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Gabriel Attal a présenté lundi 29 mai son plan pour lutter contre la fraude sociale. Michael Zemmour, économiste et maître de conférences en économie à l’Université Paris 1, était l'invité du 6h20 de France Inter pour analyser ce plan.

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Transcription
00:00 Comment lutter contre la fraude sociale ? Gabriel Attal, le ministre des Comptes Publics, dévoile
00:04 son plan ce matin dans le journal Le Parisien aujourd'hui en France.
00:07 Bonjour Michael Zemmour.
00:08 Bonjour.
00:09 Vous êtes économiste et maître de conférence à l'université Paris 1.
00:13 Ce plan c'est politique, c'est symbolique ou c'est économique ? Est-ce qu'il y a vraiment
00:17 beaucoup d'argent à récupérer ?
00:18 Je disais c'est sans doute très politique parce que sous ce vocable de fraude sociale
00:25 en fait on range des choses très différentes.
00:27 Il y a sans doute de l'argent à récupérer mais la première direction dans laquelle
00:31 on peut récupérer de l'argent c'est du côté des entreprises, du côté de la sous-déclaration
00:36 des cotisations sociales et ça fait effectivement partie du plan.
00:39 Alors dans son interview le ministre évoque beaucoup les auto-entrepreneurs qui ne déclareraient
00:44 pas suffisamment leurs cotisations.
00:46 On peut penser, mais je ne sais pas si ça fera partie du plan aussi, au travail dissimulé
00:50 qui est une source de perte de recettes importante pour la sécurité sociale, des entreprises
00:55 qui ne déclareraient pas toutes les heures ou qui auraient recours aux auto-entrepreneurs
00:59 plutôt qu'aux salariés.
01:00 Il cite d'ailleurs les plateformes, il cite les plateformes type Uber ou Deliveroo d'ailleurs.
01:04 Alors il cite les travailleurs de plateforme et en disant qu'il va avoir recours aux plateformes
01:10 pour recouvrir les cotisations mais on pourrait aussi penser aux entreprises qui vont avoir
01:14 recours à des auto-entrepreneurs plutôt que de déclarer des salariés directement.
01:17 Donc ça c'est la première fraude, c'est celle aux cotisations des entreprises, c'est
01:21 la plus importante ?
01:23 Clairement c'est de ce côté-là où il y a le plus d'argent à récupérer, oui.
01:26 On a une idée de la somme ou pas ?
01:27 Alors le ministre cite des redressements de 800 millions par an et il dit qu'il espère
01:34 doubler ce montant-là mais la fraude totale aux cotisations sociales est sans doute beaucoup
01:38 plus importante.
01:39 Et est-ce qu'on a une idée de combien de personnes sont concernées par cette fraude
01:44 vraiment au sens large ? Parce que ce n'est pas la même chose de traquer peu de personnes
01:49 qui fraudent beaucoup ou beaucoup de personnes qui fraudent peu.
01:52 Non, ce n'est pas très clair et surtout dans les rapports récents il y a un petit
01:56 peu une confusion entre des fraudes organisées y compris par des professionnels qui pourraient
02:04 surfacturer des prestations ou par des réseaux, ce qui peut arriver ponctuellement et puis
02:09 on amalgame ça avec ce qui serait des fautes en fait, beaucoup d'erreurs et de redressements
02:14 individuels de prestations qu'il aurait fallu ajuster plus vite.
02:18 Donc l'intention frauduleuse ou des erreurs, voilà on n'a pas fait exprès, on s'est
02:22 un peu trompé quoi, c'est ça, il faut faire la différence entre les deux.
02:25 Il faut faire la différence entre les deux, surtout qu'il est beaucoup question dans
02:29 les propos du ministre des prestations familiales et des minimas sociaux et en réalité une
02:33 source d'erreur importante c'est que du côté des minimas sociaux les allocataires
02:38 sont déjà extrêmement contrôlés.
02:39 Il faut faire une déclaration tous les trois mois, si votre situation change il faut le
02:43 déclarer également, si vous rencontrez le mois dernier quelqu'un et que vous allez
02:48 habiter chez cette personne, votre situation change, si vous ne le faites pas ça peut
02:51 être source de faute et c'est calculé dans les chiffres des fautes et des fraudes.
02:55 Alors dans le plan du ministre il y a aussi une grosse partie, un gros volet qui concerne
02:59 la sécurité sociale avec les surfacturations d'actes médicaux, c'est vraiment si important
03:06 que ça ?
03:07 C'est difficile à estimer, la cour des comptes estime ça de l'ordre du milliard,
03:14 ça peut arriver mais c'est déjà très contrôlé, il ne faudrait pas laisser penser
03:17 qu'il n'y a aucun contrôle du côté de la sécurité sociale ou des prestations
03:21 sociales, il y a déjà beaucoup de contrôle et c'est là où la communication autour
03:25 du phénomène est sans doute très politique, c'est plutôt un plan de gestion, d'amélioration
03:29 des systèmes d'information et des contrôles qu'une vraie révolution.
03:32 Parce que le ministre évoque par exemple cette fraude des professionnels de santé,
03:37 il souhaite solliciter les patients eux-mêmes que les français qui se font soigner dans
03:41 un centre dentaire ou au phtalmo recevront par SMS la liste des soins qui ont été facturés
03:45 à l'assurance maladie pour qu'ils puissent vérifier et s'il y voit des incohérences
03:49 pour les signaler.
03:50 Oui, je ne sais pas très bien quelle mesure ça peut avoir, c'est un peu l'équivalent
03:56 de donner un ticket quand vous allez chez un commissaire pour vérifier que le CEPA
04:00 est suivant, je ne suis pas sûr que ce soit une mesure d'emploi.
04:03 Et la fusion de la carte vitale et de la carte d'identité, c'est une bonne idée ça ?
04:06 Ça laisse un peu perplexe sur plusieurs points, il y a d'abord un point pratique, vous savez
04:13 qu'aujourd'hui pour renouveler sa carte d'identité il y a des grosses difficultés de traitement
04:18 et je pense que dans la plupart des cas il va plus vite de faire renouveler sa carte
04:21 vitale.
04:22 Ça il l'évoque, il le dit qu'il faut déjà résoudre ses problèmes techniques, matériels,
04:27 que ça ne va pas assez vite aujourd'hui, ça il l'évoque le ministre quand même dans
04:30 l'interview.
04:31 Tout à fait, donc il renvoie cette perspective en fait à assez loin en disant quand on aura
04:35 réglé ses problèmes.
04:36 Et puis la deuxième question c'est une question de fond, il y a des raisons de fond pour lesquelles
04:42 en France la carte d'identité et la carte vitale ne sont pas logiques.
04:47 D'abord la carte d'identité c'est en rapport avec le ministère, la carte de sécurité
04:53 sociale c'est en rapport avec la sécurité sociale et donc on est deux personnes différentes
05:00 et puis c'est une question notamment de sécurisation des données, c'est-à-dire qu'on n'a pas
05:04 un seul système d'information qui connaît à la fois tout votre état civil au regard
05:09 du ministère de l'Intérieur et qui connaît votre situation de santé, vos prestations
05:12 de santé.
05:13 Donc je pense que ça soulèvera surtout des questions de ce côté-là, d'une part de
05:17 la séparation de la sécurité sociale et de l'état et d'autre part de la confidentialité
05:22 des données et finalement de ne pas avoir un fichier central avec toutes les informations
05:27 des individus et des citoyens.
05:29 Et globalement est-ce que tous les différents organismes qui sont concernés par cette fraude
05:33 ont les moyens de lutter, de traquer les fraudeurs ?
05:35 Le contrôle est déjà très fort, que ce soit du côté de la sécurité sociale, que
05:43 ce soit du côté des URSAF, donc le ministre annonce un renforcement des moyens des contrôles
05:48 et c'est ce que je vous disais du côté des prestations sociales et des minima sociaux,
05:52 les moyens qui sont dédiés au contrôle sont très importants, voire peut-être même
05:57 surdimensionnés.
05:58 Le contrôle que subit un allocataire du RSA est bien plus fort que ce que connaissent
06:03 la plupart des contribuables.
06:04 Si à Noël vous recevez un chèque de quelqu'un de votre famille, vous êtes censé le déclarer
06:10 au RSA pour qu'on vous diminue votre RSA d'autant.
06:13 Et donc on a le nombre de contrôles déclarés sur les allocataires de minima sociaux est
06:19 de 4 millions par an pour 2 millions de bénéficiaires du RSA pour vous donner un ordre de vendeur.
06:24 Vous nous dites que les contrôles sont déjà très importants, mais la Cour des comptes
06:27 dit qu'il y a quand même entre 6 et 8 milliards par an d'euros de fraude, c'est qu'il y a
06:31 bien des trous dans la raquette quand même ?
06:32 C'est ce que je vous disais, c'est une décision de gestion, donc il y a sans doute des améliorations
06:38 à apporter.
06:39 Et encore une fois, ce qui n'est pas très clair, y compris dans les estimations de la
06:44 Cour des comptes, c'est la distinction entre un système qui est très complexe et qu'il
06:48 faudrait actualiser quasiment au jour le jour avec une source de fraude, et le montant des
06:52 fraudes.
06:53 Du côté des fraudes, il y a sans doute des choses à améliorer, mais il y a déjà des
06:56 contrôles qui sont faits.
06:57 Et du côté des fautes, la question est sans doute du côté même des règles et de la
07:01 complexité des règles.
07:02 Vous avez des règles tellement compliquées, un rythme d'actualisation tellement rapide
07:07 que c'est générateur de fautes et d'erreurs.
07:10 Et donc de mise en difficulté aussi des bénéficiaires parce que derrière, ça donne lieu à des
07:14 indûs.
07:15 Et rembourser des sommes trop perçues quand vous n'avez quasiment pas de revenus, c'est
07:19 encore plus difficile.
07:20 Merci Michael Zemmour, économiste et maître de conférences à l'université Paris 1,
07:24 vous étiez l'invité du 5-7.

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