• l’année dernière
Transcription
00:00 *Générique*
00:19 Dans l'actualité, on évoque régulièrement le Liban pour décrire la crise politique et économique que traverse le pays.
00:25 Le gouvernement est démissionnaire, le parlement n'arrive toujours pas à élire un nouveau président pendant que la population, qui le peut encore, fuit le pays ou subit de plein fouet cette crise économique.
00:35 80% de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté.
00:39 Un nouvel épisode d'une longue histoire, histoire mouvementée, que l'on va essayer de dessiner ce midi en s'intéressant à sa capitale, Beyrouth.
00:48 Quelle est cette ville ? Qui sont ses habitants ? Comment s'est-elle construite ? De quelle mixité parle-t-on à Beyrouth ?
00:54 Pour répondre à ces questions, imaginons un échange entre deux écrivains.
00:58 Nous avons mobilisé la communauté du Book Club.
01:00 C'est Amélie qui vit à Beyrouth et qui va chapitrer cette émission avec ses conseils de lecture jusqu'à 13h30 plongée dans la capitale libanaise.
01:08 * Extrait de l'émission *
01:38 * Extrait de l'émission *
01:48 * Extrait de l'émission *
02:15 * Extrait de l'émission *
02:24 Beyrouth, chantée par la diva libanaise Feruz.
02:27 Beyrouth, où l'on accueille en direct Sharif Majdelani.
02:30 Bonjour.
02:32 - Bonjour Nicolas.
02:33 - Merci d'être avec nous.
02:34 Vous êtes romancier libanais de langue française, auteur de 7 romans que vous avez publiés aux éditions du Seuil.
02:39 Chez Acte Sud, vous avez également publié Beyrouth 2020, journal d'un effondrement.
02:44 Et aux éditions Bayard, vous nous présentez aujourd'hui ce récit intitulé "Mille origines".
02:49 Avec un constat dur, vous le dites, le Liban représente aujourd'hui un état devenu, et je vous cite,
02:55 "le symbole absolu de la mauvaise gouvernance et du désastre écologique, économique, politique de notre époque".
03:02 Ce n'est pas facile comme constat, Sharif Majdelani.
03:06 - C'est le constat élémentaire qu'on peut faire dans un pays qui a été gouverné pendant 30 ans par une caste et une oligarchie d'hommes politiques issus de la guerre.
03:13 Donc qui ont gouverné le pays dans une logique de clan, de mafieux, et qui évidemment au bout de 30 années ne peut que nous faire aboutir à la catastrophe.
03:20 Une catastrophe généralisée, comme je le dis.
03:22 Effectivement, il n'y a pas un secteur qui soit épargné par cette espèce de mauvaise gouvernance.
03:28 Il n'y a pas d'autre terme, mauvaise gouvernance liée à la corruption, au clientélisme, et à ce qu'on appelle la kleptocratie en fait.
03:35 Le fait d'avoir volé et pillé les ressources de l'État.
03:38 - Alors on ne va pas que aborder la situation d'aujourd'hui, on va faire aussi de l'histoire.
03:43 Puisqu'on veut ensemble dresser le portrait de Beyrouth, et vous le faites, Sharif Majdelani, dans votre livre à travers une galerie de personnages et de témoignages,
03:52 nous avons convié pour échanger avec vous Daniel Rondeau. Bonjour.
03:55 - Bonjour Nicolas.
03:56 - Vous êtes académicien.
03:56 - Bonjour Sharif.
03:58 - Robancier, diplomate et aussi grand voyageur.
04:01 On va vous faire évidemment discuter, échanger.
04:03 Vous publiez, Daniel Rondeau, aux éditions Stock, « Beyrouth Sentimentale 1987-2022 », le récit de 35 ans de rencontres justement avec un pays, une ville et différents personnages.
04:16 Alors vous parlez du poète Salas Tétié, de Ferrouz qu'on a entendu il y a quelques minutes, le général Aoun.
04:24 Vous dites, Daniel Rondeau, avoir toujours entendu Beyrouth vous parler. Qu'est-ce que ça veut dire ?
04:31 - Ça veut dire que j'ai une passion pour Beyrouth depuis mon enfance.
04:38 Passion qui a été confortée par la lecture, quand j'étais adolescent, de tous les écrivains français qui ont fait le voyage en Orient et le voyage au Liban.
04:48 Et puis par ailleurs, je pense qu'il y a des villes sur la carte du monde dont les noms eux-mêmes vous envoient des signaux très particuliers.
04:58 Ce sont des villes qui sont à la confluence de plusieurs aventures.
05:05 L'aventure humaine, l'aventure historique, l'aventure géographique et l'aventure des mots.
05:10 Je pense par exemple à Alma-Hatta, Valparaiso, Zanzibar.
05:14 Et Beyrouth, pour moi, s'est inscrite très tôt dans cette panoplie de villes qui m'attiraient, qui me parlaient.
05:25 Donc j'ai lu tout ce que je pouvais lire quand j'étais adolescent sur le Liban.
05:30 Et puis ensuite, j'ai commencé à pèleriner en Méditerranée, tout autour de la mer, en écrivant sur des villes, Tanger, Carthage, Istanbul.
05:42 Et naturellement, Beyrouth a été une des villes qui m'ont toujours appelé.
05:52 - J'imagine, Charif Majdani, que vous, qui êtes né à Beyrouth, vous comprenez cet attachement de Daniel Rondeau à cette ville ?
05:59 - Je comprends, bien sûr, je comprends. C'est une ville qui a toujours fonctionné dans l'imaginaire des gens.
06:04 Alors évidemment, quand on est à Beyrouth et qu'on en voit les défauts, les lacunes, tous les problèmes qu'elle génère,
06:09 on est toujours un peu étonné de cette espèce d'aura qu'a cette ville vue de l'extérieur.
06:14 Mais nous-mêmes, on en sort. Du coup, on est touché par cette espèce de fascination et donc on a envie d'y revenir.
06:21 Mais quand on est dedans, c'est tellement complexe et particulier, et parfois dur,
06:26 qu'on ne comprend pas toujours pourquoi ça fascine tellement.
06:28 Et dès qu'on sort, on comprend, parce que c'est effectivement une ville, comme le disait Daniel,
06:32 extrêmement fascinante par les nombreux aspects et ce feuilletage de choses qui sont intéressantes en elle.
06:41 - Et vous le dites, puisque vous l'avez fait, ce mouvement de sortir et de revenir, puisque vous êtes né à Beyrouth, je l'ai dit.
06:47 Vous avez étudié au lycée français, vous avez beaucoup voyagé et vous nous racontez d'ailleurs aussi dans "Mille origines",
06:53 à chaque fois que vous retrouvez votre Beyrouth.
06:56 Mais ce qui m'a beaucoup marqué, il y avait une sorte d'écho entre vos deux écrits sur votre arrivée, l'arrivée à Beyrouth.
07:04 C'est une ville où vous dites, j'arrive majeure année, on n'entre pas, car on y est tout de suite de plein pied quand on sort de l'aéroport.
07:12 - Oui, ça, c'est une chose assez particulière.
07:13 Dans toutes les villes du monde, même les plus déshéritées, les plus pauvres, ont un aéroport un peu en dehors de la cité
07:20 et qui est une sorte de vitrine, souvent fautive, souvent un peu illusoire,
07:24 et qui donne l'impression qu'on arrive dans un pays civilisé.
07:26 Puis la route qui mène vers la ville elle-même est toujours très entretenue.
07:29 C'est généralement peut-être la seule artère entretenue dans certaines villes.
07:32 Et après, on arrive dans la réalité de la cité.
07:35 À Beyrouth, la ville a tellement grandi de manière anarchique, à cause notamment de la dérégulation du temps de la guerre civile,
07:41 que la ville a touché l'aéroport.
07:43 La ville commence à 100 mètres de l'aéroport.
07:46 Dès qu'on sort de l'aéroport, on est déjà dans la ville,
07:48 et pas nécessairement dans sa partie la plus belle,
07:51 puisque ce sont les bidonvilles, ce sont les squats qui ont été construits au fur et à mesure.
07:55 Donc effectivement, on est en plein dedans dès qu'on arrive, et ça, c'est vraiment quelque chose de très particulier.
07:59 - Vous, Daniel Rondeau, en 1987, si je ne dis pas de bêtises, vous arrivez à Beyrouth en bateau, depuis Chypre.
08:06 C'est quoi vos premières impressions ?
08:09 - Non mais, mes premières impressions, c'est Beyrouth.
08:12 Il nous parle avant qu'on touche le territoire libanais, le sol libanais.
08:16 À ce moment-là, tous les Libanais, tous ceux qui voulaient se rendre à Beyrouth, étaient forcés de prendre le ferry,
08:23 parce que l'aéroport avait été bombardé, n'était plus en état de service.
08:26 Donc, on prenait des ferries à Limassol, à Chypre.
08:29 Il y avait deux ferries qui travaillaient en permanence.
08:34 Je me souviens de l'Empress.
08:38 Et dès qu'on mettait le pied sur ce ferry, on était encore dans les eaux territoriales chypriotes,
08:46 mais dès qu'on mettait le pied sur ce ferry, on était à Beyrouth.
08:50 À la fois parce que tous les passagers étaient majoritairement des Libanais,
08:57 donc avec leur charme, leur distinction.
09:01 Vous évoquiez tout à l'heure en disant "mais qu'est-ce qui attire dans cette ville ?"
09:05 Moi, ce qui m'a vraiment attiré à Beyrouth, plus que les pierres, je n'ai pas la beauté des pierres, vous vous en doutez,
09:13 mais c'est l'intelligence, la fantaisie, la culture et le courage des gens qui vivent là.
09:24 Et sur ce bateau, ils étaient comme des réfugiés.
09:27 Ils ont pris l'avion, il y en a qui sont âgés, ils s'écroulent dans des fauteuils, ils vont chercher à boire.
09:33 Et puis petit à petit, il y a une chanteuse qui apparaît avec des joueurs de houdes
09:41 et une ambiance extraordinaire qui s'installe sur ce bateau en pleine mer.
09:45 Extraordinaire. Les musiciens pincent à leurs cordes,
09:51 c'est comme s'il y avait des colibris mélancoliques qui s'échappaient de leur instrument.
09:56 Et cette jeune femme se met à chanter et sa première chanson, c'est Louvnan, le Liban.
10:04 Et elle dit "c'est mon pays", elle commence comme ça.
10:06 Donc, alors c'était déjà... Tout à l'heure, Sharif disait "ça fait 30 ans que..."
10:10 Bon, moi je dirais "ça fait 60 ans".
10:12 Parce qu'en fait, dès l'instant où les Libanais ont commencé à perdre leur souveraineté,
10:17 parce qu'ils vont être pris entre deux dans un conflit israélo-palestinien, puis il y a les Syriens de l'autre côté,
10:22 dès l'instant où ils commencent à perdre leur souveraineté, ils vont commencer à souffrir.
10:27 L'État va se déliter, les institutions ne fonctionnent plus,
10:31 et une économie de guerre s'installe, tenue par ces milices et les chefs mafieux que l'on connaît bien.
10:37 Donc, sur ce bateau, on voit déjà tout, parce que les gens, qui étaient fatigués,
10:43 se redressent sur leurs fauteuils, se lèvent, s'approchent, commencent à parler,
10:47 et c'est absolument extraordinaire.
10:48 Et vous racontez comme vous allez veiller, ou en tout cas vous réveillez tôt, pour voir les côtes apparaître.
10:54 Ah bah oui, je ne voulais pas rater ça !
10:56 Il ne fallait pas rater, évidemment, cette arrivée à Beyrouth.
10:59 Beyrouth, qui est le personnage principal de nombreux romans, et Amélie nous parle de son premier coup de cœur.
11:06 Dans "Les vies de papier" de Rabia Alameddine, il y a deux héroïnes.
11:12 Alia, une femme de 70 ans, divorcée, sans enfant et ancienne libraire, et Beyrouth.
11:18 Alia dit d'ailleurs que Beyrouth est l'Elisabeth Taylor des villes.
11:21 Démentes, magnifiques, vulgaires, croulantes, vieillissantes, et toujours en plein drame.
11:26 Une ville qu'il n'aura pas ménagée, mais qu'elle n'a pourtant jamais quittée.
11:30 Et tant mieux pour nous, puisque "Les vies de papier", c'est une vraie invitation à nous promener,
11:35 à explorer avec Alia, tout à la fois son passé et la ville.
11:39 Alors on va découvrir le musée national, les rues animées, le trafic pour le moins agité, les camps palestiniens.
11:45 Et ce roman permet aussi d'évoquer les difficultés de la vie pendant la guerre.
11:49 Les tirs de mortier, le peu d'approvisionnement en eau, l'électricité, la faim.
11:53 Le tout avec vraiment beaucoup d'humour.
11:55 Sans compter que c'est une magnifique ode à la littérature et à l'amitié féminine,
12:00 et un très beau livre sur la condition des femmes au Liban.
12:03 * Extrait de "Les vies de papier" de Rabih Alameddine *
12:19 - Avgank qui chante Beyrouth donc, et Amélie qui nous conseille "Les vies de papier" de Rabih Alameddine.
12:25 Charif Majdelani, vous nous racontez dans "Mille origines" comment on peut découvrir Beyrouth.
12:30 Et vous dites d'abord peut-être à hauteur d'homme en s'immergeant dans le quotidien de ses habitants.
12:36 - Oui, c'est un peu ce que disait Daniel tout à l'heure.
12:39 C'est une ville qui fut sans doute extrêmement belle.
12:43 A un moment donné, paraît-il, on l'a traité de ville jardin.
12:45 Et ça fait beaucoup rigoler aujourd'hui parce qu'il n'y a plus beaucoup de jardins.
12:48 Alors que toutes les maisons en avaient un avec le fameux bassin et plusieurs orangés et citronniers.
12:52 Tout ça n'existe plus parce que ça a été très bétonné.
12:54 Puis il y a une espèce d'énorme spéculation immobilière qui a abîmé tous ses alentours.
12:59 Puis qui a grignoté les montagnes autour.
13:01 Donc esthétiquement, ce n'est plus une ville très belle où on peut poser le regard.
13:06 Mais ce qui est surtout fascinant et c'est ça qui intéresse tout le monde,
13:09 c'est l'homme, les humains, la façon de se comporter, leur variété, leur différence.
13:16 La façon qu'ils ont de vivre ensemble ou de ne pas vivre ensemble aussi.
13:19 Tout cela, évidemment, c'est ce qui est passionnant dans cette ville.
13:22 Et qui fait qu'on ne peut comprendre et découvrir qu'en s'immergeant dedans.
13:27 On a la rencontre des gens, les écoutant parler, en les regardant vivre.
13:30 Malgré l'assez monstrueuse laideur de l'environnement urbain.
13:36 Cette monstruosité a quelque chose de fascinant.
13:39 J'ai beaucoup d'amis qui arrivent à Beyrouth et on est toujours un peu embarrassés
13:45 à ne pas pouvoir leur montrer quelque chose de vraiment joli au sens classique du terme.
13:51 Ce sont de beaux bâtiments, des palais, etc.
13:53 Alors qu'il y en a, bien entendu, mais ils sont noyés dans l'urbanisme.
13:55 Ils trouvent ça quand même extraordinairement beau par la violence d'une laideur
14:01 qui finit par devenir extraordinairement fascinante aussi.
14:04 Daniel Rondeau, je vois réagir.
14:06 Je suis d'accord avec Charif, bien sûr.
14:09 Le poète Adonis explique quand il arrive à Beyrouth,
14:16 ce qui le surprend, c'est la vie à Beyrouth.
14:21 Ce ne sont pas les bâtiments.
14:23 Ce sont déjà... Bon, c'était mieux que maintenant.
14:26 Mais ça commence à décliner.
14:29 Mais non, ce qui va le surprendre, c'est la culture.
14:33 C'est la force de l'intelligence.
14:37 C'est cette façon de vouloir travailler, de construire des choses en permanence,
14:43 y compris dans tous les domaines, et dans le domaine intellectuel.
14:46 Il dit que c'est une ville verticale.
14:48 Il dit que les autres villes arabes aujourd'hui sont maintenant horizontales.
14:53 Elles sont aplaties.
14:55 Beyrouth continue à se dresser.
14:57 Il fait même des reproches à Paris, je ne sais pas si vous avez vu.
15:00 Il n'a pas forcément tort.
15:02 Mais ce qui est formidable aussi à Beyrouth, avec les gens, c'est la lumière.
15:08 C'est-à-dire qu'à chaque époque de la vie de tous ces Libanais,
15:14 ils ont été la proie de dépressions graves, proches du renoncement,
15:21 ou prêts à partir où ils partaient.
15:23 Mais quand la lumière déferle le matin sur cette ville,
15:26 on a l'impression que tout repart et que tout est possible.
15:30 Donc ce mélange d'une humanité joyeuse, perspicace, intelligente, sage,
15:37 je dis qu'ils ont une sorte de position oblique par rapport au monde,
15:41 souvent la position du poète, la position oblique,
15:44 parce qu'en fait ils ont beaucoup appris de leur histoire.
15:48 Ils ont appris à survivre.
15:50 Ils ont appris aussi un certain sens du compromis, sans renoncer à ce qu'ils sont.
15:57 Et ça leur donne une forme d'intelligence supérieure que moi j'admire et que j'envie.
16:05 Je pense que parfois on aurait besoin de cette position oblique qui est celle des Libanais.
16:11 C'est pour ça que vous citez à plusieurs reprises le poète et écrivain libanais Salas Tetié,
16:15 qui lui ne parle pas de métissage, pour parler de la population de Beyrouth et de la population du Liban,
16:21 mais de tissage.
16:23 Oui, bien sûr. Salas Tetié c'est le grand poète que l'on connaît.
16:27 C'est un merveilleux artisan en fèvre de la langue française.
16:31 C'est ça aussi. Ça nous permet de parler aussi.
16:34 Ce qui peut surprendre aussi les Français ou les étrangers qui débarquent à Beyrouth,
16:39 c'est la façon dont les Libanais utilisent notre langue,
16:45 avec une poésie simple et naturelle, efficace.
16:50 Et c'est aussi leur culture.
16:52 Vous débarquez à Beyrouth, vous rencontrez Salas Tetié, le pauvre.
16:57 Il a disparu depuis plusieurs années.
17:00 Je suis retourné à Beyrouth pour la dernière fois en décembre.
17:03 Le soir de mon arrivée, de façon impromptue, je rencontre cinq personnes dans un restaurant.
17:09 Et immédiatement, c'est une conversation qui se met en route,
17:13 qui est une conversation qui va mélanger à la fois l'histoire, la poésie, la vie quotidienne, l'humour, l'ironie sur soi.
17:22 Et c'est quelque chose de typiquement libanais.
17:25 - Et Charif Mahdani, j'imagine évidemment que vous êtes d'accord.
17:29 Vous êtes en plus à la tête de la Maison internationale des écrivains à Beyrouth.
17:33 Vous avez fait vos études au lycée français.
17:36 Donc cette langue française, c'est celle dans laquelle vous vous exprimez le mieux, dans tous les sens du terme exprimé ?
17:43 - C'est la langue dans laquelle je m'exprime, quasi exclusivement.
17:47 Je suis d'accord, évidemment.
17:49 Maintenant, chez Daniel, il y a aussi quelque chose qui fait partie de la manière avec laquelle
17:52 on a toujours parlé de Beyrouth et du Liban.
17:55 Il y a quand même une forme d'idéalisation, parce que...
17:59 Je dis ça exprès, je sais qu'il va sourire, mais parce que...
18:02 - Et il sourit !
18:03 - Bien sûr.
18:05 Tout le monde ne parle pas français au Liban.
18:07 - Non, bien sûr, c'est pas du tout ça.
18:08 - Beaucoup de gens ne parlent plus à Beyrouth, bien sûr.
18:10 Non, bien sûr, je dis simplement...
18:11 Et il y a aussi beaucoup de gens qui n'ont pas beaucoup de culture, qui sont là.
18:15 Mais ça, c'est pas très grave.
18:16 Nous sommes tout à fait d'accord sur ce qu'il a dit par ailleurs.
18:19 Mais ce sur quoi, aussi, je reviendrai peut-être, c'est le fait que cette capacité à rebondir,
18:24 à accompagner, à savoir gérer les difficultés pour continuer,
18:28 c'est évidemment ce que le monde entier nous envie,
18:31 et qui, en même temps, est un obstacle terrible à la véritable révolte, finalement,
18:36 et au soulèvement contre les faits accomplis, contre les mafieux qui nous gouvernent.
18:41 Et ça aussi, c'est peut-être quelque chose qui est très bien,
18:44 parce qu'un peuple ne peut pas continuer après tant de calamités qui se succèdent
18:48 sans cette capacité à s'adapter.
18:50 Mais la capacité extrême à s'adapter, qui est devenue notre caractéristique,
18:54 nous empêche, en définitive, de ne plus pouvoir s'adapter,
18:57 ou ne plus vouloir s'adapter, et dire non, maintenant, ça suffit,
19:00 on casse tout et on recommence sur d'autres bases.
19:03 Ça, c'est une chose...
19:04 Donc, tout est un petit peu oblique, je dirais.
19:08 Il y a effectivement une grande culture,
19:11 c'est évidemment une ville où il y a énormément de gens qui parlent beaucoup de langues.
19:14 Pas seulement le français, on parle le français, l'anglais, l'arménien,
19:17 on parle divers dialectes arabes.
19:19 Oui, bien sûr, le portugais, parce qu'il y a beaucoup de migrés qui viennent du Brésil.
19:24 Et en même temps, effectivement, tout cela draine un nombre considérable de cultures,
19:28 de traditions, et tout ça se mélange, c'est évident.
19:31 Mais en même temps, par ailleurs, il y a aussi des conflits,
19:34 les gens ne se supportent pas les uns les autres.
19:36 Donc, il n'y a jamais ni noir ni blanc, c'est les deux ensemble,
19:40 et c'est finalement ça qui reste passionnant dans Beyrouth.
19:42 Dans cette complexité que vous venez de décrire,
19:47 s'ajoute évidemment la complexité religieuse aussi,
19:51 et la multiplicité des religions, le mélange, le vivre ensemble,
19:56 cette mixité dont on parle.
19:58 Sharif Majdalani, votre livre est en grande partie fait de récits de vie
20:01 que vous présentez sous forme de monologue,
20:03 et j'aimerais que vous nous parliez de celui de Rawad,
20:06 qui finit par découvrir qu'il est musulman mais aussi juif,
20:10 alors qu'il se pensait chrétien,
20:12 et qu'il était d'ailleurs le meilleur élève au catéchisme à l'école.
20:17 - Ça, c'est le premier récit que j'ai mis dans la liste des 20 que j'ai écrit,
20:24 mais effectivement, c'est une histoire véritable de quelqu'un qui a...
20:27 Une histoire très compliquée, parce qu'il est d'un père qui est effectivement musulman,
20:30 mais qui a toujours vécu dans les quartiers chrétiens,
20:32 et qui a fait croire à ses enfants qu'ils étaient chrétiens,
20:35 qui a épousé une palestinienne chrétienne,
20:37 là c'est déjà aussi très compliqué, une palestinienne chrétienne,
20:39 qui a évidemment un rapport très particulier à l'Israël et aux Juifs,
20:43 parce qu'elle a été chassée de chez elle.
20:45 C'est très complexe déjà, ça entraîne des non-dits,
20:49 mais cette famille se pensait chrétienne, et le petit aussi,
20:52 jusqu'au jour où il découvre, de manière très drôle, que je raconte dans le livre,
20:57 qu'il est musulman parce que son père est musulman.
21:00 Du coup, il demande des éclaircissements, on lui raconte, on lui explique,
21:03 c'est très compliqué.
21:04 Et plus tardivement, il va finir par découvrir que ce n'est pas seulement là que ça s'arrête,
21:08 puisque son père en réalité avait une mère juive,
21:11 et donc que son père était juif, et donc d'une certaine manière lui aussi.
21:14 Et donc il est très fier de dire, c'est quelqu'un qui habite à Beo,
21:17 qui dit que je suis, et là du coup je résume,
21:20 les trois grandes religions antéistes, le christianisme, l'islam et la judaïté.
21:25 - Qu'est-ce que vous réagissez, Daniel Rondeau, sur cette histoire ?
21:30 Ça montre quoi de cette ville ?
21:32 - Non mais ça montre que le christianisme a 2000 ans au Liban.
21:40 Le Liban faisait partie de la terre à Santa, de la terre sainte.
21:43 Tirez Sidon, Jésus est passé par ces deux villes.
21:46 L'islam est arrivé, les juifs étaient là aussi, bien sûr,
21:53 avant les chrétiens même.
21:56 Mais puisque, à la présence de l'islam, il y a une fabrication par l'histoire,
22:03 par la tragédie, et aussi par des apports extérieurs.
22:11 Je pense que la France a joué un rôle dans la fabrication de ce petit Liban tellement fragile.
22:18 Il est devenu une exception dans le monde arabo-musulman.
22:25 Une exception en matière de liberté et de démocratie.
22:29 Je sais bien que la démocratie libanaise, elle est loin d'être parfaite.
22:33 Je sais aussi que nos démocraties à nous ne sont pas forcément proches de la perfection.
22:40 Mais en tout cas, sur ce petit territoire, ce tout petit pays,
22:45 c'était là que, par exemple, des savants musulmans pouvaient venir à la bibliothèque orientale
22:52 traduire, faire des exégèses du Coran qu'ils n'auraient jamais pu publier ailleurs.
22:57 Donc on a fabriqué une sorte d'espace où la liberté était plus proche pour tout le monde qu'ailleurs.
23:05 Et c'est cette liberté-là qui...
23:08 Liberté pour tout le monde, tous les pays du Moyen-Orient ont profité de cette liberté.
23:13 Tous les gens qui pouvaient venir, les Irakiens, les Égyptiens,
23:17 ils venaient tous se rafraîchir à Beyrouth, non seulement pour le plaisir,
23:23 pour les plaisirs qui pouvaient leur être interdits, mais aussi pour trouver cette liberté.
23:28 On va évidemment parler du rôle de la France dans le Liban et à Beyrouth en particulier,
23:32 mais on va d'abord écouter Amélie une nouvelle fois qui nous parle du roman de Beyrouth d'Alexandre Najar.
23:37 Le roman de Beyrouth d'Alexandre Najar, c'est une grande fresque historique qui retrace à travers l'histoire
23:47 d'une famille, des événements ayant secoué la ville et le pays de 1858,
23:52 alors que la région est encore sous occupation ottomane, jusqu'à l'année 2000.
23:56 Il me semble que c'est un roman qui permet de vraiment comprendre pourquoi Beyrouth est une ville en mutation permanente,
24:02 qui semble toujours prête à vivre dans l'urgence.
24:05 Mais le texte permet aussi de saisir des scènes de vie béroutines qui font écho à ce qui existe toujours
24:10 et à la situation politique qui n'est jamais simple, ou encore à la difficulté des communautés à vivre ensemble.
24:16 On imaginerait vraiment parfaitement une suite de l'histoire, avec les événements récents, la crise, l'explosion du port,
24:22 et toujours cette même idée finale que les Libanais sont toujours parés aux transitions subites et violentes,
24:29 mais ce qui ne les empêchera jamais d'aller de l'avant.
24:31 * Extrait de « Beyrouth » de Yannick Lambert *
24:50 « Beyrouth survivra », chanté par Youksak.
24:53 Parmi les scènes de vie béroutines que j'ai ressorties de vos deux livres,
24:58 Daniel Rondeau, d'abord, vous nous racontez votre rencontre avec le « blindeur de voiture ».
25:02 Qu'est-ce qu'il a de particulier, ce personnage ?
25:04 Qu'est-ce qu'il dit, ce personnage, aussi, de cette période que vous avez connue dans les années 80 ?
25:09 - Déjà, ça dit, ce blindeur, sa seule présence et sa seule réussite montrent bien que le Liban était une région
25:17 devenue dangereuse pour tout le monde, et que les attentats se multipliaient, les enlèvements.
25:23 D'autre part, c'est vrai que je l'ai un peu cherché, c'était un personnage énigmatique.
25:30 On m'avait dit qu'il existait, puis finalement, j'ai trouvé son garage,
25:33 qui était l'un de ses garages, puisqu'il y avait plusieurs garages, dans des sous-sols.
25:37 Et je suis tombé sur quelqu'un d'extrêmement sympathique qui m'a raconté sa réussite dans sa spécialité,
25:47 le blindage, comment il avait réussi, comment il vendait, comment il ne voulait pas aller plus loin.
25:51 Il avait des principes commerciaux assez étonnants, et il avait une sorte de bonhomie, de faconde.
26:00 Lui et sa femme, ils étaient deux, d'ailleurs, dans une petite entreprise,
26:03 il était devenu le blindeur de voitures de toutes les ambassades et de tous les miliciens, d'ailleurs.
26:10 - Dans votre récit, Chérif Majd El Hani, je retiens le changeur,
26:13 alors évidemment, ça fait référence à la situation économique actuelle.
26:17 - Oui, c'est devenu un personnage central de la vie quotidienne libanaise, le changeur,
26:24 c'est celui auprès de qui on change en permanence, parce qu'à un moment donné, au Liban,
26:29 on a deux monnaies, de toute façon, le dollar et la livre libanaises,
26:33 mais on a aussi des quatre ou cinq taux de change, et il faut s'y retrouver.
26:37 Un changeur est quelqu'un qui travaille dans ça, qui vous conseille, qui vous aide,
26:41 et qui, évidemment, étire beaucoup de bénéfices de ce travail.
26:43 Pendant longtemps, on allait chez le changeur, et à un moment donné,
26:47 ça devenait très compliqué, parce que les changeurs étaient toujours menacés,
26:50 donc ils fermaient leur boutique, et donc ils se transformaient en livreurs à domicile
26:54 de dollars ou de livres libanaises, donc on recevait le changeur chez soi.
26:57 C'était une assez cocasse situation, et même ce changeur, mon changeur,
27:03 a eu une histoire assez vraisemblable, il me racontait des anecdotes
27:06 sur le fait qu'il circulait en mobilette, je lui dis "mais en mobilette, c'est dangereux",
27:09 il me dit "pas du tout, parce qu'en voiture, si on est pris dans un embouteillage,
27:12 on va braquer plus facilement", alors qu'en mobilette, elle souffre au fil et elle file,
27:15 et un jour, évidemment, dans sa mobilette, il est rentré dans la porte d'une voiture
27:19 d'une femme qui ouvrait la porte de sa voiture, et c'est devenu sa femme,
27:22 quelque temps plus tard. Donc un changeur peut aussi être un générateur d'histoires
27:27 assez drôles, à part le fait de manipuler l'argent.
27:30 - Daniel Rondeau, vous racontez, vous aussi, les convois à toute vitesse
27:33 pour traverser l'aéroport, arriver jusqu'à l'ambassade de France.
27:36 Vous dites dans votre livre que vous n'avez jamais connu le Liban que sur le "qui-vive".
27:41 C'est cette urgence aussi, cette mutation permanente dont parlait Amélie,
27:46 il y a quelques minutes, il y a quelque chose d'urgent, d'intense, de très intense dans cette vie.
27:52 - Oui, l'intensité, vous avez raison. Je pense aussi que les Libanais,
27:56 ils ont cette capacité, c'est de chercher l'intensité de la vie.
28:00 Parfois, l'histoire leur procure trop de désastres intenses,
28:06 mais ils cherchent, quand ils sont en paix, quand ils ont quelques heures de paix,
28:13 ils cherchent à profiter entièrement de cette situation.
28:18 Donc, l'intensité, on a l'impression qu'on est toujours à paix par chaque instant,
28:25 par chaque jour à Beyrouth. Alors c'est vrai, on a parlé tout à l'heure
28:29 du fait que les gens ont cette capacité de résister, de rebondir toujours.
28:34 Je sais que Sharif pense exactement la même chose que moi.
28:37 Aujourd'hui, la situation s'est transformée.
28:41 Je crois que l'explosion du port, ça a été comme une sorte de coup de grâce
28:46 pour un certain nombre de Libanais, et qu'ils se disent, ce n'est plus possible,
28:52 on ne va pas y arriver et on va partir.
28:55 Je me souviens, vous avez peut-être vu la réflexion de Ferrouz,
28:59 la chanteuse extraordinaire qu'on a entendue en début d'émission,
29:06 qui dit en fait "la guerre c'était mieux".
29:11 Ce qui est une phrase absolument terrible.
29:14 C'est-à-dire, la guerre c'était mieux que cette délicatessence,
29:18 cette délicatessence générale de l'État, ces écoles fermées,
29:24 il y a des écoles qui ont été fermées, c'est les médicaments qui n'arrivent pas,
29:28 et ce retour, c'est l'argent maintenant qui gouverne tout,
29:31 l'électricité, les médecins.
29:35 Je crois qu'aujourd'hui, on est à un moment assez crucial
29:39 pour l'avenir du Liban, parce qu'effectivement,
29:42 beaucoup de Libanais, je les ai saisis pour la première fois,
29:47 en état de désespérance.
29:50 - Charif Majd El Hanis, cette explosion du port, c'était le 4 août 2020,
29:55 trois ans plus tard. Est-ce que vous aussi, vous voyez ce peuple libanais,
30:00 ces habitants de Beyrouth, quitter le pays ?
30:04 - Ils ont beaucoup quitté le pays après l'explosion,
30:07 beaucoup d'entre eux très précipitamment, parce qu'effectivement,
30:10 dans un état de choc, en se disant que c'était trop,
30:12 c'est vraiment la goutte d'eau, si j'ose parler de goutte d'eau,
30:14 qui vient de déborder le vase.
30:15 Beaucoup de ceux qui sont partis précipitamment, en fait, sont revenus,
30:18 parce qu'ils ont bien su que ce n'était pas faisable de cette manière.
30:21 Maintenant, il y a des gens qui quittent avec, après, mûres réflexions.
30:24 Mais comme toujours dans l'histoire de ce pays,
30:27 les gens qui partent, au bout d'un moment, sont repris par une forme de nostalgie,
30:31 par l'impression que finalement, on n'est jamais mieux que dans cette ville,
30:35 dans ce pays, malgré les crises, et qu'ils reviennent.
30:37 Donc il y a aussi un très gros mouvement de départ,
30:39 mais il y a aussi imperceptiblement un mouvement de retour.
30:42 Et ça se manifeste aussi particulièrement, maintenant, on y arrive en été,
30:46 il paraît qu'on attend 2 millions d'expats libanais qui rentrent au pays,
30:50 ce qui montre aussi qu'il y a encore une espèce d'attachement très fort
30:53 des gens pour ce pays, qui fait que parfois,
30:56 quand ils reviennent pour un été,
30:58 ils s'aperçoivent qu'ils ont envie d'y rester, et ils y restent.
31:00 Donc c'est vraiment un mouvement dans les deux sens.
31:02 Et c'est ça qui est étonnant, parce qu'après l'explosion, on s'est dit que c'était fini.
31:06 Il n'y avait plus rien à espérer de ce pays,
31:08 et les gens pensaient que le pays allait se vider irrémédiablement.
31:11 Pendant presque un an, c'était le cas.
31:13 Et là, maintenant, les gens compétents reviennent,
31:16 on recommence à travailler,
31:18 il y a de l'argent de nouveau qui circule,
31:20 donc il y a une espèce de renouveau du pays,
31:23 en dépit évidemment de la crise qui continue
31:27 et de la totale inertie de la classe politique.
31:31 Un mot justement sur un pays qui est attaché au Liban
31:34 et qui poursuit et qui essaye d'aider, c'est la France.
31:37 Emmanuel Macron s'est mis en avant aussi.
31:39 Il a nommé en envoyé personnel et spécial Jean-Yves Le Drian.
31:44 Quel lien très important de la France et du Liban ?
31:48 Qu'est-ce qu'on espère de cet engagement de la France au Liban ?
31:54 Daniel Rondeau pour conclure.
31:56 Déjà, la première chose que je puisse dire,
31:59 c'est qu'il me semble qu'aujourd'hui,
32:02 notre pays, la France, reste le seul pays
32:06 à essayer de faire des efforts,
32:09 à s'intéresser à ce qui se passe à Beyrouth
32:11 et à essayer de trouver une solution.
32:13 Ça ne veut pas dire qu'on y arrive.
32:15 Le président Macron est allé à Beyrouth
32:17 avec beaucoup d'énergie et d'engagement
32:20 et son passage à Beyrouth n'a pas porté ses fruits.
32:24 Aujourd'hui, on a vu par exemple,
32:27 il y avait un sommet de la Ligue arabe il y a quelques semaines,
32:30 le mot du Liban n'était même pas prononcé.
32:33 Donc on voit bien comment le Liban sortait brusquement
32:36 des esprits et des préoccupations.
32:38 Donc Jean-Yves Le Drian est un homme,
32:41 déjà, il a une qualité essentielle à mes yeux,
32:45 c'est qu'il aime le Liban et qu'il aime Beyrouth.
32:48 Donc il part avec une volonté,
32:51 avec une détermination.
32:53 Donc maintenant, c'est très compliqué.
32:55 La France a déjà proposé plusieurs plans
32:59 pour trouver un président,
33:02 en tout cas deux qui n'ont pas fonctionné.
33:04 Je pense qu'il y aura un troisième plan
33:06 qui va être proposé et j'espère que ça marchera.
33:10 - Merci en tout cas d'avoir dressé avec nous
33:13 ce portrait de Beyrouth, d'avoir parlé du Liban.
33:16 Merci beaucoup, Charif Majd El Hani, d'avoir été en direct
33:18 de la capitale libanaise.
33:20 Je rappelle votre récit "Mille origines"
33:23 qui paraît aux éditions Bayard.
33:25 Et merci à vous, Daniel Rondeau,
33:27 "Beyrouth, sentimentale" est disponible chez Stock.
33:29 - Merci Nicolas et Charif, à la semaine prochaine à Beyrouth.
33:33 - J'espère bien, à bientôt !
33:35 - Le rendez-vous est pris en direct sur France Culture.
33:38 Merci à tous les deux.
33:40 Je note que je n'ai pas été invité,
33:46 mais je vais essayer de voir si c'est possible de les rejoindre.
33:48 Dans un instant, on va écouter les 4 items de Charles Pantsic.
33:52 "Il existe, chez certains écrivains, une avarice abjecte.
33:56 Ils ne publient rien qui ne soit utile en termes d'argent,
33:59 de réputation, enfin, ce sont des stratèges.
34:02 Pas un moment d'abandon, pas une fantaisie.
34:05 Cela leur réussit parfois très bien.
34:07 On préfère généralement la fourmi à la cigale.
34:10 Pas moi.
34:11 Les cigales sont charmantes parce qu'elles sont généreuses.
34:14 Les écrivains cigales diffusent leur talent partout,
34:17 pour notre plaisir.
34:18 Ils réussissent même quand c'est par devoir.
34:21 Et ça n'est un d'écrire pour la presse ou la radio
34:24 quand on ne voudrait passer son temps que dans l'éternité.
34:26 Mais voilà, il faut gagner sa vie.
34:28 Et Scott Fitzgerald écrivit donc,
34:30 dans un magazine d'automobiles en 1924,
34:33 un reportage intitulé "La balade du Rossignol roulant".
34:37 Scott s'éveille.
34:38 Zelda entre dans la chambre en chantant.
34:41 Cela parle de l'Alabama.
34:42 Elle en rêve, l'Alabama et son pays natal.
34:45 Ils habitent le Connecticut, ils ont, lui, 24, elle, 20 ans.
34:50 Scott, prépare-toi, nous partons pour Montgomery.
34:53 L'inconvénient est qu'ils ont acheté leur voiture
34:56 sans rien y connaître.
34:57 Elle tombe en panne tout le temps,
34:59 d'où son surnom de Rossignol roulant.
35:02 Quand elle ne tombe pas en panne, les Fitzgerald s'égarent.
35:05 Ils ne savent pas lire les cartes routières.
35:07 Cela ne les empêche pas de rire, ni Zelda de chanter.
35:11 Ah, les chansons !
35:13 Une des grandes trouvailles de Fitzgerald.
35:15 Il a été le premier à citer dans ses écrits
35:17 ces airs qui accompagnent nos vies,
35:20 qui les accompagnaient de plus en plus
35:22 grâce à de nouveaux instruments
35:24 qui s'appelaient la radio, qui s'appelaient les disques.
35:27 À Philadelphie, un pneu éclate.
35:29 Lorsqu'ils arrivent à Washington,
35:31 le pneu qu'ils viennent de changer s'échappe avec la roue.
35:33 Elle finit par coûter cher, cette voiture.
35:36 Les voici dans le sud.
35:38 Fredericksburg, Richmond.
35:40 On quitte la Virginie, voici la Caroline du Nord.
35:42 Fonçons ! 75 à l'heure, folie !
35:45 Amande ! Un autre pneu crève, plus un sou.
35:48 Ouf ! On approche de Montgomery.
35:50 Ils couchent à l'hôtel, réveil à 4 heures.
35:53 Nous nous levâmes, heureux comme deux enfants un matin de Noël.
35:57 Cette phrase, ce sentiment, c'est tout Fitzgerald.
36:00 Ces livres sont la recherche de cet état d'esprit,
36:03 ou plutôt de cœur, ce moment délicieux que l'on ne retrouve jamais.
36:06 Montgomery, enfin, il ne trouve pas les parents de Zelda.
36:09 Voulant leur faire une surprise,
36:11 ceux-ci sont partis pour le Connecticut.
36:13 Ce charmant récit, où Fitzgerald a mis des parties fictives,
36:17 montre quelque chose qui lui était propre
36:20 et assez nouveau dans la littérature américaine.
36:22 L'absence de ventardise.
36:24 Il sait sourire, ne craint pas de se montrer dans des positions quotidiennes.
36:28 Ah ! Ce n'est pas cette brute inquiète d'Hemingway
36:31 qui se serait montrée de manière aussi souple.
36:33 Les 4 items de Charles Dindiga, à écouter sur franceculture.fr
36:37 et sur l'appli Radio France,
36:39 où vous pouvez également réécouter tous les book clubs
36:42 que nous avons réalisés cette année
36:44 et qui ont été préparés par cette équipe formidable,
36:46 que je remercie Oriane Delacroix, Zora Vignier,
36:48 Joanne Agrappar, Didier Pinault et Alexandre Alaï-Bégovitch.
36:51 C'est Thomas Beau qui réalise cette émission
36:53 et elle a prise de son ce midi.
36:54 Grégory Wallon, on se retrouve demain.
36:57 Merci de nous écouter.

Recommandations