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L'Invité du 13h (13h - 22 Mai 2023 - Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz)

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00:00 Il va falloir baisser les émissions de gaz à effet de serre deux fois plus vite qu'aujourd'hui.
00:04 C'est l'un des impératifs du plan d'action écologique que présentera cet après-midi la première ministre.
00:09 L'objectif, c'est toujours le même, réduire les émissions de 50% en 2030 par rapport aux années 90
00:15 pour s'aligner avec les objectifs européens, objectifs plus ambitieux qu'initialement,
00:19 et atténuer ainsi le réchauffement. L'an dernier était l'année la plus chaude depuis 1900.
00:24 Les entreprises grosses et maîtrises devront fournir les efforts les plus importants
00:28 au risque de relancer cette opposition qu'on retrouve trop souvent entre efforts écologiques et économiques.
00:33 Quelles incidences économiques de l'action pour le climat ?
00:37 Un rapport publié ce matin par l'organisme France Stratégie rattaché à Matignon donne des éléments de réponse.
00:44 Les auteurs Jean Pisaniferi et sa rapporteur Selma Mahfouz sont avec nous. Bonjour à tous les deux.
00:49 Bonjour.
00:50 Alors parmi les premières phrases de votre rapport, nous ne sommes pas durablement condamnés à choisir entre croissance et climat.
00:56 C'est vrai ou c'est un vœu pieux Jean Pisaniferi ?
00:59 C'est vrai. C'est notre conviction en tout cas.
01:02 On n'a pas un bon débat sur la question de la croissance.
01:06 C'est-à-dire que d'un côté, on a des gens qui disent qu'il faut décroître,
01:11 ce qui est philosophiquement compréhensible, mais économiquement une absurdité.
01:16 Et de l'autre, on a des gens qui disent qu'on peut le faire, mais ça ne coûtera rien,
01:21 ce qui n'est pas vrai non plus. Donc voilà, c'est ça qu'on essaye de préciser.
01:26 Et justement, ce que montre votre rapport, c'est que ça va avoir un coût en tout cas à court terme Selma Mahfouz ?
01:33 Oui, parce qu'en fait, dans les mécanismes économiquement pour réduire nos émissions,
01:38 il y a trois mécanismes principaux. Il y a le progrès technique, orienté vers des innovations vertes.
01:43 Il y a la sobriété qui va peut-être faire au plus 20% de l'effort à horizon 2030.
01:48 Et puis il y a le gros mécanisme principal qui est d'investir, rénover des logements, acheter des véhicules électriques.
01:55 Donc investir pour remplacer des énergies fossiles.
01:58 Et ça, on a chiffré le besoin d'investissement supplémentaire que ça représentait à l'horizon 2030 à à peu près 66 milliards par an.
02:06 Et qui paye Jean-Pierre Zaniferri ?
02:08 Ça dépend. Tout le monde va devoir payer un peu.
02:12 Mais la grande question, c'est la part publique et la part privée.
02:16 C'est à peu près moitié-moitié sur nos évaluations.
02:20 Et la part privée, ça va être beaucoup, en fait, les ménages.
02:26 Et parmi ces ménages, il y a des ménages qui ne pourront, qui pourront subir ce choc et financer les dépenses.
02:35 Et puis il y en a qui ne pourront pas. Et ceux-là, il faudra les aider.
02:38 Financer comment ? Financer par des nouvelles taxes, par exemple ?
02:41 Alors, sur la part... Donc si on dit en gros, c'est à peu près la moitié de financement public.
02:48 Donc ça, c'est des transferts.
02:50 La moitié des 65 milliards par an supplémentaires ?
02:52 C'est ça, la moitié. Et si on dit ça, c'est effectivement ce qui incombe aux administrations publiques.
03:00 Par exemple, les bâtiments, les écoles, etc.
03:03 C'est l'aide à la décarbonation de l'industrie.
03:07 Et puis c'est tout le soutien aux efforts des ménages.
03:11 Et le soutien aux efforts des ménages, ça fait beaucoup et ça coûte cher.
03:14 Et donc pour ça, on dit il y a différentes manières de le financer.
03:18 Il y a une manière qui est de dire on le finance par des redéploiements.
03:23 C'est absolument nécessaire, mais ça ne suffira pas.
03:27 Il y a une manière qui dit on le finance par un endettement supplémentaire.
03:30 Je pense qu'il ne faut pas écarter ça, mais il faut le faire dans un cadre européen.
03:35 Il faut négocier les conditions.
03:37 Malgré le fait que notre dette vient d'être dégradée, qu'on est considéré comme un peu moins bon payeur, etc.
03:42 Tout ça est pris en compte dans votre rapport ?
03:45 Tout ça est bien sûr pris en compte.
03:47 Je pense que les agences de notation ne sont pas idiotes.
03:50 Et si on leur explique pourquoi on s'endette, et si on leur explique que cet endettement est générateur de revenus futurs,
03:55 elles peuvent le comprendre.
03:57 Et puis la dernière partie, c'est les prélèvements obligatoires.
04:00 Selma Mahfouz, à long terme, vous ce que vous calculez, c'est que l'inaction climatique coûte plus cher que l'action ?
04:07 A long terme, si on n'évite pas collectivement au niveau mondial le réchauffement climatique,
04:14 les coûts des dommages et les coûts de l'adaptation, on ne les connaît pas très bien, mais ils sont considérables.
04:21 Le message initial est très clair, c'est que le coût de l'inaction est bien supérieur au coût de l'action climatique.
04:29 Il y a un coût financier, évidemment, mais Jean-Pizani-Ferri, vous parliez des impôts.
04:33 Cette question de la fiscalité verte, elle a posé problème dans notre pays.
04:36 On se rappelle de l'épisode des Gilets jaunes.
04:39 Parce qu'on a fait très mal.
04:41 On a fait très mal.
04:42 On a fait très mal, c'est-à-dire on a négligé l'impératif d'équité.
04:46 La part qui était redistribuée, c'était 25%.
04:52 Donc on a prélevé massivement sur des gens qui étaient dépendants de leur voiture.
04:59 Et on a redistribué très peu pour les aider à investir.
05:03 Nicolas nous appelle de Lyon au Standard de France Inter. Bonjour Nicolas.
05:07 Oui bonjour. Je voulais évoquer avec vous le rôle du système bancaire et financier dans cette transition climatique.
05:13 Vous savez que les banques centrales, la Banque centrale européenne, la Banque de France ont commencé à prendre des initiatives intéressantes.
05:17 Les banques commerciales, à votre avis, quel rôle elles doivent jouer au travers des crédits et de l'épargne qu'elles collectent ?
05:24 Merci Nicolas pour votre question. Je me tourne. Qui souhaite répondre ? Monsieur Pisaniferi peut-être ?
05:29 Oui, je veux bien. Ce n'est pas un sujet qu'on traite de manière très développée dans le rapport.
05:36 Parce qu'il y a eu un peu trop de croyance, si vous voulez, qu'il y allait avoir une espèce de magie.
05:46 C'est-à-dire que le système bancaire allait financer prioritairement des investissements verts et comme ça allait résoudre le problème.
05:54 Ce n'est pas notre perception. Notre perception, c'est qu'il y a un sujet pour les finances publiques.
06:01 C'est vrai que le système financier peut jouer le jeu. C'est vrai qu'il y a une préférence pour des actifs verts, d'un part d'une partie des ménages.
06:11 Mais enfin, ça ne peut pas faire énormément.
06:16 Selma Mahfouz, dans votre rapport, on comprend en lisant qu'il va falloir réaménager, restructurer complètement,
06:22 notamment la fiscalité, pour arriver à un système qui soit profitable, quand on le lit.
06:28 En fait, c'est une transformation assez radicale de notre économie.
06:32 Et donc, elle doit entraîner assez logiquement une transformation assez radicale de la structure de nos dépenses et de la fiscalité.
06:40 On a aujourd'hui des recettes qui sont assises sur l'énergie.
06:44 On doit consommer moins d'énergie. Ces recettes vont diminuer inexorablement.
06:51 Si on ne fait rien pour les compenser, évidemment, on a fait l'hypothèse qu'on les compensait.
06:55 Mais de façon plus générale, on a 10 milliards d'euros de dépenses budgétaires et fiscales brunes,
07:01 c'est-à-dire qui bénéficient d'après elle, du budget vert fait par l'État, sur le seul champ de l'État, sans compter les collectivités locales.
07:07 C'est-à-dire des dépenses anti-écologiques.
07:10 Exactement. Alors évidemment, c'est très difficile.
07:14 Mais à un moment donné, si notre économie se transforme, c'est normal aussi que ces dépenses de soutien à des énergies fossiles se transforment.
07:22 Donc, on a effectivement une transformation de nos finances publiques et de façon générale de notre structure économique et de nos modes de vie.
07:30 Jean-Pierre Zaniferri, j'en parlais tout à l'heure, la première ministre présente cet après-midi le plan d'action climatique du gouvernement.
07:38 A priori, en tout cas dans ce qui a été dévoilé jusqu'ici, il n'est pas question de finances et de financement.
07:44 Alors quoi ? Qu'est-ce qu'on attend pour en parler ?
07:48 Le sujet ne peut pas être évité.
07:54 La question, la première ministre, aujourd'hui, elle va présenter, si j'ai bien compris, des grandes lignes, des objectifs.
08:01 La planification écologique s'est mise en œuvre, c'est mis en route.
08:07 Bon, c'est une première étape. L'étape conclusive, ce sera d'arriver à un plan de financement complet.
08:14 Quand on dit que c'est les entreprises qui vont faire la moitié de l'effort de réduction des gaz à effet de serre,
08:20 vous vous dites attention, ça va poser sur la croissance ou finalement ça va être vertueux à terme ?
08:26 Je ne dis pas tout à fait les entreprises vont faire la moitié de l'effort.
08:30 Non, c'est ce que dit le plan d'action climatique. En tout cas, c'est les grandes entreprises.
08:36 Les entreprises industrielles, finalement, c'est le plus facile parce qu'elles ont la capacité de les financer.
08:44 Elles ont les technologies, à quelques exceptions près. Elles ont besoin d'un coup de pouce, d'un coup de soutien d'un point de vue budgétaire.
08:52 Mais ce n'est pas eux qui posent problème, ce n'est pas elles qui posent problème.
08:55 Ce qui pose problème, c'est l'ensemble du secteur économique diffus.
08:59 Qu'est-ce que c'est le secteur économique diffus ?
09:01 C'est les artisans qui roulent avec une vieille camionnette. Et ça, ça fait quand même beaucoup d'émissions.
09:08 Alors, il y a plus les véhicules, effectivement, polluent beaucoup, mais il y a plus d'émissions dans l'ensemble du système de transport que pour les véhicules individuels, par exemple.
09:17 Les véhicules particuliers représentent quand même une grosse partie des émissions du secteur du transport.
09:25 Mais de façon générale, je pense que ce qu'il faut voir, c'est que ça nécessite de l'investissement.
09:29 On va remplacer des énergies fossiles par de l'investissement pour aller vite.
09:33 Et c'est de l'investissement un peu particulier parce que contrairement à l'investissement habituel, il n'est pas là pour augmenter les capacités de production ou pour augmenter la rentabilité du travail ou du capital.
09:44 Il est là pour remplacer des énergies fossiles.
09:46 Donc, on ne va pas être plus riches collectivement, produire plus, être plus efficace avec cet investissement.
09:51 Il faut quand même le financer.
09:53 C'est-à-dire qu'au départ, c'est des dépenses apparemment à perte.
09:56 Oui, alors à terre, ça va économiser de l'énergie, mais remplacer une chaudière au gaz, même en fin de vie, par une pompe à chaleur qui coûte plus cher, ça coûte juste plus cher au début.
10:07 Et donc le problème de financement, qu'il soit par les banques, par l'État, etc., il est là de toute façon.
10:12 Et comment on incite à l'investissement ou comment est-ce qu'on sanctionne l'absence d'investissement ?
10:18 On incite à l'investissement en le soutenant lorsque les ménages n'ont pas la capacité de payer l'investissement correspondant.
10:29 Donc avec l'argent public ?
10:30 Avec l'argent public, mais regardez, si vous prenez le logement, c'est-à-dire à la fois le vecteur de chauffage et puis l'isolation,
10:37 et si vous prenez le transport, la voiture électrique, pour les classes moyennes, l'investissement, c'est plus d'une année de revenus dans chacun des deux cas.
10:46 Donc ça, ce n'est pas possible de demander un effort de cette taille sans le soutenir.
10:52 Et qu'on y incite par des réglementations ou par des signes au prix, de toute façon, il faut financer l'investissement.
10:58 Donc se dire que les réglementations sont peut-être plus lisibles, mais elles ne sont pas indolores si les gens n'ont pas les moyens d'acheter un véhicule électrique ou de changer leur camionnette.
11:09 Alors Selma Mahfouz, ce qu'on voit dans votre rapport, c'est aussi que ça crée un risque d'inflation, c'est ça ?
11:15 Par définition, à partir du moment... Il y a plusieurs facteurs qui peuvent générer de l'inflation.
11:21 Il y a la question du prix de l'énergie. Aujourd'hui, c'est des énergies qui vont coûter plus cher.
11:27 Et puis les énergies fossiles peuvent aussi avoir des prix qui montent du fait de la transition.
11:32 Et fondamentalement, il y a le fait qu'on va investir plus, donc il va y avoir plus de demandes pour à peu près la même offre productive.
11:41 Donc plus de demandes, la même offre, ça fait monter des prix.
11:45 Il peut aussi y avoir, c'est ce qu'on montre dans un rapport thématique, beaucoup plus de volatilité des prix.
11:50 Parce que les prix relatifs vont devoir s'ajuster.
11:52 Donc tout ça, plus de volatilité des prix, des pressions sur les prix de l'énergie, des ajustements offre-demande, ça peut faire des pressions inflationnistes, effectivement.
12:00 Et il faut le savoir, Olivier nous appelle au Standard de France Inter. Très vite, Olivier, parce qu'il nous reste une petite minute.
12:04 Oui, bonjour Louise. Alors moi je suis élu et donc je surveille ça de très près sur l'agglomération de l'Orient pour ne pas la citer.
12:14 Et en fait, ce que j'ai constaté en étudiant tout ça, c'est qu'on a nos émissions de gaz à effet de serre, les données qu'on a datent de 2015.
12:23 Donc ça veut dire qu'il n'y a pas de suivi, ça veut dire qu'en fait on ne sait pas trop ce qui se passe.
12:28 On continue plein d'activités qui potentiellement génèrent des gaz à effet de serre.
12:32 J'ai fait le bilan carbone de ma commune parce que professionnellement je peux le faire et je vois que ça augmente, d'autant que ça devrait diminuer.
12:39 Donc est-ce que tout ça aussi, parce qu'on a l'habitude de faire des plans, mais est-ce que tout ça aussi va être adossé à un contrôle à l'année sur l'atteinte des objectifs ?
12:48 Merci Olivier. Jean-Pizan et Ferry ont manque de chiffres.
12:50 Il y a beaucoup de progrès à faire sur les données. Peut-être pas au point que disait Olivier, mais il y a beaucoup de progrès à faire sur les données décentralisées.
12:59 Et c'est très frappant de voir qu'aujourd'hui les collectivités territoriales n'ont pas d'objectif de réduction des émissions.
13:05 En un tout petit mot, vous avez rencontré la première ministre la semaine dernière. Qu'est-ce qu'elle vous a dit ? Vous lui avez présenté son rapport.
13:11 Elle a dit "ok on est prêt à accepter ces risques d'inflation, ces risques sur la croissance, etc." ?
13:15 Pas exactement. Elle s'est montrée comme elle est, c'est-à-dire attentive, précise, mais un tout petit peu perplexe.
13:26 Jean-Pizani-Ferry et Selma Mahfouz de France Stratégie, auteurs de ce rapport sur les incidences économiques de l'action pour les climats.
13:32 Merci à tous les deux. Je rappelle que le président de la République doit trancher sur la stratégie de décarbonation d'ici la fin du mois prochain. On verra ce qu'il en retient.
13:38 Merci de nous avoir répondu sur France Inter.
13:40 France Inter.

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