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"Quand j'avais 15 ans, je me disais que pour un homme, au cinéma, la quarantaine, c'était le plus bel âge. Je ne me suis pas trompé."

L'amour, son rapport à la mort, l'art de jouer... Benoît Magimel se confie à Augustin Trapenard à l'occasion de la projection du film "La Passion de Dodin Bouffant" à #Cannes2023.

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Transcription
00:00 -Maintenant, j'arrive à dire "amour" sans complexe, sans gêne.
00:03 Ça paraît stupide quand on est gamin, quoi.
00:05 Mais aujourd'hui, c'est essentiel, avec les gens avec qui je travaille.
00:09 Quand on se sent aimé et on est filmé différemment,
00:13 on se sent désiré, ça libère, ça ouvre,
00:16 y a plus rien qui vous dérange, quoi.
00:18 Là, on se débarrasse de tout.
00:19 -Et vous le dites, maintenant ? -Moi, je vous le dis tout le temps.
00:22 -Je t'aime. -Ouais, c'est facile.
00:24 Enfin, c'est facile, mais c'est pas facile.
00:26 -C'est pas facile. -C'est pas facile.
00:28 C'est facile. Enfin, c'est facile. Je t'aime.
00:30 Mais pas à toi, pas à vous.
00:32 Mais je veux dire, c'est important de dire...
00:36 Les films que j'ai faits ces dernières années,
00:37 elles m'ont enseigné beaucoup de choses.
00:40 Mais ça reste un apprentissage, c'est quelque chose qu'il faut travailler.
00:43 L'amour, ça se travaille, tout se travaille.
00:46 Perdre quelqu'un, la maladie,
00:48 vivre à côté de gens qui sont en train de disparaître, c'est terrible.
00:53 Donc on apprend quand même.
00:54 Mais ces films, ils m'ont appris...
00:56 Vraiment, aujourd'hui, ils enrichissent l'homme que je suis.
00:59 -Bonhomme H.B.L., hier, à la fin de la projection
01:01 de "La passion de Donald Buffon", vous étiez en larmes.
01:04 Vous pleurez beaucoup, vous, au cinéma ?
01:05 -Ouais, je suis une chialeuse.
01:07 Par exemple, ce scénario, ça m'a ému un moment donné.
01:09 Il y a des scénarios qui me touchent plus que d'autres.
01:12 Et quand ça se passe, je me dis que c'est un bon signe.
01:15 -Mais dans la vie, qu'est-ce qui vous fait pleurer ?
01:17 -Alors, à une époque, c'était toujours les rapports fils-père, père-fils.
01:21 Je me souviens d'un film qui s'appelait "Champions", avec John Voyne, je crois,
01:25 où le père boxeur meurt sur le rigue.
01:29 Ça, ça me faisait...
01:31 J'étais très touché par ça.
01:32 Et puis, en fait, je sais pas...
01:35 En fait, parfois, c'est tellement...
01:38 On sait pas d'où ça sort.
01:39 Vous savez, les émotions, elles vous submergent,
01:41 et on sait pas d'où elles...
01:43 C'est... Quelle est la cause ?
01:45 C'est quelque chose, parfois, d'inexplicable.
01:48 -Là, vous disiez la mort. Ca vous fait peur, la mort ?
01:50 -Non, mais c'est peut-être perdre des êtres chers, en fait.
01:54 Perdre les gens qu'on aime,
01:56 se projeter peut-être dans la peine que ça provoque, si c'est vous.
02:01 Vous voyez ?
02:02 Quand on imagine les gens que vous aimez se retrouver seuls,
02:07 quand on vit avec quelqu'un, ça doit être terrible, quoi.
02:09 -Dans ce film, vous jouez le rôle d'un gastronome,
02:12 c'est-à-dire quelqu'un qui ne vit que pour la cuisine.
02:15 Et il est question d'un poteau-feu.
02:16 -Le poteau-feu, c'est quelque chose en plus que j'adore faire.
02:18 -C'est vrai ? -Ouais.
02:20 J'aime ses plats réchauffés.
02:21 J'aime... C'est toujours en mouvement, un poteau-feu.
02:25 Ca se travaille plusieurs jours, on peut le garder, quoi.
02:29 Ca se conserve, j'aime bien.
02:30 Et puis, chaque jour passe, et puis on rajoute des légumes,
02:33 on rajoute de la viande.
02:34 On peut continuer à le transformer.
02:36 Moi, ça m'a renvoyé à ce que j'aime.
02:40 Faire plaisir aux gens, cuisiner.
02:41 J'aime ça, et cuisiner pour les gens que j'aime.
02:44 Surtout, c'est ça, le plus important.
02:45 -Et puis, là, sur la nourriture, la cuisine, elle est liée vraiment aux émotions.
02:48 On le voit dans ce film, à un moment, votre personnage perd complètement l'appétit.
02:52 Qu'est-ce que vous mettez de vous dans le personnage à ce moment précis du film ?
02:56 Même momentanément, ça vous est déjà arrivé à vous ?
02:58 -Non. Non, pas à ce point-là.
03:01 Pas à ce point-là.
03:02 Mais perdre l'envie, oui, perdre des envies, ouais, perdre l'envie, ça arrive.
03:07 Ca arrive...
03:08 Mais oui, on travaille avec soi, évidemment.
03:11 Plus le temps passe, et plus on travaille avec sa propre matière.
03:13 C'est essentiel, quoi.
03:14 -Et puis, le cinéma, quand même.
03:15 Benoît Magimel, le cinéma, qui ne vous a jamais fermé ses portes.
03:18 Le cinéma qui continue à vous mettre à l'honneur,
03:20 de vous porter trois films à Cannes cette année,
03:23 deux César coup sur coup.
03:24 Ce goût, cette passion pour le cinéma, ça vous est venu quand ?
03:27 -Depuis que je suis gamin.
03:28 Moi, j'étais... Je suis un enfant de la vidéo, moi.
03:31 Tous les week-ends, on allait avec mon frère, on avait une carte qui se ponçonnait,
03:35 et on prenait 5, 6, 17 VHS.
03:38 On a commencé par toutes les comédies.
03:41 Les grandes comédies, les petites comédies, mais les grandes comédies.
03:44 Et puis les westerns.
03:46 Et puis aussi la dernière séance.
03:47 Moi, j'ai dit merci à Eddie Michel pour cette émission qui était incroyable.
03:50 Et puis le cinéma de minuit aussi, sur France 3.
03:54 Ce générique, avec tous ces regards comme ça, qui superposent cette musique,
03:58 en fait, c'est vraiment à travers ça que j'ai eu...
04:03 Je crois que j'en ai rêvé, en fait.
04:05 -Le problème, quand on est comédien, c'est qu'on dépend quand même
04:08 du désir des autres.
04:09 Comment vous vivez-vous cette dépendance-là ?
04:11 -Le désir, c'est fragile.
04:12 Ça s'écrit très vite.
04:14 Et on peut être choisi,
04:16 et puis c'est arrivé rarement, mais on vous choisit,
04:18 c'est qu'on vous demande de plus...
04:22 Voilà.
04:23 On vous vire carrément.
04:24 C'est pour ça qu'un réalisateur, pour moi, qui choisit un acteur,
04:28 un et pas un autre,
04:30 je trouve que c'est déjà une déclaration d'amour.
04:33 Il n'y a rien d'autre, il n'y a rien de mieux
04:35 que quelqu'un qui écrit pour vous, qui vous propose quelque chose.
04:38 -Mais la plus belle déclaration d'amour qu'on vous ait jamais faite au cinéma,
04:40 c'est quoi ?
04:41 -C'est Manon Berco.
04:42 Je pense qu'elle a joué un rôle essentiel à un moment donné.
04:46 -Elle vous a dit quoi ?
04:47 -Non, elle m'a dit...
04:49 Elle voulait, en fait, que je sois le mieux.
04:53 Du mieux.
04:54 Je me souviens qu'elle, parfois, elle pouvait se mettre en colère
04:58 parce qu'elle voulait me monter.
05:00 Voilà, elle avait un désir de me faire briller.
05:03 -Quel art est-ce que c'est pour vous, le fait de jouer au nom d'un magimel ?
05:07 Sur quoi ça repose ?
05:08 -Sur quelque chose d'honnête.
05:11 Je pense qu'il y a une honnêteté absolue.
05:13 J'aime pas les artifices.
05:15 -Et vous avez beaucoup progressé.
05:16 -Je dirais que...
05:20 Quand j'avais 15 piges, je me disais que pour un homme, au cinéma,
05:23 la quarantaine, c'était le plus bel âge.
05:26 Et je me suis pas trompé.
05:28 C'est l'âge de tous les possibles.
05:30 Et c'est l'âge où...
05:31 Encore une fois,
05:33 qu'on glisse le regard des autres, ça a moins d'importance.
05:37 -Ça vous arrive ? Vous êtes nostalgique ?
05:39 -Ouais, j'aime bien la nostalgie.
05:41 Je suis un grand nostalgie. J'adore les films nostalgiques.
05:43 J'adore les westerns qui parlent de la fin d'un monde,
05:46 comme il était une fois dans le Ouest,
05:48 où on voit ce train qui arrive,
05:52 Claudia Cardinal qui va devenir avoir,
05:54 et puis Jason Robards qui va mourir sur son cheval,
05:57 et puis Charles Branson qui ne reste pas avec elle.
06:00 Et on sait que c'est la fin du Far West.
06:02 Et que là,
06:04 l'industrie...
06:06 Un monde nouveau, ça arrive.
06:07 [Générique]

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