Michaël Zemmour: "Même si on a un vieillissement de la population, sans réforme, les dépenses de retraites ne vont pas augmenter"
Michaël Zemmour, maître de conférences en économie à l’Université Paris 1, était l’invité de 22h Max sur BFMTV ce mercredi soir.
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00:00 Est-ce que vous répondez à ces arguments qui tombent comme ça, comme Massu ?
00:04 Notamment, écoutez, la démographie est ce qu'elle est.
00:08 On a de moins en moins de cotisants, de plus en plus de retraités.
00:12 Ça ne tient pas, donc il faut repousser l'âge de départ à la retraite.
00:15 Je suis presque en finie de dire que de tous les arguments, c'est un des moins bons.
00:17 La démographie, on ne s'en abstrait pas quand on parle des retraites,
00:22 c'est un des paramètres de l'équation.
00:24 Il y a d'autres paramètres dans l'équation.
00:25 Il y a le taux de cotisation, la productivité des salariés.
00:28 La démographie, elle évolue, et pour une bonne raison.
00:31 Ce n'est pas tellement le papy-boom, il est passé, mais c'est aussi qu'on vit plus longtemps.
00:35 Simplement, la démographie, elle n'a pas changé hier matin.
00:38 Ça fait 30 ans que la démographie évolue.
00:40 On s'en est rendu compte dans les années 90.
00:42 Et on a enchaîné les réformes des retraites,
00:45 qui font en sorte qu'en fait, aujourd'hui, même si on a un vieillissement de la population,
00:48 sans réforme, les dépenses de retraite ne vont pas augmenter.
00:51 Elles sont même orientées à la baisse.
00:53 Alors même qu'il y a le changement démographique dont vous parlez.
00:56 Normalement, la démographie toute seule, elle ferait augmenter les dépenses de retraite dans le PIB.
01:01 Maintenant, elles n'augmentent pas, elles stagnent, voire elles baissent.
01:03 Pourquoi elles stagnent ou elles baissent ?
01:05 Parce que les réformes précédentes ont organisé deux choses, un raccourcissement de la retraite.
01:09 C'est-à-dire que les personnes qui partent aujourd'hui à la retraite
01:12 vont avoir un an de retraite en moins que les personnes qui sont parties il y a 10 ans.
01:17 Et donc, ça m'emmène à votre deuxième argument.
01:20 Vous dites, on vit plus vieux, ou certains disent, on vit plus vieux, il faut donc travailler plus longtemps.
01:25 Ça se discute vraiment.
01:27 Est-ce que les gains d'espérance de vie, on les met au travail ?
01:30 Un petit peu au travail, un petit peu à la retraite.
01:32 La difficulté qu'on a aujourd'hui, qui est une difficulté politique,
01:35 c'est que depuis une dizaine d'années,
01:38 le décalage de l'âge de la retraite a été plus vite que les gains d'espérance de vie.
01:41 C'est-à-dire que la retraite aujourd'hui est plus courte pour les gens qui partent à la retraite maintenant
01:46 que pour les gens qui sont partis il y a 10 ans.
01:48 Et toute nouvelle réforme, parce qu'elle va plus vite que les gains d'espérance de vie, va raccourcir la retraite.
01:53 C'est le principe de faire des économies.
01:55 Oui, mais ce n'est pas du tout le même argument que de dire qu'on vit plus vieux, il faut donc travailler plus longtemps.
01:59 Quand M. Touraine fait sa réforme en 2014,
02:02 son discours, c'est de dire qu'on a des gains d'espérance de vie,
02:05 on va en mettre deux tiers au travail et un tiers dans la retraite.
02:08 Et là, on est en train, depuis une dizaine d'années,
02:11 de mettre plus que les gains d'espérance de vie dans le travail.
02:15 C'est-à-dire en fait de raccourcir la retraite.
02:17 Et après, la retraite, ce n'est pas juste une quantité fixe, ce n'est pas 25 ans comme ci ou comme ça.
02:22 Il y a une deuxième question et qui est là aussi une question politique qu'il faut aborder,
02:25 c'est que si on gagne des années de vie à 85 ou à 90 ans,
02:30 mais qu'on perd des années de retraite à 62 ou 65 ans, ce ne sont pas les mêmes années.
02:35 Il y a des personnes pour qui ça ne change pas grand-chose,
02:37 et il y a des personnes pour qui en termes de santé et de capacité à vivre sa retraite,
02:40 ce n'est pas la même chose.
02:41 C'est ces débats-là qu'il faudra avoir.