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Dans son émission média, Philippe Vandel et sa bande reçoivent chaque jour un invité. Aujourd'hui, Mélissa Theuriau et Julia Pascual, pour le documentaire "Premier de corvée" sur Arte.tv.

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Transcription
00:00 Culture Média, Philippe Vandel avec vos invités Philippe.
00:03 Bonjour Mélissa Thoreau.
00:04 Bonjour Philippe.
00:05 Vous étiez un petit peu loin du micro, vous êtes productrice au sein de 416 prods et
00:08 voici comment vous définissez 416 prods.
00:11 La société est née de l'envie d'explorer des vies en marge, atypiques, souvent incomprises,
00:16 des réalités méconnues, trop peu visibles dans les médias.
00:18 On vous doit également l'émission au tableau avec des personnalités, notamment des politiques
00:21 qui passaient sur le grill, plutôt passées sur le grill par des enfants.
00:25 Et votre actu, c'est un documentaire, premier de Corvée, 52 minutes à partir de demain
00:29 sur arte.tv.
00:30 Qui sont ces premiers de Corvée ? Pourquoi ce sujet vous a intéressé ?
00:34 Il correspond aux quelques mots que vous venez d'écrire sur la ligne éditoriale de 416
00:41 et ça faisait très longtemps que je voulais trouver une façon de rendre visible tous
00:45 ces travailleurs qui sont hyper nombreux sur notre territoire, qu'on voit tous les jours
00:49 et qui pourtant n'ont jamais la parole et qui font les travaux que les français ne
00:53 veulent plus faire, ne font pas parce que ce sont des métiers ingrats et mal payés.
00:58 Qu'on voit ou qu'on ne voit pas, parce que vous le dites aussi, ils sont souvent sans
01:00 papier et donc ils n'ont aucun intérêt à se montrer.
01:03 À être vus et à se sociabiliser, en effet, à avoir une vie sur notre territoire.
01:08 Mais ils font malgré tout des travaux qui rendent essentiels et qui portent des piliers
01:12 entiers de l'économie, sans lesquels l'économie s'effondrerait.
01:16 Et on a réalisé ça, malheureusement il a fallu attendre le confinement pour s'en
01:20 rendre compte.
01:21 C'était ceux qui étaient en première ligne ou en seconde ligne, documentaires co-réalisés
01:24 par Julia Pascual.
01:25 Bonjour.
01:26 Bonjour.
01:27 Qui est Makan, votre personnage ? Comment l'avez-vous choisi ? Puisqu'il y a un
01:30 chiffre qui est donné à la fin, il existerait, c'est au conditionnel évidemment, 700 000
01:35 travailleurs sans papier en France.
01:37 Comment vous avez choisi Makan ?
01:38 Makan Baradji, c'est un travailleur sans papier parmi de nombreux travailleurs.
01:44 Il est malien, il a 35 ans.
01:45 On le rencontre, il a deux boulots.
01:48 Il est plongeur dans un restaurant chic près des Champs-Elysées et durant ses heures
01:54 libres, il est aussi livreur à vélo.
01:56 Et voilà, il est en France depuis, quand on le rencontre, il est en France depuis
01:59 déjà trois ans.
02:01 Il est sans papier et il essaye de joindre les deux bouts, d'envoyer de l'argent
02:06 à sa famille qui est restée au pays et petit à petit, on va le suivre dans son combat
02:12 pour sortir de la clandestinité.
02:14 Mélissa Torrio, qu'est-ce qu'il a d'emblématique ? Parce qu'il fallait faire des choix.
02:18 Vous avez suivi de vous attacher à un seul personnage, souvent c'est polyphonique.
02:23 Et là, il y en a un seul.
02:24 Pourquoi lui ?
02:25 Parce que c'est aussi un travail intéressant éditorial avec Arte.
02:29 Quand Julia, Camille Miron et Emile Costard sont venus me voir, ils portaient en effet
02:35 un projet d'une pluralité d'existence, avec des métiers différents et je trouvais
02:40 ça aussi passionnant.
02:41 Sur Arte, on est souvent sur l'individualité qui fait résonner le collectif et il faut
02:45 s'approprier une histoire et une trajectoire.
02:47 Alors, on s'est attaché à Macan parce que Julia, Camille et Emile avaient noué des
02:51 liens déjà depuis longtemps.
02:52 Il fallait aussi avoir sa confiance, c'est très courageux de la part de Macan, au départ
02:57 sans papier, de nous montrer aussi quelle est sa vie.
02:59 Et c'était vraiment une façon, par lui, de rendre visibles tous les frères, tous
03:04 les innombrables personnes qui vont, je l'espère peut-être, voir ce film et se retrouver dans
03:09 une vie aussi nuancée, aussi sacrifiée des deux côtés d'ailleurs, qu'est la leur
03:14 dans notre pays.
03:15 La première séquence est très très forte.
03:18 Le contraste entre les gens qui font la fête dans un grand restaurant, le champagne coule
03:21 à flot, pardon de ce cliché, mais c'est la vérité, c'est ce qu'on voit à l'image.
03:24 Et puis, on fait quelques mètres et on voit ce qui se passe en soute parce qu'il n'y a
03:28 pas d'autre mot.
03:29 On a l'impression qu'on est dans les cales d'un paquebot avec les gens, ils ne font même
03:32 pas la cuisine, ils nettoient d'autres qui font la cuisine.
03:34 - Oui, il est plongeur et en fait, c'est vrai qu'en s'attachant à un personnage, et en
03:38 l'occurrence à Macan, ça nous permet aussi de raconter avec une certaine sensibilité
03:42 et en parlant de l'intime, la vie de ces invisibles qu'on croise ou qu'on devine quand
03:47 on se fait livrer un repas, quand on va au restaurant, qu'on devine dans les arrières
03:50 cuisines ou quand on voit le camion Ben passer ramasser les poubelles.
03:54 On sait, on devine, mais en même temps, ça reste des invisibles.
03:56 - Attendez, juste un mot, je vous interromps.
03:57 Le camion Ben, ce sont des sans-papiers ? Les gens qui travaillent pour la mairie de Paris,
04:00 c'est des sans-papiers ? - Pour la mairie de Paris ou pour des sociétés
04:03 privées qui sont en délégation, évidemment qu'il y a des travailleurs sans-papiers dans
04:06 ces secteurs-là.
04:07 - Non, je ne savais pas, je pensais que c'était que chez les livreurs et évidemment dans
04:11 les restaurants, ce que tout le monde s'inquiète.
04:12 - Oui, mais il y a quand même une hypocrisie du système où chacun se dit qu'il y a un
04:15 alias, il a pris les papiers de son frère, on sait très bien que ce n'est pas vraiment
04:18 lui, mais moi je suis légal, il y a les papiers, il y a un salaire, tout roule.
04:22 Donc ça arrange un peu tout le monde de ne pas voir.
04:24 - Et ce n'est pas un hasard si la question de la régularisation des travailleurs sans-papiers
04:27 est actuellement débattue dans l'arène politique, c'est qu'on sait, et beaucoup d'employeurs
04:32 d'ailleurs reconnaissent qu'ils ont besoin de cette main-d'œuvre-là et que quand elle
04:35 se présente à eux, elle est bien souvent dépourvue de titres de séjour.
04:38 - Évidemment, Macron a ce syllogisme, il dit "la France est un pays de droit, mais pour
04:41 les sans-papiers on n'a pas de droit".
04:42 Alors moi je me souviens que quand j'étais jeune, il y avait des sans-papiers, mais on
04:46 les appelait des clandestins.
04:47 Et puis il y a eu un retournement sémantique, un retournement de la faute.
04:50 Désormais, s'ils sont sans-papiers, ce n'est pas de leur faute, c'est de la faute de l'État,
04:54 puisque c'est l'État qui donne les papiers, vous ne relevez pas ce syllogisme, ce n'est
04:58 pas notre sujet ici.
04:59 En revanche, la question, c'est, il n'y a aucun commentaire, pourquoi pas de voix off,
05:04 pourquoi pas de commentaire dans ce doc ? Et ça en fait aussi sa force.
05:07 - Parce que, peut-être Mélissa va répondre.
05:10 Vous connaissez peut-être un peu nos documentaires à 416, Philippe, vous m'avez reçu plusieurs
05:16 fois, il n'y a pas de commentaire dans mes films.
05:19 Je suis contre le commentaire.
05:20 - Oui, mais vous n'aurez plus dérogé à votre règle.
05:23 - J'essaye de ne pas déroger à cette règle.
05:25 J'ai voulu produire pour arrêter de faire des documentaires avec du commentaire.
05:31 C'est aussi simple que ça, un commentaire induit, prêt à penser, vous prend la main
05:35 pour vous donner des éléments.
05:37 Je préfère avoir quelques synthès, c'est le cas, c'est ce que nous avons rajouté à
05:40 la fin de leur film.
05:41 - Les synthès, c'est les incrustations à l'écran.
05:42 - Oui, pardon, qui nous donnent en effet quelques repères et qui contextualisent le documentaire.
05:46 Mais en revanche, on est avec Macan, il a posé sa voix, ça a été aussi un projet
05:51 collectif et puis Julia et Camille se sont attelées à aller montrer l'intériorité
05:57 d'un homme qui parle peu, qui est aiseux, qui par définition a cette timidité, cette
06:03 peur au ventre aussi et cette difficulté à exprimer les choses comme on le fait vous
06:07 et moi.
06:08 - Alors il y a des personnes qui s'occupent de la régularisation des sans-papiers, ils
06:11 sont dans leur bureau, on ne sait pas qui ils sont, mais on voit une grande affiche
06:13 de la CGT et puis à un moment donné, vous êtes devant l'immeuble de la CGT, donc je
06:16 lui dis "tiens, à mon avis c'est la CGT".
06:17 Qui sont ces gens qui accueillent des sans-papiers ?
06:19 - Vous avez vu, vous avez tout compris.
06:21 - Oui, en fait il y a notamment des syndicats, mais pas seulement, qui accompagnent les travailleurs
06:26 sans-papiers, qui les aident à monter des dossiers qu'ils pourront un jour, s'ils remplissent
06:30 les conditions requises, déposer en préfecture pour espérer avoir un titre de séjour.
06:34 Et en l'occurrence aujourd'hui, pour le dire simplement, pour avoir des papiers, il faut
06:39 justifier à minima deux, trois ans de présence en France, à minima présenter 24 feuilles
06:44 de paix et avoir surtout l'aval et l'accompagnement de son patron à travers une promesse d'embauche.
06:50 Donc ça, aujourd'hui, ce sont les conditions qu'il faut réunir.
06:52 Après, libre au préfet de choisir de régulariser ou pas ses travailleurs, pas d'obligation.
06:56 - Alors vous avez travaillé avec des autorisations officielles pour montrer comment se passait
06:59 l'accueil des sans-papiers, c'est pas en caméra cachée, vous êtes à la préfecture
07:02 de police, vous avez même filmé depuis le guichet, donc évidemment vous avez l'autorisation,
07:07 et il obtient les papiers, c'est la belle histoire.
07:09 Vous saviez par avance qu'il allait obtenir ses papiers ou vous l'avez pris en cours de tournage ?
07:13 - Non, on ne savait pas à l'avance qu'il allait obtenir ses papiers, il y a un aspect loterie,
07:17 puisque c'est vraiment un pouvoir des préfets de régulariser ou pas, il n'y a pas d'obligation
07:22 légale, même si les travailleurs remplissent certaines conditions.
07:25 On a suivi Macan et on l'a suivi dans son combat pour la régularisation, mais évidemment
07:29 il n'y avait aucune garantie.
07:31 Il se trouve qu'il a eu de la chance parce qu'il a eu des papiers au bout de seulement
07:37 quatre années de présence en France.
07:39 Et on sait très bien, et d'ailleurs certains parlent dans le film, que d'autres...
07:41 - À tant de douze ans, quinze ans, treize ans...
07:43 - Télescopage avec l'actualité, vous l'avez dit, il y a une nouvelle loi qui est en préparation,
07:46 et puis on parle de plus en plus de l'exemple danois.
07:48 Au Danemark, les conditions pour obtenir des papiers sont très strictes, pour obtenir
07:52 un passeport encore plus, les candidats doivent passer des tests de langue danoise, des interrogations
07:57 sur l'histoire de la culture danoise.
07:58 Ce qui frappe, c'est que c'est un gouvernement de gauche qui a mis en place ces mesures.
08:03 Avec cet argument, ce sont les classes populaires qui souffrent de l'immigration au quotidien,
08:07 ce n'est pas les riches qui vivent dans les quartiers dans lesquels il n'y a pas d'immigrés
08:10 puisqu'ils n'ont pas les moyens d'y habiter.
08:12 J'aimerais bien avoir votre réaction face à cet argument.
08:15 - En l'occurrence, là, nous, notre parti pris, ça a été de raconter l'immigration
08:20 par le réel, par le travail.
08:22 C'est un sujet qui revient en force dans le débat public.
08:24 Pourquoi ? Parce qu'il y a des entreprises qui ont des difficultés à recruter dans
08:28 de nombreux secteurs, que ce soit le bâtiment, la logistique, la livraison, la restauration,
08:32 etc.
08:33 - Dans la restauration, vous donnez des noms, vous dites "Ducasse, Pierre Gagnère, ils
08:35 prennent de son papier".
08:36 - Bien sûr, mais du petit snack au restaurant étoilé, tous les restaurateurs, d'ailleurs,
08:42 ils ont un discours, c'est parmi les employeurs, c'est ceux qui ont un discours finalement
08:45 le plus honnête, dans le sens où ils disent "on a besoin de cette main d'oeuvre et sans
08:48 eux, nos cuisines ne tourneraient pas".
08:49 Et nous, ce qu'on raconte à travers ce documentaire, on rend visible cette réalité-là.
08:53 - Et beaucoup se battent pour eux, il faut aussi le dire.
08:54 On a aussi des restaurateurs qui font ce travail, qui donnent des heures administrativement
08:58 pour les aider à se régulariser.
09:00 - Et qui ne demandent qu'une chose, c'est que le système soit simplifié pour justement
09:04 ne pas s'embarrasser de toute une sorte de tracasserie administrative et pour finalement
09:08 qu'il y ait des solutions de bon sens.
09:10 On a besoin de travailleurs.
09:12 Ces gens-là font ces boulots-là que les Français ne font plus pour différentes raisons,
09:15 parce qu'ils sont pénibles, parce qu'ils sont mal payés.
09:17 Voilà, parce qu'un travailleur migrant, et Macron le dit, quand il vient ici pour travailler,
09:20 ce n'est pas qu'il aime particulièrement faire la plonge, mais il sait par contre que
09:22 ça fait vivre toute sa famille au pays.
09:24 - Et on voit, et je ne l'ai pas dit parce qu'on n'a pas eu le temps de dire, on ne pouvait
09:26 pas tout dire, et en plus vous êtes allés avec lui sur place et voir la maison qu'il
09:30 va construire avec sa famille, sa femme et son enfant.
09:32 Merci beaucoup Mélissa Thériault, merci beaucoup Julia Pasquale.
09:35 Je rappelle, premier Corvée, c'est à voir demain sur arte.tv, et évidemment ensuite
09:40 quand on veut.
09:41 Merci d'avoir été avec nous dans Culture Média.

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