Mardi 23 mai 2023, SMART IMPACT reçoit Nathalie Van Den Broeck (Conseillère, CESE)
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00:06 L'invité de ce Smart Impact est avec nous en duplex en visioconférence,
00:10 c'est Nathalie Vandenbroek. Bonjour, bienvenue.
00:12 Vous êtes donc conseillère au Conseil économique, social et environnemental.
00:17 On va parler ensemble de ces enjeux majeurs de la pollution plastique dans le monde,
00:22 avec peut-être un constat pour commencer.
00:24 La durée de vie moyenne d'un plastique, c'est quoi ?
00:26 C'est quelques mois, c'est moins d'un an, ça a été calculé ça ?
00:30 Bonjour, alors quand on parle de plastique, c'est vrai qu'on a différents chiffres qui nous viennent en tête.
00:37 Déjà, il faut savoir que les produits plastiques,
00:40 81% des produits plastiques qu'on utilise sont transformés en déchets en moins d'un an.
00:45 Donc c'est un matériau qui est quand même assez utilisé rapidement
00:51 et donc on le retrouve de plus en plus dans la nature, évidemment.
00:56 On voit ces images de quantité de plastique qui sont dans les océans,
01:00 85% des déchets que l'on retrouve dans les océans, c'est du plastique.
01:04 On en retrouve sous forme de micro-nanoparticules,
01:09 puisque sa particularité, c'est qu'il ne se dégrade jamais vraiment, il va se morceler.
01:14 Et c'est là un des problèmes majeurs du plastique.
01:17 Et face à ce fléau, l'Assemblée des Nations Unies pour l'Environnement a adopté une résolution il y a un an.
01:26 Alors ça pourrait déboucher sur un traité international ? Expliquez-nous ce qui peut se passer.
01:32 Oui, on espère que ça va déboucher sur un traité international.
01:37 Effectivement, 175 pays ont signé cette résolution en mars 2022
01:42 pour justement aller vers un traité qu'ils veulent juridiquement contraignant,
01:48 et ça c'est quand même une bonne chose, pour mettre fin à la pollution plastique.
01:52 Donc c'est vraiment très ambitieux.
01:54 Il y a un petit peu de différentes forces en présence qui sont là,
01:59 c'est-à-dire qu'il y a certains pays qui sont au sein d'une coalition en haute ambition
02:04 qui veulent vraiment que ce traité soit contraignant
02:07 et qu'ils travaillent sur tout le cycle de vie du plastique,
02:10 c'est-à-dire de l'extraction du pétrole à la fabrication du plastique,
02:14 à son utilisation et à sa fin de vie.
02:17 Et il y a d'autres pays qui souhaiteraient que ce soit moins contraignant, évidemment.
02:21 Pourquoi le CESE s'empare de ce sujet ?
02:24 En fait, le CESE, c'est une chambre consultative, une assemblée consultative
02:29 qui représente la société civile organisée,
02:32 et donc la pollution plastique est un sujet d'actualité,
02:39 malheureusement, ça fait des années que c'est un problème.
02:43 Donc la société civile, par ses organisations,
02:47 notamment ses associations de protection de l'environnement,
02:50 font ce constat qu'il faut agir.
02:52 Il y a beaucoup de pays qui ont différentes législations
02:56 qui permettent évidemment de travailler pour réduire cette pollution plastique,
03:00 mais ça nous semblait important d'aider la France et l'Union européenne
03:05 à avoir des positions de négociation
03:07 qui mettent la société civile organisée d'accord.
03:10 Surtout qu'il va y avoir un round de négociation bientôt à Paris,
03:14 je crois que c'était à la fin de ce mois de mai.
03:16 Comment ça se passe ?
03:17 C'est quoi un round de négociation pour passer d'une résolution à un traité ?
03:23 La résolution était très ambitieuse puisqu'ils ont dit qu'il fallait
03:29 que le traité soit signé d'ici fin 2024.
03:32 Donc cinq réunions de négociation auront lieu.
03:37 La première a eu lieu en novembre dernier en Uruguay,
03:41 la prochaine aura lieu à Paris, comme vous l'avez dit,
03:43 et ensuite il y en aura trois autres pour travailler et élaborer ensemble ce traité.
03:49 Donc voir sur quoi les pays s'accordent,
03:53 que ce soit sur les objectifs à atteindre,
03:56 sur le type de traité et de texte juridique à mettre en place,
04:00 et surtout la question du financement.
04:02 Et qui est présent ? Ce n'est pas au niveau ministériel, j'imagine ?
04:05 Ce sont des conseillers, des représentants de chacun des États ?
04:08 Ce sont des négociateurs.
04:10 En fait, comme c'est un cadre onusien, c'est l'Union européenne qui va négocier
04:16 et donc la France sera un des États membres qui aidera l'Union européenne
04:22 à avoir une position la plus ambitieuse possible.
04:27 Il y a des préconisations du Conseil économique, social et environnemental
04:31 pour justement faire en sorte que ce traité soit le plus ambitieux
04:36 et donc, on l'a bien compris, le plus contraignant possible.
04:39 Quelles sont vos préconisations ?
04:41 Je ne vais pas toutes vous les lister car nous avons élaboré une vingtaine de préconisations.
04:46 Mais en fait, on les a organisées en trois axes.
04:49 Le premier axe, c'est vraiment pour fixer des objectifs contraignants et précis.
04:55 Donc là, par exemple, une des premières préconisations a été la proposition
05:01 de stabiliser puis réduire la production plastique
05:05 puisque l'OCDE, que nous avons auditionné, estime qu'en 2019,
05:11 il y a 460 millions de tonnes de plastique qui ont été produites
05:15 et si on ne fait rien, ils estiment que cette production va être multipliée
05:19 par deux et demi d'ici 2060.
05:22 Donc déjà, il faudrait réduire cette production plastique.
05:26 Nous avons mis des préconisations sur l'interdiction de certains additifs,
05:31 de groupes d'additifs qui pourraient être toxiques et néfastes
05:35 pour la santé humaine et l'environnement.
05:38 Une interdiction des plastiques à usage unique.
05:42 Ensuite, un deuxième axe était vraiment sur la forme juridique du traité.
05:46 Donc nous, nous préconisons de partir sur un texte,
05:49 un petit protocole de Montréal qui, je vous le rappelle,
05:52 a été mis en place dans les années 80.
05:55 C'était pour lutter contre les CFC, ce gaz qui détruit la couche d'ozone.
05:59 Donc c'était un cadre qui avait fonctionné.
06:03 Et ensuite, le troisième axe, c'est vraiment associer les parties prenantes
06:10 et la société civile dans ces négociations et enfin mettre en place des financements,
06:16 donc créer un financement qu'on appelle ADOC,
06:19 vraiment pour lutter contre cette pollution plastique
06:21 et mettre en place le principe du pollueur-payeur,
06:24 avec notamment la responsabilité élargie des producteurs
06:27 qui pourrait être mise en place dans tous les pays.
06:29 Et là, on peut effectivement s'inspirer de ce qui se passe en France
06:33 puisque la responsabilité élargie du producteur,
06:36 elle s'installe dans différents secteurs et on voit son efficacité.
06:42 D'ailleurs, c'est parfois un casse-tête pour les entreprises du secteur,
06:45 au moins dans les premiers mois de mise en place.
06:48 Est-ce que, par exemple, on parle de calcul de l'empreinte carbone,
06:51 on en parle souvent dans cette émission,
06:53 est-ce qu'on peut calculer une empreinte plastique comme on calcule une empreinte carbone ?
06:56 Je veux remercier de cette question parce qu'effectivement,
06:58 c'est une de nos préconisations qui est un petit peu innovante
07:02 puisque quand on parle de plastique, on parle souvent des bienfaits du plastique
07:08 car effectivement, il y en a.
07:10 On peut baisser le poids des produits,
07:12 donc dans le transport, il y a moins d'émissions de gaz à effet de serre,
07:16 il y a moins de gaspillage alimentaire,
07:19 donc le plastique a de nombreux avantages.
07:21 Mais comme je vous le disais, on ne peut pas réfléchir de la même manière
07:25 sur un produit plastique que sur les autres produits
07:27 puisqu'il y a ce problème de dégradation
07:30 et de l'impact que peut avoir cette matière sur tout le cycle de vie.
07:34 C'est-à-dire qu'il peut y avoir des pertes de plastique,
07:37 de granulés de plastique, on en retrouve un petit peu partout,
07:41 lors du transport, lors de la fabrication.
07:44 Et donc, l'idée c'était de dire,
07:48 il faudrait en complémentarité de ce bilan carbone,
07:52 mettre en place une empreinte plastique
07:54 pour faire un peu un bilan plastique
07:56 et voir les externalités négatives que ce plastique apporte également.
08:01 - Et on a les outils pour calculer cette empreinte plastique aujourd'hui ?
08:05 Il suffit de prendre la décision ou il faut encore un peu améliorer
08:09 ou inventer ces outils ?
08:10 - Il faut encore un peu améliorer et inventer ces outils, évidemment.
08:13 Et puis, il faut que la définition soit partagée par tous les pays.
08:17 Donc, c'est pour ça qu'il nous semblait important aussi
08:20 que la science soit mise un petit peu au cœur de ces débats
08:23 lors des négociations pour qu'il y ait une définition harmonisée
08:29 et que les pays utilisent cet outil partagé
08:34 et que ce soit le même, évidemment, entre les différents pays
08:39 puisque le plastique voyage beaucoup.
08:41 Je crois qu'on a 80% du plastique qui voyage.
08:44 Donc, il va falloir qu'il y ait une homogénéisation
08:47 des différentes normes à appliquer sur ce produit.
08:50 - Dernier mot sur l'aspect contraignant.
08:53 Vous avez insisté là-dessus.
08:54 Pour que ce soit efficace, il faut que ce traité soit contraignant.
08:59 Et il y a eu malheureusement des exemples de traités
09:02 qui ne l'étaient pas suffisamment.
09:04 Est-ce que vous avez bon espoir ?
09:06 Est-ce que vous sentez que le lobby qui freine
09:10 est trop puissant aujourd'hui ?
09:12 - Je suis de naturel optimiste.
09:14 Donc, moi, j'ai bon espoir.
09:15 Mais il est vrai qu'en plus, dans ce contexte international
09:19 qui est quand même sous tension en ce moment
09:21 avec des crises inflationnistes, des conflits armés dans différents pays,
09:27 tout l'enjeu va être là-dessus.
09:30 Il faut que les gouvernements qui vont négocier
09:33 gardent à l'esprit que la pollution plastique est un peu...
09:37 Beaucoup disent que c'est une bombe à retardement.
09:39 On a quelques études qui montrent qu'on peut retrouver
09:44 des nanoparticules de plastique dans le sang, dans le lait maternel.
09:49 Pour l'instant, il n'y a pas d'études réelles qui montrent s'il y a un impact.
09:53 Mais nous appliquons le principe de précaution en tout cas.
09:57 Mais il faut vraiment que les gouvernements aient une position assez ferme sur cette question
10:04 puisqu'il faudrait quand même ne plus avoir ce fléau sur Terre.
10:11 - Merci beaucoup Nathalie Vandenbroek et à bientôt sur Bsmart.
10:15 C'est l'heure de notre débat.
10:17 On parle immobilier.
10:18 Comment développer l'immobilier sans artificialiser les sols ?
10:21 [Bruit de moteur]