• l’année dernière
Transcription
00:00 Bonjour à tous, un club poétique et musical aujourd'hui avec Serge Rezvani, parolier,
00:05 peintre, écrivain.
00:06 A 95 ans, cet artiste bohème nous raconte le tourbillon de sa vie, ses amours, ses rencontres,
00:12 les plus beaux mots de la langue française, tout en continuant à faire chanter les autres.
00:16 Longtemps, après Jeanne Moreau, il a réuni des grandes voix de la nouvelle scène française
00:19 dans l'album Chanson pour Lula, sa femme, son amour, des chansons inédites réunies
00:24 dans un album sorti chez Jacques Canetti.
00:26 L'an dernier, paraissait également beauté J'écris ton nom aux belles lettres et reparaissait
00:31 chez Philippe Rey ses chansons silencieuses.
00:34 Serge Rezvani est aujourd'hui notre invité.
00:37 Une émission programmée par Corinne Amard avec Laura Dutèche-Pérez et Anouk Delphinaud,
00:52 préparée par Sacha Matéi.
00:53 La réalisation, Félicie Fogère avec Jean-Guylain Mej à la technique.
00:58 Et bonjour Serge Rezvani.
00:59 Bonjour.
01:00 Bonjour monsieur, merci d'être avec nous.
01:02 Voilà qu'en ce soir de ma vie, je me surprends encore à m'interroger par l'écriture
01:07 sur le sens qui a été ma flèche, puisque je dois aujourd'hui me rendre à l'évidence
01:11 qu'elle a toujours volé sans autre but que de ne pas en avoir.
01:16 Écrivez-vous dans beauté J'écris ton nom.
01:19 Vous avez en effet plusieurs cordes à votre arc, cher Serge.
01:23 Elles vous ont permis visiblement d'être libre, ces cordes-là, de suivre aussi le
01:27 sens du vent, votre destin peut-être, toujours en quête de quelque chose quand même, d'un
01:34 absolu, d'une forme de beauté.
01:35 Bien sûr, c'est vrai.
01:38 Ce serait ça.
01:39 Mais que puis-je ajouter à ce que vous venez de dire ?
01:42 Parce que vous dites que vous n'aviez pas d'autre but que de ne pas en avoir.
01:45 Absolument.
01:46 Mais vous avez trouvé quelque chose, c'est quand on n'a pas de but qu'on trouve.
01:49 Picasso disait "je ne cherche pas, je trouve".
01:53 Moi j'ai cherché, je n'ai rien trouvé.
01:55 Donc je continue.
01:57 Vous continuez à chercher, et pour ça vous continuez à vivre aussi, Serge Rasvani, pleinement.
02:02 Vous aimez la vie ?
02:03 J'aime la vie ? C'est la vie qui m'aime.
02:07 Parce qu'elle a été très très très riche pour moi, et toujours généreuse, avec de
02:12 grands grands malheurs et de grands grands bonheurs.
02:14 Ça marche comme ça la vie ?
02:18 Il faut accepter la part de malheur ?
02:20 Mais bien sûr.
02:21 Et saisir, épouser, embrasser les bonheurs ?
02:24 Non, le malheur vous donne l'envie de surmonter tout ça, ça vous donne encore plus le goût
02:32 de la vie.
02:33 Quant au bonheur, il y a un mot qui est le seul mot de la langue française que je trouve
02:38 très extraordinaire, c'est l'indicible.
02:40 Et j'ai connu vraiment un bonheur indicible sur 50 ans de vie.
02:46 Est-ce qu'il y a des choses d'ailleurs qui ne supportent pas les mots ?
02:49 Est-ce qu'il y a des...
02:50 Vous parliez d'indicibles.
02:51 Est-ce qu'il y a des situations, des émotions, des sentiments, l'amour peut-être ?
02:55 Mais l'amour, c'est devenu...
02:58 C'est finalement des journaux à deux sous qui parlent d'amour sans arrêt, de point
03:04 G, de tout ça.
03:05 Donc ça ne m'intéresse pas du tout ça.
03:07 L'amour est indicible aussi, c'est vrai.
03:10 Sauf peut-être par les poètes.
03:12 C'est pour ça que la poésie a essayé de tourner autour, c'est ce que disait Rilke,
03:17 d'une femme, quand il parlait d'elle, il la laissait en blanc.
03:20 C'est ça.
03:21 Et vos chansons, vos chansons silencieuses, comme vous les appelez, ce qui là encore
03:27 est un peu antinomique.
03:28 Oui, vous avez dit un mot que je n'aime pas, tout à l'heure, c'est "parolier".
03:31 Je ne suis pas parolier.
03:33 J'écris et la musique et les paroles en même temps.
03:36 On vous a dit mélodiste aussi, chansonnier.
03:39 Ça n'a pas été évident d'ailleurs, au début, de vous coller une étiquette, quand
03:42 vous êtes allé voir les sociétés d'auteurs.
03:44 Oui, je n'aime pas du tout tout ça.
03:45 Je ne suis pas dans le métier, du tout, du tout.
03:47 C'est pour ça que je suis très reconnaissant à Francesca Netti de sortir ce CD, justement.
03:53 Qu'elle a pris ce risque, disons, et que tous ces jeunes chantent mes chansons, c'est
04:00 très émouvant.
04:01 Car eux-mêmes composent des oeuvres.
04:04 Donc c'est pour moi un grand cadeau.
04:05 Ce livre, et je termine là-dessus, pardon, comme même Serge Rizvani, s'ouvre pourtant
04:11 sur une citation à la fois énigmatique et sans concession de la haute Séoul.
04:17 "Si quelqu'un ou si quelques-uns t'ont offensé, méprise-les.
04:21 Assieds-toi au bord de la rivière et bientôt tu verras passer leur cadavre."
04:26 C'est la citation.
04:27 Très belle phrase.
04:28 Mais aussi très coupante, très tranchante.
04:31 Je l'ai mise pour une raison que je ne peux pas dire.
04:36 Il y a quelques-uns qui essaient de m'assassiner, vraiment, sérieusement.
04:42 Et donc ils n'y arriveront pas.
04:46 Donc j'ai mis cette phrase pour dire que je suis contre l'agressivité, je suis contre
04:53 la violence.
04:54 Et ceux qui sont violents, la violence se retourne contre eux, évidemment.
04:57 Un jour ou l'autre, on les voit passer au fil de l'eau.
05:00 Morts, eux, parce qu'ils ont voulu la mort des autres.
05:03 C'est certain.
05:04 Saskia de Ville : Cette citation, vous l'avez mise en exergue d'un livre qui s'intitule
05:08 "Beauté, j'écris ton nom".
05:09 Daniel Hoelcher : Bien sûr.
05:10 Bien sûr.
05:11 Saskia de Ville : "Chanson pour Lola" est un disque offrande à la femme de votre vie,
05:15 Daniel, dite Lola, vous l'appeliez comme ça, que vous rencontrez en 1950.
05:19 Elle est partie, elle est décédée en 2004.
05:22 50 ans de vie commune, jamais assez pour les deux inséparables que vous étiez, Dominique
05:27 A., au bord du long fleuve tranquille.
05:30 Au bord du fleuve tranquille qui coule vers l'océan, ses archipels, ses îles, ses horizons
05:48 changeants, ses horizons changeants, il y avait deux amants.
05:55 Le soir, sur la rive paisible du grand fleuve lent, serré contre le vent, riant comme deux
06:05 enfants, riant comme deux enfants, ils s'aimaient follement.
06:12 Comme je t'aime, comme je t'aime, comme je t'aime, tu es mon plaisir.
06:21 Et moi je t'aime, et moi je t'aime, et moi je t'aime, tu es mon désir.
06:29 Oh, grand fleuve tranquille, coule vers l'océan, ses archipels, ses îles, ses horizons changeants,
06:40 ses horizons changeants, du levant au couchant.
06:46 J'aime tes eaux impassibles, ton cours calme et lent, tes rives invisibles, dans les seaux
06:56 le penche, dans les seaux le penche, ployés par le courant.
07:03 Est-ce que tu m'aimes, est-ce que tu m'aimes, est-ce que tu m'aimes, oh mon amant ? Si moi
07:12 je t'aime, si moi je t'aime, si moi je t'aime, pas pour longtemps.
07:21 Et sur le fleuve tranquille, il s'est embarqué, là-bas vers l'océan, ses archipels, ses
07:31 îles, ses archipels, ses îles, s'en est allé son amant.
07:37 Au bord du grand fleuve tranquille, qui coule vers l'océan, ses archipels, ses îles, ses
07:45 horizons changeants, ses horizons changeants, ne sont plus les amants.
07:52 Pourquoi l'aime-je, pourquoi l'aime-je, pourquoi l'aime-je passionnément ? Pourquoi
08:02 je l'aime, pourquoi je l'aime, pourquoi je l'aime encore autant ?
08:09 Le soir, sur la rive paisible du grand fleuve lent, le long du courant, elle songe à son
08:23 amant, elle songe à son amant, son amant qu'elle attend, pendant que le beau fleuve
08:33 lent suit son cours paisible et indifférent, toujours vers l'océan, toujours vers l'océan,
08:43 en oublie des amants.
08:46 Pourquoi je l'aime, pourquoi je l'aime, pourquoi je l'aime encore autant ? Pourquoi l'aime-je,
08:56 pourquoi l'aime-je, pourquoi l'aime-je passionnément ?
09:03 Le soir, sur la rive paisible du grand fleuve lent, songeant à son amant, elle entre dans
09:12 le courant, elle entre dans le courant et s'en va se noyant.
09:18 Maintenant, sur le cours paisible du grand fleuve lent, jouent de grands oiseaux, de
09:28 grands signes blancs, de grands signes libres, en souvenir des amants, en souvenir des amants.
09:40 En souvenir des amants.
09:48 * Extrait de « La vie d'un poète » de Jean-Michel Lambert *
10:02 C'est un poète au sens grec du terme qui est avec nous aujourd'hui.
10:06 Il a vécu une vie d'artiste, une vie bohème, sans but, comme il nous le disait tout à
10:10 l'heure, prédéfinie.
10:12 Toutes vos chansons ont-elles une histoire, Serge Rezvani ? Et cette chanson-là, quelle
10:17 est son histoire ?
10:18 J'étais très surpris que Dominique ait choisi cette chanson qui me paraissait un
10:25 peu une chanson presque du 19e siècle, le genre de chanson qui faisait pleurer les chaumières,
10:32 mais pas du tout.
10:33 Il l'a modernisée d'une façon extraordinaire, dans la mesure où j'espère qu'on a encore
10:39 ce genre de sentiment.
10:41 C'est une chanson qui, j'espère, ne vieillira jamais.
10:46 Ça veut dire que les hommes, les femmes et les hommes continueront à s'aimer.
10:49 Mais levez le voile, racontez-nous comment, dans quel contexte, cette chanson vous l'avez
10:54 écrite ? Vous vous en souvenez ?
10:55 Non.
10:56 Non ?
10:57 La plupart de mes chansons sont venues un peu comme au journal, pour la plupart, c'est
11:03 autobiographique.
11:04 Mais celle-là, pas du tout.
11:05 Bizarrement.
11:06 Mais c'est peut-être pour utiliser un peu Tchaïkovski, parce que bien sûr, dans le
11:11 refrain, c'est le lac des cygnes.
11:13 Et à la fin, il y a les cygnes.
11:16 Donc ceux qui connaissent la musique savent très bien que j'ai mis les… Donc c'était
11:19 un peu peut-être en écho à Tchaïkovski, à ce lac des cygnes, que je trouve très
11:24 beau.
11:25 Donc vous vous souvenez quand même, la voix écrite de cette chanson ?
11:28 Vous me le faites souvenir.
11:29 Oui. Pourquoi je l'aime ? C'est une question que pose l'ensemble de ces 16 titres inédits
11:37 de cet album Chansons pour Loula.
11:39 Pourquoi je l'aime ? Il y a des amours, Serge Rezvani, qui ne supportent pas l'imparfait,
11:44 ni le passé composé d'ailleurs, qui ne se racontent encore qu'au présent.
11:48 Mais je pense que… On a inventé… Le seul mot que je trouve qui peut parler d'amour,
11:56 c'est le mot "indicible" quand on aime et quand on est aimé.
12:00 Mais quand on a surtout le privilège de pouvoir aimer.
12:04 C'est tellement important.
12:07 Je pense… On parle du mythe de Narcisse, on dit que Narcisse se regarde dans le miroir
12:13 de l'eau, ce n'est pas vrai.
12:14 On amenuise toujours le mythe, malheureusement.
12:18 C'est que de l'autre côté de la pellicule de l'eau, il y a Ondine qui le regarde et
12:24 qui l'aime, et c'est le retour du regard d'amour d'une femme pour un homme, qui
12:31 permet de parler de cet indicible.
12:33 - C'est votre histoire avec Loula que vous raconteriez comme ça ? Vous étiez Narcisse,
12:38 elle était Ondine ? - 50 ans de narcissisme à deux.
12:42 Absolument.
12:43 - C'est très joliment dit, c'est une belle définition de l'amour en fait.
12:47 - C'est la seule peut-être, je pense.
12:49 Bon, il y a des amours passagères bien sûr, mais bon, moi j'ai eu le privilège d'être
12:55 hypnotisé par une femme pendant 50 ans de ma vie.
12:59 - Vous êtes contradictoire, vous dites "l'amour c'est l'indicible", c'est peut-être
13:03 le seul mot qui peut l'exprimer et qui le résume.
13:06 Et en même temps vous n'avez cessé d'écrire des chansons sur l'amour, des chansons silencieuses
13:10 et amoureuses.
13:11 - La création c'est l'insatisfaction.
13:16 Et chaque fois que ce soit mes livres, que ce soit mes peintures, que ce soit tout ce
13:21 qui est tourné autour de Lula, je n'ai jamais été satisfait.
13:24 Il n'y a que l'artisan qui est satisfait, qui refait toujours la même chose.
13:29 Moi j'ai toujours essayé de dire ce qui était impossible à dire.
13:32 Von Kleist, ce merveilleux poète allemand que j'admire énormément, disait "les mots
13:39 tirent la pensée".
13:41 Et vraiment de créer c'est d'essayer de sortir de nous ce que nous ne savons pas.
13:45 Si c'est pour répéter ce que tout le monde dit, très bien on peut parler de toutes les
13:51 choses avec les mots de tout le monde.
13:52 Mais je pense que non, il faut trouver les vrais mots que nous ne connaissons pas.
13:56 Une situation que nous ne pouvons pas définir et qui nous occupe entièrement.
14:02 - Vous avez aussi dit Serge Rézvani un jour "la catastrophe pour la littérature c'est
14:07 la catastrophe guttimbère".
14:08 Dans cette phrase il y a un plaidoyer pour l'oralité.
14:12 - Oui, la transmission.
14:14 - Oui, cette oralité, cette transmission dont vous vous faites l'avocat depuis plus
14:20 de 60 ans.
14:21 Mais il y a aussi cette idée que peut-être la langue ne se vit, ne s'éprouve qu'à
14:28 voix haute.
14:29 La musicalité des mots quand vous écrivez, elle est importante.
14:33 Vous écrivez vous aussi à voix haute ?
14:35 - Non, je ne suis pas comme Flaubert, je n'ai pas de gueulois.
14:38 Non.
14:39 Pour moi l'écriture ça a été quelque chose de très long à acquérir.
14:44 Pour un peintre c'est très difficile de passer de la peinture à l'écriture.
14:47 Un peintre, par exemple un coucher de soleil, trois coups de brosse et puis ça suffit en
14:52 deux secondes.
14:53 Par contre avec les mots pour décrire un coucher de soleil on peut écrire un livre
14:58 entier et ajouter des mots, toujours ajouter des mots bien sûr.
15:01 Et donc de passer de la peinture aux mots ça a été pour moi très important parce
15:08 que je pouvais poser des questions.
15:10 La peinture c'est plutôt des réponses.
15:13 - C'est vrai, je n'avais pas pensé à ça.
15:17 Du coup vous avez commencé à poser des questions et beaucoup de questions.
15:20 - Sans réponses.
15:21 - Sans réponses, exactement.
15:22 Vous arrêtez la peinture dans les années 60 Serge Rézvani pour écrire des chansons.
15:27 Alors il y aura évidemment Le tourbillon de la vie, ça c'est vous, chantée et écrite
15:31 pour Jeanne Moreau, choisie par Truffaut pour Juliet Djem.
15:34 Vous la reprenez ici dans cet album, dans une version inédite avec l'orchestre de François
15:40 Robert.
15:41 Et c'est aussi peut-être, on peut le dire après Truffaut, Godard.
15:46 Avec Godard, avec Pierrot Le Fou, vous voilà devenu le chansonnier, le mélodiste, attitré
15:53 de la nouvelle vague.
15:54 Oui vous n'aimez pas ces mots, je sais.
15:57 Alors je les barre, je les rature, je les fais disparaître.
16:01 Qu'est-ce que je garde à la place ?
16:02 Auteur ?
16:03 Plutôt, oui je veux bien.
16:06 Ou oiseau qui chante.
16:08 Allez, on va écouter l'oiseau chanter avec Anna Karina.
16:12 Jamais je ne te dis que je t'aimerai toujours, oh mon amour.
16:19 Jamais tu ne m'as promis de m'adorer toute la vie.
16:26 Jamais nous n'avons échangé de tels serments mais connaissant, te connaissant.
16:34 Jamais nous n'aurions cru être jamais pris par l'amour, nous qui étions si inconstants.
16:41 Pourtant, pourtant tout doucement sans qu'entre nous rien ne soit dit, petit à petit, des
16:52 sentiments se sont glissés entre nos corps qui se plaisaient à se mêler.
16:59 J'ai passé à chaque fois qu'il écrit des textes, c'est vraiment très proche des gens
17:05 et chacun peut retrouver quelque chose qui le concerne profondément.
17:12 Par rapport à Pierre Olfou, moi je chantais comme ça, je chantonnais dans le film.
17:18 Je ne sais pas si à l'époque, parce que j'étais très très jeune, je me suis tout
17:24 à fait rendue compte de la poids et de l'importance des paroles de cette chanson.
17:29 Parce que bon, quand on est très jeune, on est un peu tête en l'air, c'est dire.
17:35 Je sentais bien que c'était très très beau et j'aimais beaucoup cette chanson.
17:41 D'ailleurs, la preuve c'est qu'elle existe encore aujourd'hui et qu'ensuite je l'ai
17:45 chantée en concert avec Philippe Catherine et qu'on a toujours eu beaucoup de succès
17:50 quand on a chanté cette chanson.
17:52 Parce qu'il y a quelque chose qui passe, il se passe un truc entre cette chanson et
17:56 les publics qui comprennent très bien le message.
17:59 Les sentiments se sont liés entre nos corps qui se plaisaient à se mêler.
18:09 Des sentiments si fous et si violents que tous les mots d'amour ont connu.
18:15 Et inconnus.
18:16 Des sentiments si fous et si violents.
18:23 Des sentiments auxquels avant nous n'aurions jamais cru.
18:27 Jamais, ne dis jamais que tu m'aimeras toujours.
18:37 Oh mon amour.
18:41 Jamais ne me promets de m'adorer toute la vie.
18:52 N'échangeons surtout pas de tels serments, me connaissant, te connaissant.
19:03 Gardons le sentiment que notre amour ouvre le jour.
19:10 Que notre amour est un amour sans lendemain.
19:18 Je vous remercie.
19:23 Félicie Fauger.
19:25 C'est beau d'entendre toutes ces voix mêlées, associées, dont celle aujourd'hui de Philippe Catherine.
19:30 J'ai jamais entendu cette séquence.
19:33 Très très beau.
19:34 Surtout que cette chanson est pour moi essentielle.
19:37 Pourquoi ?
19:40 On vient de parler de l'amour.
19:42 Elle dit justement "ne dis jamais que je t'aimerais toujours".
19:46 Ne passe cette rime, surtout pas.
19:48 Et puis au bout de 50 ans on se retourne et on s'est dit "tiens on s'est aimé pendant 50 ans, c'est pas croyable".
19:54 Et si au début de la rencontre on vous aurait dit "vous resteriez 50 ans ensemble, on serait sauvés chacun d'un côté".
20:01 Avec horreur peut-être, bien qu'on s'aime, on a un coup de foudre.
20:07 Mais 50 ans, ça fait peur.
20:10 Et après non, c'est pas assez.
20:14 Ces mots se sont les vôtres, ces sentiments se sont les vôtres.
20:18 Et vous les offrez à d'autres, à d'autres voix qui chantent pour vous.
20:22 Vous ne vous sentez pas dépossédé, vous ne vous sentez jamais volé.
20:25 Je me suis enrichi, je ne m'attendais pas à ce que ça soit si bien.
20:30 Je suis très très très ému quand j'entends comme ça.
20:34 C'est très beau, je ne l'ai jamais entendu.
20:37 En 1963, il pousse Jeanne Moreau à entrer dans un studio d'enregistrement pour graver sa voix et vos mots sur les sillons d'un disque.
20:46 Lui c'est Jacques Canetti.
20:48 Lui c'est un directeur artistique et c'est un peu plus que ça, un producteur mais aussi un complice, un découvreur de talent et un grand défenseur de la chanson française.
20:57 On va écouter Jacques Canetti sur la chanson.
21:00 Je vais vous dire quelque chose qui ne va probablement pas vous faire plaisir.
21:03 C'est que je ne suis pas du tout accroché par les textes au départ.
21:07 Je suis uniquement accroché par les musiques et ensuite, si les musiques restent, elles m'amènent le texte, elles me rendent le texte compréhensible.
21:17 C'est pour ça que je pense qu'Anne Sylvestre avait absolument raison en disant de ne pas parler de chansons poétiques.
21:22 Il n'y a pas de chansons poétiques, il y a des chansons dont la musique reste et qui par conséquent servent à véhiculer le texte.
21:29 Ce texte peut être évidemment de préférence un bon texte mais ce n'est pas obligatoirement un texte poétique.
21:35 Jacques Canetti, c'est sa définition à lui d'une bonne chanson et quelle est la vôtre ?
21:40 Moi je ne peux pas séparer le texte.
21:44 Je ne pourrais pas dire qu'il y a un texte, bien que je vienne publier un livre où j'ai mis tous les poèmes.
21:50 En effet, où j'ai séparé la musique. Donc ça donne raison à Canetti.
21:55 Et quand est-ce que vous savez que vous tenez une bonne chanson ? Quand est-ce que vous le sentez ?
22:00 Justement quand elle me revient par les autres. Parce que je ne sais pas, mes chansons, je ne sais pas comment je les fais.
22:07 Ça vient ensemble. De toute façon si on pose un mot, il a sa musique déjà.
22:14 Deux mots ça fait déjà deux notes. Je n'ai jamais eu l'idée de faire une chanson.
22:22 Mais je ne suis pas professionnel encore je le répète.
22:26 À 95 ans ? Non, toujours pas.
22:28 Ah non, de rien.
22:30 Sur cet album qui paraît en CD et en vinyle, sur ces chansons pour Lula que vous avez choisies, regroupées, toutes ces chansons inédites jusqu'ici.
22:42 Il y en a une toute particulière qui figure pour une Marseillaise, Amie.
22:47 Elle sera chantée, elle l'est chantée sur cet album par Léopold Dinachage et Kali.
22:52 Et on la retrouvera cet été aussi à Avignon cette chanson. Quelle est son histoire ?
22:58 L'histoire de la Marseillaise, nous avons chacun notre lecture peut-être de la Marseillaise.
23:05 La vôtre est tolérante, la vôtre est ouverte.
23:09 J'ai ajouté deux couplets, c'est tout. Ce n'est pas contre la Marseillaise, je ne suis pas comme Gainsbourg du tout.
23:15 Contre l'autre Serge, vous n'êtes pas comme lui.
23:18 Non, je l'aime beaucoup bien sûr.
23:21 Bon, je ne suis pas tellement... disons je ne suis pas provocateur mais parfois ce que je dis provoque.
23:28 Mais ce n'est pas une intention chez moi jamais.
23:31 Et pourquoi ces deux couplets rajoutés ?
23:33 Parce que ces deux couplets disent exactement ce que nous pensons tous de la vie, je crois.
23:38 Même ceux qui se mettent au garde-à-vous devant la Marseillaise, mais quand ils voient leurs enfants, leurs femmes,
23:44 quand ils voient la nature, le monde, comme nous le lisons d'ailleurs aujourd'hui avec beaucoup plus d'inquiétude,
23:51 d'ajouter deux couplets, ce n'est pas des réponses.
23:57 La Marseillaise est une réponse à la violence en étant violente elle-même.
24:01 C'est symétrique.
24:03 Ma Marseillaise est asymétrique.
24:05 Ma Marseillaise, mes deux petits couplets de la Marseillaise qui je pense doivent résonner en chacun de nous
24:13 que ça m'inquiète ce qui se passe aujourd'hui.
24:15 Même devant la consensure que nous vivons aujourd'hui, je dirais.
24:21 Vous Serge Rezvani, vous venez de nulle part et vous le revendiquez.
24:24 Vous avez souvent dit que votre seul territoire c'est la langue française.
24:27 Oui.
24:29 C'est votre passeport, votre carte d'identité.
24:32 La langue française m'a accueilli, je l'ai rudoyé pas mal, mais bon, elle a accepté ce que j'en ai fait.
24:42 Pour moi c'est très beau, c'est très riche pour moi.
24:46 Alors quel est le mot le plus laid de la langue française ?
24:50 Prenons le mot laid, ça suffit.
24:54 C'est un retour sur lui-même.
24:56 Quel est le mot le plus beau de la langue française, celui dans lequel vous aimez vous lover Serge Rezvani ?
25:02 C'est difficile à dire.
25:06 Je crois pas que j'ai pas de réponse.
25:10 Vous avez quelques années pour le trouver encore.
25:13 Oui, j'ai 100 ans moins 5, attention !
25:16 On vous retrouvera cet été en juillet le 14 dans le cadre des Fictions de France Culture à Avignon
25:22 avec toute cette jeune scène française aussi qui vous a accompagné pour cet album "Chanson pour Lula".
25:28 On va faire un pas de côté, il nous reste quelques minutes, Serge Rezvani, parce qu'on vient d'apprendre la mort d'un artiste de la chanson française,
25:35 Jean-Louis Murat, qui était auteur, qui était compositeur, qui était interprète et qui vient de décéder à l'âge de 71 ans.
25:41 Je me souviens d'une terre brûlée alentour, d'une vallée de l'âme où chacun cherchait l'amour.
25:51 Je me souviens d'effrémissements les plus légers. Je me souviens.
26:00 Je me souviens que le père venait de mourir, d'une armée anglaise piétine en mes souvenirs.
26:10 Je me souviens de murales aux portes de Napré Je me souviens, je me souviens...
26:24 Je me souviens, je me souviens...
26:39 Il avait un sacré tempérament Jean-Louis Murat, l'Auvergnat de la chanson française,
26:44 connu pour ses textes ciselés et cette voix rocailleuse si particulière qu'était la sienne.
26:49 On le connaît pour certains albums emblématiques comme Le Manteau de Pluie
26:53 et des chansons telles Je me souviens que vous venez d'entendre, Je devais manquer de toi ou encore Dolores.
26:59 Au journal Les Un Rock en 2021, il a dit "J'enregistre des disques posthumes, rien que sur la vraie vie de Buck John.
27:07 J'ai enregistré 24 titres, il y a donc un autre album de 12 chansons déjà prêts qui paraîtra après ma mort.
27:13 J'aurai désormais une carrière en deux temps, deux monts vivants et post-mortem."
27:18 Jean-Louis Murat, auteur, compositeur, interprète est décédé aujourd'hui à l'âge de 71 ans.

Recommandations