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00:00 * Extrait musical *
00:16 Bonjour à tous ! Un ciné-club ce mardi avec le comédien Benoît Poulvor dont l'on a découvert il y a 30 ans, exactement, dans cette arrivée près de chez vous.
00:25 Le foc est inquiétant. Avant d'être tour à tour randonneur, convoyeur, cycliste, secouriste, Claude François, c'est un boulot en soi.
00:33 Brutus, le plus vieux punk à Chien d'Europe aussi, ça c'était dans le Grand Soir. Depuis il a mûri.
00:38 S'est-il assagi pour autant ? Cet amoureux de littérature, de culture et de nature né à Namur est aujourd'hui à l'affiche de normal de Olivier Babinet,
00:48 réalisateur précédemment de Robert Michum et mort ou encore de Swagger, pudique, délicat. Est-ce que je parle du film ou de notre invité ? A vous d'en décider.
00:57 * Extrait musical *
01:04 Et vous en déciderez juste après ça. Une émission rêvée par Henri Leblanc préparée par Sacha Matéi, coordonnée par Anouk Delphineau, réalisée par Félicie Fauger avec Jacques Azuber à la technique.
01:15 Et bonjour Benoît Poulvor.
01:17 Bonjour.
01:17 Bienvenue au club.
01:18 Merci. Merci de me recevoir. Merci de me donner l'opportunité de parler de ce film.
01:24 Mais vous ne me demandez pas à quoi vous adhérez en acceptant cette invitation ?
01:27 Ah bon ?
01:28 Ouais. Un club de trois.
01:30 Je suis prêt à tout. Je suis prêt à tout.
01:32 Mais vous êtes membre d'un club vous par ailleurs ?
01:34 Non.
01:35 Non ?
01:36 Je ne serais bien incapable d'être membre d'un club.
01:38 Pourquoi ?
01:38 C'est l'idée de se rassembler. C'est un peu comme la chanson de Brassens. Dès qu'on est plus trois on est une bande de cons.
01:45 Donc je ne me vois pas m'assembler dans un club.
01:49 Un père malade, William, en lutte contre une sclérose en plaque, un père au foyer qui vit seul avec sa fille, Lucie.
01:57 Elle gère ses études, son père, un petit boulot, son adolescence, tout en même temps.
02:01 C'est une adaptation d'une pièce « Monster in the Hall » de David Gregg.
02:05 Je le dis bien ?
02:06 Oui.
02:07 On en écoute la bande-annonce.
02:13 Lucie n'est pas comme les gens dormants. Elle doit penser à tout tout le temps.
02:15 Qu'est-ce qu'on fait pour l'argent ? Comment on enlève les tâches d'un tapis ?
02:19 Papa, t'as pas appelé EDF ?
02:21 Non, non, non, j'ai appelé je t'assure. Ils répondent jamais ces gros rats.
02:23 T'as dormi là ou quoi ?
02:27 Lucie !
02:31 J'ai appelé le service d'aide à l'enfance. Il y a une assistante sociale qui va venir vous faire une petite visite.
02:35 Une petite visite ?
02:36 Oui. Juste pour voir comment ça se passe.
02:38 Il n'y a aucune raison qu'on te place en foyer. Tu m'entends ?
02:43 Je ne suis pas en fauteuil roulant donc je sais très bien m'occuper de tout.
02:45 Papa, t'as les mains qui tremblent et t'arrives même plus à faire tes lacets.
02:48 Faut qu'on ait l'air plus normaux.
02:50 Arrête !
02:52 On se débrouille, non ?
02:54 Justement. On va lui montrer comment on se débrouille.
02:56 C'est... C'est quelqu'un.
03:02 Je vais réparer la moto de ta maman. On ira dans le sud.
03:05 La vie de Lucie et son père, c'est comme une promenade sur un lac gelé.
03:10 La glace est tellement solide qu'on peut rouler dessus en camion.
03:12 Alors Lucie oublie qu'il y a un grand lac sombre sous leurs pieds.
03:15 Je n'y arrive plus. Je suis fatiguée.
03:19 Et moi, tu crois que je ne suis pas fatiguée ?
03:21 Et à tout moment, la glace, elle peut craquer.
03:23 Bord d'annonce de Normale, en salle demain.
03:33 Comment donner l'illusion d'une vie normale ?
03:35 C'est la question à laquelle le père et la fille vont devoir tenter de répondre, Benoît Poulvard.
03:39 Est-ce que c'est la première fois que vous devez avoir l'air normal au cinéma ?
03:43 Qu'on vous demande ça.
03:45 À l'occurrence, non, je partais déjà avec un handicap.
03:49 Donc, rien que l'intituler, le film commence, je ne suis déjà pas normal pour les autres,
03:57 puisque je suis malade, j'ai une sclérose en plaques, qui va grandissante.
04:01 Donc, il n'y a rien à faire, quoi qu'on en dise.
04:04 Un handicap, une maladie, vous exclut d'ores et déjà du monde des normaux.
04:09 Donc, je suis déjà un normal.
04:11 Ensuite, nous sommes dans un milieu assez précaire.
04:13 Dès que le film commence, ma fille se met à travailler.
04:16 Un enfant de 15 ans qui travaille dans une boulangerie très tôt,
04:20 on voit bien qu'elle ne travaille pas pour payer un camp scout,
04:23 on voit qu'elle travaille pour vivre, et en l'occurrence pour nourrir son père.
04:26 Donc, elle n'est déjà pas normale qu'un enfant travaille à cet âge-là.
04:30 C'est très triste.
04:31 Donc, petit à petit, on avance dans un film où on se dit,
04:35 leur milieu dans lequel ils évoluent, la maladie,
04:38 le regard que les autres portent sur cette petite fille
04:41 qui est évidemment préoccupée par la maladie de son père,
04:44 mais qui aussi n'a pas le temps de s'occuper d'elle,
04:46 et de cette adolescence qui lui revient de droit et dont elle ne peut pas profiter,
04:52 parce qu'elle doit s'occuper de son père.
04:53 Et puis, ce garçon dont elle tombe amoureuse,
04:56 qui n'est pas dans la norme, on va dire, pour des tout petits détails.
05:00 Et ainsi de suite, on avance dans un film où on se dit,
05:02 mais où se loge la normalité, où se loge la norme ?
05:05 Et au fond, moi, dans mon cas, je n'ai pas dû interpréter quelqu'un qui était...
05:11 Enfin, qui voulait rentrer dans la norme.
05:13 Malgré lui, il en est exclu.
05:17 Et il aimerait que ça se passe autrement.
05:19 Et Babinet nous fait un film très joli, parce qu'en fait,
05:22 on aurait pu pleurer, on aurait pu vraiment aussi
05:25 faire un film un peu de... Comment dirais-je ?
05:28 Complaisant, vous savez, la maladie, la difficulté, la précarité, le social,
05:34 tout ça aurait pu devenir très, très ennuyeux.
05:37 Et ce n'est pas le cas, parce que Babinet a un regard très généreux,
05:40 très ouvert, très naïf parfois.
05:41 - Poétique. - Et très poétique sur la vie, oui.
05:44 - Qu'est-ce que c'est la normalité pour vous, Benoît Poulvard ?
05:46 - Je ne la connais pas. - Vous la fuyez ?
05:50 - Est-ce que je la fuis ? - Fuis.
05:51 Oui, pas fuis, fuis. - Oui, j'essaie.
05:55 - Est-ce que vous la fuyez ? - Non, je pense que je l'angoisserais.
05:58 Je ne pense pas que je fais acte de résistance,
06:04 mais je n'y crois pas.
06:05 Je veux dire, montrer moi quelque chose de...
06:10 Tout me paraît anormal, une manière de s'asseoir.
06:14 Sinon, ce serait une intelligence artificielle,
06:18 c'est-à-dire qu'on lui demande de s'asseoir, elle va le faire...
06:21 Mais je pense qu'à partir du moment où on est vivant,
06:23 nous ne pouvons pas être normal et s'inscrire dans le courant des autres.
06:28 C'est tout le contraire de ce que nous sommes.
06:31 Je pense qu'il faut se distinguer, quoi qu'il arrive.
06:34 Dieu sait si notre époque se distingue.
06:37 - Oui, mais n'invite pas à se distinguer.
06:39 Cette normalité, est-ce que vous avez le sentiment qu'on a toujours tenté de vous l'imposer ?
06:44 Ou au contraire, qu'on vous a respecté, aimé aussi, dans votre singularité ?
06:49 - Moi, je pense que... C'est pour ça que je suis...
06:52 Je pense qu'on est très libre. Enfin, je sais que ça peut faire hurler les gens,
06:56 mais je suis très heureux de l'époque que je traverse, de ma vie.
07:00 Je pense qu'il y a des gens qui crient parfois "fascisme", "état totalitaire".
07:05 Je dis "mais vous planez", parce que...
07:07 Non, on ne m'a jamais, jamais, jamais, de toute mon enfance, ni de toute ma vie,
07:11 empêché d'être ce que je suis, ni de ce que je pensais, ni ce que je voulais faire.
07:15 Donc, non, je pense qu'on est quand même dans une société qui nous permet de le faire.
07:19 Après, je sais que quand je dis ça, je peux paraître un peu bénet,
07:25 mais je pense, je ne pense pas qu'on m'ait jamais empêché d'être ce que je voulais être.
07:29 - Vous avez évoqué l'enfance. L'enfance, c'est le neer de la guerre,
07:33 dans nos vies, Benoît Poulovard. Tous y jouent là, ou beaucoup en tout cas.
07:37 Lucie, elle écrit dans le film, et dès les premières lignes de ce journal qu'elle tient,
07:41 elle annonce qu'elle va parler d'elle, mais elle prévient aussi qu'elle laissera son imagination déborder.
07:46 Comment, à 15 ans, vous auriez commencé votre roman, un roman autobiographique ?
07:52 - Oh, je dessinais, moi.
07:53 Ça, je peux tout à fait comprendre, je pense que la meilleure façon de sortir de son quotidien,
07:57 c'est avec du style être...
08:00 Comment dire ? Tragique ou...
08:02 Difficile.
08:03 C'est quand même l'écriture, la lecture, ou le dessin, l'expression.
08:09 Je pense... C'est terrible, mais c'est vrai.
08:12 Et je pense que ça, le personnage a une force innuie,
08:16 parce qu'à partir du moment où vous pouvez vous inventer un monde...
08:19 Vous savez, je connais des livres qui ont été écrits.
08:22 Je ne me rappelle plus de l'auteur, mais...
08:25 Il est emprisonné en Turquie, dans une prison turque,
08:29 et il n'a pas de papier, il n'a rien pour prendre de notes.
08:32 Donc, il a écrit un livre dans sa tête, et il répétait chapitre par chapitre le livre.
08:37 Et ce livre, vous pouvez le trouver, j'ai oublié le titre, malheureusement, peut-être que des gens...
08:41 - Mais ce n'est pas Hamilton, je ne sais pas. - Ça doit être ça, oui.
08:44 Et il a répété ce livre dans sa tête, tant et si bien qu'il n'a eu une fois le papier devant lui et de lui.
08:50 Il a écrit de mémoire.
08:53 C'est comme le joueur d'échecs, vous pouvez jouer aux échecs, sortir...
08:57 C'est encore différent, mais l'écriture, ça, j'en suis convaincu.
09:00 Lire, si on vous donne l'opportunité de le faire, dessiner, sortir de votre quotidien difficile, oui, ça.
09:06 L'imaginaire, c'est l'arme absolue.
09:08 - Et pourtant, vous n'écrivez pas. Pourquoi ?
09:10 - Si, si, j'écris. Pas de livres. - Vous lisez beaucoup ?
09:12 - J'ai trop d'amour, je lis beaucoup, oui. - Et pourquoi pas des livres ?
09:15 - Bah, c'est comme le dessin.
09:17 Je ne m'appr... J'ai dessiné, ce sont mes études.
09:21 Et je me suis très vite rendu compte que c'est le cas, parce que j'aime énormément quelque chose,
09:26 que je suis à la hauteur de ce que j'aime.
09:28 J'aimais trop vite les choses trop belles.
09:30 Et après, très vite, j'ai su que je...
09:34 Vous le savez assez vite, quand même.
09:36 Ça sera laborieux, je n'y arriverai pas.
09:38 - Donc vous les tenez en trop haute estime, peut-être, les livres, pour en faire, en écrire, en publier.
09:43 - Je ne me permettrai pas de faire ça, oui.
09:44 - Et vous écrivez quoi, alors ? Vous tenez un journal ?
09:46 - Ah non, c'est plus ça. Vous écrivez des scénarios, vous écrivez des pièces, vous écrivez des sketchs,
09:50 vous écrivez des séries, vous écrivez des trucs, ça n'a rien à voir avec la littérature.
09:53 Là, vous écrivez pratique. On en a besoin, donc il n'y a pas de honte.
09:56 Mais un livre, il faut quand même...
10:00 Et comme je lis beaucoup, j'ai le même manque d'indulgence à l'égard des autres que pour moi.
10:07 Donc, je dis, il y a plein de livres, je ne vois pas bien l'intérêt de l'avoir écrit.
10:11 C'est pareil pour moi, je dis, je ne vais pas écrire un livre,
10:13 parce que je ne pense pas avoir suffisamment à dire, ni même être capable de le faire.
10:17 - Oui, mais vous les aimez, les livres.
10:18 Et c'est aussi pour ça que vous leur avez imaginé, inventé un festival,
10:22 où vous êtes un peu moins impliqué aujourd'hui,
10:25 mais au début, vous partagez vos goûts littéraires
10:28 dans cet intime festival que vous avez pensé, imaginé, créé il y a dix ans,
10:32 avant de faire "Marche arrière". Pourquoi ?
10:33 - Ah non, je n'ai pas fait "Marche arrière".
10:35 - Un peu ?
10:37 - On a fait ça à deux avec Chloé.
10:40 Et à la fin, ça me demandait beaucoup d'engagement.
10:44 Et dans la sélection, on avait une conduite pour le festival.
10:48 Après, il y a des idées qui divergent, on n'a pas les mêmes...
10:51 En vieillissant, on n'a pas les mêmes horizons littéraires.
10:55 Donc, je n'ai pas fait "Marche arrière".
10:56 Je trouve que le festival s'en occupe beaucoup mieux que moi,
10:59 parce qu'elle est plus dans sa génération.
11:01 Moi, j'ai tendance à un peu freiner sur les romans.
11:06 Et donc, elle est plus jeune, je pense qu'il vaut mieux passer la main.
11:09 Mais je n'ai pas fait "Marche arrière", pas du tout.
11:11 Mais il vaut mieux passer la main à quelqu'un de plus jeune.
11:13 Moi, je m'enfonce plutôt dans des trucs plus...
11:17 Peut-être plus ennuyeux.
11:18 - C'est marrant, vous citez souvent "Maux passants", Benjamin Constant.
11:21 Vous aimez cette trajectoire d'homme, de personnage fictionnel,
11:26 comme "Bel ami" ou d'autres ?
11:28 - J'aime énormément "Maux passants" pour son art de la nouvelle.
11:32 Je trouve qu'il écrit vraiment remarquablement bien.
11:37 Et pour Adolphe Benjamin Constant, c'est parce que c'est mon livre culte.
11:42 Je dois le lire chaque année.
11:44 Il faut le lire chaque année, parce que chaque année, je le comprends différemment.
11:46 - Pourquoi il nous dit quoi, ce livre ? Cette année, vous l'avez compris.
11:48 - C'est une sorte de testament.
11:50 Je ne l'ai pas encore lu cette année.
11:52 C'est une sorte de testament.
11:53 C'est une sorte de lettre pleine de regrets.
11:57 Et en même temps, il y a tant de réflexions sur les rapports entre un homme et une femme,
12:04 les rapports de la séduction, les rapports du vivre avec, le rapport de l'homme à lui-même.
12:09 Je trouve que c'est un livre bouleversant de cruauté et de lucidité.
12:14 C'est une lettre terrible.
12:16 J'en connais deux lettres comme ça que je trouve absolument terribles,
12:19 c'est parce que c'est une grande lettre.
12:21 Et il y a ça et Oscar Wilde, qui se fait trahir tout de même par son compagnon,
12:27 et puis il lui pardonne quand même.
12:30 Lui, là, il implore, pardon.
12:32 Mais la lettre d'Hadolf, cette lettre, la dernière lettre de Léodore, tu pleures.
12:39 Alors, on dit que c'est un livre romantique.
12:40 Moi, je ne trouve pas.
12:42 Je trouve justement que c'est la fin du romantisme,
12:44 alors que j'ai énormément aimé la littérature romantique.
12:47 Mais je trouve que celui-là a fini le bazar, a cloué l'histoire.
12:52 Je l'aime profondément ce livre, je le trouve d'abord extrêmement bien écrit.
12:55 C'est une langue parfaite.
12:57 C'est des livres qu'il faut ne jamais perdre.
12:59 - Est-ce que vous avez appris à être un homme dans les livres, voire à être romantique ?
13:03 - Je n'ai beaucoup pas pris avec Hadolf.
13:04 Mon rapport à la jante féminine m'a beaucoup pas pris.
13:10 Je me suis fait beaucoup d'examens de conscience en lisant ce livre.
13:14 - A plébiscite ?
13:14 - Avec les livres, est-ce qu'on apprend beaucoup ?
13:16 Moi, je pense, oui.
13:17 Et si on n'apprend pas, en général, je crois beaucoup au hasard des livres
13:23 dans votre vie, dans votre existence.
13:25 J'y crois énormément, c'est-à-dire n'hésitez pas à rentrer dans une bibliothèque
13:30 et ne rien chercher.
13:31 Ne cherchez pas si vous avez des moments de doute dans votre existence.
13:35 Moi, je le fais comme ça.
13:35 Je ne lis même pas les 4 émissions de couverture, je ne lis pas de critiques.
13:38 Donc je ne lis rien qui les vendent à l'avance.
13:41 Je rentre si jamais je ne vais pas bien ou même si je vais très bien.
13:44 Je fais énormément confiance au hasard du livre qui va vous tomber entre les mains.
13:50 Ce n'est pas gênant d'entrer dans une librairie sans savoir ce que vous y cherchez.
13:54 Ne vous laissez pas non plus envahir par les têtes de gondole,
13:57 mais laissez-vous porter par ça.
13:58 D'ailleurs, je trouve qu'en notre époque, les titres des romans sont plus en plus audacieux,
14:03 assez jolis et les couvertures ont fait beaucoup d'efforts.
14:05 Il y a des livres parfois que j'ai achetés uniquement pour une couverture.
14:08 Et ne lisant pas le quatrième derrière, je suis horriblement déçu
14:11 parce que le titre était très joli.
14:13 Le tableau était très beau, mais le livre était très emmerdant.
14:16 - Benoît Poulvord, à Lucie, 15 ans, adolescente, qui se cherche quand même,
14:22 qui essaye de comprendre quelle est sa place dans ce monde.
14:24 - Revenons à normal.
14:25 - Qu'est-ce que la vie...
14:26 Non mais vous lui recommanderiez quel livre à Lucie ?
14:29 - Oh...
14:32 Oh là là...
14:37 Oh si, moi je lui musse.
14:38 Les poèmes de Musset.
14:40 Les poèmes de Musset, oui.
14:41 Je lui donnerais des trucs...
14:43 Je lui donnerais des trucs très romantiques.
14:44 Parce que la manière qu'elle a de décrire le bras de ce garçon
14:50 qu'elle regarde dans une lumière,
14:53 elle est touchée par cette tâche de rousseur, cette douceur.
14:57 Les poèmes, je lui conseillerais des poèmes,
14:58 parce qu'on lit de moins en moins de poèmes.
15:00 C'est vrai, on a tendance à un petit peu oublier,
15:05 alors que quand on est jeune, c'est très important de trouver...
15:09 Tous les poèmes ne sont pas difficiles, quoi.
15:10 Il y a des poèmes plus compliqués, nous sommes d'accord,
15:12 mais oui, moi je ferais de ça.
15:13 Je ferais des poèmes de Musset.
15:16 - Vous les connaissez par cœur ?
15:17 - Oh non, je ne les connais pas par cœur.
15:19 Non, non, je vous assure.
15:20 - Un début, il y a marge.
15:21 - J'en ai lu beaucoup quand j'étais jeune.
15:22 Je vous dis, j'ai eu une très grande période.
15:23 Mais vous en recitez un, donc je serais bien incapable.
15:26 Non, non, non, je vous assure.
15:28 - Un petit poème ?
15:29 - Non, je vous assure que je serais incapable,
15:30 parce que je le ferais avec plaisir.
15:31 - C'est marrant, vous réussissez.
15:32 - Mais j'aurais dû préparer mon truc, j'en avais caché un dans ma...
15:34 - Il faut toujours faire ça, non ?
15:35 - Mais je ne m'attendais pas à ce qu'on parle de littérature.
15:38 - Reparlons cinéma.
15:39 Un couple, un couple père-fille qui tient sur un fil,
15:42 un couple borderline aux yeux de l'assistante sociale,
15:45 qui est un homme par ailleurs dans le film, mais quand même.
15:48 Ce couple père-fille, à quoi il tient pour vous ?
15:53 - Ah, je pense qu'il tient d'abord à ce deuil qu'ils partagent.
15:57 Ils ont perdu, excusez-moi, je m'en vais un petit coup.
16:00 - Vous auriez pu me dire, j'aurais lancé la musique.
16:02 - Pardonnez-moi.
16:03 - Ils partagent un deuil.
16:05 Ma femme est morte, sa maman est morte, donc c'est déjà quelque chose de très compliqué
16:10 d'aborder le deuil avec des générations différentes.
16:13 On manque, une femme vous manque, mais c'est pas pareil qu'une mère vous manque.
16:17 Donc cette espèce de douleur dans laquelle ils ne se glissent jamais vraiment.
16:22 On ne sait jamais s'ils en parlent ou s'ils n'en parlent pas.
16:24 Ils sont très extrêmement pudiques dans leur rapport au manque.
16:27 Et je crois que ce couple fonctionne dans l'idée de...
16:32 Ils sont, ce que je dis, nucléaires, ils sont complètement fusionnels.
16:36 Et malheureusement, c'est encore parce que des gens leur veulent du bien, de manière
16:41 à rentrer dans la normalité.
16:43 C'est-à-dire qu'on va envoyer une assistante sociale qui va vérifier si, oui ou non, ce
16:47 père est capable de s'occuper de sa fille.
16:49 Alors qu'en l'occurrence, c'est sa fille qui s'occupe de son père.
16:51 Et ça va tout foutre en l'air, parce que malheureusement, la maladie évolue et on
16:56 va jusqu'à la cécité.
16:57 Donc comment voulez-vous vous occuper d'un enfant si vous êtes aveugle ? Je pense qu'au
17:01 début, la petite veut rester avec son père et le père veut garder sa fille.
17:05 Mais il faut faire un sacrifice, on ne va pas tout dévoiler.
17:08 Et c'est ça qui est tragique, c'est que tu te dis...
17:11 Il faut en vouloir aux gens qui te veulent trop de bien, quoi.
17:14 Et c'est ça, donc il faut rentrer dans la normale.
17:18 - Quelles sont les failles de ce père, outre cette sclérose en plaques, vous dites ? Vous
17:23 ne dites pas failles, d'ailleurs, vous avez eu une fois un très joli mot pour parler
17:26 des failles.
17:27 Vous parlez d'un éclat dans l'émail.
17:30 - Un éclat dans l'émail.
17:31 Mais je dois être honnête, c'est Charles-Élie Couture.
17:33 - Vous lui avez volé ? - Non, je le dis parce que je ne vais pas
17:36 mentionner.
17:37 Ce serait malhonnête, c'est moi qui l'ai trouvé.
17:38 Mais c'est Charles-Élie.
17:40 Oui, c'est ça, c'est des blessures.
17:43 Déjà, moi, on n'en parle pas beaucoup dans le film, mais on comprend avec sa coupe mulet,
17:50 il a un côté… On sent que c'est quelqu'un qui a dû faire des tas de choses avec sa
17:53 femme qui devait être assez, on va dire, rock'n'roll, qu'à mon avis, il fumait
17:57 des Bédos bien avant d'en avoir besoin pour se soigner.
18:00 On sent que c'est quelqu'un qui avait sa jeunesse à lui, qu'on lui coupe les jambes,
18:05 c'est le cas de le dire.
18:06 Et ses failles, on la voit.
18:11 Comment pouvez-vous regarder votre fille en sachant que c'est elle qui nettoie la pisse
18:15 autour de la toilette parce que je trempe tellement ? C'est difficile de regarder sa
18:20 fille alors qu'on se dit « j'aurais dû l'aimer deux fois plus puisque sa mère
18:25 a disparu ». Donc ça, c'est une première faille.
18:27 Et je ne pense pas qu'il partait dans une société en conquérant.
18:32 Je pense qu'il se serait très bien satisfait de la vie qu'il avait avec ça.
18:34 Mais tout ça, on n'a pas besoin d'en parler.
18:35 Dans le film, je crois que Babinet arrive à nous en parler sans que pour autant on
18:39 en fasse un sort.
18:41 Oui, puis c'est encore un rôle de loser magnifique pour vous, extrêmement attendrissant.
18:46 Oui, mais c'est le cas.
18:48 Vous avez dit Bédos, je crois qu'on peut dire joint aussi, Marie-Rouana, Pétard…
18:51 Je ne suis absolument pas porté sur les paradis artificiels.
18:56 Ça, c'est plutôt Babinet.
18:57 Et les paradis fiscaux ?
18:58 Non, plus en règle avec le fisc, je vous assure.
19:01 Normal, en salle de bain.
19:02 Ça a été ta journée ?
19:09 Il me reste à peine deux jours.
19:15 Non, mais moi, je ne suis pas d'hipper.
19:18 Je fais ça pour dépanner mes amis, c'est tout.
19:21 Qu'est-ce qui t'a trouvé ce boulot ?
19:25 Qu'est-ce qui t'a trouvé ce boulot ?
19:27 C'est moi.
19:28 Je te demande un peu comme un retour d'amitié.
19:30 Tu vois, je mets les paies de ta dette et après, on verra, c'est tout.
19:32 50 grammes.
19:36 Oui.
19:40 Les enfants, allez, on y va !
19:42 On aurait bien un petit sandwich ce soir.
20:07 Qu'est-ce qu'on a mangé hier ?
20:08 Un sandwich.
20:09 Un sandwich.
20:12 Prends ce calotte, il n'est pas trop dégueulasse.
20:20 Papa, tu n'as pas appelé EDF.
20:22 Tu avais qu'un truc à faire et tu ne l'as pas fait.
20:24 Mais si, j'ai appelé EDF.
20:25 J'ai appelé EDF.
20:26 Simplement, je tombe tout le temps sur leur boîte vocale et ils ne répondent jamais, ces gros rats.
20:31 Non, non, non, j'ai appelé, je t'assure.
20:32 Je t'en prie, je m'en occupe.
21:01 France Culture, bienvenue au Club.
21:07 Olivier Ghesbert.
21:29 Benoît Poulvord est notre invité aujourd'hui à l'occasion de la sortie en salle de Normal de Olivier Babinet.
21:34 Au 57ème Festival de Cannes en 2004, Benoît Poulvord, membre du jury aux côtés de Comte Tarantino.
21:40 Ben oui, c'est vrai.
21:42 Il vous a massé les pieds ?
21:43 Non.
21:44 Il est un peu fétichiste du pied, je crois.
21:46 Non.
21:47 Bon, tout s'est bien passé.
21:48 Vous auriez préféré voir gagner Coréida plutôt que Michael Moore, vous l'avez dit.
21:52 Est-ce que c'est révélateur, symptomatique de votre cinéphilie, Benoît Poulvord ?
21:57 Mais disons qu'en l'occurrence, je n'aimais pas du tout le film qui a gagné.
22:01 C'était "Fahrenheit".
22:02 Oui, oui, je n'aimais pas du tout.
22:04 Mais bon, c'est le problème d'un jury.
22:07 Et j'aimais énormément le film coréen.
22:09 Est-ce que c'est révélateur ?
22:11 En tout cas, c'est révélateur du cinéma que je n'aime pas.
22:15 Donc je n'aimais pas du tout ce qui gagnait.
22:17 Mais le problème, c'est que quand vous êtes dans un jury, il faut faire avec...
22:21 Vous marchandez, hein.
22:22 Vous marchandez littéralement.
22:24 Tu me donnes ça, et alors tu mettras ça comme truc.
22:27 C'est un petit peu navrant.
22:28 Donc vous pouvez avoir des films qui ne sont même pas sur la liste intéressante,
22:32 et tout à coup, ils interviennent dedans,
22:34 parce qu'ils deviennent une sorte de monnaie...
22:36 "Bon, bah, puisque tu me donnes ça, je te prends ça, je te mets ça."
22:39 Et pour finir, je ne sais pas, il faut demander aux autres gens.
22:41 Normalement, on ne peut pas en parler.
22:42 Mais comme j'en parle, je m'autorise le droit de le faire,
22:45 parce que nous avons été la seule année où...
22:48 C'est nous qui avons commencé, je ne sais pas si ça se fait encore,
22:50 où nous devions expliquer nos choix.
22:52 Donc à partir du moment où les journalistes peuvent nous poser la question sur nos choix,
22:55 je peux me permettre de parler de ça avec vous.
22:56 - Oui, puis ça y est, c'est fini, de toute façon, maintenant.
22:58 - J'avais adoré ce film, "Old Boy".
23:00 Et il y avait aussi un film époustouflant avec un petit garçon.
23:04 Euh... Comment ça s'appelait ?
23:07 Magnifique, un réalisateur japonais, ce petit garçon qui prend toute une famille.
23:10 Et d'ailleurs, c'est marrant, parce qu'il prend en charge toute une famille,
23:13 puisqu'il n'a plus de parents, ils sont enfermés dans un petit immeuble.
23:16 Comment s'appelle ce film ?
23:17 Les auditeurs le retrouveront sûrement, si ils aiment le cinéma.
23:21 Et c'est "Nobody Knows".
23:23 "Nobody Knows".
23:24 Et le petit garçon a eu le prix d'interprétation.
23:26 Ça, c'est grâce à moi.
23:27 - Voilà.
23:28 - Je l'ai revu au Japon.
23:29 - Bon.
23:30 - Ouais, en fait, c'est dans l'UK, c'est une petite histoire, on n'en a rien à fiche.
23:33 Mais ça ressemble un petit peu à ça, parce que le plus grand prend en charge sa petite sœur
23:39 et son autre petit frère.
23:41 Et ils vivent à trois, cachés dans un appartement.
23:43 Et c'est assez tragique.
23:45 Et c'est remarquablement mis en scène, parce que c'est filmé comme une sorte de partition musicale.
23:49 Alors que ça pourrait être tragique.
23:50 Et d'ailleurs, la fin est assez tragique.
23:52 Et c'est remarquable de voir comment un petit garçon à l'image peut devenir adulte en une heure et demie de film.
24:00 Au début, vous le voyez jouer dans la rue.
24:02 Et puis à mesure que les responsabilités lui tombent dessus,
24:04 hélas, les circonstances de la vie, et qu'il gère sa petite famille,
24:09 et bien, un peu comme dans "Normal".
24:11 - Voilà, mais c'est le fameux film de Kore-eda, celui que je vous citais, du japonais.
24:14 - C'est ça, voilà.
24:15 - Parce que vous m'avez parlé d'un coréen, après.
24:17 - Non, non, non, là, quand je n'entends pas, j'ai cru que vous parliez de Korida.
24:20 - Ah non, pas de Korida, de Kore-eda.
24:22 - On m'a vendu la Korida ici.
24:23 - Mais mon japonais n'est pas parfait.
24:25 - Non, non, non, vous parlez de Korba, vous voyez.
24:28 Et je me suis dit, je n'ai pas osé lui dire que Kore-eda n'était pas coréen, mais voilà.
24:32 - Ah, mais non, non, je parlais de...
24:33 - Tout va bien.
24:34 - Non, non, non, le film japonais.
24:35 - Oui, c'est celui-là.
24:36 - Non, non, non, j'ai bien entendu.
24:37 - Lui-même.
24:38 - Lui aussi, "Old Boy".
24:39 - Et ça s'en passe.
24:40 Dans les dix dernières années, vous avez tourné régulièrement avec Benoît Délépine,
24:44 avec Gustave Kerverne, avec Quentin Dupieux, avec Gilles Lelouch.
24:48 Ce cinéma-là, ce cinéma dans lequel vous jouez, vous, Benoît Poulvard,
24:51 est-ce que ce n'est pas forcément celui que vous regardez ?
24:55 - Alors, déjà, moi, je ne me regarde pas.
24:57 Mais ils sont très différents, tous ceux que vous avez cités.
25:02 Je ne suis pas très grand spectateur du cinéma, à dire vrai.
25:06 D'ailleurs, je pense qu'après avoir fait l'expérience du festival de Cannes en jury,
25:10 j'ai juré de ne plus jamais faire de jury de toute ma vie.
25:13 C'est impossible de regarder 15 films en deux jours.
25:15 En tout cas, on ne bouge pas en combien de jours ?
25:17 C'est fatigant.
25:18 Et donc, moi, je ne suis pas un grand cinéphile.
25:20 - Pof.
25:21 D'accord.
25:22 - Moi, je fais vraiment du cinéma comme un artisan.
25:24 Je dis, si vous trouvez que c'est intéressant de me mettre dedans
25:28 et que je peux y trouver du plaisir à le faire, à l'interpréter, à le jouer,
25:31 pas de problème.
25:32 Mais je me fiche un petit peu de savoir...
25:34 Après, une fois que c'est fait, c'est fait.
25:36 - Et les jeux vidéo, comme dans le normal ?
25:38 - Non, je n'ai aucun rapport aux jeux vidéo.
25:40 - Jeux drôles ? Vous n'êtes pas un gamer ?
25:41 - Oh non !
25:42 Non, loin de là.
25:44 - Et dans la vie ?
25:45 - Je suis toujours au jocelet, moi.
25:46 - Et dans la vie ?
25:47 - Vous êtes joueur ?
25:48 - Non, du tout.
25:49 Je suis vraiment tout ce qu'il y a de plus qu'à gagner.
25:51 Vous ne pouvez pas trouver plus ennuyé que moi.
25:53 Je vous montre mon fauteuil, je vous montre mes pantoufles,
25:55 je vous montre le feu ouvert.
25:56 Chez nous, à Belgique, on dit "feu ouvert", ça veut dire cheminé.
25:58 - Ah, d'accord.
25:59 - Et c'est fini.
26:00 Il n'y a plus de mystère.
26:01 Moi, sincèrement, ne cherchez pas bien loin, ça s'arrête là.
26:04 Ça, le jardin, la fenêtre ouverte.
26:06 - Et France Culture ?
26:07 - Et France Culture, ça oui.
26:08 Et je vais faire un effort...
26:09 - Elle n'est pas belle, la vie ?
26:10 - ... pour vous écouter, même après l'émission d'Histoire.
26:13 - Donc, la matinale, 9h, l'émission d'Histoire.
26:16 - Je suis toujours avec Guillaume Erner.
26:18 Je me réveille avec Guillaume Erner.
26:19 - Vous prenez la douche.
26:20 - Et après ça, je suis à l'Histoire.
26:22 Et puis après, je vais continuer si vous le voulez.
26:24 Mais après, je dois me concentrer, vous comprenez bien.
26:27 - Pour faire quoi ?
26:28 - Je vous l'ai dit.
26:29 Jardiner, ranger, dessiner, penser.
26:35 - Et si vous nous faisiez un petit plaisir la prochaine fois,
26:37 vous amenez le poste de radio dans le jardin avec vous ?
26:39 - C'est ce que je vais faire.
26:40 Parce qu'il paraît que maintenant, il existe des modèles
26:42 qui permettent une certaine autonomie sans fil.
26:44 - Normal, avec un E.
26:45 Benoît Poulvord, c'est le nouveau film d'Olivier Babinet.
26:48 Remarqué, très remarqué, notamment avec Swagger.
26:51 Avec, à vos côtés, Justine Lacroix.
26:53 - C'est merveilleuse.
26:54 - Merci.
26:55 Merveilleuse adolescente de 15 ans dans ce film.
26:57 Et elle joue Lucie.
26:58 Merci beaucoup à vous.
26:59 - Mais c'est moi qui vous remercie de m'avoir invité.
27:01 m'avoir invité.