• l’année dernière
Transcription
00:00 Et bienvenue au Club ! J'ai appris ce week-end que l'agence de notation Fitch avait baissé
00:05 la note de la France à A, A, moins, avec perspective stable.
00:10 Alors pourquoi ? Je cite le communiqué de l'agence de notation Fitch "l'impasse
00:16 politique et les mouvements sociaux entre parenthèses parfois violents".
00:20 Allez, je cite encore "il pourrait créer ces mouvements des pressions en faveur d'une
00:25 politique budgétaire plus expansionniste, ce que déplore évidemment l'agence".
00:30 Alors, quelles conséquences ? "L'argent va coûter plus cher".
00:34 Dans un monde qui ne serait pas sens dessus dessous, cette phrase devrait ne rien vouloir
00:38 dire.
00:39 L'argent va coûter plus cher.
00:40 Comme si on allait se rendre dans un magasin pour acheter de l'argent, comme si on allait
00:45 se vêtir avec de l'argent, comme si on allait boire de l'argent, comme si on allait manger
00:48 de l'argent, comme si l'argent n'était plus le moyen d'un échange mais l'objet
00:53 de l'échange lui-même.
00:55 Mon invité aujourd'hui est un des pionniers d'une idée artistique née en Italie dans
00:59 les années 60 que le critique d'art Germano Celent a nommé "arte povera", l'art pauvre,
01:06 où la question n'est pas la valeur de l'oeuvre en elle-même ou des parties qui la composent
01:11 mais le processus de création et le dialogue qu'elle instaure avec le public qui la regarde.
01:15 Et dans un monde à l'endroit, on ne peut toujours pas manger de l'argent mais on peut
01:20 se nourrir de l'art de mon invité Michelangelo Pistoletto.
01:23 L'art est-il toujours politique ? C'est la question.
01:28 Bonjour Michelangelo Pistoletto, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
01:33 Vous êtes en ce moment à Paris pour un cycle de conférences qui sera donné au Louvre.
01:37 La première a eu lieu le 27 avril, les prochaines seront les 4 et 11 mai prochains dans le
01:43 cadre des leçons d'artistes à l'auditorium Michel Laclotte.
01:47 Alors j'ai commencé justement avec cette agence de notation Fitch qui notait la dette
01:53 française qui a baissé notre note et qui nous disait que notre argent allait coûter
01:56 plus cher.
01:57 Pour vous qui êtes un des pionniers de l'art épovérat, de l'art pauvre, comment vivez-vous,
02:03 quel regard portez-vous sur ce monde où l'argent est omniprésent ?
02:06 L'art pauvre ne signifie pas sans argent.
02:11 L'argent est utile mais l'art pauvre signifie essentiel, radical.
02:18 C'est la semente qui tombe dans la terre et ça crée un arbre nouveau.
02:27 C'est la nature.
02:29 C'est la nature d'un côté, mais de l'autre côté on vit une vie artificielle.
02:36 Et c'est la vie artificielle qui produit l'argent.
02:40 Pour manger la nature, pour utiliser la nature, mais nous avons aussi un côté de la nature
02:47 qui est le travail.
02:48 Le travail est naturel, c'est l'effort humain.
02:53 Donc le travail doit être compensé par de l'argent.
02:59 Parce qu'il y a des heures de travail, il y a des frais de travail, il y a des dépenses,
03:07 mais c'est très important que le travail soit l'élément fondamental et pas l'argent.
03:16 L'argent doit être donné pour rendre le travail possible, mais pas le travail donné
03:23 pour rendre l'argent comme l'élément unique et essentiel.
03:29 En travaillant sur l'arte povera, en faisant des recherches, je lisais partout que l'arte
03:36 povera n'était pas un mouvement.
03:37 Alors si ça n'était pas un mouvement, donc né dans les années 60 en Italie, qu'est-ce
03:42 que c'était ?
03:43 Parce que ce n'était pas basé sur une idéologie.
03:47 Ce n'était pas idéologique, ce n'était pas une idée qui mettait ensemble 4, 5, 8,
03:55 10 artistes, mais c'était plutôt une vision du monde qui était justement basée sur l'essentiel,
04:06 sur le refus de l'inutile, le refus de la de système de consommation comme consommation
04:14 du monde, consommation de l'être, consommation de l'existence, pour arriver à la condition
04:23 essentielle.
04:24 Donc c'est le concept de pauvre.
04:28 C'est ça.
04:29 - C'était en réaction justement à une société de consommation, à l'omniprésent de l'argent.
04:35 - Non, moi j'étais, avant d'être parti de l'art pauvre, j'étais parti de la pop art.
04:42 J'étais même considéré entre les artistes de pop américain même.
04:48 Mais moi j'en suis sorti parce que je ne voulais pas accepter d'être une marque de fabrique,
04:58 d'être une marque.
05:00 - Parce qu'on vous a proposé d'aller aux Etats-Unis en 1964 et vous avez refusé.
05:05 - Oui, oublié d'être européen, oublié d'être italien ou européen, parce que c'était
05:11 maintenant l'Amérique qui amenait le discours de la société.
05:19 C'était l'Amérique qui devait être le centre universel de la pensée.
05:26 Et donc moi j'ai dit non, ma pensée ne vient pas de ce système de consommation.
05:31 Ma pensée vient de l'antiquité, vient des anciens grecs, romains, égyptiens, romains,
05:40 et jusqu'à la Renaissance, jusqu'à notre temps d'aujourd'hui, à travers une culture
05:47 qui s'est fabriquée et a amené, bien sûr, à la modernité.
05:57 Mais c'est une modernité pour moi qui a une responsabilité, qui va chercher dans
06:07 le passé tout ce qu'on a fait pour être responsable aujourd'hui.
06:11 - Depuis plus de 60 ans, vous portez l'idée d'un art politique, d'un art qui revendique,
06:15 et encore aujourd'hui d'ailleurs, même si votre art s'est quelque peu modifié,
06:21 il va vers les idées aujourd'hui.
06:23 Est-ce que vous pensez que, alors vous le portez encore, mais est-ce que vous pensez qu'autour
06:27 de vous l'art contemporain est encore politique, encore engagé ?
06:32 - L'art moderne est sorti de tout rapport avec politique, religion, économie, société.
06:44 L'artiste moderne des années 50 était un artiste totalement individuel, détaché
06:54 de tout, libre et autonome.
06:57 L'art a gagné une autonomie qu'elle n'a jamais eue avant.
07:02 Mais moi, je me suis trouvé dans cette autonomie pour dire, qu'est-ce que j'en fais de cette
07:09 autonomie ? Cette autonomie de l'artiste, cette liberté totale doit être transformée
07:14 en liberté totale.
07:16 Autant tu es libre, autant tu es responsable.
07:19 Je ne suis pas seulement libre de faire ce que je veux, je peux faire des bêtises, mais
07:27 il faut faire attention de ne pas faire trop de bêtises aussi.
07:29 Le monde est plein de bêtises, le monde entier est en train de faire des bêtises.
07:34 Donc alors l'artiste, à partir de sa solitude, de son individualité, a dû commencer, et
07:42 moi je l'ai fait avec mon travail, à prendre responsabilité.
07:46 C'est pour ça qu'on peut parler de sociétés, de rapports avec la société sociale, politique.
07:53 Parce que la politique est une situation qui nous met tous ensemble, la communauté humaine
08:02 qui devient de plus en plus responsable.
08:05 Et l'art, c'est la création, c'est la liberté individuelle qui s'associe à
08:09 la liberté des autres.
08:11 Et tous ensemble, on est libre de recréer le monde.
08:15 Voilà, c'est la recréation, la reformulation.
08:18 Vous n'êtes pas pessimiste donc, vous êtes un optimiste ?
08:21 Je suis optimiste, mais vous voyez, dans le sens que je suis, comme base, je suis pessimiste.
08:31 Parce que c'est le pessimisme qui me propose une nécessité de changement.
08:38 Mais c'est vraiment la nécessité de changer qui me donne beaucoup de plaisir, beaucoup
08:47 de force.
08:48 On va écouter quelques mots de quelqu'un avec qui vous avez souvent dialogué.
08:51 Un intellectuel, c'est quelqu'un qui, en plus de sa profession de romancier, d'écrivain,
09:00 de poète ou d'avocat, se met sur la place publique et traite de problèmes, soit fondamentaux,
09:08 soit globaux, soit très actuels, qui se posent dans la société et dans la vie.
09:14 Et son rôle est capital aujourd'hui.
09:16 Pourquoi ? Parce que c'est le règne des experts, des spécialistes, des technocrates.
09:22 Et le seul qui aujourd'hui peut poser des questions fondamentales ou globales, qui évidemment
09:28 échappe aux spécialistes, aux éconocrates, c'est l'intellectuel.
09:33 Alors il a une mission très grande, mais est-il capable de l'assumer ? C'est ça.
09:38 Edgar Morin qui parlait donc de la mission de l'intellectuel.
09:42 C'était sur France Inter en 2015 dans l'émission "Permis de penser".
09:46 Je voulais qu'on écoute ce son parce que, alors on ne peut pas parler de retraite, mais
09:50 vous êtes très vite mis en retrait du monde de l'art dans les années 70 pour basculer
09:56 vers le monde de la production d'idées.
09:58 Pourquoi est-ce que vous êtes mis en retrait du monde de l'art si vite finalement ?
10:02 À peine une dizaine d'années après vos premiers succès, votre première reconnaissance.
10:07 Je ne suis jamais en retraite, moi.
10:10 Je ne peux pas être en retraite.
10:12 Alors juste en retrait, peut-être un pas de côté vous avez fait.
10:14 Un pas de côté, toujours.
10:16 Moi j'ai toujours fait un pas de côté.
10:18 Parce que le système marche tout droit, il va tout droit.
10:23 Mais je ne peux pas être poussé, être pris dedans et poussé dans ce système qui va
10:33 tout droit, qui m'empêche de réinventer.
10:39 Alors je dois toujours faire un pas de côté pour ne pas me laisser tuer par le système
10:49 qui va tout droit.
10:50 Est-ce que le marché de l'art vous demandait de refaire à chaque fois la même chose,
10:54 de refaire du pistoletto que vous êtes mis en retrait, que vous êtes allé à côté ?
10:58 Oui, mais j'ai fait une série d'œuvres que j'ai appelées "Les Objets en Moi".
11:07 Donc si l'artiste devait être connu comme une marque de fabrique, qui était celle de
11:17 refaire tout le temps le même système, la même formule, moi j'ai fait chaque œuvre
11:26 différente l'une de l'autre.
11:29 Donc il n'y avait pas deux œuvres qui avaient le même style, le même rapport entre eux.
11:35 Alors j'ai cassé totalement mon image, l'image de moi-même.
11:42 J'ai pris une liberté qui était celle d'être toujours différent.
11:47 Alors je suis devenu société moi-même.
11:49 Je suis devenu comme une quantité de personnes qui pouvaient dialoguer entre eux.
11:56 Et c'était ça qui me permettait non seulement de dialoguer entre moi-même, mais de dialoguer
12:04 avec tout le monde, avec tous les secteurs de la vie sociale, tous les facteurs qui produisent
12:10 vie sociale.
12:11 Et ça, ça dérive, ça vient de tableaux miroirs.
12:16 Parce que quand j'ai transformé le tableau en surface miroitante, la société même,
12:24 l'existant, est entrée dans l'œuvre.
12:26 Et alors moi j'ai vu que le spectateur faisait partie de mon œuvre, alors je me suis multiplié
12:32 dans la quantité de tous qui regardent mon œuvre.
12:35 - Justement ça, il faut qu'on explique ces tableaux miroirs qui ont été vraiment un
12:39 marqueur dans l'histoire de l'art, une grande nouveauté.
12:42 Je voudrais que vous nous expliquiez comment vous est venue cette idée.
12:47 Et juste avant que vous nous l'exposiez, je voudrais essayer de décrire à nos auditeurs
12:51 à quoi ressemble un tableau miroir.
12:53 C'est une surface en acier poli dans laquelle se reflète, vous vous reflétez, et vous
13:00 y apposez dessus, c'est soit une peinture, soit une photographie, une impression.
13:05 Et ce qui fait qu'il y a un personnage dans ce tableau, mais que le spectateur qui regarde
13:10 le tableau fait lui aussi partie de l'œuvre.
13:13 Je voudrais savoir comment vous est venue cette idée qui paraît tellement simple et
13:17 qui pourtant a été révolutionnaire.
13:19 - Vous voyez, moi je cherchais mon identité.
13:22 Je parle des années 50, quand justement je disais que l'artiste était libre de trouver
13:28 son identité.
13:30 Et moi j'ai cherché mon identité et puisque j'ai une culture qui vient du passé, qui
13:36 est la culture de la représentation de l'image, j'ai vu que la seule possibilité pour me
13:45 reconnaître était de me regarder dans le miroir et de faire un autoportrait.
13:51 L'autoportrait, c'est un élément de l'art qui traverse l'art du passé.
14:00 Mais moi, je n'ai pas accepté seulement de repeindre ma figure sur une toile, mais de
14:07 transporter même le miroir sur la toile, de transformer la toile en miroir.
14:13 Donc le miroir qui a toujours été à côté de la toile pour me permettre de me voir est
14:21 devenu l'œuvre d'art.
14:22 - La toile elle-même.
14:23 - Alors l'œuvre d'art, c'est-à-dire l'œuvre d'art.
14:26 Mais ce n'était pas parce que j'ai mis le miroir comme un objet trouvé.
14:31 C'est que je suis parti du fond, du fond or, du fond de la figure.
14:37 C'était toujours là comme portrait.
14:39 Mais derrière moi, qu'est-ce qu'il y avait ? Il y avait un paysage ? Non, il y avait
14:45 un fond qui était or.
14:48 Mais l'or était déjà dans les icônes byzantines.
14:52 Vous savez, ça a toujours été là comme un fond qui inspirait la transcendance.
15:00 Et après j'ai fait le fond argent.
15:05 Et un jour j'ai fait un fond noir avec une vernis très très brillante qui a commencé
15:12 à miroiter ce qu'il y avait devant.
15:16 - Vous avez aperçu votre reflet.
15:17 - J'ai perçu mon reflet.
15:19 Mais je me suis rendu compte que c'était vraiment miroitant ce fond, du moment que
15:25 j'ai commencé à peindre ma figure dessus.
15:28 Et j'ai vu que cette figure prenait distance de tout ce qu'il y avait derrière.
15:33 Et tout ce qu'il y avait derrière était l'existant, était l'espace et le temps.
15:39 Donc le travail n'était plus seulement bidimensionnel, c'est-à-dire à deux dimensions,
15:44 la hauteur et la largeur, mais c'était quadridimensionnel, c'était la dimension
15:49 du temps.
15:50 Le temps qui commençait à bouger et les gens, le spectateur qui devenait partie de
15:56 l'œuvre.
15:57 Je n'étais plus seulement moi-même le personnage unique, universel.
16:06 C'était l'univers fait par tout le monde.
16:09 Et c'est pour ça que je m'intéresse à la politique.
16:12 Parce que la politique, c'est la police, c'est la quantité, c'est l'humanité.
16:18 Et donc il faut maintenant se mettre ensemble et créer.
16:21 Puisqu'on est tous dans le même tableau, dans la même œuvre d'art, on doit faire
16:25 tous ensemble une nouvelle œuvre d'art.
16:28 C'est la création commune, c'est la société nouvelle.
16:31 Je vous cite "Le miroir renvoie directement à l'autoportrait.
16:35 J'ai donc commencé à faire de la restauration à 14 ans avec mon père.
16:38 Mes premiers tableaux furent d'ailleurs des autoportraits dont les fonds unis, monochrome
16:42 et brillant, annonçaient le miroir.
16:44 Le vrai changement est de passer de l'autoportrait classique de l'artiste à l'autoportrait
16:49 collectif des spectateurs qui se reflètent dans l'œuvre de façon infinie.
16:53 L'artiste n'est plus seul dans la toile, comme par le passé.
16:56 Il y avait tout le monde avec moi.
16:58 C'est devenu un autoportrait du monde entier."
17:01 Un autoportrait qui change à chaque fois qu'il est vu par un spectateur différent,
17:08 à chaque époque.
17:09 En fait, il n'a presque pas d'identité, presque pas d'âge ce tableau.
17:14 Oui, mais il y a toujours une image fixée, posée sur le fond réfléchissant.
17:23 Et cette image est prise par une photo.
17:27 Ce n'est plus seulement de la peinture faite à la main.
17:31 C'est la photo qui permet de fixer un instant qui, dans le fond miroitant, passe.
17:43 Ce qu'on voit dans le miroir n'existait pas avant, existe un instant et n'existe plus.
17:49 Il y a un autre instant, une autre image.
17:51 Les images ne sont jamais les mêmes.
17:53 Mais je fixe une image qui est toujours la même.
17:56 Cette image que j'ai fixée, prise par la photo, a empêché cette image de passer,
18:02 le rang perpétuel qui reste là, avec les choses qui changent, avec la situation nouvelle.
18:10 Et alors cette image, c'est la mémoire.
18:14 C'est quelque chose qui va rester.
18:16 Un jour, on verra ce qui sera présent dans le tableau,
18:22 mais en même temps, la mémoire du moment quand j'ai fait le tableau.
18:27 Les deux se conjugueront donc.
18:30 Vous avez fait exactement l'inverse de ce que font la plupart des visiteurs des musées aujourd'hui,
18:34 c'est-à-dire des selfies devant les tableaux, moi à côté de l'œuvre,
18:38 là avec vous, c'est moi dans l'œuvre.
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20:17 Bienvenue au Club sur France Culture, nous sommes avec Michelangelo Pistoletto,
20:21 peintre et sculpteur, un des pionniers de l'artépovéra,
20:25 dont les œuvres sont exposées dans les plus grands musées du monde, au MoMA à New York,
20:29 au Guggenheim, et également dans un musée que nous connaissons bien ici, en France,
20:34 la plus ancienne, la plus vénérable, la plus grande, la plus respectable des institutions muséales,
20:40 peut-être même du monde, le Louvre, où vous avez été exposé,
20:44 et dans lequel vous faites une série de conférences.
20:48 En ce moment, la première avait lieu le 27 avril, les prochaines seront le 4 et 11 mai,
20:53 dans le cadre des leçons d'artistes, qui est un nouveau cycle à l'auditorium.
20:56 Michel Laclote, je voulais savoir, qu'est-ce qu'un artiste qui a toujours voulu faire sortir l'art de l'atelier,
21:03 faire vivre l'art dans la rue aux gens directement, va faire dans cette institution vénérable qu'est le Louvre ?
21:09 - On pourrait dire que le Louvre est un chemin qui vient de très loin, qui ramasse toute l'histoire,
21:20 et donc c'est une voie que je vois, même dehors de mon atelier, comme si c'était mon atelier.
21:30 Vous voyez, c'est un retour à l'atelier, parce que quand je mets une figure figée sur le miroir,
21:39 je fais un acte historique, je pose une mémoire de quelque chose qui existait et qui reste,
21:51 qui reste pour toujours. Le Louvre est une série d'œuvres miroitantes avec la mémoire dedans.
22:01 Parce que les gens qui ont visité le Louvre dans le temps étaient des spectateurs,
22:07 comme les spectateurs d'aujourd'hui, et il y aura des spectateurs demain.
22:11 Les spectateurs sont les mêmes personnes qu'on voit dans le miroir, les êtres vivants,
22:17 mais qui, traversant le tableau miroir et traversant le Louvre, vivent la mémoire du passé.
22:25 Donc le phénomène mémoire est très important. On n'aura pas de futur sans savoir ce qu'on a été
22:33 et ce qu'on a fait, mais surtout il faut dire que c'est l'art qui traverse tout ça,
22:39 parce que ce que nous voyons au Louvre, c'est fait par les artistes, ce sont des sculptures,
22:45 ce sont des peintures, ce sont des œuvres aussi, des objets, des objets artisanaux,
22:50 mais artistiquement faits. Donc c'est l'art qui traverse l'histoire, et ça c'est très important.
22:57 Et mon travail, étant un artiste, devient maintenant une sorte de passage à travers le passé,
23:10 pour aller vers le futur, parce que sans une connaissance du passé, on n'a pas de futur.
23:16 Mais le miroir nous montre ce que nous avons devant nous, le futur bien sûr,
23:21 mais en même temps on voit ce qu'on a derrière nous dans le miroir, donc c'est le passé.
23:26 - Vous dites que l'art est au centre, que l'art est nécessairement politique.
23:30 Alors quelle est la place du musée, quel est le rôle du musée, si justement l'art est au centre et est politique ?
23:36 - Je pense que le rôle du musée est celui de donner une conscience à la société,
23:44 de faire qu'il soit une sorte de laboratoire de la pensée, pas seulement quelque chose à garder,
23:53 mais quelque chose à rendre vivant. C'est ça qui est important.
23:57 Et je crois qu'aujourd'hui, aussi, comme école, il devrait être une école, une école de la pensée nouvelle,
24:07 à travers tout ce qu'on a fait. Parce qu'on a dans le passé tellement de belles choses qu'on a faites,
24:14 merveilleuses, mais on a fait des choses folles, des choses monstrueuses.
24:19 Alors il faut prendre le monstre et la vertu et les mettre en relation pour trouver une troisième situation qui n'existait pas.
24:29 - C'est ce que vous appelez le troisième paradis ?
24:33 - Le troisième paradis, parce qu'on a le premier paradis, celui de la nature, dans lequel on était totalement intégrés dans la nature,
24:41 et le deuxième paradis est celui artificiel qu'on a créé et qu'on a amené aujourd'hui à des dimensions énormes
24:49 qui sont en train de dévaster la nature. Donc il faut trouver un troisième paradis qui est celui qui met en équilibre nature et artifice.
24:59 - Merci beaucoup Michelangelo Pistoletto. Merci vraiment infiniment d'avoir été notre invité.
25:04 Je rappelle donc votre cycle de conférences au Louvre qui les deux prochaines se dérouleront les 4 mai à 19h, les 11 mai à 19h.
25:12 Vous trouverez toutes les informations évidemment sur le site du Louvre, ce sont les leçons d'artistes, un cycle à l'auditorium.
25:18 Michel Laclote, merci beaucoup Michelangelo Pistoletto. - Merci à vous, merci à tout le monde.
25:22 - Et merci à toute l'équipe de Bienvenue au club.
25:24 Anouk Delphineau à la programmation, Sacha Mattey et Laura Dutèche-Pérez à la préparation, Félicie Fauger à la réalisation et Noé Chaban à la prise de son.

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