Grand entretien spécial ce matin sur l'influence fléchissante de la France sur le continent africain avec deux journalistes spécialistes, Antoine Glaser ("Le piège africain de Macron" chez Fayard) et Francis Kpatindé ("Jeune Afrique" et le "Monde Afrique"). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-samedi-30-novembre-2024-9377405
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00:00Africa France ou France-Afrique, la rupture avec un point d'interrogation comme le disait Marion Alainstan.
00:07C'est le grand sujet que nous allons traiter dans le grand entretien d'Inter ce samedi matin
00:14avec deux invités, deux spécialistes des relations entre la France et l'Afrique.
00:19Antoine Glaser, journaliste qui est l'auteur et co-auteur de ce piège africain de Macron,
00:26livre publié aux éditions Fayard et Francis Pattinguet qui est maître de conférences à Sciences Po Paris,
00:33ancien rédacteur en chef du magazine Jeune Afrique et du Monde Afrique.
00:37Bonjour messieurs, et bienvenue.
00:40Il y a beaucoup de sujets à aborder avec vous et on a besoin de votre éclairage et de travail de pédagogie.
00:48J'invite les auditeurs à nous appeler au 0145 24 7000 ou sur l'application France Inter
00:54pour vous poser toutes les questions qu'ils peuvent se poser et que nous nous posons nous aussi sur cette relation.
01:02Alors je ne sais pas si on peut parler de relations amoureuses qui tournent au divorce.
01:06Il y avait ce livre d'Amossoz dont le titre était Aidez-nous à divorcer.
01:10En tout cas, il y a sans doute un tournant dans les relations entre la France et les anciennes colonies françaises
01:18et les anciens Etats où s'était installée la France en Afrique.
01:24Il y a eu le Sénégal qui, le même jour que le Tchad, a demandé le départ des troupes françaises de leur sol.
01:32Comment l'analyser très simplement, Antoine Glazer, ce double événement-là ?
01:39Je pense que la France s'est un peu endormie en Afrique.
01:44La France n'a pas vu l'Afrique se mondialiser.
01:47Elle a vécu une période historique très particulière depuis l'indépendance en 1960 jusqu'à la chute du mur de Berlin en 1989-1990.
01:55Elle a continué à se croire un peu chez elle en Afrique.
01:58Elle avait un système intégré qu'on appelle, pour faire court, la France-Afrique.
02:03Donc elle n'a pas vu l'Afrique se mondialiser.
02:05Elle est restée comme ça sur le continent avec un système intégré politique, militaire, financier,
02:13avec des chefs d'État qui avaient été souvent ministres.
02:16Les jeunes ne savent pas qu'ils avaient été ministres dans les gouvernements français avant les indépendances.
02:20Donc c'est des gens, des dirigeants français, des militaires, cooptés comme le Bokassa, Yadema, le président Fouette-Boigny ou Senghor.
02:30Ils avaient été ministres dans les gouvernements français.
02:32La France pensait qu'elle était désirée, que c'était éternel.
02:35Elle s'est trouvée dans un anachronisme historique quand elle a continué à se croire en Afrique chez elle,
02:41en particulier dans son précaré africain.
02:44Son armée s'est trouvée hors sol par rapport, finalement, il y avait des dizaines de milliers de coopérants.
02:51Elle a continué comme si de rien n'était.
02:53Le jeudi 28 novembre 2024 fera date, Francis Pattinguay, dans cette relation entre la France et ses anciennes colonies,
03:03Sénégal, Tchad, pour deux raisons différentes, on va l'aborder.
03:08L'ancienne puissance coloniale n'est plus désirée, on peut dire ça comme ça ?
03:12On peut résumer ça ainsi.
03:14En fait, l'Afrique change.
03:16Elle a beaucoup changé depuis deux décennies, par exemple.
03:19Et en face, la France, elle ne change pas.
03:22Elle renforce même une forme de conservatisme.
03:27L'Afrique est très très jeune.
03:29La population est jeune.
03:31Et la population n'a aucune référence par rapport à la France, à l'ancienne puissance coloniale.
03:36Mais en France, il n'y a plus d'espoir.
03:38Il n'y a plus de gens qui connaissent vraiment l'Afrique.
03:41Et surtout, il n'y a plus de gens qui ressentent l'Afrique.
03:44Qui ressentent ?
03:45Qui ressentent l'Afrique.
03:47Donc du coup, on fait des politiques de coup par coup.
03:51Et la France a toujours un train de retard dans les événements en Afrique.
03:55Alors Antoine Glazer, le communiqué de la diplomatie tchadienne, il parle d'un tournant historique.
03:59Mais c'est vrai qu'on a vu ces dernières années se multiplier.
04:02Les départs du Niger en septembre 2023.
04:05Départ du Mali, des soldats français.
04:08Départ de la Centrafrique, du Burkina Faso.
04:10Elle en est où la présence française aujourd'hui en Afrique ?
04:14Elle a été beaucoup réduite en fait ces dernières années.
04:16Oui absolument.
04:17Alors quand on dit départ, on s'est fait franchement virer du Burkina, du Mali, du Niger.
04:21Mais l'endroit où la France pensait qu'elle était encore forte, en particulier l'armée française,
04:26qui a un rôle extrêmement important en Afrique, c'était vraiment le Tchad.
04:31Il y avait encore mille soldats français.
04:33Et c'est vrai que c'est un bastion.
04:35Parce qu'au moment de la colonisation, vous avez ce qu'on appelait les valeureux capitaines de l'Empire,
04:41qui ont découpé l'Afrique de l'Ouest en tranches napolitaines, malheureusement.
04:45C'est-à-dire Niger, Mali, Togo.
04:47Alors que les populations sont installées sur une base vraiment horizontale.
04:50Ils sont arrivés jusqu'au bassin du lac Tchad en 1900.
04:54Ça veut dire l'armée française qui est en train de se faire virer est installée au Tchad depuis 1900.
05:00Et là, c'est un retour. C'est pour ça que je parle toujours de...
05:03Il faut voir ça sur une période historique.
05:05C'est un retour vers les côtes.
05:07C'est les seules deux bases qui restent, parce que c'est vraiment le Gabon et la Côte d'Ivoire.
05:13Et puis, le Djibouti, c'est quelque chose qui est à part.
05:16C'est un tournant vers l'Indo-Pacifique, vers le proche Moyen-Orient.
05:19Mais je veux dire, la France était la seule puissance extérieure au continent à avoir des bases permanentes.
05:24Francisque Patinde, la France virée, c'est ce que dit Antoine Glazer,
05:27virée de nombreux pays d'Afrique ces dernières années.
05:30Est-ce qu'avec le Tchad, on est vraiment dans un tournant historique, comme le disent les autorités tchadiennes ?
05:35On prend un virage.
05:36Vous savez, il y a eu la période des indépendants, la période des tentatives de démocratisation.
05:41Et là, on est en train de prendre un virage où il faut exclure totalement du jeu l'ancienne puissance coloniale.
05:47Et le Tchad, en fait, est une colonie à part.
05:51Oui, c'est un cas particulier.
05:53C'est des forts.
05:55Vous savez, l'ancien nom de la capitale, c'était Fort Lamy.
05:59Il y avait Fort Archambault et tout.
06:02C'est un pays vraiment, dans la stratégie militaire française, c'est un pays important.
06:07C'est le pays qui a connu le plus grand nombre d'interventions militaires françaises sur son territoire.
06:11C'est impressionnant.
06:13Alors, comment expliquer justement qu'aujourd'hui, le Tchad n'ait plus besoin de l'appui français ?
06:18Alors, le problème, c'est que ce n'est pas la fin.
06:21Il y aura d'autres pays qui vont vous supprimer.
06:24Auquel vous pensez ?
06:27Je pense même au Gabon.
06:29Je pense parce que la population est anti-française.
06:32Elle n'est pas contre les Français.
06:34Elle est contre un système.
06:35C'est-à-dire le système politique.
06:39Antoine Glazer ?
06:40Oui, c'est vrai que le Tchad est vraiment...
06:43C'est un symbole fort, le Tchad.
06:46Mais c'est certain que...
06:48Je parle toujours évidemment d'un anachronisme historique.
06:51Ça veut dire que l'Afrique s'est mondialisée.
06:53Et pour répondre à la question pourquoi la France, qui a vraiment sauvé je ne sais combien de présidents tchadiens depuis François Tombalba,
07:01le général, le père de Mohamed Déby, qui vient de nous shooter, avait été installé par la DGSE quand même.
07:08Et les militaires tchadiens étaient utilisés par la France pour lutter dans le massif des Ifoga.
07:15Ils les utilisaient parce que c'était des anciens rebelles qui savent bien lutter dans les massifs.
07:21Donc c'est vrai que ce que la France ne...
07:24Elle est tellement...
07:25On est toujours tellement arrogant qu'on ne se rend pas compte à quel point les chefs d'État ont le monde entier dans leur salle d'attente.
07:32J'ai un Mohamed Déby.
07:34Il y a même des sociétés privées américaines.
07:36On parle toujours des Russes.
07:37Mais privées américaines qui vont former ses soldats.
07:40Vous avez les Emiratis.
07:41La France va les former des Emiratis.
07:44Mais ils vont revenir au Tchad.
07:46En fait, l'Afrique se mondialise.
07:49Et les chefs d'État, ils ont souvent le pognon avec le pétrole, l'or, les matières premières.
07:55Et on parle toujours des Russes, des Chinois.
07:57Mais la Turquie est extrêmement active.
08:00C'est eux qui vendent des drones dans toute cette région.
08:03Francisque Patiné, on vous voit acquiescé.
08:05C'est vrai que la France est entre guillemets concurrencée.
08:08A la fois sur le plan commercial, effectivement, par la Chine.
08:11Et sur le plan militaire, par quoi ?
08:12La Russie, effectivement ?
08:13La France n'est pas concurrencée sur le plan commercial par la Chine.
08:18Elle est battue.
08:19Elle ne compte pas.
08:20Parce que la Chine est le premier partenaire commercial des pays africains.
08:23Et la France russe ?
08:25La Russie a toujours été présente en Afrique.
08:29Elle revient en Afrique par le canal militaire.
08:33Wagner ?
08:34Oui, Wagner.
08:35Et pas seulement.
08:36Même la voie officielle.
08:39Voyage diplomatique et tout ça.
08:41Et la Russie a envie d'éjecter la France.
08:44Parce que l'environnement s'y prête.
08:47L'environnement est toxique vis-à-vis de la France.
08:50Mais c'était pas si longtemps, Antoine Glazer,
08:53puisque vous parliez de l'histoire,
08:54le moment où le président Hollande déclenchait l'opération Serval.
08:58Intervenait au Sahel.
09:00Emmanuel Macron rappelait l'an dernier encore, je le cite,
09:03que si Serval puis Barkhane n'avaient pas été décidés,
09:06nous ne parlerions aujourd'hui ni de Mali,
09:09ni de Burkina Faso, ni de Niger.
09:12C'est une manière de dire que la France a sauvé ces états-là ?
09:15Oui, mais je veux dire, la France, c'est terrible.
09:18Parce que l'armée française s'est trouvée embriquée à un moment donné.
09:21Quand vous parlez off à des militaires français de cette période,
09:24ils vous disent qu'on soit intervenu à Serval pour sauver.
09:27Mais personne ne pensait que les djihadistes allaient arriver dans la capitale à Bamako.
09:32Mais au bout d'un moment, eux-mêmes disent,
09:34avec Barkhane, on aurait dû quitter déjà le pouvoir.
09:38L'armée française s'est trouvée hors sol.
09:41Pourquoi ? Il n'y avait plus que l'armée.
09:43Mais en dessous, les milliers de coopérants, même le renseignement.
09:46On se fait virer.
09:48À N'Djaména, on a l'impression que personne n'était au courant.
09:51Donc ça montre bien qu'avant ce qu'on appelait les grandes oreilles,
09:54on se demande ce qui se passe.
09:56Et à partir de ce moment-là, c'est là où la France est complètement en décalage.
09:59Essayons de comprendre ce piège africain, parce qu'il est fait aussi de symboles.
10:03J'aimerais qu'on s'arrête sur quelques-uns des moments de rupture,
10:08des moments qui ont compté dans la psychologie des pays africains et de la France.
10:14Revenons à Ouagadougou, Burkina Faso.
10:17Emmanuel Macron commence son mandat.
10:19Il donne un discours devant des étudiants.
10:21Que se passe-t-il à ce moment-là ?
10:23Mais il y a le président, Rochmar Christian Caboret,
10:27c'est vrai que la salle était assez chaude.
10:30La clim ne marchait pas, la climatisation.
10:32Et il se lève à un moment, sans doute pour aller aux commodités.
10:37Par exemple, ça arrive à des chefs d'État d'aller aux commodités.
10:40Et donc, Macron a cette blague vraiment à quatre sous,
10:45de dire « Ah ben, votre président va pour réparer la clim ».
10:48Et ça, ça passe mal.
10:50Parce que pour un président qui incarne la nouveauté,
10:52qui incarne la jeunesse aussi, il faut le dire,
10:54qui est né après les indépendances africaines, ça tombe mal.
10:58Ça tombe mal beaucoup plus que ça.
11:00C'est quelque chose qui est comme un péché originel.
11:03La vidéo a fait le tour des pays africains.
11:06Et elle a été ressentie comme une humiliation
11:08bien au-delà du Burkina Faso.
11:10Oui, parce qu'on ne comprend pas à Paris.
11:12On est toujours un peu comme ça, en surplomb.
11:15C'est-à-dire qu'il avait l'impression
11:17qu'il suffisait de faire un discours sur la jeunesse.
11:19Mais il était justement avec cette espèce de suffisance
11:22qu'on ne peut pas supporter.
11:24Ça veut dire, même quand il fait des choses
11:26qui ne peuvent pas apparaître extraordinaires
11:28comme s'adresser à la jeunesse africaine,
11:32de faire des sommets africains avec les sociétés civiles,
11:34avec les diasporas ici.
11:36Mais pour un Africain, je veux dire,
11:38à partir de ce moment-là,
11:40même si son chef d'État,
11:42il sait qu'il est corrompu, etc.
11:46Mais le mépris que va avoir Emmanuel Macron,
11:49qui fait vraiment sentir qu'il a une détestation
11:52de toute cette ancienne précarée,
11:54cette ancienne Afrique francophone,
11:56c'est sûr que d'aller dans les pays anglophones,
11:58il va aller faire son premier,
12:00il y aura un premier sommet au Kenya,
12:02à Nairobi.
12:04Au moment où on se fait virer du tchat,
12:06c'est à ce moment-là où il accueille,
12:08on n'entend pas beaucoup parler,
12:10à cause sans doute de Notre-Dame,
12:12le président du Nigeria à Paris.
12:16C'est la première visite d'État d'un président africain,
12:18mais anglophone, à Paris.
12:20Ça n'est pas arrivé depuis 2016.
12:22Les autres pays africains,
12:24voilà, le président africain,
12:26il nous regarde le petit lapis.
12:28C'est vrai, le droit des naisses et autres,
12:30en Afrique, on ne parle pas comme ça.
12:32Et c'est vrai, quand vous allez, par exemple,
12:34visiter le musée de l'Africa à Tervuren,
12:36en Belgique,
12:38quand vous traversez le premier couloir,
12:40il y a écrit, en gros,
12:42c'est un sociologue belge,
12:44tout passe, sauf le passé.
12:46Donc c'est vrai qu'Emmanuel Macron,
12:48il a eu tous ces trucs,
12:50le truc mémoriel, c'était très important.
12:52— Expliquez, expliquez, parce que ce n'est pas rien.
12:54En l'occurrence, la restitution des œuvres
12:56Spollier. — Il y a les œuvres Spollier,
12:58il y a le Rwanda, il va y avoir le
13:00Cameroon avec l'historienne
13:02Karine Ramondi, c'est vrai.
13:04— Il y a la reconnaissance d'un massacre à Tiaroy,
13:06au Sénégal, ce qui est très important.
13:08Il y a une historienne, Armelle Mabon,
13:10qui dit, ce n'est pas 30, mais 300
13:12tirailleurs sénégalais
13:14qui ont combattu
13:16pour la France, qui ont été massacrés
13:18à Tiaroy, donc ce n'est pas rien.
13:20— Non, ça ne suffit pas, parce que,
13:22encore une fois, c'est le mémoriel,
13:24tout passe, sauf le passé,
13:26mais on n'est pas le passé,
13:28ok, mais le présent,
13:30quel type de rapport
13:32vis-à-vis de l'Afrique ? — Alors, voilà,
13:34justement, Francis Patinde, on parle du travail mémoriel,
13:36il a fait des efforts mémoriels, Emmanuel Macron,
13:38on parlait de ce massacre
13:40qui a été reconnu quasiment le jour même
13:42où le Sénégal dit qu'il veut voir
13:44partir l'armée française.
13:46Alors, effectivement, ça ne suffit pas.
13:48— Ça ne suffit pas du tout,
13:50d'autant plus qu'Emmanuel Macron
13:52a quand même multiplié les bourdes.
13:54Je vais vous raconter une petite histoire
13:56très rapidement. Dans un week-long
13:58du chef d'État à Bamako,
14:00il a quand même osé dire,
14:02il y avait quatre chefs d'État
14:04qui étaient musulmans, sur cinq,
14:06il a osé dire, « Inchallah,
14:08c'est pas ma tasse de thé ».
14:10Il l'a dit, et j'en ai eu confiance.
14:12— C'est des gaffes, mais est-ce que
14:14ça pèse par rapport à
14:16un grand travail mémoriel
14:18qu'on peut lui reconnaître ?
14:20— Le travail mémoriel est réel. Je viens d'un pays,
14:22le Bénin, qui a
14:24récupéré 26
14:26œuvres qui ont été
14:28spoliées par un général français
14:30dans le royaume d'Abomé.
14:32C'est symbolique, c'est fort, mais le Bénin
14:34a plus de 3 000 œuvres
14:36qui sont éparpillées, dont beaucoup en France.
14:38— Et le Bénin qui fait un très grand
14:40travail mémoriel en ce moment, justement,
14:42pour renouer avec l'histoire
14:44de l'esclavage des anciens
14:46royaumes d'Abomé.
14:48— Oui, jusqu'au 5 janvier.
14:50— Bonjour, Pascal, et bienvenue sur Inter.
14:52— Oui, bonjour.
14:54Merci pour votre émission.
14:56Je me posais la question
14:58des enjeux actuels. Je voulais savoir
15:00si le Tchad ou le Sénégal
15:02allaient réellement bénéficier d'une plus grande
15:04autonomie avec le départ des Français.
15:06Autrement dit,
15:08est-ce qu'il n'y a pas déjà d'autres liens
15:10qui unissent le Tchad
15:12ou le Sénégal avec des puissances extérieures ?
15:14— Alors, merci pour votre question,
15:16Pascal. Énormément
15:18de questions sur l'application
15:20France Inter dans le même sens.
15:22Qui remplace la France
15:24avec de nombreuses interventions
15:26d'auditeurs qui s'interrogent sur
15:28la Chine, par exemple ?
15:30Qui veut répondre ? Anton Glazer.
15:32— On va répondre tous les deux.
15:34Moi, je vais dire brièvement que
15:36c'est vrai qu'il y a la Russie, mais la Russie,
15:38elle surfe sur la
15:40faiblesse de la France, la faiblesse de la présence
15:42française. Elle surfe sur le fait
15:44de cet anachronisme
15:46historique. C'est pas elle qui active, etc.
15:48Vous savez, même les types d'Africa
15:50Corps, les Russes, quand ils s'affronteront comme
15:52les Français à 5 millions de kilomètres carrés
15:54dans le Sahel, c'est pas eux qui vont changer
15:56la donne. Et c'est pareil au Tchad. Mais encore
15:58une fois, au Tchad, on ne se rend pas
16:00compte. Mais il n'y a pas simplement les Russes,
16:02il y a les Chinois, il y a encore une fois
16:04le monde entier. Et je pense même qu'il y a les Américains.
16:06Et je termine là-dessus.
16:08Les propres partenaires
16:10européens de la France qui, depuis très longtemps,
16:12diplomatisent l'influence, on le voit bien
16:14nous en tant que journaliste, vous êtes sollicités
16:16maintenant par des ambassades européennes
16:18sur la situation en Afrique.
16:20Alors qu'auparavant, ils allaient uniquement
16:22au Quai d'Orsay ou à l'Elysée, ils ne vous demandaient
16:24rien du tout. Donc vous voyez, ça veut dire
16:26que la France est quand même isolée aussi.
16:28Et c'est pas simplement les Russes, c'est
16:30le monde entier, encore une fois.
16:32Francis Patindey, il y a la stratégie militaire
16:34qu'on essaye de réinventer, que
16:36Emmanuel Macron et son gouvernement essayent de réinventer
16:38qu'ils ont du mal à réinventer apparemment.
16:40Et puis il y a la stratégie économique et notamment
16:42l'aide au développement qui est en
16:44forte baisse. Quelles conséquences ça peut avoir ça ?
16:46Ça va aggraver les choses.
16:48En tout cas, l'image de la France officielle
16:50en Afrique.
16:52Antoine disait quelque chose d'important. L'Europe,
16:54l'Allemagne, la Hongrie par exemple,
16:56concurrencent la France sur
16:58les terrains francophones. L'Allemagne
17:00est un partenaire commercial plus important
17:02que la France aujourd'hui en Afrique.
17:04Y compris francophone.
17:06Parce que c'est ça. Et la France n'a plus
17:08les moyens aussi de son impérium.
17:10La France ne peut pas sortir le chéquier
17:12à tout bout de champ. On voit qu'actuellement, on est
17:14en pleine crise économique, financière
17:16et politique en France. Donc ça
17:18contribue à faiblir la France.
17:20Et aussi, pour
17:22ajouter dans le même
17:24sens que Francis, pendant que
17:26la France pendant longtemps faisait la sécurité,
17:28nos propres partenaires européens
17:30faisaient le business. C'est ça l'histoire.
17:32Culturellement, comment est-ce que
17:34la France se situe aujourd'hui ? On parle de
17:36moins en moins français et de plus en plus
17:38anglais dans de nombreux pays qui pourtant
17:40avaient été colonisés par la
17:42France ou par la Belgique d'ailleurs.
17:44Je pense au Rwanda notamment. Mais
17:46il y a quelque chose de frappant, c'est que
17:48la présence culturelle française est en train de
17:50diminuer. Un jeune africain, s'il veut aller
17:52faire ses études en Europe, est-ce qu'il choisira
17:54forcément la France ? Pas obligatoirement.
17:56Sauf ceux qui sont bons.
17:58Parce que la France concevait un charme.
18:00Le charme du pays.
18:02Mais pas obligatoirement.
18:04La nouvelle jeunesse,
18:06si je puis dire,
18:08elle s'en fout de la France.
18:10D'autant plus que beaucoup de dignités
18:12français dans les sénats
18:14internationaux parlent anglais.
18:16Et de moins en moins de visas aussi,
18:18Antoine Glazer. Oui, c'est un drame.
18:20A mon avis, si on voulait vraiment changer la donne...
18:22Un drame ? Bien sûr, c'est un drame.
18:24A partir du moment où vous voyez que
18:26tous ceux qui pourraient changer
18:28la donne dans le rapport entre la France et l'Afrique,
18:30c'est-à-dire des universitaires,
18:32ils vont tous dans les universités
18:34américaines. Et ici, il faudrait
18:36vraiment changer la donne en accueillant
18:38et en mettant à la tête un certain nombre d'universités
18:40et discuter aussi,
18:42accueillir beaucoup
18:44plus d'universitaires africains
18:46pour changer la donne à long terme
18:48et s'intéresser à l'Afrique des Africains.
18:50On a exporté dans tous ces pays
18:52pendant des années, 50 ans,
18:54notre culture, notre constitution, etc.
18:56Et on ne s'est pas intéressé à l'Afrique
18:58des Africains. Il faudrait s'intéresser
19:00à qu'est-ce qui se passe en Afrique. L'Afrique des Africains,
19:02ça changerait déjà la donne.
19:04Et pour que ça change, il faut que
19:06le regard que portent les politiques
19:08français, les financiers français,
19:10les académiciens français,
19:12je parle du monde universitaire,
19:14il montre qu'il change, forcément.
19:16Et ce n'est pas le cas. Il n'y a pas que les politiques
19:18qui sont en cause, mais il y a
19:20toute l'oligarchie intellectuelle
19:22française. Merci infiniment
19:24à tous les deux pour votre éclairage.
19:26C'était passionnant Antoine Glazer,
19:28Francis Gpatinde. Je rappelle donc
19:30Antoine Glazer ce livre
19:32d'actualité brûlante
19:34en l'occurrence, c'est
19:36« Macron qui est pris au piège de l'Afrique ».
19:38Le titre, en vérité, c'est
19:40« Le piège africain de Macron ».
19:42C'est publié chez Fayard.
19:44Merci à tous les deux.