Chroniqueur : Thomas Sotto
Ce matin, Thomas Sotto reçoit Boris Vallaud, député des Landes et président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, dans les 4 vérités.
Ce matin, Thomas Sotto reçoit Boris Vallaud, député des Landes et président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, dans les 4 vérités.
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00:00 [Musique]
00:03 Bonjour et bienvenue dans les 4V, Boris Zelenshaw.
00:05 Je vous voyais regarder avec des yeux ébahis les salaires des fonds de bolleurs.
00:08 Oui, un peu quand même, mais de quoi ?
00:09 Ça vous fait rêver ou ça vous inquiète ou ça vous consterne ?
00:11 Ni l'un ni l'autre, j'ai écouté avec intérêt.
00:15 Comme nous tous avec Axel Notar, est-ce que vous lisez Pif Gadget ?
00:18 Je vais peut-être m'y abonner parce que le président de la République a l'air de répondre à Pif Gadget
00:22 plus facilement qu'aux parlementaires et aux syndicats.
00:25 Allusion à cette interview qu'il a donnée pour les 75 ans du magazine.
00:29 Comment vous expliqueriez la réforme des retraites à un enfant de 8 ans
00:33 qui se dirait vraiment que les adultes ne sont pas raisonnables avec cette crise qui n'en finit pas ?
00:37 Je l'expliquerais simplement.
00:40 Le président de la République a dit qu'il y a un déficit.
00:42 Comment on le comble ce déficit ?
00:44 Et le président de la République a choisi comme réponse de faire payer ceux qui n'ont pas grand-chose déjà
00:49 plutôt que ceux qui pourraient participer mieux et plus à la solidarité nationale, par exemple.
00:53 Est-ce que c'est juste d'aller chercher dans les poches de ceux qu'on a applaudis à 20h,
00:59 les caissières, les ouvriers de l'agroalimentaire, les éboueurs,
01:03 les moyens dont on a besoin et d'épargner par exemple le patron de Total,
01:07 Total comme entreprise elle-même faisant des super profits.
01:12 Il y a une taxe au niveau européen sur les super profits quand même pour les entreprises comme Total.
01:16 Qui n'est pas super violente non plus.
01:18 Mais qui existe.
01:19 Les enfants quand ils se disputent, on leur explique qu'il faut se mettre d'accord,
01:21 qu'il faut trouver des compromis. Est-ce qu'il n'est pas temps de se mettre d'accord et de trouver des compromis ?
01:24 Mais vous savez c'était l'objet théoriquement de la concertation,
01:29 prétendue concertation qui a eu lieu avec les organisations syndicales.
01:33 C'était précisément l'objet d'un débat parlementaire avec des amendements
01:37 qui auraient pu proposer d'autres modes de financement de cette réforme de retraite,
01:40 plus juste, plus équitable, plus durable.
01:43 Sauf que pardon, c'est largement votre famille politique la dupesse qui l'a saboté ce débat parlementaire.
01:48 Vous croyez vraiment que c'est la gauche qui met dans la rue ces centaines de milliers, ces millions de personnes ?
01:57 Non, je ne dis pas ça. Vous parlez des amendements.
01:58 Nous sommes la chambre d'écho aussi du désaccord des Françaises et des Français.
02:03 Et de quoi nous avons débattu ? Parce qu'il faut être juste,
02:05 de quoi nous avons débattu à travers un certain nombre d'amendements ?
02:08 Nous avons parlé de l'emploi des seniors en disant si nous augmentons 10% le taux d'emploi des seniors,
02:12 nous avons enfin des propositions, nous n'avons plus besoin de faire cette réforme.
02:15 Par exemple, concentrer la formation professionnelle plutôt sur les seniors que sur les juniors.
02:19 C'est ce que font les pays du nord de l'Europe.
02:21 Ce n'est pas ce que fait la France.
02:23 Plutôt les 25-35 ans qui captent l'essentiel des crédits de formation professionnelle.
02:28 On a dit, écoutez, nous pourrions par exemple faire des transferts de cotisations.
02:32 En 2030, avec 4000% de chômage, ce qui est l'hypothèse du gouvernement,
02:35 l'UNEDIC, l'assurance chômage, va faire un excédent de 20 milliards d'euros.
02:40 Eh bien, c'est précisément ce que l'on recherche.
02:42 On ne va pas refaire tout le débat pour les amis.
02:43 Pour vous dire qu'il y a eu un débat.
02:45 Ensuite, vous posez la question de la concertation et du compromis.
02:50 Mais le compromis que les uns et les autres demandent au président de la République,
02:53 c'est de retirer cette mesure.
02:55 Ce n'est pas un compromis du coup.
02:56 En fait, chacun veut bien discuter à condition que l'autre soit gâté.
02:59 Le compromis, c'est chercher d'autres manières d'équilibrer ce déficit.
03:03 D'interroger d'ailleurs sa nature.
03:05 Vous savez qu'il y a la moitié du déficit qui est remporté par le gel du salaire des fonctionnaires.
03:09 Je pose la question que je pose à des amis depuis des semaines, comment on en sort aujourd'hui ?
03:11 Elisabeth Borne va recevoir l'intersyndicale.
03:13 Elle dit "je ne veux pas parler de ça" et les syndicats disent "je ne veux parler que de ça".
03:16 Comment on va en sortir ?
03:17 Écoutez, tout le monde, ou une très grande majorité de gens, ont la solution.
03:20 Je lisais un titre d'un de vos collègues qui disait "le gouvernement cherche une idée de génie pour sortir de la crise".
03:25 Mais bon, alors, on n'est pas tous des prix Nobel.
03:27 Moi, ça m'en faut, mais je prends ma part.
03:29 Enfin, la réponse est assez simple.
03:31 Il faut suspendre ou retirer cette réforme.
03:34 C'est ce que demandent 95% des actifs français au travail.
03:38 Et c'est, d'une certaine manière, une révolte sociale de ceux qui n'ont que leur travail pour vivre.
03:42 C'est la demande de toutes les organisations syndicales à l'unisson.
03:45 Je remarque d'ailleurs que c'est aussi la demande d'un certain nombre de députés, de la majorité, qui disent "tout ça n'en vaut pas la peine".
03:52 Qu'est-ce qu'on est en train de vivre ?
03:53 On est en train de vivre une crise sociale, une crise politique, une crise de régime ?
03:56 On est dans quoi, là ?
03:57 Je crains qu'on soit un point où c'est les trois à la fois.
04:00 D'abord, parce que j'ai la conviction qu'il y a dans les mouvements sociaux auxquels nous assistons depuis des semaines,
04:06 on est très suivi avec des gens qui parfois manifestent pour la première fois, font grève pour la première fois.
04:10 Dans les cortèges des manifestations, il y a des gens qui disent "moi j'ai juste pris trois heures, je vais retourner à l'atelier, au bureau, à l'usine après".
04:18 Parce que d'abord, c'est difficile de se priver d'un petit salaire, c'est difficile de faire grève, c'est difficile d'aller manifester.
04:24 Et il faut respecter et mesurer ce que ça coûte aux Françaises et aux Français pour qui, en ce moment, la vie est chère et les fins de mois difficiles.
04:33 Donc c'est une crise sociale, il y a des causes plus profondes que ça.
04:41 Le pays souffre et le mal qu'il arrange, c'est l'injustice.
04:45 On fait payer le quoi qu'il en coûte à celles et à ceux que nous avons à prendre le diapas d'intérêt.
04:49 C'est une crise sociale profonde, en pleine crise de la vie chère.
04:52 C'est aussi une crise politique et institutionnelle.
04:55 Le gouvernement, le président de la République a disqualifié ceux qui sont ses interlocuteurs, la démocratie médiatisée,
05:01 les partenaires sociaux sur lesquels il marche, le Parlement qui ne s'est pas prononcé à aucun moment en définitive à l'Assemblée nationale,
05:10 ni en première ni en deuxième lecture.
05:12 On sait pourquoi.
05:13 Oui, parce que le gouvernement n'a pas voulu soumettre au vote le texte, parce que, selon l'expression de la Première Ministre, le compte n'y était pas.
05:20 Il y a un problème de légitimité de la Benne-Borne ou pas ? Est-ce qu'elle doit rester à Matignon aujourd'hui ?
05:26 Elle est dans un grand état de faiblesse et la question de sa capacité à gouverner est en effet posée.
05:31 Je crois.
05:32 C'est le président aujourd'hui ?
05:34 Ecoutez, moi, je ne cherche pas des fusibles, je cherche des solutions.
05:37 Et la solution, elle est dans le retrait de la réforme.
05:39 Vous savez, aujourd'hui, ce qui préoccupe les Français, vous l'avez évoqué tout à l'heure dans votre journal,
05:43 c'est que quand ils vont au supermarché depuis un an, ils se rendent compte que les prix ont augmenté de 16%.
05:47 Et que les fins de mois, ce n'est plus le 30, c'est le 15.
05:51 Que c'est difficile de remplir le frigo, que c'est difficile de faire manger ses enfants,
05:55 que c'est difficile de se déplacer, de remplir son réservoir d'essence pour aller travailler, pour aller se soigner.
06:01 C'est de ça dont les Français veulent parler de leur salaire, de leurs conditions de travail,
06:06 de ce que leur coûte leur logement, leur chauffage. Voilà des sujets.
06:13 Et le président embolise tout.
06:15 Vous allez aller la voir ou pas la Première ministre ? Elle vous a invité, elle vous a convu ?
06:17 Pour l'instant, elle ne nous a pas invité.
06:19 Et vous le souhaitez ?
06:20 Moi, je ne souhaite rien.
06:21 Vous savez, on a eu un espace de dialogue et de débat qui s'est révélé stérile, c'était l'hémicycle.
06:25 On a fait les propositions, c'était circulé, il n'y a rien à voir.
06:28 Si c'est nous inviter, alors je suis désolé, la Première ministre, toujours fort aimable.
06:34 Elle nous offre un café, elle n'est pas désagréable.
06:38 Mais à la fin, la question qui se pose, c'est de quoi on peut parler.
06:42 Ça ne sert à rien ?
06:43 Pour l'instant, ça n'a pas servi à grand-chose.
06:45 Et quand j'entends Franck Riester, qui a quand même sa grande vertu comme ministre,
06:50 c'est de dire la vérité, vous savez, c'est par lui qu'est arrivé un certain nombre de vérités sur cette réforme des retraites.
06:55 Il dit, il faut qu'on parle de ce sur quoi on est d'accord.
06:59 Très bien, mais c'est aussi pas mal d'essayer de parler des sujets qui sont des sujets conflictuels et des sujets de désaccord.
07:06 Alors, il y a la responsabilité du gouvernement, il y a la responsabilité des syndicats,
07:09 il y a aussi la responsabilité des politiques et de l'opposition.
07:11 Est-ce que vos collègues de la France insoumise cherchent à mettre le chaos ?
07:15 J'ai bien entendu tous ces éléments de langage répétés à l'envie par les gouvernements.
07:23 Vous savez, dans le moment qu'on est en train de vivre, la solution à l'incendie social, à la crise institutionnelle,
07:29 c'est le gouvernement qui est entre les mains, c'est le président de la République qui est entre les mains.
07:33 Et plutôt que de chercher de la responsabilité chez les autres, il faut bien assumer les siennes.
07:36 Et la sienne aujourd'hui d'apaiser le pays, de retrouver le chemin du dialogue, c'est de prendre une décision forte,
07:42 qui lui sera évidemment désagréable, qui est de retirer la réforme.
07:45 Je voulais montrer le tweet de Jean-Luc Mélenchon après les incidents de Saint-Solène ce week-end.
07:50 Voilà ce qu'il écrit.
07:52 "Assez de violence policière, assez sans les Bravem, sans ce cirque, il ne se passerait absolument rien d'autre qu'une marche dans les champs."
07:57 C'est pas un peu court ? Vous pourriez le retweeter, ça, puisque c'est votre allié ?
08:00 Non, écoutez, moi je vous donnais ma position. Je pense que si vous m'invitez, c'est la mienne qui vous intéresse.
08:04 Vous partagez une famille politique à l'Assemblée.
08:06 Bien sûr, avec des accords et des désaccords.
08:08 Donc là, vous donnez ma position. Je pense que c'est un raccourci.
08:12 Il y a dans cette manifestation, qui doit pouvoir se dérouler dans des conditions de sécurité pour les gendarmes,
08:18 comme pour les manifestants de la meilleure des façons, il y a des gens qui sont venus pour casser.
08:22 Il y a eu aussi une grande violence dans les opérations de maintien de l'ordre.
08:25 Est-ce que vous avez confiance dans la police et la gendarmerie de notre pays aujourd'hui ?
08:28 Mais moi j'ai confiance dans la gendarmerie et dans la police, j'ai moins confiance dans le gouvernement et dans les ordres qui leur sont donnés.
08:33 Vous savez, il y a eu des manifestations au moment des Gilets jaunes qui ont interrogé la doctrine de maintien de l'ordre de l'État.
08:38 Et finalement, la figure de ce maintien de l'ordre, puisque M. Castaner n'assumait pas ses responsabilités, c'était le préfet d'Allemagne.
08:44 On a eu un préfet, le préfet Nunez, qui d'une certaine manière nous a rassurés dans la façon dont il a exercé ses responsabilités
08:50 dans les semaines où il y a eu des millions de Français dans les rues. Ça s'est bien passé.
08:54 Et puis là, on voit des unités de police, les Brave M, qui manifestement ne sont pas des...
08:59 Qui n'étaient pas sansolides, à part les gendarmes.
09:01 Oui, mais il n'y a pas que les gens solides.
09:03 Il y a aussi des opérations, enfin il y a des unités dont ce n'est pas métier le maintien de l'ordre.
09:10 Les gendarmes mobiles, les CRS, pas les Brave M, pas la BAC.
09:13 Il y a, et là c'est le cas autour de la Grande-Bassine, la question de l'usage d'un certain nombre d'armes, des grenades de désaffortement.
09:20 Est-ce que M. Couvert a une interrogation de ministre de l'Intérieur ou pas ?
09:22 Je pense qu'il doit sérieusement se poser la question du maintien de l'ordre.
09:25 En 2010, pourquoi la France n'y a pas participé ?
09:27 12 pays européens se sont posés la question de l'évolution de cette doctrine du maintien de l'ordre,
09:32 avec une doctrine qu'on a appelée celle de la désescalade.
09:34 Ils ont interrogé l'usage d'un certain nombre d'armes, les LBD, les grenades de désencerclement, dans le cadre du maintien de l'ordre.
09:44 C'est interdit en Allemagne, c'est interdit en Grande-Bretagne.
09:46 Pourquoi la France reste à l'écart de cela ?
09:48 Je crois qu'une police républicaine doit pouvoir compter sur sa hiérarchie jusqu'au ministre.
09:55 Vous demandez le départ de Gérald Darmanin ?
09:57 Je demande le départ de personne, je demande qu'ils fassent leur boulot et qu'ils le fassent le mieux possible.
10:00 Et pour l'instant, je veux dire, ils le font assez mal.
10:02 Et il y a un problème d'abord de confiance des Français, dont ceux qui sont censés être leurs premiers représentants.
10:06 Sauf qu'on a un gouvernement qui les représente mal, qui ne les entend pas, qui est sourd et aveugle à leurs préoccupations.
10:13 Merci beaucoup Boris Vallaud d'être venu ce matin dans les 4V.