:48 Je crois qu'on peut tirer ces institutions dans un sens ou dans l'autre
02:52 selon la conjoncture politique.
02:54 Le Conseil constitutionnel, d'ailleurs habilement,
02:57 ne juge pas seulement en droit mais aussi en opportunité.
03:01 Mais dès qu'on a une crise démocratique,
03:03 et c'est ça qu'il nous faut savoir affronter dans les temps qui viennent,
03:08 on ne peut pas, ad vitam aeternam, fonctionner comme si le peuple n'existait pas
03:13 et comme si on pouvait s'arranger notre parti politique.
03:15 [Musique]
03:18 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]