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Transcription
00:00 [Musique]
00:05 Bienvenue à bord de cet appareil, c'est-à-dire de la compagnie Cetinfo.
00:10 Notre vol du jour est opéré par une femme, définition vivante de la ténacité et de la persévérance.
00:17 En effet, de son rêve de petite fille aboiquée, elle a été propulsée dans le cockpit d'un Dash 8Q400.
00:27 Notre pilote se nomme Aya Gertrude Conan, PNC aux portes, désarmement des toboggans, vérification de la porte opposée.
00:37 Nous pouvons décoller. Aya Gertrude Conan, bienvenue.
00:40 Merci.
00:41 Vous avez ouvert le bal le 31 mars avec votre participation à la première édition des Week-end du Mérite et de l'Excellence,
00:49 organisée par la Grande Chancellerie. Quelques jours après, quel est votre ressenti ?
00:54 Une sensation de mission accomplie pour la nouvelle génération, pour les plus jeunes, les plus petits, mes petits frères et petites soeurs.
01:04 Je me devais de leur expliquer mon histoire, mon parcours, pour les inciter davantage à embrasser ce métier, cette carrière,
01:12 qui est considérée comme un métier risé aux hommes. Il faut déjà retirer ce stéréotype, enlever ces barrières,
01:20 et leur permettre de pouvoir réaliser leurs rêves. Et leur dire qu'exercer ce métier est possible, pour une jeune fille,
01:28 pour un enfant issu d'une famille modeste.
01:31 Alors, votre parcours, justement, on va y revenir, de tous les métiers qui existent, vous avez choisi d'être pilote. Pourquoi ?
01:40 Mais, comme je vais le dire, c'est mon métier de rêve. Toute petite, je ne rêvais que de ça.
01:46 Je m'étais omnibulée par les avions quand je les voyais passer. Je ne peux pas l'expliquer, mais c'est ce métier que j'ai choisi.
01:53 Il me serait difficile de dire que j'ai envie de faire architecte ou médecine. C'est pilote que j'ai toujours voulu faire.
02:01 Donc, c'était un petit peu tout ou rien ?
02:03 Oui, c'est ça, tout ou rien.
02:05 Et comment cette ambition a été perçue au niveau de votre entourage ?
02:09 Après, ma famille me connaissait assez téméraire. Ils n'ont pas été surpris.
02:15 Ils n'ont pas été surpris et quand j'ai fait le choix de vouloir exister dans ce métier, je ne pouvais pas me faire changer d'avis.
02:23 De même que les professeurs ?
02:25 Oui, parce que c'est que mon instituteur du CM2 qui était informé. Après le lycée, les professeurs n'avaient pas cette information.
02:36 Donc, je nourrissais mon rêve à l'intérieur, dans mon fort intérieur. Et voilà, je grandis avec et je mets tout de mon côté pour pouvoir le réaliser.
02:47 On imagine que le parcours n'a pas été tout rose ?
02:49 Non, du tout.
02:50 Mais comment vous êtes-vous motivée ?
02:53 Déjà, en ne quittant pas du regard mon objectif.
02:59 Mon objectif c'était d'être pilote, d'être assise dans un cockpit. C'était ça mon objectif. Jusqu'au boutisme.
03:09 Je vois ça. En 2014, Air Côte d'Ivoire organise un concours pour devenir pilote. Vous le passez, vous êtes retenue.
03:16 De base, c'était 1500 personnes. Vous avez terminé à 15 si je ne me trompe pas.
03:21 Oui.
03:22 Comment on se sent à ce moment-là ?
03:25 Dans les médias, on ne réalise pas encore qu'on a réalisé un exploit. Pour certains.
03:32 Pour moi, j'avais juste passé les étapes et là, j'étais retenue pour faire la formation dont j'ai toujours rêvé.
03:38 C'était des étapes qu'il fallait franchir pour être retenue pour faire la formation. Je ne voyais pas cela comme un exploit.
03:49 Il fallait que je fasse juste les tests et les épreuves pour être retenue et faire partie de ceux qui devaient faire la formation.
03:55 C'est plus tard, quand les gens en parlent, que je me rends compte que c'est quelque chose d'insolite.
04:02 Mais bon, pour moi, c'est normal.
04:05 Et aujourd'hui, est-ce que vous vous rendez compte, Aya, que vous avez quand même effectué un exploit ?
04:12 Avec du récul, oui. Je fais partie des 3 % de femmes pilotes qu'il y a dans le monde. J'estime que c'est un exploit.
04:24 Certes, vous êtes pilote, mais vous êtes également titulaire d'un bachelor's degree, marketing and advertising, en 2012.
04:35 Pourquoi avoir fait le choix de suivre cette formation ?
04:40 En second cycle, je commence à mener mes enquêtes pour voir combien coûtait une formation de pilote.
04:51 Et là, très vite, je suis désillusionnée. Je me rends compte que la formation de pilote coûte excessivement cher.
04:57 On parle de 60 millions.
04:59 Pour une licence EASA européenne, on parle de 60 millions.
05:07 Et là, je me dis qu'il faut changer de stratégie, parce que les 60 millions, tu ne les auras pas.
05:13 On ne pourra pas te payer cette formation de 60 millions.
05:16 Tu n'es pas une fère unique, tu as des frères et des sœurs.
05:18 60 millions, on ne les sort pas du jour au lendemain pour payer une formation de pilote.
05:22 Donc là, je me dis qu'il va falloir que je travaille, que j'obtienne de l'argent pour pré-financer ma formation.
05:30 Et donc, je décide de faire une formation de marketing et publicité,
05:36 sachant que les métiers du domaine de la communication rapportent un peu comme un.
05:41 Je décide de faire le marketing et publicité.
05:46 Là, je passe le test d'entrée à l'ISTC.
05:48 Et au bout de trois ans, j'obtiens ma licence en marketing et publicité.
05:53 Tout ça, c'était dans le but d'avoir de l'argent, d'avoir un métier qui me permettra d'avoir assez de moyens pour me payer la formation.
06:03 Donc, malgré l'obtention du diplôme, il était hors de question de vous détourner du métier de pilote ?
06:09 Non, exactement.
06:11 Quand même, jusqu'au bout de six ans.
06:13 Fait remarquable, vous avez été distinguée "femme innovante" par le Conseil national des droits de l'homme de Côte d'Ivoire.
06:20 Et ce en tant, et il faut bien faire la précision, que "première femme pilote formée" en Côte d'Ivoire.
06:27 Est-ce que c'est un statut qui est facile à porter ?
06:30 Au départ, pas du tout.
06:34 Parce que les médias en parlent.
06:38 Toi qui es d'ordinaire très discrète, qui as ta petite vie tranquille, tu te rends compte que là, tu es exposée.
06:46 Et ce qui faisait que je réfusais beaucoup les interviews, je réfusais les invitations, les participations à différents programmes et forums et autres.
06:58 Parce que j'avais envie de garder ma petite vie discrète.
07:02 Toujours cette envie d'aller manger son garbas.
07:06 Exactement.
07:07 De ne pas perdre mes petites habitudes, de sortir manger mon garbas, acheter le garbas à rentrée, ou acheter de la bouillie ou des galettes.
07:15 On comprendra que vous êtes une férue de petite cuisine ivoirienne aussi.
07:19 Mais c'est ça, oui, exactement.
07:21 Alors, ce qui est assez frappant, c'est que vous gardez une humilité extrême.
07:28 Alors qu'aujourd'hui, vous êtes érigée comme un modèle pour la jeunesse.
07:34 Comment vous faites pour garder, en quelque sorte, les pieds sur terre ?
07:38 Déjà, grâce à ma famille. Parce que ma mère, en Afrique, c'est les mères qui éduquent.
07:46 Et ma mère, elle nous a appris l'humilité. Parce que, chez nous, avoir la grosse tête, ça ne le fait pas.
07:53 Et dans mon entourage, j'ai gardé mes amis de lycée et d'université, bon, de l'ISTC.
08:01 Ce qui fait que je n'ai pas de nouveaux amis après mon métier de pilote.
08:08 Et c'est des amis qui me connaissent. Avec eux, je n'ai pas besoin de faire de faux semblants.
08:13 Je reste vraie, je reste moi-même. Ce qui me permet de toujours rester humble, comme vous le dites.
08:19 Vous allez y venir, justement, la vie sociale. Est-ce qu'on peut être pilote de ligne et maintenir une vie sociable ?
08:24 Ce n'est pas évident. Ce n'est pas évident parce qu'on n'a pas les mêmes programmes.
08:31 On a un programme qui est assez particulier. Le navigant, pas que pilote, hôtesse comme pilote,
08:38 le navigant, il a des jours de repos qui sont peut-être en semaine.
08:43 Et le week-end ou le jour férié, il part en vol. Quand tu es à la maison le week-end,
08:49 c'est rare de trouver un ami qui n'est pas navigant, être à la maison le même jour.
08:55 Donc, un peu difficile, mais avec toujours l'appui de ma famille et des amis d'école qui me comprennent,
09:02 j'arrive à plus ou moins garder une vie sociale.
09:06 Qu'est-ce que vous auriez à dire aux jeunes filles qui nous regardent aujourd'hui ?
09:12 Déjà, qu'elles ne se mettent pas de barrières, qu'elles n'aient pas de métier dit pour homme,
09:17 mais des métiers dit pour femme. Tous les métiers sont accessibles.
09:22 Il n'y a que l'être humain qui se met des barrières, qu'elles osent et qu'elles mettent les moyens
09:30 de leur côté pour pouvoir réaliser leurs rêves, qu'elles ne se mettent pas de barrières.
09:35 D'ailleurs, vous parlez de rêve, mais le rêve de beaucoup de petites filles,
09:39 et on l'a entendu à l'occasion du week-end du Mérite et de l'Excellence, c'est d'être hôtesse de l'air.
09:45 Qu'est-ce que vous, qui avez été hôtesse de l'air avant d'être pilote, vous avez retenu de cette expérience-là ?
09:53 J'en ai retenu de très belles choses. Déjà, la sociabilité, parce qu'en tant qu'hôtesse,
09:59 vous comptez ailleurs du monde. Vous êtes aux petits soins des passagers, vous faites le service,
10:07 vous apprenez un peu le basique de tout ce qui est sécurisme.
10:12 Et là, j'en garde vraiment de très bons souvenirs avec mes ex-collègues,
10:17 qui sont aujourd'hui, pour certains, chefs de cabine et instructeurs pour d'autres.
10:23 Autre question ? Comment se passe le quotidien d'Aya Gertrude Conan, la pilote des lignes ?
10:32 Quand elle part en vol ?
10:34 Exactement, quand elle part en vol.
10:36 Quand elle part en vol, déjà j'attends de recevoir le dossier de vol.
10:41 Quand je le reçois, je l'analyse, je fais mon résumé, je le prépare, je prépare le vol en lui-même.
10:47 Et je quitte la maison à l'heure de la convocation, au moins une heure de temps.
10:54 Le temps de me rendre à notre siège et de préparer encore le vol avec le commandant de bord.
11:02 On brief l'équipage de cabine et par la suite, on sera à l'avion.
11:06 À l'avion, on fait tout ce qu'il y a à faire comme préparatif pour prendre en compte la machine,
11:13 accueillir les passagers et faire le vol en lui-même.
11:19 Et là, on décolle, on arrive en escale.
11:22 Si c'est un vol où on doit passer la nuit à un night stop, on y passe la nuit, le lendemain, le même process.
11:29 On prépare le vol, on brief l'équipage de cabine, on part à l'avion et on rebelle.
11:37 J'ai une question qui probablement est la question de beaucoup de personnes prenant l'avion.
11:43 Comment on survit à des turbulences ?
11:47 Comme je m'allais dire, c'est de rester assis, ceinture attachée.
11:52 Et pour les trous d'air, parce que ça fait paniquer quand même.
11:55 Oui, mais il faut juste rester assis, ceinture attachée et tout devrait bien se passer normalement.
12:00 Donc quand vous vous rentrez dans une zone de turbulence ou même un trou d'air, vous ne paniquez pas du tout ?
12:06 Non, non, non. Parce qu'après les turbulences, on essaie de les éviter au maximum.
12:11 On essaie de passer loin des orages et voilà, on n'est pas dans le sillage, on ne risque pas de prendre des turbulences.
12:21 À l'issue de vos études à l'ISTC, il y a quand même un gap entre votre premier emploi d'hôtesse de l'air et votre diplôme.
12:31 Qu'est-ce qui se passe ? Comment vous économisez ?
12:34 Le truc, c'est que même l'économie que j'ai pu réaliser pendant ma carrière d'hôtesse de l'air,
12:40 je ne pouvais même pas pré-financer la formation de pilote.
12:43 Ah bon ?
12:44 Oui, l'économie ne pouvait même pas pré-financer le dixième de la formation.
12:51 Une opportunité s'est présentée à moi, c'était celle de former des jeunes Ivoiriens en métier de pilote.
12:59 C'était la compagnie Air Côte d'Ivoire et l'État Ivoirien qui avaient décidé de lancer ce programme de formation.
13:07 Vu que le test était ouvert à tout le monde, j'ai postulé, j'ai présenté mes dossiers, j'ai rempli les conditions,
13:14 j'ai postulé, j'ai présenté les dossiers et j'ai été retenue.
13:18 À la suite de plusieurs tests et épreuves.
13:22 Je fais partie des 15 personnes qui ont été retenues pour faire la formation.
13:26 Aya Gertrude Connan, merci d'avoir répondu à nos questions.
13:29 Je rappelle que vous êtes pilote de ligne pour la compagnie Air Côte d'Ivoire, on peut les citer quand même.
13:34 Chers téléspectateurs, notre vol est désormais arrivé à sa destination.
13:39 L'information continue sur cette info.
13:42 [Musique]

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