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Mercredi 3 mai 2023, SMART TECH reçoit Charlotte Gaudin (fondatrice, AML Factory)

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00:00 *Musique*
00:06 L'invité de notre grande interview, je le disais, c'est Charlotte Godin, une entrepreneur
00:10 qui a su s'imposer sur le secteur financier en 2019 avec sa fintech AML Factory.
00:15 Bonjour Charlotte Godin.
00:16 Bonjour.
00:17 Merci beaucoup de nous accompagner aujourd'hui dans Smart Tech AML Factory.
00:20 On va en parler dont l'objectif est d'aider les entreprises à gérer leurs obligations
00:24 liées à la réglementation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et
00:28 le financement du terrorisme.
00:30 Ce rêve d'enfant dont je parlais en préambule de cette émission de devenir commissaire
00:34 de police, il n'est finalement pas si anodin que ça puisqu'il vous a amené à vous intéresser
00:38 à cette problématique.
00:39 C'est ça ?
00:40 Tout à fait.
00:41 En fait, je voulais surtout être criminologue.
00:43 J'étais assez fascinée par les tuants en série.
00:46 Je trouvais que c'était assez extraordinaire ce qu'un être humain pouvait faire un autre
00:50 être humain.
00:51 Malheureusement, ce métier n'existait pas en France.
00:54 Donc, le commissaire de police était l'option qui s'en rapprochait le plus.
00:59 Après avoir fait du littéraire, je suis rentrée en droit, du droit pénal.
01:04 Et puis, j'ai fait quelques stages en prison, en centre médico-légal, en cour d'assise.
01:10 Je me suis rendue compte que je ne voulais ni envoyer les gens en prison, ni voir les
01:14 victimes, la souffrance des victimes.
01:15 Donc, c'était un peu compliqué d'être commissaire de police.
01:17 J'ai bifurqué vers l'administration centrale.
01:20 J'ai passé deux ans au ministère de l'Intérieur.
01:22 Et là, on a creusé des sujets un peu plus profonds, notamment sur les problématiques
01:26 du financement du terrorisme, bien sûr, et tout ce qui a été trafic d'êtres humains,
01:31 ce genre de choses.
01:32 Donc, ça, ça s'est fait à ce moment-là ? C'est à ce moment-là de votre parcours
01:34 que vous vous êtes orientée vers ce dont on va parler aujourd'hui, la conformité
01:37 bancaire et financière, c'est ça ?
01:39 Parce qu'effectivement, c'était la lutte anti-blanchiment qui me plaisait bien, qui
01:42 était un bon moyen de lutter contre les crimes sexuels et les atteintes aux personnes.
01:48 Et je me suis rendue compte à ce moment-là que je ne voulais pas faire de l'administration
01:52 centrale, c'était un peu trop plan-plan par rapport à mon dynamisme.
01:55 Et donc, j'ai cherché dans le secteur privé ce qui existait en lien.
01:59 Et effectivement, il y avait la notion de contrôle interne dans laquelle on trouvait
02:03 la compliance, dans laquelle il y avait la lutte anti-blanchiment.
02:06 Et c'est comme ça que j'ai bifurqué vers le privé dès 2007.
02:09 On va parler de ce que vous faites évidemment aujourd'hui avec ML Factory.
02:13 Juste pour placer un peu le contexte, quels sont les grands enjeux aujourd'hui de la
02:16 lutte contre la criminalité financière ?
02:17 Ensuite, on verra comment vous, vous y répondez avec votre solution et votre entreprise.
02:23 Alors, disons que les gouvernements se sont rendus compte, je ne sais pas si c'est tôt
02:28 ou tard, mais en tout cas c'était fin des années 80, soit 15 ans après la naissance
02:32 de Don Corleone de 1916, que s'ils voulaient démanteler les organisations de stupéfiants,
02:39 il fallait traquer les flux plutôt que de traquer la drogue.
02:41 Et c'est comme ça qu'est née la réglementation en matière de lutte anti-blanchiment, qui
02:45 ensuite a été élargie au fur et à mesure à d'autres crimes pour pouvoir mieux prévenir
02:49 justement les infractions beaucoup plus larges.
02:51 Et donc au fur et à mesure, ils ont intégré des nouveaux professionnels, ce qu'on appelle
02:56 des professionnels assujettis, donc des entreprises qui doivent respecter cette réglementation,
03:00 qui doivent identifier leurs clients, vérifier leurs flux, etc. pour les déclarer aux autorités
03:03 pour qu'elles puissent faire leur job.
03:05 Et donc maintenant, en fait, ça couvre n'importe quelle infraction qui est punie depuis l'emprisonnement
03:10 et ça couvre une trentaine de secteurs d'activités différents, donc des entreprises qui doivent
03:13 respecter cette réglementation.
03:14 - Alors voilà, expliquez-nous à qui s'impose cette réglementation.
03:17 Vous, vos clients aujourd'hui, ce sont des acteurs privés du secteur financier, c'est
03:20 ça ? Expliquez-nous exactement.
03:21 - Alors, il y a deux types d'acteurs qui sont soumis, donc tout le secteur financier,
03:26 donc tout ce qui est banque, assurance, mutuelle, les paiements, la crypto, ce genre de choses.
03:29 Et vous avez aussi une partie du secteur non financier, avec les secteurs qui vont être
03:35 en lien avec des produits ou des vecteurs de grands prix, type l'immobilier, les jeux,
03:42 les notaires, les avocats, les huissiers, les sociétés de domiciliation, même tout
03:47 ce qui est tout le monde de l'art.
03:49 Parce que justement, ce sont des produits qui peuvent permettre de transférer de l'argent
03:53 depuis un point A à un point B.
03:54 Et donc nous, aujourd'hui, on travaille principalement avec le secteur financier, effectivement,
03:58 puisque le secteur non financier est en… peu mature encore sur le sujet et peu sanctionné
04:03 par les autorités.
04:04 Il n'a pas forcément encore compris l'importance du sujet et en tout cas, il n'a pas les
04:08 sanctions qui lui imposent de faire beaucoup de choses, on va dire.
04:12 Comment alors les entreprises, avant votre solution, je ne sais pas si on peut le dire
04:16 comme ça, gèrent-elles aujourd'hui ces contraintes en matière de lutte contre le
04:19 blanchiment ? Quels sont les obstacles qu'elles rencontrent ?
04:22 Alors, depuis les années… fin des années 80, il y avait deux types d'acteurs qui
04:26 pouvaient les aider, donc la partie conseil ou avocat, qui va permettre aux entreprises
04:31 de bien comprendre la réglementation, de définir des procédures, des normes internes,
04:34 une organisation, une gouvernance qui permettent de répondre aux différents points de la
04:38 réglementation.
04:39 Ce que vous avez fait pendant quelques années d'ailleurs ?
04:40 C'est exactement ce que j'ai fait pendant mes douze premières années d'entrepreneuriat.
04:44 Et puis, à côté, une fois qu'ils ont ces magnifiques procédures qui imposent beaucoup
04:50 beaucoup de tâches et beaucoup de contraintes, ils vont chercher des briques tech sur le
04:54 marché pour pouvoir industrialiser au maximum les process.
04:58 Et donc, il y a des très grosses entreprises qui existent depuis les années 90 déjà.
05:02 Et en fait, quand vous regardez un peu le marché, vous vous rendez compte que ces entreprises,
05:06 elles vont traiter un sujet de la réglementation.
05:09 Vous avez deux grandes obligations principales.
05:12 On va vraiment simplifier.
05:13 Vous avez la connaissance du client, donc savoir qui est votre client, combien il gagne
05:16 d'argent, quels sont les flux qui sont censés rentrer sur son compte et sortir de son compte.
05:19 C'est ce qu'on appelle la connaissance client, donc le KYC.
05:22 Et ensuite, vous avez le parallèle qui s'appelle le KYT, donc la connaissance des transactions
05:26 et la surveillance des transactions pour vérifier que les transactions sont en adéquation
05:29 avec le profil du client.
05:30 Donc, sur ces deux grandes problématiques, vous avez des acteurs majeurs qui existent
05:33 depuis les années 90.
05:34 Et puis ensuite, vous avez plein de petites boîtes qui se sont créées au fur et à
05:37 mesure, notamment sur les cinq dernières années, qui vont traiter une partie de ces
05:40 sujets, notamment sur la connaissance client.
05:42 Vous en avez certains qui vont proposer l'analyse des documents d'identité avec un LiveNest
05:49 pour vérifier que la personne qui est face à sa caméra, c'est bien celle qui a une
05:53 photo sur son identité.
05:55 Et donc, vous avez plein de briques qui vont traiter une partie du sujet.
05:59 Premier constat que moi, j'ai fait au moment où j'ai lancé ML Factory, c'est que vous
06:05 avez plusieurs providers qui vont traiter une partie du sujet.
06:08 Donc, vous êtes obligé d'avoir un certain nombre de providers pour pouvoir traiter tout
06:11 le sujet.
06:12 Le problème, c'est que souvent, ces briques tech ne discutent pas entre elles.
06:16 Donc, vous avez des données d'un côté et des données de l'autre qui ne sont pas forcément
06:18 les mêmes d'ailleurs.
06:19 Et vous avez un instrument au milieu qui doit s'arracher les cheveux.
06:22 Et aucune de ces briques ne va discuter avec la partie procédurale qui est proposée par
06:26 les experts du sujet.
06:27 Et donc, résultat, il y a des différences entre ce qui est dit dans les procédures,
06:30 ce qu'ils doivent appliquer, et ce qui se passe dans la vraie vie, dans les outils,
06:33 dans les process.
06:34 Et c'est comme ça que j'ai décidé de prendre une voie différente, d'industrialiser cette
06:39 partie procédurale et normative, non seulement pour offrir une évaluation de la conformité
06:44 en temps réel à nos clients, mais aussi pour pouvoir industrialiser toute la chaîne
06:47 opérationnelle et pas uniquement une partie de la connaissance client ou une partie du
06:51 transaction monitoring.
06:52 Alors, expliquez-nous comment ça marche exactement, sur quelle technologie elle repose votre solution
06:56 donc d'automatisation, d'industrialisation, c'est ce que vous disiez, de tout ce process.
07:00 Alors, on a commencé par modéliser la réglementation, donc les différentes règles applicables
07:04 et les différents arbres des possibles en fonction des options.
07:07 Si vous êtes un client personne physique ou personne morale, vous n'allez pas réagir
07:11 de la même manière, par exemple.
07:12 Est-ce que c'est une réglementation qui évolue beaucoup, à laquelle il faut s'adapter
07:15 assez régulièrement ?
07:16 Elle évolue un minimum à 4 fois par an.
07:17 Ne serait-ce que par la publication des listes PI qui ont des déficiences stratégiques
07:21 en matière de lutte anti-blanchiment.
07:22 Et ensuite, sur des évolutions majeures, ça va plutôt être tous les 3-4 ans.
07:26 Donc on a commencé par modéliser la réglementation, avec tout cet arbre des possibles qui a permis
07:32 de créer un premier algorithme.
07:33 Et donc globalement, pour faire assez simple, dans notre back-office à nous, on a la procédure
07:41 idéale, quels que soient les arbres de décision possibles.
07:43 Chacun de nos clients a son propre moyen de rendement, dans lequel il a sa procédure
07:47 à nous, qu'on modélise aussi dans la plateforme.
07:51 Et la plateforme, elle va lui délivrer un premier service qui va être évalué l'écart
07:55 qu'il peut y avoir entre cette procédure à lui et ce que demande la réglementation.
07:59 Pour lui dire ce qu'il doit corriger, soit parce qu'il est surconforme, il se crée
08:03 des contraintes qui ne sont pas justifiées d'un point de vue réglementaire, soit qu'il
08:06 est en non-conformité et donc il risque de se prendre une sanction.
08:08 Et ensuite, cette partie procédurale va permettre de paramétrer nos algorithmes, d'analyser
08:16 des connaissances clientes, la partie KOSI, et d'analyser les transactions pour pouvoir
08:19 ensuite regarder chacun des dossiers clients et en fonction des différents critères
08:23 et des différentes données qu'il y a sur un client, dire si, de manière très simple,
08:27 il est vert, orange ou rouge, et donc qu'est-ce qu'on doit faire comme contrôle supplémentaire
08:30 sur cette personne, et quelle est la hauteur de la supervision qu'on doit apporter sur
08:36 cette transaction.
08:37 Donc aussi aujourd'hui, ce qui vous différencie de vos concurrents, ou en tout cas ce sont
08:40 vraiment ces algorithmes, pour qu'on comprenne bien, qui vous différencient et qui permettent
08:44 de rendre cette solution adaptable, c'est ça, à toutes les organisations ?
08:48 En fait, c'est le premier algorithme qu'on a créé de modélisation de la réglementation,
08:53 qui est notre principale différence avec nos clients, puisque ça, pour l'instant,
08:59 ça n'existe pas sur le marché, et la deuxième, c'est que puisque nos clients ont leur propre
09:03 procédure directement dans la plateforme et qu'ils peuvent la modifier eux-mêmes,
09:06 c'est eux qui ont la main sur le reparamétrage des algorithmes qui en découlent, ce qui
09:11 fait aussi la deuxième différence.
09:12 Vous parliez tout à l'heure des différents providers qui répondaient à différentes
09:15 parties de la problématique, en tout cas.
09:18 Est-ce qu'il y a des inégalités aujourd'hui en fonction de la taille de la structure,
09:23 de type de structure, pour des questions budgétaires par exemple, d'entreprises qui n'ont pas
09:27 aujourd'hui les moyens ou qui ne peuvent pas répondre à cette problématique-là
09:32 pour telle ou telle raison ? Vous, par exemple, à qui vous vous adressez ? A quel type d'acteur,
09:36 de quelle taille sont-ils ?
09:37 Ça fait beaucoup de questions, je vais les traiter une par une.
09:41 En fait, quelle que soit la taille de votre entreprise, vous avez les mêmes obligations
09:46 qu'un grand groupe bancaire, type société générale ou Crédit Agricole.
09:48 Mais peut-être pas les mêmes moyens pour y répondre ?
09:50 En général, non.
09:51 Donc ça, c'est le premier sujet.
09:54 Après, l'objectif, c'est souvent qu'il se débrouille en interne, avec des êtres
09:58 humains, avec des processus artisanaux qui génèrent parfois des erreurs humaines ou
10:03 un manque de temps pour pouvoir faire des contrôles.
10:05 Donc ça, c'est un premier problème.
10:06 Le deuxième sujet principal qui est rencontré par tous les acteurs, et notamment ceux du
10:11 secteur non financier, c'est qu'une des obligations impliquées par cette réglementation,
10:17 c'est d'identifier ce qu'on appelle les personnes politiquement exposées, pour vérifier
10:20 les risques de corruption.
10:21 Sauf qu'il n'y a pas de liste officielle étatique établie par les pays.
10:26 Donc pour pouvoir répondre à cette obligation-là, on est obligé de passer par un logiciel tiers,
10:33 qui coûte très très cher.
10:35 La plupart des entreprises qui proposent ce type de service ont un point de départ de
10:40 15 000 euros à l'année.
10:41 Quand vous êtes par exemple un agent immobilier et que vous avez peut-être 100 ou 150 transactions,
10:47 avoir un logiciel qui coûte 15 000 euros dans l'année, c'est pas tout à fait en
10:50 ligne avec...
10:51 Enfin, sur le RO, c'est un peu compliqué.
10:53 Donc ça, c'est la deuxième question que vous aviez posée.
10:57 Et sur la troisième, nous aujourd'hui, on a des très gros acteurs, qui travaillent
11:02 par exemple avec Acasys dépôt ou avec le Crédit Agricole.
11:04 Mais on a aussi des tout petits acteurs qui sont en entrée sur le marché, notamment
11:07 des boîtes de cryptoactifs, donc ce qu'on appelle les PSAN, ou des établissements de
11:12 paiement de monnaie électronique, qui sont en lancement de leurs services et qui eux
11:17 partent from scratch et ils ont besoin de tout.
11:20 Et donc l'avantage, c'est que là, ils ont une solution clé en main, ils n'ont pas besoin
11:23 de recourir ne serait-ce qu'à un expert de la réglementation AML, parce que c'est nous
11:26 qui les verrons.
11:27 Et donc ils ont aussi moins de dépenses cotées ressources humaines.
11:30 Donc solution clé en main pour qu'on comprenne bien.
11:32 Donc là, la promesse ici, l'ambition d'AML Factory, c'est quoi ? C'est un gain de temps,
11:35 un gain économique ? Qu'est-ce que vous proposez aujourd'hui à vos clients ? Ces deux aspects-là ?
11:38 Plus la sérénité.
11:39 Parce qu'on leur donne aussi l'évaluation en temps réel de la conformité, c'est nous
11:42 qui assurons la veille réglementaire, donc on leur indique quand la réglementation change
11:47 et ils peuvent mettre à jour leur procédure d'un simple clic.
11:49 Donc voilà, c'est trois éléments.
11:52 Gain de temps, on divise à peu près par huit le temps de traitement manuel.
11:56 Gain d'argent, c'est en moyenne 50% de dépenses annuelles par an.
12:00 Et puis la sérénité avec, on ne peut pas dire que le risque de sanction est égal à
12:05 zéro, parce qu'ils ont le droit de ne pas suivre nos conseils.
12:08 Mais s'ils suivent nos conseils, a priori c'est zéro.
12:11 On a parlé de réglementation, évidemment.
12:13 Où est-ce qu'on en est de l'harmonisation de cette réglementation ? Aujourd'hui vous
12:17 parliez de réglementation internationale, européenne, française.
12:21 On en est où là-dessus ? Alors on a un organisme intergouvernemental
12:24 qui s'appelle le GAFI, qui édicte les standards minimums applicables dans l'ensemble des
12:28 pays du monde, en tout cas pour ces signataires.
12:30 Et ensuite chaque État signataire va faire sa propre réglementation.
12:33 Nous on appartient à l'Union Européenne et donc forcément on a la commission qui
12:38 va venir son petit grain de sel depuis le lancement de cette réglementation.
12:41 On a eu une première directive européenne en 1991.
12:44 Ce qui dit directive, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la commission donne des
12:49 obligations aux États, donc tous les États membres, et les États membres ensuite adoptent
12:54 une législation en interne dans son propre pays.
12:57 Ce qui fait qu'aujourd'hui par cette mécanique de directive, vous avez des différences
13:04 entre chaque État membre de l'Union Européenne.
13:06 Et la très bonne nouvelle pour nous, c'est que la Commission Européenne a proposé un
13:11 nouveau paquet législatif européen, qui devrait être applicable en 2025, et qui
13:15 va en fait passer d'un système de directive à un système de règlement unique européen,
13:19 qui va harmoniser toutes les règles dans toute l'Europe, plus les trois pays additionnels
13:24 de l'espace économique européen.
13:25 Donc vous, les conséquences sur votre business ici ?
13:27 Alors déjà ça va nous permettre de partir au niveau international beaucoup plus rapidement
13:33 et avec moins d'enjeux tech, puisqu'on aurait dû pouvoir partir à l'étranger, avoir
13:37 des référentiels différents en fonction des différents pays, alors que là en fait
13:41 on aura juste à modifier en 30 minutes notre plateforme pour pouvoir adresser n'importe
13:45 qui dans n'importe quel pays de l'Europe.
13:47 Je le disais, on va parler évidemment aussi de votre parcours d'entrepreneur.
13:51 Charlotte Godin, qu'est-ce qui vous a poussé vous en 2019 à créer AML Factory ? Vous
13:56 le disiez, cabinet de conseil en compliance juste avant.
13:59 Qu'est-ce qui était plus possible de faire ou pas possible de faire ? Qu'est-ce qui
14:02 a fait que vous vous êtes dit "là il faut que je me lance" ?
14:05 Alors moi je suis entrepreneur depuis 2011, j'avais créé mon propre cabinet de conseil
14:10 et dans lequel j'avais forcément l'activité du tanti-blanchiment quel que soit le sujet,
14:15 création de dispositifs, formation, coaching, mise à jour, assistance en cas de contrôle
14:20 du régulateur et j'avais une deuxième activité, c'était accompagner les fintechs à obtenir
14:25 des agréments pour devenir établissement de paiement de l'où électronique.
14:29 Et à chaque fois, la plupart du temps, ces fintechs-là m'ont confié pendant leur premier
14:34 temps d'exercice la fonction de responsable compliance avec la plus grosse problématique
14:38 du tanti-blanchiment.
14:39 Et en fait ce que je faisais, c'était strictement la même chose pour tout le monde, c'est-à-dire
14:43 que j'avais la procédure, on avait réduit qu'elle était validée par le régulateur,
14:47 je faisais la veille réglementaire, je mettais à jour la procédure, je la faisais valider
14:50 par les dirigeants et une fois qu'il l'avait validée, je demandais aux équipes techs
14:53 de reparamétrer les différents outils en fonction de ce nouveau paramétrage, je mettais
14:57 à jour les guides opérationnels, je mettais à jour les formations, je mettais à jour
15:00 les plans de contrôle et je faisais mon job de vérification que tout était fait.
15:04 Et je me suis dit, déjà première chose c'est que je ne pouvais pas avoir plus de
15:06 trois clients en même temps et surtout je me suis dit si je fais exactement la même
15:11 chose pour trois personnes en même temps, c'est qu'il y a quelque chose qui s'automatise.
15:14 Et c'est comme ça qu'est né le projet ML Factory.
15:16 L'entrepreneuriat je crois que c'est une affaire de famille chez vous, est-ce que vous
15:19 vous aviez des appréhensions particulières avant de vous lancer dans la création de
15:23 votre startup ?
15:24 Alors pas du tout.
15:26 Pour le coup, la première fois que je me suis lancée c'était une question d'opportunité
15:29 et puis c'était du conseil que je faisais déjà avant, donc pas besoin d'investir,
15:32 j'avais juste besoin d'un laptop et de mes cellules grises, donc pas d'enjeu financier
15:37 etc.
15:38 Quand j'ai recruté dans mon cabinet de conseil, j'avais un peu la trouille d'avoir
15:41 des salariés mais au final ça s'est très bien passé et pour moi c'était une suite
15:46 logique en fait.
15:47 C'était en fait l'aboutissement de dix premières années d'entrepreneuriat en me
15:52 disant en fait je vais faire quelque chose qui a un peu plus de challenge effectivement.
15:54 Après je ne pensais pas que ce serait si compliqué.
15:56 À deux solo-fondeurs d'ailleurs, parce que je le disais, un CEO et fondatrice, on voit
16:01 beaucoup de startups avec des co-fondateurs, des co-fondatrices, est-ce que ça, ça a
16:04 été une difficulté particulière en effet de se lancer seule ?
16:06 Oui, à plusieurs titres.
16:08 Premier titre c'est que vous n'avez personne avec qui partager vos angoisses et de challenger
16:14 vos idées même si je pousse mes équipes à le faire et à me remettre en question.
16:18 Mais oui, c'est effectivement le fait de ne pas avoir un binôme avec qui échanger
16:21 en permanence, ça peut être assez problématique.
16:27 C'est pour ça qu'il faut bien s'entourer de bonnes personnes que ce soit avec les investisseurs
16:31 ou avec des personnes, des freelances qui vous accompagnent sur différents sujets et
16:35 faire en sorte que les salariés acceptent de ne pas se positionner en tant que salarié
16:40 par moment dans la structure.
16:42 Et le deuxième sujet, ça a été aussi au niveau des financements quand j'ai cherché
16:47 des investisseurs parce qu'effectivement déjà une femme entrepreneur, ce n'est pas toujours
16:52 très facile de lever les fonds mais en solo founder, c'est encore plus compliqué.
16:55 Oui c'est ça, est-ce que le fait d'être une femme, ça a compliqué ce passage à
16:58 l'acte ou alors à quel moment vous avez ressenti que là vous étiez en effet non
17:01 pas seulement une entrepreneure mais une femme entrepreneur ?
17:04 Quand on m'a demandé si j'étais mariée, si j'avais des enfants ou si je voulais en
17:08 faire.
17:09 Ce sont des investisseurs qui vous ont posé ces questions-là ?
17:10 Et là, je lui ai répondu, si je dois en faire un autre, on est deux.
17:15 Donc à priori, je devrais pouvoir m'en sortir.
17:18 Je le disais tout à l'heure, en France seulement 9% des fondateurs de FinTech sont des femmes.
17:23 Comment selon vous encourager, soutenir, propulser davantage les femmes fondatrices ou co-fondatrices
17:29 des startups sur ce marché ? Est-ce que vous vous réfléchissez à ce sujet-là ?
17:31 Alors pas forcément que sur ce marché mais je pense qu'il faut qu'on change notre manière
17:36 d'éduquer nos filles.
17:37 Donc ça doit se faire très tôt ?
17:40 Très tôt.
17:41 J'ai un exemple tout simple, ma fille a eu 10 ans il y a quelques mois et je lui ai
17:44 autorisé pour la première fois à rentrer toute seule à la maison.
17:46 Et mon mari n'était pas d'accord.
17:48 Pas d'accord parce que c'était une petite fille et que même si son frère avait eu le
17:51 droit de faire la même chose à son âge, il fallait la protéger.
17:53 Et je lui ai dit, en fait, bon, oui effectivement il y a peut-être plus de risques pour une
17:57 petite fille mais si on commence à lui dire tu es plus faible, tu es plus fragile, etc.
18:01 on va mécaniquement lui mettre des barrières et c'est elle qui va se limiter dans tout
18:06 le reste de sa vie.
18:07 Donc voilà, je pense que c'est l'éducation des petites filles qui va changer les choses.
18:10 Éducation, une question culturelle.
18:11 Le Female Founder Challenge 2021 dont vous avez été finaliste, est-ce que c'était
18:16 ça aussi l'objectif d'encourager, de mettre en avant des femmes entrepreneurs sur ce marché-là ?
18:21 Voilà, vous, qu'est-ce que ça vous a apporté ce concours ?
18:24 Alors, effectivement, c'est ça, c'est le fait de pouvoir mettre en avant des femmes
18:28 entrepreneurs, ce qu'on ne voit pas beaucoup.
18:29 Alors, ça m'a foutu la plus grosse trouille de ma vie, je crois.
18:35 De devoir pitcher en anglais devant 150 personnes dans la salle et avec plusieurs milliers
18:40 ou dizaines de milliers de personnes retransmises, ça m'a vraiment foutu la trouille de ma vie.
18:47 Donc j'étais toute tremblotante.
18:48 Non, ça a été un bon exercice parce que c'est la première fois que je devais pitcher
18:51 en anglais avec autant de personnes devant moi.
18:53 Donc voilà, c'est bien.
18:56 Ça permet de passer des nouvelles étapes au fur et à mesure.
18:58 Est-ce qu'on se sent peut-être aussi moins seule à voir toutes ces femmes aussi entrepreneurs
19:02 à ses côtés dans ces moments-là ?
19:04 Tout à fait.
19:05 Je me sentis surtout très petite.
19:06 Quoi, parce qu'elles étaient toutes très grandes et pourtant je n'étais pas petite,
19:08 mais elles étaient toutes immenses.
19:10 Oui, ça fait plaisir de voir des femmes qui ont des idées plus sympas les unes que les
19:16 autres et surtout souvent, on cantonne les femmes entrepreneurs à des sujets très très
19:24 féminins et en fait pas toujours.
19:26 Donc c'est intéressant de voir des femmes qui ont des sujets pas toujours féminins.
19:30 Je crois que vous êtes membre de l'association France Fintech.
19:33 Tout à fait.
19:34 À quand une fédération ou association d'Erectech ?
19:36 Je ne sais pas, mais j'invite n'importe qui à ouvrir le sujet et qui pourrait notamment
19:46 peut-être faire un peu de lobbying pour qu'il y ait une réglementation ou une certification
19:50 d'Erectech, ce serait intéressant.
19:51 Parce que ça rejoint à cette question de la femme, c'est-à-dire se sentir soutenue
19:55 à un moment par tout un écosystème ou par une fédération, par une association.
19:58 C'est important encore plus peut-être quand on est une femme entrepreneur ?
20:00 Je ne sais pas.
20:04 Pour le coup, ce qui est sûr c'est d'appartenir à une association professionnelle, ça vous
20:07 permet de vous intégrer dans l'écosystème.
20:09 Nous Erectech, on est considéré comme des Fintech, mais au final les Fintech nous considèrent
20:13 plutôt comme des fournisseurs de solutions que comme des Fintech, ce qui est normal puisqu'on
20:17 est leur partenaire.
20:18 Non, non, allez-y.
20:21 Mais avoir un système juste Erectech, ce serait peut-être aussi limiter la capacité
20:29 d'Erectech d'avoir accès à un écosystème de clients.
20:32 Donc peut-être pas forcément, je ne suis pas sûre.
20:35 On va terminer Charlotte Godin, si vous le voulez bien, par l'interview express.
20:40 Deux, trois minutes pour quelques questions un peu plus personnelles.
20:44 N'ayez pas peur, même si ma première question justement est celle-ci.
20:48 De quoi avez-vous le plus peur ? Qu'est-ce que vous craignez le plus ?
20:51 Les cafards.
20:52 Ça me dégoûte.
20:53 Et dans la vie professionnelle ?
20:57 Je pense que ce serait si un de mes clients devait être contrôlé par le régulateur
21:07 et que ça ne se passait pas bien.
21:08 Ça, ce serait le plus gros échec.
21:10 Votre plus grande fierté sur votre parcours de femme ou d'entrepreneur ? Vous me répondez
21:15 comme vous voulez.
21:16 Je suis assez fière d'entendre l'interview là où j'en suis, alors que je suis juriste,
21:22 un littéraire et juriste, donc pas du tout businesswoman, femme, avec une boîte rentable
21:29 en moins de deux ans de commercialisation.
21:31 Je suis assez contente de moi.
21:32 Vous aviez parlé juste avant d'échecs.
21:33 Un moment dans votre vie que vous avez considéré comme un échec ?
21:37 Il y en a plein.
21:40 En fait, je pense que chaque échec est une bonne façon d'apprendre, est une façon de
21:45 rebondir.
21:46 Et de toute façon, quand vous êtes entrepreneur, vous n'avez pas le choix, vous êtes obligé
21:47 de vous relever et de repartir.
21:48 Donc, c'est plutôt un apprentissage.
21:51 Vous, à quel moment vous avez trébuché ? Sur ce parcours d'entrepreneur, je pense
21:56 que ceux qui nous écoutent seront intéressés.
21:58 Peut-être qu'ils ont vécu les mêmes choses.
21:59 J'ai fait confiance à potentiellement de mauvaises personnes à certains moments, qui
22:08 ont été très difficiles à gérer, avec des gros impacts pour la structure, pour mon
22:12 mental, pour ma famille aussi.
22:13 Ça a été de faire confiance à des mauvaises personnes.
22:17 Parce qu'on a parlé tout à l'heure évidemment du fait d'être une femme, du fait d'être
22:20 solo-fondeur.
22:21 L'humain, c'est quelque chose de particulièrement compliqué à gérer quand on est auto-entrepreneur.
22:25 Oui, parce que moi je suis quelqu'un qui est plutôt souriante.
22:31 J'aime bien raconter des blagues, j'aime bien boire des coups avec les équipes, etc.
22:34 Il y a toujours une difficulté d'avoir cette double approche de team-mate et de boss.
22:38 Et oui, la gestion de l'humain est pour moi la chose la plus compliquée à faire, la
22:42 plus challengeante et la plus désagréable aussi.
22:45 Et enfin, une dernière question.
22:47 Si un génie était là et qui peut vous accorder un souhait ?
22:50 Elle est dure celle-là.
22:53 Un souhait ?
22:58 Vous n'avez pas le droit de répondre Gagnon Loto.
23:01 Je dirais, rien à voir.
23:08 J'ai le droit de ne pas faire à quelqu'un de protéger ma famille.
23:12 On va terminer sur ces beaux mots.
23:14 Merci beaucoup Charlotte Godin d'avoir été avec nous aujourd'hui dans Smartech, d'avoir
23:18 répondu à nos questions.
23:19 Je rappelle, vous êtes la CEO et fondatrice d'AML Factory.
23:22 Merci d'être venue nous voir aujourd'hui.
23:25 On marque une courte pause et on se retrouve tout de suite pour le grand rendez-vous.

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