• l’année dernière
"C'est l'indicateur numéro 1 qu’un féminicide va avoir lieu."
Empêcher quelqu'un de sortir, contrôler sa façon de s'habiller, l'empêcher d'avoir des papiers… Ces comportements peuvent être des indicateurs de ce que les chercheurs appellent le "contrôle coercitif". Une notion qui pourrait entrer dans la loi pour mieux prévenir les féminicides.

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Transcription
00:00 Pourquoi elle n'est pas partie ? Pourquoi vous n'êtes pas partie ?
00:02 Parce qu'en réalité, elle ne pouvait pas partir.
00:05 "Regarder dans le téléphone de son ou de sa partenaire
00:08 l'empêcher de sortir le soir ou contrôler sa façon de s'habiller.
00:11 Tous ces comportements peuvent être des indicateurs graves
00:14 d'un système de contrôle que les chercheurs qualifient de contrôle coercitif.
00:18 Cette notion, on pourrait en entendre de plus en plus parler
00:21 et elle pourrait même rentrer dans la loi."
00:23 Donc on est allé poser quelques questions à Sarah McGrath,
00:26 directrice de l'association Women for Women France
00:28 qui vient en aide aux victimes de violences conjugales
00:30 et à Pauline Rongier, avocate,
00:32 pour qu'elle nous explique ce qu'est le contrôle coercitif.
00:35 Le contrôle coercitif, c'est un ensemble de comportements,
00:38 c'est un schéma comportemental par lequel l'auteur
00:42 va prendre le contrôle dans la vie quotidienne de sa victime
00:48 en la plaçant dans un état de dépendance, de soumission,
00:52 en diminuant sa liberté.
00:54 Il y a beaucoup d'actes qui constituent cette situation de contrôle.
00:58 L'isoler de sa famille, l'isoler de ses amis,
01:00 ça peut être de contrôler sa façon de s'habiller,
01:03 ça peut être au niveau administratif,
01:06 de l'empêcher d'avoir des papiers, de lui confisquer ses papiers.
01:09 Et alors, c'est quoi la différence avec l'emprise ?
01:11 L'emprise, c'est une notion qui est finalement assez floue,
01:15 assez diffuse, assez impalpable,
01:17 et puis surtout qui se place du côté de la victime
01:20 et pas du côté de l'agresseur.
01:22 Le contrôle coercitif, à l'inverse,
01:24 c'est quelque chose qui est matérialisable
01:28 et qui émane de l'auteur.
01:31 Et ça, c'est une différence fondamentale.
01:33 Le contrôle coercitif, c'est l'indicateur numéro un
01:36 qu'un féminicide va avoir lieu.
01:39 Beaucoup de recherches à l'international et ici en France,
01:43 et on a trouvé que presque 100 % des cas de féminicide
01:49 étaient précédés par le comportement de contrôle coercitif.
01:53 Sur la dizaine de féminicides que je traite actuellement,
01:56 il y a 10 cas de contrôle coercitif.
01:59 La première réaction, c'est vraiment de se dire
02:01 "c'est dommage, c'est dommage en fait, tout était là,
02:04 on n'a pas vu, on n'a pas fait, on n'a pas pu,
02:07 et puis on en arrive à l'irréversible".
02:10 Une autre chose sur le lien entre contrôle coercitif et féminicide,
02:13 c'est que finalement, et c'est ce qui montre
02:15 que la victime, elle ne peut pas en sortir,
02:17 c'est qu'en fait, c'est au moment où elle essaie d'en sortir
02:20 qu'elle se fait tuer.
02:21 On n'a pas l'outil, on n'a pas la définition,
02:23 on n'a pas la qualification adéquate,
02:25 et donc ça empêche les magistrats de saisir la situation.
02:29 Mais s'il y a des actes clairs qui sont posés,
02:32 où la loi dit "faire ça, c'est illégal",
02:35 "faire ça, c'est illégal",
02:36 et bien finalement, ça va leur mettre elles-mêmes des repères,
02:40 des limites claires, et peut-être qu'elles auront plus de facilité,
02:44 plus de réflexe, pour aller chercher de l'aide
02:47 avant qu'il soit trop tard.
02:48 Ça va permettre d'intervenir plus tôt,
02:50 puis parfois d'intervenir tout court.
02:51 Parce qu'il y a des situations où,
02:53 voilà, une femme, elle pourrait rester toute sa vie
02:56 dans un état de contrôle coercitif sans jamais en sortir en fait.
02:58 Ça montre qu'il y a quand même une grande lacune
03:01 dans la Code pénale française,
03:03 si on va dire à la victime "pardon,
03:05 vous êtes en train de vivre un cauchemar,
03:07 mais on ne peut pas vous aider".
03:09 À l'étranger, où on a incriminé le contrôle coercitif,
03:12 notamment Irlande, Royaume-Uni,
03:15 plusieurs États en Australie,
03:17 mes collègues me disent sans arrêt
03:20 à quel point c'est tellement changé les choses,
03:22 pour le mieux.
03:24 La prise en charge des victimes,
03:26 quand on parle de violence conjugale dans les médias,
03:29 on arrête de penser que c'est des actes isolés,
03:32 que c'est que physique, que c'est psychologique,
03:35 c'est beaucoup plus global.
03:37 J'ai une cliente, un jour, qui m'a dit, à la fin,
03:40 d'un procès, d'une audience,
03:43 elle m'a dit "mais en fait,
03:46 il part deux mois en prison,
03:49 et moi je suis restée en prison 15 ans".
03:51 Et ça, j'ai trouvé aussi ça assez fort,
03:53 parce que ce qu'elle a décrit,
03:55 avec ce mot "prison", avec ces 15 années de prison,
03:58 c'est 15 ans de contrôle coercitif.
04:00 *Bruit de tonnerre*
04:02 [SILENCE]

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