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Il était l'invité de France Bleu Armorique, vendredi 14 avril 2023.

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00:00 - La douzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites hier à Rennes, une nouvelle fois, une nouvelle fois marquée
00:06 par des dégradations en marge du cortège. On en parle ce matin avec le procureur de la République de Rennes.
00:10 - Bonjour Philippe Astruc. - Bonjour.
00:12 - Deux voitures incendiées dans le centre-ville, des commerces à nouveau pris pour cible,
00:16 des affrontements avec les forces de l'ordre, c'est des images qu'on a vues hier.
00:20 Depuis trois mois, les manifestations se terminent dans la violence à Rennes.
00:23 Quelle est la réponse de la justice ?
00:25 - D'abord faire le constat avec vous que Rennes a payé un lourd tribut.
00:28 Moi je pense d'abord aux commerçants, mais on a aussi eu des élus qui ont été intimidés, menacés.
00:34 La mairie qui a eu trois tentatives d'incendier la mairie, voilà, tout ça est très grave.
00:39 Donc voilà, c'est un moment difficile pour notre ville.
00:43 Donc je crois que la justice, elle a essayé avec sérénité de faire son travail,
00:47 c'est-à-dire d'apporter des réponses pénales sur la base de dossiers et d'enquêtes sérieuses.
00:53 Je crois qu'on y est arrivé.
00:55 - Ces réponses sont-elles suffisantes ?
00:57 Comment expliquer que malgré les sanctions, les violences se répètent de semaine en semaine ?
01:02 - Parce que je pense qu'il y a une montée des radicalités dans notre pays,
01:05 et qu'il y a une partie, je dirais, des gens qui souhaitent exprimer quelque chose, qui le font de cette façon-là.
01:10 Alors moi je constate que l'immense majorité ont défilé dans le calme,
01:14 et moi je remercie les syndicats de leur travail très constructif.
01:17 Mais certains, manifestement, je dirais, veulent s'exprimer différemment.
01:22 - Est-ce qu'il manque quelque chose pour mettre fin aux violences de votre côté ?
01:26 Peut-être plus de moyens, plus de façons d'avoir des preuves ?
01:30 Où est-ce qu'on atteint les limites de la justice de votre mission ?
01:33 - Nous on a quand même réussi à faire 350 interpellations, il y a eu 162 gardes à vue,
01:39 et sur ces 162 gardes à vue, 108 réponses pénales,
01:44 plus ou moins adaptées, bien sûr, à la situation de chacun et aux faits.
01:49 Bon, c'est à peu près 67%, donc je dirais que les institutions fonctionnent normalement.
01:55 Et c'est important qu'elles le fassent avec sérénité à un moment où les choses sont compliquées.
01:59 - Vous comprenez tout de même ce sentiment d'impunité d'une partie de la population à l'égard de ces éléments violents ?
02:05 - Oui, bien sûr, je le comprends, et à commencer par ceux qui en sont directement victimes,
02:09 par exemple les commerçants ou leurs salariés, qui sont aussi des travailleurs, que je sache.
02:13 Donc, bien sûr que je comprends l'exaspération de certains face à ces scènes de pillage et de violence.
02:20 - Mais vous leur dites "la justice fait son travail".
02:24 - Il n'y a pas d'impunité, voilà. 108 réponses pénales, ça n'est pas négligeable.
02:29 On ne peut pas dire que personne n'est interpellé, c'est sûr que c'est un travail compliqué,
02:33 parce que moi j'ai besoin de prouver que telle personne, à tel moment, a fait telle chose,
02:37 et que ça tombe sous le coup de la loi.
02:39 Voilà, il n'y a pas de justice au rabais en matière de manifestation.
02:43 Donc, ce travail-là, on le fait sérieusement,
02:46 et moi je tiens quand même aussi à saluer le travail des services de police et de gendarmerie,
02:50 c'est compliqué pour eux en ce moment,
02:51 en plus ils subissent beaucoup de critiques, souvent assez injustifiées.
02:55 Donc, je pense qu'à Rennes, on a réussi quand même à ce que les choses restent sous contrôle.
03:02 - Vous nous le dites, j'ai besoin de prouver, est-ce que vous avez besoin davantage de moyens pour prouver ?
03:07 Est-ce qu'une idée comme celle du ministre de l'Intérieur,
03:10 d'utiliser des drones par exemple, par les forces de l'ordre,
03:13 pourrait vous aider à avoir davantage de preuves ?
03:16 - Oui, il y a un débat juridique autour de ça.
03:20 Moi c'est vrai que, bon, vous savez, je suis saisi d'une partie des dossiers de Sennes-Sauline,
03:24 je suis assez frappé que, je dirais, certains aient des drones et que les forces de l'ordre n'en aient pas.
03:30 Voilà, donc c'est quand même un peu surprenant que, finalement,
03:33 l'État soit moins bien équipé juridiquement que n'importe quel citoyen.
03:38 Voilà, donc je pense que ça serait évidemment utile,
03:40 mais là il y a une question juridique qui doit être traitée au niveau qui le sient.
03:46 - Philippe Astruc, vous qui êtes procureur de la République de Rennes,
03:48 quel est le profil des personnes condamnées dans ces manifestations ?
03:51 - Alors c'est des gens qui ont très peu ou pas d'antécédent judiciaire.
03:57 Voilà, c'est pas des gens aguerris, qui ont déjà de longs casiers,
04:01 c'est pas des jeunes délinquants, comme on pourrait le penser, pas du tout.
04:05 C'est finalement des "Monsieur et Madame tout le monde" qui se retrouvent dans ce type d'expression-là.
04:11 Voilà, il y a aussi évidemment des phénomènes d'entraînement,
04:16 mais le profil est assez... Ce sont plutôt des gens qui travaillent ou qui sont en formation...
04:20 - Des jeunes ?
04:22 - Oui, mais pas que. Donc je n'ai pas calculé la moyenne d'âge,
04:26 mais je dirais c'est "Monsieur et Madame tout le monde".
04:28 - On voit de plus en plus de tracts réalisés par des manifestants, pour des manifestants,
04:33 des sortes de guides pour savoir quoi faire en cas d'interpellation.
04:35 Alors il y a "ne pas donner son identité", "ne pas parler sans la présence d'un avocat".
04:39 Est-ce que cela complique le travail de la justice, ce genre de méthode ?
04:43 - Oui, bien sûr. Quand les gens refusent de donner leur identité,
04:46 bien sûr que ça complique le travail de la justice, ça fait parfois même des polémiques.
04:51 Mais voilà, bon, je veux dire, on vit dans ce monde-là.
04:55 Vous auriez pu rajouter que tout ça est filmé de manière extrêmement intensive.
05:01 Voilà, c'est très particulier. Il y a peu de gens quand même qui travaillent comme ça,
05:05 en étant entourés de dix téléphones portables qui vous filment en permanence.
05:08 C'est un peu particulier.
05:10 - Il y a effectivement une guerre des images entre manifestants et forces de l'ordre.
05:12 Merci beaucoup Philippe Astruc, procureur de la République de Rennes,
05:15 d'être venu ce matin sur France Bar Mori.

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