Christine Kelly et ses chroniqueurs débattent de l'actualité dans #Facealinfo
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00:00:00 Merci infiniment Nelly Denac, nous sommes avec nos mousquetaires préférés en effet.
00:00:06 19h c'est l'heure, ce soir édition spéciale effectivement sur les manifestations.
00:00:12 La mobilisation commence-t-elle à s'essouffler ?
00:00:16 Lors de cette dixième journée de protestation, les jeunes sont finalement moins nombreux que prévu.
00:00:21 Les black blocs sont finalement moins nombreux que prévu.
00:00:24 Les manifestants entre 20 à 50% moins nombreux que jeudi dernier.
00:00:28 Un repli est constaté partout en France même si la mobilisation reste forte.
00:00:34 La deuxième depuis le début des manifestations.
00:00:38 Autre nouveauté, la nature de la contestation évolue.
00:00:42 Contre la réforme, contre le président Emmanuel Macron, contre les violences policières, la colère est multiforme.
00:00:49 Alors nous irons sur le terrain dans cette édition pour faire le point en direct avec nos envoyés spéciaux.
00:00:55 Le tout sous le regard affûté, je vous le disais, de nos mousquetaires.
00:01:00 Justement, c'est parti pour le sommaire.
00:01:02 Est-ce que le désordre qui règne en France va servir à la cause d'Emmanuel Macron ?
00:01:09 Le chef de l'État joue-t-il la lassitude des manifestants et la logique du laisser-faire pour faire passer sa loi ?
00:01:17 Quelles peuvent être les conséquences de ce désordre ?
00:01:20 L'édito de Mathieu Boccoté.
00:01:23 Qu'en est-il de la mobilisation et du maintien de l'ordre vu de l'étranger ?
00:01:27 Comment gère-t-on les conflits sociaux ?
00:01:29 Comment les autres pays s'organisent-ils pour faire en sorte qu'il y ait moins de manifestations ?
00:01:34 La négociation, le consensus, y a-t-il des recettes dont nous pourrions nous inspirer ?
00:01:39 Quelles sont les bonnes pratiques ? L'analyse de Dimitri Pavlenko.
00:01:44 Alors que les Black Blocs sont encore présents en ce moment à Paris, même moins nombreux que jeudi dernier,
00:01:49 je vous le disais, on se demandera comment peut-on les laisser venir parfois d'Allemagne, de Belgique, d'Espagne et détruire la France ?
00:01:58 Que dit l'Europe ? Que fait l'Europe ? Pourquoi la libre circulation des Black Blocs est-elle aussi souple ?
00:02:03 La liberté, le libéralisme européen ne touche-t-il pas là leurs limites ?
00:02:08 Le décryptage de Charlotte Dornelas.
00:02:11 Les violences depuis ce week-end sont très présentes dans les manifestations.
00:02:15 Cela crée forcément la peur du chaos et rappelle pour certains,
00:02:18 ce qui s'est passé en mai 68.
00:02:21 Quel a été le poids des jeunes dans la mobilisation, comme en mai 68, Marc Menand raconte.
00:02:28 Et puis faire passer ses idées par la violence, voilà qui nous choque.
00:02:32 Pourtant, longtemps cela allait de soi.
00:02:34 Nous l'avons oublié.
00:02:35 Nous le redécouvrons.
00:02:37 Faire passer ses idées par la violence, est-ce du terrorisme ?
00:02:40 L'édito de Mathieu Bochcotte.
00:02:43 Une heure pour prendre un peu de hauteur sur l'information,
00:02:46 tout en étant connecté en direct avec le terrain.
00:02:49 C'est parti.
00:02:50 Bonsoir à tous.
00:03:04 Ravie de vous retrouver.
00:03:05 Charlotte, Marc, Dimitri, Mathieu.
00:03:08 La mobilisation commence-t-elle à s'essouffler ?
00:03:10 On ira sur le terrain, je vous le disais, dans un instant.
00:03:13 C'est la question qu'on va se poser d'ailleurs ce soir à Mathieu Bochcotte,
00:03:16 notamment lors de cette dixième journée de protestation,
00:03:19 où les jeunes sont moins nombreux, les black blocs sont moins nombreux,
00:03:22 les manifestants sont moins nombreux, mais la mobilisation reste forte.
00:03:25 Avec vous Mathieu, on va analyser ce qui se passe sur le terrain.
00:03:29 C'est une thèse qu'on entend souvent ces temps-ci.
00:03:32 Les milices d'ultra-gauche feraient le jeu d'Emmanuel Macron
00:03:37 en remplaçant le débat sur les retraites par le débat sur les violences.
00:03:42 Mais est-ce vraiment le cas ?
00:03:44 Doit-on les présenter comme les idiots utiles du pouvoir ?
00:03:48 Alors, il y a dans cette thèse un peu de vrai, un peu de faux,
00:03:52 et il faut chercher justement à trier le vrai du faux dans cette explication
00:03:56 qui éclaire en partie la situation,
00:03:59 mais qui la rend illisible si on s'enferme dans cette explication.
00:04:04 Le point de départ, évidemment, et ça on le sait,
00:04:06 on le répétait au moment de la présidentielle,
00:04:09 c'est qu'il y a un président en politique qui impose sa question,
00:04:12 peut imposer sa réponse.
00:04:14 Et ça, ça demeure vrai.
00:04:16 Rappelez-vous, au moment de la présidentielle,
00:04:18 tant que l'enjeu c'était l'identité, les émaux remontaient.
00:04:21 Quand la question du pouvoir d'achat arrive, ça avantage Marine Le Pen.
00:04:24 Quand la question ukrainienne arrive, ça avantage le président de la République.
00:04:27 Dans les circonstances présentes, il y a plusieurs,
00:04:30 mais disons deux grandes manières de poser le débat qui est devant nous.
00:04:33 Si le débat, c'est qu'en est-il des retraites ?
00:04:37 Est-ce que cette réforme est juste ?
00:04:39 Est-ce qu'il est légitime de la mener ?
00:04:41 Globalement, c'est un débat qui avantage la rue et plus largement l'opposition.
00:04:46 Si le débat, c'est plutôt que faire devant ces violences ?
00:04:51 Que faire devant ces milices d'ultra-gauche ?
00:04:53 Que faire devant les antifascistes ?
00:04:55 Que faire devant ces gens ?
00:04:57 Alors là, c'est un contexte de débat
00:05:00 qui peut favoriser potentiellement le pouvoir, l'exécutif,
00:05:03 qui se présente alors comme le parti de l'ordre
00:05:06 en disant « Fiez-vous à moi, au-delà de nos divisions bien réelles sur les retraites,
00:05:10 il faut assurer la concorde civique et devant l'ultra-gauche, je tiens les institutions. »
00:05:16 Qu'est-ce qu'on voit en ce moment ?
00:05:18 On comprend que dans cette logique,
00:05:20 plusieurs supposent que l'exécutif a une stratégie du pourrissement.
00:05:22 C'est la formule qui revient en boucle ces jours-ci.
00:05:24 - Tout à fait.
00:05:25 - Qu'on doit distinguer de la stratégie de l'épuisement.
00:05:27 Ça, je distingue de l'épuisement, c'est cette idée que la réforme va finir...
00:05:31 l'opposition va finir par s'épuiser,
00:05:33 les gens n'auront plus l'énergie d'aller dans la rue
00:05:35 et les gens vont accepter sans joie,
00:05:37 les gens vont accepter à contre-coeur,
00:05:39 mais les gens vont accepter la réforme.
00:05:41 Ça, c'est la stratégie de l'épuisement.
00:05:43 La stratégie du pourrissement, on le dit,
00:05:45 c'est cette idée que la population en aurait tellement marre,
00:05:48 mais marre des milices d'extrême-gauche
00:05:50 qu'elle se tournerait vers le pouvoir en disant
00:05:52 « Protégez-nous finalement de la chienlit. »
00:05:55 On pourrait dire dans ce contexte que chacun attend sa bavure.
00:05:59 La gauche radicale attend son moment Malik Ouskine.
00:06:03 La gauche radicale se dit...
00:06:05 Je dirais presque de manière...
00:06:07 C'est terrible de dire ça,
00:06:09 mais elle attend probablement le mort dans la rue
00:06:11 qui dirait...
00:06:13 qui mettrait le gouvernement en échec
00:06:15 et qui l'obligerait à stopper.
00:06:17 Et de l'autre côté, on peut croire que le gouvernement
00:06:19 attend la violence de trop des...
00:06:22 si on est dans ce scénario...
00:06:24 - Des Black Blocs.
00:06:26 - Des Black Blocs en disant « Mais là, les gens en ont marre,
00:06:28 ils en ont tous énormément marre et on arrête. »
00:06:30 Ce qu'on oublie dans ce scénario,
00:06:32 c'est que la violence en ce moment,
00:06:34 elle n'est pas le fruit de la crise présente.
00:06:37 La violence politique, celle des milices
00:06:39 qui occupent toute l'actualité en ce moment,
00:06:41 on a eu l'occasion d'en parler un peu hier,
00:06:43 c'est une violence qui est présente depuis 40 ans.
00:06:46 Mais c'était une violence, celle des antifas,
00:06:48 des Black Blocs, des milices d'ultra-gauche
00:06:51 qui étaient concentrées,
00:06:53 ça veut pas dire que ça débordait pas,
00:06:55 mais qui étaient concentrées sur ce qu'on appelle
00:06:57 la droite nationale.
00:06:59 Tant que les milices d'ultra-gauche
00:07:01 tapaient sur la droite nationale,
00:07:03 qu'ils appellent l'extrême droite,
00:07:05 ça dérangeait personne, ça ne faisait pas d'actualité,
00:07:07 ça ne faisait pas les grands titres,
00:07:09 ça ne faisait pas la Une des journaux,
00:07:11 parce qu'on considérait même que ça allait un peu de soi.
00:07:13 On ne se désolait pas de voir ces voyous,
00:07:15 encagoulés, répétant des slogans révolutionnaires,
00:07:18 taper sur les représentants de partis disqualifiés.
00:07:21 Ce qui se passe en ce moment,
00:07:23 ça, il faut le garder à l'esprit,
00:07:25 c'est que cette violence, cette mouvance
00:07:27 s'est autonomisée pour un temps
00:07:29 et que la droite, dans sa propre politique,
00:07:31 est une politique, justement, de chaos.
00:07:33 Là, il y a une explication qui circule un peu sur la violence.
00:07:36 C'est l'explication, oui, mais c'est une violence...
00:07:38 Donc là, on détache la violence des Black blocs
00:07:40 et on dit non, c'est une violence de désespérer.
00:07:42 C'est les manifestants qui n'en peuvent plus.
00:07:44 Ils ont manifesté librement et on les a pas entendus,
00:07:47 donc ils se choquent.
00:07:49 Bon. Alors, il y a eu une scène magnifique,
00:07:51 je crois que c'était hier soir ou avant-hier,
00:07:53 à Quotidien. Oui, des scènes magnifiques à Quotidien,
00:07:55 c'est possible. - Bip!
00:07:57 (rires)
00:07:59 - Et qu'est-ce qu'on a vu? On a vu Édouard Philippe
00:08:01 donner une série de, je veux dire, de claques symboliques
00:08:04 aux gens de Quotidien qui étaient sur le mode
00:08:06 de la complaisance à l'endroit des violences.
00:08:09 Sur le mode, justement, mais ils sont violents
00:08:11 parce qu'ils ne se font pas entendre
00:08:13 et au nom d'une cause tellement juste,
00:08:15 la cause est tellement noble
00:08:17 que ça justifie une certaine violence.
00:08:19 Édouard Philippe, magnifiquement.
00:08:21 Franchement, je l'ai trouvé... Édouard Philippe est un homme
00:08:23 politique qu'on peut contester à plusieurs égards,
00:08:25 mais je l'ai trouvé très ferme sur l'essentiel.
00:08:27 Il a demandé aux gens de Quotidien, regardez,
00:08:29 imaginez un instant si les gens dans la rue
00:08:31 étaient prêts à de telles violences pour une autre cause
00:08:33 que vous n'endossez pas, que vous ne soutenez pas.
00:08:35 Par exemple, pour s'opposer à la présence
00:08:37 d'un camp de migrants imposé dans tel ou tel village.
00:08:40 Est-ce que vous diriez la violence est légitime
00:08:42 parce qu'ils n'ont pas été capables
00:08:44 de bloquer ça démocratiquement et leur malheur
00:08:46 et leur malaise est tel qu'ils se permettent la violence?
00:08:49 Est-ce que vous de Quotidien, est-ce que vous de Libé,
00:08:51 est-ce que vous du Monde, est-ce que vous de la Pravda publique,
00:08:54 est-ce que vous seriez en train d'excuser les violences?
00:08:57 Non, vous ne le feriez pas.
00:08:59 Et j'ai trouvé que c'était un espèce de sain retour à l'ordre
00:09:02 dans ce débat.
00:09:04 Un dernier élément sur les violences là-dedans,
00:09:06 tout le discours sur les violences policières
00:09:08 en ce moment a une seule fonction.
00:09:10 Je dis pas qu'il n'y a pas de débordement.
00:09:12 Par définition, le maintien de l'ordre implique
00:09:14 une part de débordement qu'on regrette, qu'on critique,
00:09:17 et les policiers qui débordent sont sanctionnés d'ailleurs,
00:09:19 il ne faut pas l'oublier, à la différence des manifestants
00:09:21 qui débordent.
00:09:23 Mais le discours sur les violences policières
00:09:25 cherche à créer une équivalence
00:09:27 entre d'un côté la violence de l'État,
00:09:29 la violence légitime de l'État,
00:09:31 qui peut être exagérée, mais le monopole de la violence légitime,
00:09:33 c'est la formule de Weber,
00:09:35 et de l'autre côté la violence des casseurs d'extrême-gauche.
00:09:37 Donc on cherche à dire finalement que deux violences s'affrontent
00:09:39 et nous n'avons pas à choisir entre les deux.
00:09:41 Non, il faut néanmoins dans ces moments-là
00:09:43 choisir la défense légitime de l'État
00:09:45 et non pas celle des casseurs.
00:09:47 Donc le discours des violences policières est là en fait
00:09:49 pour faire oublier l'élément central,
00:09:51 c'est le discours des violences de l'extrême-gauche
00:09:53 qui cherche à amener une partie de la population
00:09:55 à se radicaliser, à faire en sorte que le qui-dame non-violent
00:09:57 devienne violent lui aussi.
00:09:59 - On voit toujours les images en direct à Paris.
00:10:01 Nous irons dans un instant rejoindre notre envoyée spéciale
00:10:03 sur place pour connaître un peu le climat place de la nation.
00:10:05 Selon les chiffres,
00:10:07 740 000 manifestants selon le ministère de l'Intérieur,
00:10:09 2 millions en France,
00:10:11 selon la CGT,
00:10:13 c'est moins par rapport à la semaine dernière.
00:10:15 Revenons, Mathieu Bogcôté,
00:10:17 à la stratégie du pourrissement.
00:10:19 Est-ce que vous pensez qu'elle est en train de réussir?
00:10:21 Puisqu'on voit qu'il y a un certain,
00:10:23 je dis bien léger,
00:10:25 mais un certain essoufflement.
00:10:27 - Je distinguerais.
00:10:29 L'essoufflement, c'est peut-être parce que bien des gens
00:10:31 se sont dit qu'il va y avoir tellement de casse aujourd'hui
00:10:33 que ça ne tente pas d'aller me faire taper sur la gueule
00:10:35 pour finalement prendre le coup destiné
00:10:37 à je ne sais quel Black Bloc,
00:10:39 je ne sais quel pavé.
00:10:41 Donc ça, on peut croire que les gens...
00:10:43 - La violence peut effectivement desserrer la mobilisation.
00:10:45 - Bien, la violence peut décourager la mobilisation.
00:10:47 - Bien, la violence peut décourager la mobilisation.
00:10:49 Ensuite, est-ce que pour l'instant,
00:10:51 le parti de l'ordre se reconstitue
00:10:53 autour d'Emmanuel Macron?
00:10:55 Est-ce que finalement, il réussit,
00:10:57 si c'est le scénario qu'on lui prête,
00:10:59 à tirer avantage de la situation, plus ou moins?
00:11:01 Franchement, Emmanuel Macron, en ce moment,
00:11:03 est dans la position de ce que j'appelle
00:11:05 une présidence spectrale.
00:11:07 C'est une présidence fantomatique.
00:11:09 C'est une présidence flottante.
00:11:11 C'est une présidence qui ne réussit pas à exercer le pouvoir.
00:11:13 J'ai une formule qui me vient à l'esprit
00:11:15 de ce qu'on peut dire de l'homme qui, en ce moment,
00:11:17 on pourrait dire qu'il a été capable
00:11:19 d'être reconduit à ses fonctions,
00:11:21 à la dernière présidentielle,
00:11:23 mais qu'il n'a pas été capable de reprendre le pouvoir.
00:11:25 Le pouvoir s'est échappé.
00:11:27 Le pouvoir s'est liquéfié.
00:11:29 Donc, voilà un homme qui occupe une fonction
00:11:31 dans pleine légalité, mais qui, en ce moment,
00:11:33 n'a plus d'emprise sur le pays.
00:11:35 Donc, il y a différentes solutions.
00:11:37 La popularité, hein, les sondages qui tournent,
00:11:39 il y a une popularité au niveau gilet jaune,
00:11:41 en ce moment, ce qui n'est pas une très bonne chose
00:11:43 pour la République. Alors, les solutions pour lui,
00:11:45 il a la tentation de se sauver à l'étranger.
00:11:47 C'est-à-dire, je laisse les forces sociales
00:11:49 à la banalité du quotidien se taper sur la gueule.
00:11:51 En fait, moi, je porte la France à l'étranger.
00:11:53 On le sait, il dira la semaine prochaine,
00:11:55 si je ne me trompe pas, avec Mme von der Leyen,
00:11:57 bras dessus, bras dessous, pour parler à la Chine.
00:11:59 On peut croire...
00:12:01 Il y a une chose qui me frappe aussi,
00:12:03 c'est la réaction de la Macronie,
00:12:05 qui est un peu schizophrène, là-dedans.
00:12:07 C'est-à-dire, d'un côté, on a un président
00:12:09 qui est conscient qu'il y a une crise,
00:12:11 et de l'autre côté, il y a la moitié de la Macronie
00:12:13 qui dit que tout ça est terrible,
00:12:15 la démocratie est en danger,
00:12:17 et l'autre moitié qui dit que la majorité
00:12:19 n'a jamais été aussi forte et qu'il n'y a pas
00:12:21 de crise politique. Alors, moi, l'esprit est plutôt simple.
00:12:23 Alors, quand je vois ça, j'ai l'impression
00:12:25 que ça heurte le principe de non-contradiction.
00:12:27 Mais, quoi qu'il en soit, on se retrouve donc
00:12:29 pour l'instant, la Macronie ne réussit pas
00:12:31 à générer le réflexe de l'ordre.
00:12:33 Le réflexe de l'ordre, c'est que c'est assez,
00:12:35 c'est assez la chianlie, c'est assez les sottises.
00:12:37 Donc, elle ne réussit pas ça pour l'instant.
00:12:39 La stratégie ne fonctionne pas. Je note une petite chose
00:12:41 là-dedans. De la manifestation,
00:12:43 aujourd'hui, vous avez tout à fait raison de dire
00:12:45 que la présence est moins nombreuse,
00:12:47 mais les motifs de manifestation se multiplient,
00:12:49 comme si chacun voulait greffer
00:12:51 son malaise à la crise présente.
00:12:53 - On se demande de plus en plus
00:12:55 quelle est la voie de sortie
00:12:57 pour cette crise. C'était notamment
00:12:59 le cas de Laurent Berger,
00:13:01 aujourd'hui. Est-ce qu'on voit le début
00:13:03 de l'esquisse d'une stratégie
00:13:05 d'apaisement, quelque part, dans la société?
00:13:07 - Pour l'instant, vous avez raison de le dire,
00:13:09 c'est les syndicats qui envoient le signal
00:13:11 qu'il faut une solution de sortie de crise.
00:13:13 Ça ne peut pas durer. Donc là, chacun,
00:13:15 il vote sa solution. J'évoque quelques-unes
00:13:17 qui vont le retrait de la réforme.
00:13:19 On devine que ça n'arrivera pas rapidement,
00:13:21 si ça arrive. Le réfé... Bon.
00:13:23 Surtout, ça ferait en sorte que s'ils retiraient
00:13:25 la réforme, ce serait la chirurgisation
00:13:27 du mandat d'Emmanuel Macron. Le référendum,
00:13:29 ça pourrait se transformer en référendum
00:13:31 d'éjection d'Emmanuel Macron.
00:13:33 La dissolution, pour aboutir à une
00:13:35 chambre tout aussi fracturée,
00:13:37 une élection anticipée qui viendrait avec
00:13:39 Emmanuel Macron, qui démissionnerait.
00:13:41 Franchement, on ne prend pas ça au sérieux pour l'instant.
00:13:43 Donc, on arrive dans ce moment très particulier
00:13:45 où il n'y a pas de solution. Et qu'est-ce qu'on voit?
00:13:47 Pourquoi il n'y a pas de solution? Parce que la fracture
00:13:49 du pouvoir est une fracture encore plus profonde
00:13:51 de la société. Vous savez, une société,
00:13:53 ce n'est pas un consensus. Il faut un bloc
00:13:55 hégémonique qui réussit à imposer une vision
00:13:57 dominante de la société, puis les autres l'acceptent.
00:13:59 Mais en ce moment, aucun des trois gros blocs
00:14:01 qui composent la société française politiquement
00:14:03 parvient à être assez forts pour imposer
00:14:05 sa vision. Et le pouvoir,
00:14:07 le pouvoir se liquéfie. Et là,
00:14:09 c'est le drame français. Une société qui valorise
00:14:11 le pouvoir, qui aime la verticalité,
00:14:13 qui aime un président qui est presque un roi
00:14:15 et qui, au même moment, fait l'expérience
00:14:17 d'un pouvoir dit tout-puissant, mais
00:14:19 en effet impuissant. L'écartèlement
00:14:21 entre la toute-puissance symbolique et l'impuissance
00:14:23 réelle, ça a tout pour plonger encore
00:14:25 plus le pays dans la crise politique
00:14:27 et démocratique.
00:14:29 - On va rejoindre notre envoyé spécial
00:14:31 de la place de la Nation à Paris.
00:14:33 Quel est le climat
00:14:35 en ce moment, en fin de mobilisation ?
00:14:37 - Écoutez, Christine, c'est très intéressant
00:14:43 le climat qui se
00:14:45 trame autour de cette place de la Nation
00:14:47 et qui rejoint un peu ce que disait Matthieu Bocoté
00:14:49 dans son édito tout à l'heure, c'est-à-dire que
00:14:51 cette extrême-gauche attend son
00:14:53 moment Malik Oussekine.
00:14:55 Malik Oussekine, c'est ce qui est inscrit
00:14:57 sur cette banque qui a été
00:14:59 tagué par les manifestants alors que vous voyez
00:15:01 les forces de l'ordre qui sont
00:15:03 en train d'avancer pour essayer de
00:15:05 circonscrire
00:15:07 un incendie, de protéger
00:15:09 une zone qui a été prise
00:15:11 par plusieurs dizaines d'éléments
00:15:13 radicaux. Autour de cette place,
00:15:15 difficile d'accéder aux
00:15:17 différentes artères tant elle a été protégée,
00:15:19 surveillée par les forces
00:15:21 de l'ordre alors que vous les voyez avancer
00:15:23 rapidement vers cette autre
00:15:25 partie du boulevard
00:15:27 Voltaire avec des jets
00:15:29 de projectiles sous les huées
00:15:31 d'une partie de la foule, une foule
00:15:33 très jeune, une foule très très jeune
00:15:35 ce soir alors que vous voyez donc ces
00:15:37 policiers, ces gendarmes qui essayent
00:15:39 d'intervenir. On est
00:15:41 dans un premier moment de fortes
00:15:43 tensions sur cette place de la Nation
00:15:45 parce que depuis plusieurs minutes
00:15:47 c'est plutôt calme. Il y a différentes
00:15:49 atmosphères sur cette place de la Nation,
00:15:51 elle est très grande, vous l'imaginez bien
00:15:53 et donc on est sur une
00:15:55 passerelle assez tendue,
00:15:57 assez mouvementée avec un premier échange
00:15:59 entre les casseurs et
00:16:01 les forces de l'ordre qui sont
00:16:03 venus tenter de disperser
00:16:05 la foule. Quand je vous disais
00:16:07 que c'était un climat
00:16:09 particulièrement tendu et un calme
00:16:11 relatif, c'est parce qu'on le sait,
00:16:13 en fin de mobilisation, il est possible
00:16:15 d'avoir des échanges nourris
00:16:17 entre ces mêmes casseurs
00:16:19 et ces forces de l'ordre dans un contexte
00:16:21 vous l'avez commenté
00:16:23 dans cette émission et on le commente
00:16:25 depuis maintenant plus d'une semaine.
00:16:27 C'est vrai que la violence contre les
00:16:29 forces de l'ordre a passé un cap
00:16:31 jeudi dernier avec plus de 500,
00:16:33 près de 500 policiers blessés
00:16:35 sur l'ensemble du territoire et
00:16:37 bien évidemment les tensions à Sainte-Soline.
00:16:39 On est sur le premier
00:16:41 face à face entre
00:16:43 ces forces de l'ordre et ces casseurs
00:16:45 et vous avez donc
00:16:47 les premiers jets de projectiles,
00:16:49 vous avez les premiers pétards qui sont lancés
00:16:51 juste derrière cette ligne
00:16:53 de policiers et gendarmes, un
00:16:55 important feu qui a été
00:16:57 déclaré et qui partait
00:16:59 dans un premier temps
00:17:01 d'un feu de poubelle. Je vais essayer
00:17:03 de monter un tout petit peu pour que vous voyez à l'image
00:17:05 puisque vous voyez une épaisse
00:17:07 fumée noire bien sûr,
00:17:09 mais sur ce toit, il y a
00:17:11 quelques instants, il y avait des dizaines
00:17:13 de jeunes qui s'étaient
00:17:15 postés. On est
00:17:17 à quoi, 20 mètres, 30 mètres
00:17:19 de hauteur, donc vous imaginez le
00:17:21 danger, premier
00:17:23 face à face dirons-nous
00:17:25 entre les forces de l'ordre et
00:17:27 les casseurs place de la nation dans une
00:17:29 partie de l'après-midi où c'était pour
00:17:31 l'instant plutôt calme.
00:17:33 On va être obligé de se décaler parce que
00:17:35 les jets de projectiles se
00:17:37 multiplient, vous voyez les bombes lacrymogènes
00:17:39 qui ont été lancées par les forces
00:17:41 de l'ordre pour tenter de disperser la foule.
00:17:43 Une foule qui est assez
00:17:45 importante, très jeune, on voit
00:17:47 des projectiles qui sont lancés
00:17:49 toutes sortes, alors c'est des bouteilles en verre,
00:17:51 ça peut être aussi des pierres qui sont lancées
00:17:53 sur ces policiers, ces gendarmes qui sont
00:17:55 présents place de la nation.
00:17:57 On parlait du dispositif de
00:17:59 sécurité, c'est un dispositif pour avoir
00:18:01 fait plusieurs mobilisations place de la nation,
00:18:03 très important.
00:18:05 Alors que vous entendez, je vais me taire,
00:18:07 pour que vous vous rendiez compte un peu du climat dans lequel
00:18:09 ils doivent maintenir l'ordre.
00:18:11 On entend la foule qui est en train de chanter,
00:18:13 tout le monde déteste la police, avec
00:18:15 des jeunes qui sont en train de lancer des projectiles.
00:18:17 On a vu des gilets jaunes,
00:18:19 on a vu des hommes évidemment
00:18:21 en noir, et ces policiers qui sont
00:18:23 en train de maintenir la lignée de front.
00:18:25 S'il vous plaît, faites attention
00:18:27 à vous avec les projectiles,
00:18:29 vous nous disiez que c'est
00:18:31 en ce moment même, vous assistez aux
00:18:33 premiers, face à face entre les
00:18:35 forces de l'ordre et les casseurs.
00:18:37 Nous allons rester sur ces images,
00:18:39 continuer un peu à prendre un peu
00:18:41 de hauteur tout en étant connecté
00:18:43 avec ces images en direct.
00:18:45 Je vous reprendrai dans un instant
00:18:47 pour pouvoir mesurer un peu
00:18:49 la tension, ce qui se passe
00:18:51 concrètement sur le terrain.
00:18:53 Vous demandez aussi votre expérience
00:18:55 par rapport à la BRAV-M.
00:18:57 On voit que ça s'accélère.
00:18:59 N'hésitez surtout pas à revenir vers nous
00:19:01 en fonction de ce qui se passe sur le terrain.
00:19:03 Nous restons connectés sur ces images.
00:19:05 Merci beaucoup à notre envoyé spécial
00:19:07 en direct de Place de la Nation.
00:19:09 On le reprendra dans un instant.
00:19:11 On va maintenant regarder avec vous comment les choses
00:19:13 se passent à l'étranger, tout en restant
00:19:15 sur ces images en France.
00:19:17 Le monde entier observe justement
00:19:19 ces images, Dimitri, depuis des semaines.
00:19:21 Il observe justement avec intérêt
00:19:23 le conflit qui secoue la France.
00:19:25 On va se poser la question ce soir
00:19:27 avec vous et ailleurs.
00:19:29 Comment gère-t-on les conflits sociaux ?
00:19:31 Y a-t-il des recettes dont
00:19:33 on pourrait s'inspirer ?
00:19:35 Idem pour le maintien de l'ordre,
00:19:37 vous avez passé l'après-midi
00:19:39 à traquer pour nous les "bonnes pratiques".
00:19:41 Si je puis me permettre.
00:19:43 Je n'ai pas trouvé le pays où
00:19:45 ça n'arriverait absolument jamais,
00:19:47 ce que l'on est en train de voir.
00:19:49 Les pratiques de maintien de l'ordre sont
00:19:51 beaucoup discutées. Je vais un peu crever
00:19:53 le suspense. Je n'ai pas trouvé le pays
00:19:55 qui aurait la solution magique, qui saurait
00:19:57 maintenir l'ordre dans la joie et la bonne humeur,
00:19:59 où à la fin on s'échange des fleurs entre manifestants
00:20:01 et forces de l'ordre. Ça n'existe pas.
00:20:03 On vous parle du modèle allemand.
00:20:05 Le modèle allemand, je vous l'expliquerai à la fin,
00:20:07 c'est une fable. En l'occurrence, le modèle allemand
00:20:09 est répliqué pratiquement à l'identique.
00:20:11 En France, les Allemands ne font pas
00:20:13 autre chose. D'abord,
00:20:15 sur le regard que les étrangers portent
00:20:17 sur le conflit des retraites,
00:20:19 qui est assez intéressant, parce que ça va révéler
00:20:21 aussi les solutions qu'eux peuvent avoir déployées.
00:20:23 Par exemple, vous voyez les Américains.
00:20:25 Mathieu Bocotte nous avait expliqué
00:20:27 ce mélange d'agacement,
00:20:29 d'incompréhension, et puis aussi d'admiration
00:20:31 qu'ils ont pour ces Français très révolutionnaires.
00:20:33 Ces fainéants de Français,
00:20:35 c'est un site titré "The New York Times",
00:20:37 un édito il y a quelques semaines de ça.
00:20:39 D'ailleurs, fainéants de Français
00:20:41 sous le thème "ils travaillent beaucoup moins que nous",
00:20:43 vous savez, les capitalistes protestants,
00:20:45 la retraite à 62 ans, ça les fait doucement rigoler.
00:20:47 Mais ceci dit, les progressistes
00:20:49 américains sont très intrigués, très intéressés.
00:20:51 Ils voient la France un peu comme un pays d'avant-garde
00:20:53 sur tous les sujets de réduction
00:20:55 du temps de travail, de qualité de vie au travail,
00:20:57 etc. En revanche, ils sont absolument
00:20:59 effarés par les niveaux de violence.
00:21:01 Là aussi, venant des États-Unis, ça peut nous faire
00:21:03 doucement rigoler. Dans un pays où ce matin,
00:21:05 quand même, il y a quelqu'un qui vient de tuer
00:21:07 six enfants dans une école, par exemple,
00:21:09 où les armes à feu circulent abondamment.
00:21:11 Et vous savez, il y a une réflexion qui circule beaucoup
00:21:13 aux États-Unis, c'est bizarre quand même,
00:21:15 la France, ce pays sans armes,
00:21:17 où les gens se battent constamment contre le gouvernement
00:21:19 et ils obtiennent ce qu'ils veulent.
00:21:21 Ça, ça les fascine littéralement.
00:21:23 Et les polémiques que vous avez actuellement
00:21:25 sur les appels à la dissolution
00:21:27 de la Bravem, on aura sûrement
00:21:29 l'occasion d'en reparler.
00:21:31 Eux, ils ne peuvent pas s'empêcher de faire la comparaison
00:21:33 avec leur mouvement "Defend the Police".
00:21:35 Je ne sais pas si vous vous rappelez de ça, c'était juste
00:21:37 après l'affaire George Floyd. "Defend the Police", ça voulait dire
00:21:39 "définancer la police".
00:21:41 Et on a bien vu ce que ça donnait, avec une explosion
00:21:43 de la criminalité dans beaucoup de grandes villes américaines.
00:21:45 Les britanniques, je vais passer assez rapidement
00:21:47 parce qu'eux aussi, ils ont leur
00:21:49 moment manif en ce moment sous l'effet de l'inflation.
00:21:51 Ils vivent assez mal la visite,
00:21:53 l'annulation de la visite d'État de Charles III.
00:21:55 Alors, ils ne peuvent pas s'empêcher, quelques vacheries,
00:21:57 je vous en donne une sur la BBC.
00:21:59 J'ai un présentateur qui régulièrement répète
00:22:01 "Il y a des choses qui ne changent jamais en France,
00:22:03 on perd les guerres et on fait la grève".
00:22:05 Sympa les voisins.
00:22:07 Les Allemands,
00:22:09 alors eux, sur notre supposé paresse,
00:22:11 ne peuvent rien dire, puisqu'en l'occurrence,
00:22:13 les Allemands en moyenne, travaillent 200 heures de moins
00:22:15 par an que les Français.
00:22:17 Ça, on le sait peu, mais c'est pourtant vrai
00:22:19 du fait qu'il y a une bonne partie des Allemands,
00:22:21 notamment les femmes, qui travaillent beaucoup moins que les Françaises.
00:22:23 En revanche, ce qu'ils ne comprennent pas,
00:22:25 c'est comment on peut nier le vieillissement
00:22:27 de la population, comment on peut
00:22:29 refuser de travailler deux ans de plus
00:22:31 quand on sait que mécaniquement, la pyramide des âges
00:22:33 fait que l'effort contributif
00:22:35 sera rapidement insoutenable
00:22:37 pour les actifs, compte tenu
00:22:39 du nombre de retraités
00:22:41 qu'il y aura d'ici
00:22:43 quelques années. Donc, il y a un mot,
00:22:45 quand ils parlent des Français, les Allemands, en ce moment, ils disent
00:22:47 "unvernunftig", en allemand, ça veut dire "déraisonnable".
00:22:49 Ils nous considèrent comme déraisonnables.
00:22:51 Il y a quand même la "Zude Deutsche Zeitung",
00:22:53 journal libéral, qui rappelle qu'il y a un an,
00:22:55 Emmanuel Macron disait pendant sa campagne,
00:22:57 et nous-mêmes ne l'avons pas forcément rappelé,
00:22:59 donc je cite la "Zude Deutsche Zeitung"
00:23:01 et je les en félicite, rappelant
00:23:03 cette phrase d'Emmanuel Macron,
00:23:05 "les Français en ont assez des réformes
00:23:07 qu'on leur impose par en haut".
00:23:09 Voilà ce que disait Emmanuel Macron il y a un an.
00:23:11 C'est quand même assez cocasse
00:23:13 quand vous voyez la méthode qui a été employée
00:23:15 pour la réforme des retraites.
00:23:17 Ce qui arrive aussi beaucoup, c'est le cliché des Français
00:23:19 révolutionnaires. En gros,
00:23:21 quand tu es Français, si à 50 ans, tu n'as pas pris
00:23:23 un test d'Ile une fois dans ta vie, tu l'as raté.
00:23:25 Voilà, et donc il y a aussi
00:23:27 ce que disent aussi les Américains,
00:23:29 les Français préfèrent brûler Paris que travailler
00:23:31 deux ans de plus, et ça, ils ont évidemment beaucoup de mal
00:23:33 à comprendre. - Alors est-ce à dire qu'il y a
00:23:35 moins de mouvements sociaux à l'étranger
00:23:37 que chez nous ? Et si oui,
00:23:39 qu'est-ce qu'il explique, par exemple, dans les pratiques
00:23:41 de dialogue social ?
00:23:43 - Alors, je dirais d'abord que le climat de grève,
00:23:45 vous l'avez partout en Europe en ce moment,
00:23:47 en Allemagne en ce moment, c'est ce qu'ils appellent "mega strike",
00:23:49 donc la méga grève,
00:23:51 pour les hausses de salaire, c'est l'effet
00:23:53 de l'inflation. Vous avez la même chose chez les Anglais,
00:23:55 il y a eu plus grande manif
00:23:57 le mois dernier depuis 1979,
00:23:59 donc avant l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher,
00:24:01 aux États-Unis, rappelez-vous,
00:24:03 octobre 2021, "striketober",
00:24:05 le mois où il y avait des grèves partout dans le pays,
00:24:07 et vous en avez eu toute l'année dernière aussi,
00:24:09 mais ça, c'est vraiment l'effet de l'inflation.
00:24:11 Sur période longue,
00:24:13 en revanche, incontestablement, les Français
00:24:15 font beaucoup plus grève que les autres.
00:24:17 Je vous donne ce chiffre qui nous vient de l'Institut Syndical
00:24:19 européen, sur la période 2010-2019,
00:24:21 vous avez pour 1000 salariés
00:24:23 en France 128 jours de grève
00:24:25 par an, vous allez en Allemagne, c'est
00:24:27 17, vous allez au Royaume-Uni,
00:24:29 c'est 18, vous allez en
00:24:31 Hongrie, c'est 6, vous allez en Suisse,
00:24:33 c'est 2 jours de grève pour 1000 salariés
00:24:35 par an, vous voyez ? Alors est-ce que c'est
00:24:37 la preuve qu'en France, nous avons un syndicalisme puissant ?
00:24:39 Eh bien non, en fait, c'est
00:24:41 exactement le contraire. Là, c'est une étude
00:24:43 de la Fondation de Dublin, qui nous date de
00:24:45 2016, la France est rangée
00:24:47 dans le groupe des 28 États membres de l'Union Européenne,
00:24:49 dans le groupe des mauvais, en fait,
00:24:51 du groupe du dialogue social limité,
00:24:53 et on se retrouve avec la Grèce,
00:24:55 Malte, l'Espagne, le Portugal,
00:24:57 le dialogue social limité, c'est-à-dire que les syndicats n'ont pas beaucoup de moyens,
00:24:59 et les directions des entreprises leur transmettent
00:25:01 peu d'informations. Vous allez
00:25:03 chez les vertueux, dialogue extensif,
00:25:05 ce qu'on appelle, là vous trouvez donc la Hongrie,
00:25:07 je rappelle, 6 jours de grève par an
00:25:09 pour 1000 salariés, l'Autriche, la Hollande,
00:25:11 la République Tchèque, et bien sûr,
00:25:13 les Allemands, vous savez, c'est le fameux modèle
00:25:15 renant, comme on dit, voilà. Même les Anglais
00:25:17 sont meilleurs que la France, quand même,
00:25:19 en termes de partage de l'information entre les directions
00:25:21 et les salariés. Donc,
00:25:23 conclusion, la conflictualité, la grève,
00:25:25 ça compense, en fait, l'immaturité
00:25:27 du dialogue social à la française.
00:25:29 Voilà, et tout ça est aggravé
00:25:31 par une tradition syndicale révolutionnaire,
00:25:33 et une offre syndicale qui est très
00:25:35 émiétée, vous avez 8 centrales en France,
00:25:37 à peu près, 8 centrales syndicales,
00:25:39 et qu'est-ce que ça produit
00:25:41 comme effet ? C'est que chaque syndicat
00:25:43 aura ses petites grèves, ses petites revendications,
00:25:45 son petit clientélisme aussi,
00:25:47 également, voilà. Et la France est aussi
00:25:49 le pays le moins syndiqué de l'OCDE.
00:25:51 Ça, ça a aussi un impact sur la
00:25:53 conflictualité, pourquoi ? Parce qu'en France,
00:25:55 les intérêts français n'ont pas un intérêt
00:25:57 très fort à se syndiquer. Parce que quand
00:25:59 un syndicat obtient quelque chose,
00:26:01 automatiquement, ça s'applique à tous les salariés du groupe,
00:26:03 de l'entreprise, voire de la branche
00:26:05 professionnelle. Dans un grand
00:26:07 nombre de pays, si vous n'êtes pas
00:26:09 dans le syndicat, vous ne bénéficiez pas des
00:26:11 accords que signe ce syndicat-là.
00:26:13 Il y a même des pays où,
00:26:15 pour bénéficier des allocations de chômage,
00:26:17 il faut être syndiqué.
00:26:19 Voilà. Et donc ça, ça pourrait faire que,
00:26:21 dans notre modèle français de
00:26:23 syndicalisme, la concentration
00:26:25 des éléments les plus déterminés,
00:26:27 pour ne pas dire des plus radicaux du monde du travail,
00:26:29 se retrouve dans les syndicats, ce qui favorise
00:26:31 la conflictualité. Alors,
00:26:33 les solutions qu'on va trouver à l'étranger, si vous me permettez,
00:26:35 Christine, au moment où vous voulez rebondir sur les images, parce que j'entends
00:26:37 que ça pétarade derrière mon chocolat...
00:26:39 Tout à l'heure après, je vous laisse rebondir justement
00:26:41 sur le maintien de l'ordre à la
00:26:43 française par rapport aux autres pays.
00:26:45 Et dans un instant, nous irons justement
00:26:47 sur le terrain voir un peu ce qui se passe
00:26:49 place de la nation avec notre envoyée spéciale.
00:26:51 Alors, justement,
00:26:53 juste avant, polémique sur le maintien de l'ordre
00:26:55 à la française. Avant le maintien de l'ordre, une chose qui me paraît
00:26:57 très importante à dire, c'est que, tout ce que je vous ai
00:26:59 dit sur le syndicalisme, relativement
00:27:01 inefficace en France, c'est que, qui prend
00:27:03 les décisions politiques, notamment sur les retraites ?
00:27:05 C'est l'Etat, c'est le gouvernement,
00:27:07 en l'occurrence. Mais pourquoi
00:27:09 ça devrait être une décision politique ?
00:27:11 En réalité, la verticalité
00:27:13 de la prise de décision actuellement
00:27:15 explique en partie la crise. D'ailleurs, les syndicats
00:27:17 se refont une santé sur
00:27:19 le dos du gouvernement, dans cette
00:27:21 affaire-là. On vit un rare moment, quand même, d'unité
00:27:23 et de coopération syndicale, comme
00:27:25 on n'en a pas vu en France depuis très longtemps.
00:27:27 Du fait même de ce processus de décision.
00:27:29 Vous avez des pays, par exemple,
00:27:31 dans les pays scandinaves, c'est absolument pas une décision
00:27:33 politique, le fait de reporter l'âge
00:27:35 légal de départ en retraite. En Allemagne,
00:27:37 ils regardent beaucoup ce qui se passe, par exemple,
00:27:39 en Suède ou en Norvège, ou là-bas,
00:27:41 mécaniquement, on vous dit "on gagne
00:27:43 un an d'espérance de vie, très bien, on travaille 4 mois
00:27:45 de plus". Voilà, c'est comme ça. C'est
00:27:47 automatisé, si vous voulez. Il n'y a pas besoin d'une
00:27:49 décision politique, et donc conflictuelle.
00:27:51 Les Allemands ont connu des grands conflits sur la retraite
00:27:53 dans les années 2000, ce qu'on appelait les réformes
00:27:55 Schröder. Donc tout ça, ça fait partie
00:27:57 de solutions possibles à l'avenir pour des
00:27:59 réformes, on va dire, un peu plus
00:28:01 pacifiées. - Alors revenons,
00:28:03 Dimitri, à la question importante
00:28:05 du jour aussi, cette polémique
00:28:07 sur le maintien de l'ordre
00:28:09 à la française. Comment ça se passe à l'étranger ?
00:28:11 - Eh bien, ça se passe exactement
00:28:13 comme chez nous, il ne faut pas se leurrer.
00:28:15 Le modèle qui est souvent brandi
00:28:17 en exemple, c'est le modèle
00:28:19 allemand. Alors, la légende,
00:28:21 je vous la lis, depuis 1985,
00:28:23 en Allemagne, vous avez une loi
00:28:25 qui oblige les
00:28:27 forces de l'ordre à coopérer,
00:28:29 à communiquer avec les manifestants,
00:28:31 qui impose un recours parcimonieux
00:28:33 au gaz lacrymogène, qui interdit les grenades
00:28:35 de désencerclement, etc.
00:28:37 - Ça c'est en Allemagne. - Ça c'est en Allemagne,
00:28:39 et le maintien de l'ordre lors des manifestations,
00:28:41 typiquement ce qu'on voit à Place de la Nation,
00:28:43 est confié à
00:28:45 ce qu'ils appellent des brigades
00:28:47 anti-conflits. Je vous disais, c'est une
00:28:49 fable, ça, c'est une fable, parce que
00:28:51 la doctrine pratique
00:28:53 de maintien de l'ordre qu'implique
00:28:55 ce cadre légal, ce cadre législatif,
00:28:57 c'est quoi ? Bah, c'est
00:28:59 les contrôles d'identité à l'entrée des manifestations,
00:29:01 c'est la technique de la
00:29:03 NAS, qu'est-ce que c'est la technique de la NAS ? Vous avez un groupe
00:29:05 d'excités, vous l'entourez
00:29:07 jusqu'à ce qu'ils se calment, et parfois ça peut prendre des heures,
00:29:09 très très longtemps,
00:29:11 c'est le dispositif mobile des forces de l'ordre qui
00:29:13 accompagne le cortège au fur et à mesure de son
00:29:15 avancée, etc. Bref, c'est exactement ce
00:29:17 que font nos policiers français. Le LBD,
00:29:19 en moins, les lanceurs de balles à distance,
00:29:21 vous savez, là, ça les Allemands n'en ont pas.
00:29:23 Ils ont eu leur moment de manif
00:29:25 extrêmement violent en Allemagne, je vous en cite quelques-uns,
00:29:27 Rostock en 2007, Stuttgart en 2010,
00:29:29 le G20 à Hambourg en 2017,
00:29:31 non mais revisionnez les images, c'est
00:29:33 hallucinant le degré de violence qui a été
00:29:35 atteint à ce moment-là. C'est les Allemands qui viennent aujourd'hui,
00:29:37 qui se présentent en indignés
00:29:39 de la matraque, aux côtés, c'est quand même
00:29:41 cocasse, le ministre iranien des affaires
00:29:43 étrangères, le ministre iranien
00:29:45 des affaires étrangères, qui sur Twitter
00:29:47 poste cette semaine,
00:29:49 invitant la France à respecter les droits de l'homme et s'abstenir
00:29:51 de recourir à la force contre le peuple de son
00:29:53 pays qui poursuit pacifiquement ses revendications.
00:29:55 Non mais vous vous rendez compte,
00:29:57 cet homme se moque ouvertement
00:29:59 de la France. - La France fait la même chose aussi.
00:30:01 - Oui, c'est vrai, vous avez tout à fait raison.
00:30:03 Mais oui, c'est la réponse du berger à la bergère.
00:30:05 La commissaire aux droits de l'homme aussi de l'Union Européenne,
00:30:07 du Conseil de l'Europe, s'est aussi
00:30:09 alarmée d'un usage excessif de la
00:30:11 France en matière
00:30:13 de maintien de l'ordre, mais en réalité
00:30:15 personne n'a trouvé la martingale,
00:30:17 c'est-à-dire la technique permettant la...
00:30:19 - Même pas en Grande-Bretagne, même pas au Royaume-Uni, non ?
00:30:21 Ils sont pas plus sévères ? - On dit souvent
00:30:23 que des policiers non armés qui viennent communiquer
00:30:25 avec les manifestants,
00:30:27 ça pacifie, mais ça n'empêche pas de dégénérer.
00:30:29 Comme Mathieu nous le répète
00:30:31 depuis plusieurs jours maintenant, vous avez des gens
00:30:33 qui viennent exprès pour en découdre
00:30:35 dans un but politique de révéler la nature
00:30:37 fasciste du pouvoir
00:30:39 en place et les
00:30:41 forces de l'ordre en étant le bras armé d'une
00:30:43 certaine manière. Donc face à ça, il y a des gens comme cela,
00:30:45 si vous voulez, cette technique de la conversation
00:30:47 entre policiers et
00:30:49 manifestants, ça fonctionne avec des gens raisonnables,
00:30:51 mais avec des gens qui, par
00:30:53 objectif politique, ont l'intention
00:30:55 de faire de la casse, ont l'intention de détruire
00:30:57 des banques tout symbole du...
00:30:59 toute multinationale,
00:31:01 je pense par exemple à des fabricants de hamburgers,
00:31:03 ce genre de choses, ces gens-là, vous ne les raisonnerez pas,
00:31:05 même avec toutes les bonnes intentions du monde.
00:31:07 - Non seulement on ne va pas les raisonner,
00:31:09 mais a priori, on les laisse circuler
00:31:11 tranquillement de la Belgique
00:31:13 à l'Europe, à l'Allemagne, on verra ça avec vous dans un instant.
00:31:15 Merci Dimitri.
00:31:17 A savoir qu'aujourd'hui, il y a eu aussi des manifestations
00:31:19 dans toute la France, Marseille,
00:31:21 Dijon, Limoges, Clermont-Ferrand,
00:31:23 Cambres, hors métropole,
00:31:25 Saint-Pierre et Saint-Denis de la Réunion,
00:31:27 on a Bayonne, Pau, Strasbourg,
00:31:29 Grenoble, Lyon, Rouen, Orléans,
00:31:31 Limoges, Marseille, Toulouse,
00:31:33 Dijon, c'est important de rappeler
00:31:35 que la manifestation a...
00:31:37 les mobilisations, la mobilisation a lieu
00:31:39 pratiquement partout en France, c'est important
00:31:41 aussi de rappeler que peut-être
00:31:43 que le mouvement commence à s'essouffler,
00:31:45 93 000 à Paris,
00:31:47 740 000 selon le ministère de l'Intérieur
00:31:49 dans toute la France, contrairement
00:31:51 à jeudi dernier,
00:31:53 où on annonçait plus d'un million
00:31:55 de manifestants, selon la CGT,
00:31:57 c'est 2 millions dans toute la France,
00:31:59 contrairement à 3 millions et demi
00:32:01 jeudi dernier. Il n'empêche
00:32:03 que la manifestation,
00:32:05 la mobilisation se réduit,
00:32:07 mais les tensions
00:32:09 sont réelles. On va
00:32:11 rejoindre notre envoyé spécial, Place de la Nation,
00:32:13 on voit ces images, qu'est-ce qui se passe
00:32:15 concrètement ? Est-ce que la
00:32:17 manifestation est terminée, et maintenant c'est
00:32:19 vraiment Place aux affrontements ?
00:32:21 Alors Place aux affrontements,
00:32:25 effectivement, Place de la Nation,
00:32:27 qu'est-ce qui s'est passé en fait exactement,
00:32:29 il y a maintenant
00:32:31 une bonne demi-heure, alors, excusez-moi,
00:32:33 je commente en direct
00:32:35 les images que vous voyez
00:32:37 à l'antenne, est-ce que nous on vit sur Place,
00:32:39 situation franchement confuse, parce que
00:32:41 plusieurs feux ont été allumés,
00:32:43 sur Place de la Bastille, visiblement
00:32:45 sur le boulevard Voltaire, il y a également,
00:32:47 donc c'est le boulevard qui mène jusqu'à
00:32:49 Place de la Nation,
00:32:51 pardonnez-moi, sur le boulevard
00:32:53 Voltaire, visiblement il y a également
00:32:55 des tensions, ce qui amène les manifestants
00:32:57 et des mouvements de foule sur
00:32:59 la Place de la Nation, et en fait, je sais pas,
00:33:01 vous voyez sûrement le peuple
00:33:03 qui est derrière, sur l'image,
00:33:05 en fait il y a des habitantes de cet immeuble,
00:33:07 tout en haut de cet immeuble, qui ont
00:33:09 osé, qui ont eu le courage de
00:33:11 s'enregistrer contre, eh bien, les
00:33:13 casseurs, les manifestants violents, tout à l'heure,
00:33:15 parce qu'ils allumaient en fait un feu au pied de cet immeuble.
00:33:17 Tout de suite, eh bien
00:33:19 ces manifestants, ces éléments
00:33:21 perturbateurs s'en sont pris
00:33:23 vocalement, oralement, j'allais dire,
00:33:25 à ces femmes, qui ont reçu
00:33:27 également quelques projectiles
00:33:29 sur leur... sur leur fenêtre,
00:33:31 mais ce qui a obligé également, eh bien, les forces de l'ordre
00:33:33 à intervenir, et donc
00:33:35 immédiatement, ces forces de l'ordre qui ont
00:33:37 reçu un déluge... un déluge
00:33:39 de projectiles, ces projectiles, quels sont-ils ?
00:33:41 C'est tout ce que les manifestants,
00:33:43 les éléments perturbateurs trouvent
00:33:45 sur la route,
00:33:47 par terre, ce sont des bouteilles en verre, ce sont des
00:33:49 bouts de cailloux, des bouts
00:33:51 d'abribus qu'ils ont également
00:33:53 brisés, avant
00:33:55 sur le cortège, par exemple, c'est un peu
00:33:57 tout ce qu'ils trouvent par terre, donc pour le moment
00:33:59 c'est le statu quo,
00:34:01 mais un statu quo très fragile, vous voyez sur ces
00:34:03 images, toujours, c'est les forces de l'ordre qui
00:34:05 essuient un déluge de projectiles
00:34:07 et qui donc, par un coup, vont
00:34:09 aller charger les manifestants pour interpeller
00:34:11 une ou deux personnes et se replier
00:34:13 et ainsi, également,
00:34:15 lancer des grenades lacrymogènes au milieu
00:34:17 de la place de la nation, ce qui provoque
00:34:19 des mouvements de foule un petit
00:34:21 peu diffus. – Statu quo
00:34:23 fragile, charge de temps en temps
00:34:25 des forces de l'ordre, on retournera
00:34:27 sur le terrain à Paris dans un instant,
00:34:29 merci beaucoup. Depuis longtemps,
00:34:31 Charlotte Dornelas, on entend dire que les militants
00:34:33 d'extrême-gauche viennent
00:34:35 de toute l'Europe, on en parlait tout à l'heure,
00:34:37 faut-il comprendre que le mouvement
00:34:39 est parfaitement organisé, sans frontières
00:34:41 à présent, partout
00:34:43 sur le continent ?
00:34:45 En clair, on ne comprend pas
00:34:47 que des Allemands,
00:34:49 des Belges, des Espagnols,
00:34:51 puissent venir en toute tranquillité
00:34:53 si on puisse permettre
00:34:55 de casser la France. – On le comprend
00:34:57 d'autant moins que vous citiez toutes les villes dans lesquelles
00:34:59 il y a des manifestations, alors déjà dans le commentaire,
00:35:01 ces villes françaises ont tendance à être
00:35:03 invisibilisées par ce qui se passe à Paris
00:35:05 et ce qui se passe à Paris, c'est-à-dire les manifestations
00:35:07 de Français qui revendiquent
00:35:09 devant le gouvernement sont elles-mêmes invisibilisées
00:35:11 par les casseurs qui en plus viennent de l'étranger.
00:35:13 Au bout d'un moment, on comprend que l'énervement
00:35:15 soit réel et il se trouve
00:35:17 qu'il y a un attentisme
00:35:19 qu'on a analysé un peu hier sur
00:35:21 les outils qui ne sont pas pris, mais qui
00:35:23 est réel au niveau français, mais également
00:35:25 au niveau européen. Alors, les Antifa,
00:35:27 les Black Blocs,
00:35:29 appelez-les comme vous voulez, c'est un genre de
00:35:31 nouvelle internationale, mais qui n'est
00:35:33 pas organisée, c'est-à-dire qui n'est pas hiérarchisée.
00:35:35 En gros, le noyau dur
00:35:37 de l'ultra-gauche, selon
00:35:39 les autorités françaises cette fois-ci,
00:35:41 en France c'était 2500 personnes
00:35:43 en 2021. Alors, il y avait la
00:35:45 mouvance des autonomes, celle des Antifa,
00:35:47 des libertaires, bon bref, il n'y a pas
00:35:49 d'organisation réellement pyramidale,
00:35:51 mais ce qui est sûr c'est qu'il y a des grands événements
00:35:53 mobilisateurs, non pas au niveau national,
00:35:55 mais au niveau international.
00:35:57 Alors, il y avait souvent, on fait remonter les Black Blocs
00:35:59 à Berlin-Ouest dans les années 80,
00:36:01 mais en tout cas, le fonctionnement
00:36:03 récent, la manière
00:36:05 dont ils se sont organisés dans les manifestations,
00:36:07 il y a plusieurs,
00:36:09 on va dire, personnes qui ont travaillé un peu là-dessus,
00:36:11 qui me disaient que ça commence à Seattle en 99,
00:36:13 au moment de l'organisation
00:36:15 de la manifestation, contre
00:36:17 le sommet de l'Organisation Mondiale du Commerce,
00:36:19 où là on voit pour la première fois ces
00:36:21 blocs se reconstituer de personnes
00:36:23 intégralement de noir vêtus, avec des gants,
00:36:25 pour éviter à la fois d'être connus
00:36:27 et de laisser leurs empreintes.
00:36:29 C'est vraiment là que se constitue
00:36:31 ce que l'on
00:36:33 continue à voir aujourd'hui dans les manifestations,
00:36:35 et ensuite on les voit à Gênes
00:36:37 en 2001 pour le sommet du G8,
00:36:39 et ensuite on les retrouve au sommet du G7,
00:36:41 du G20, à Davos,
00:36:43 donc à tous les grands événements internationaux.
00:36:45 Il y a également
00:36:47 l'international des Black Blocs, donc des gens qui ne se connaissent pas,
00:36:49 il n'y a pas d'organisation, il n'y a pas de chef,
00:36:51 simplement ils se parlent dans des boucles sur les réseaux
00:36:53 sociaux, et ils se retrouvent
00:36:55 lors de ces événements.
00:36:57 Et au niveau national, on a parfois
00:36:59 des points de fixation,
00:37:01 on va dire,
00:37:03 Saint-Sauline en est un, et alors là
00:37:05 ce qui s'est passé, c'est que ça fonctionne exactement,
00:37:07 il y avait quelqu'un des services
00:37:09 de renseignement qui m'expliquait, qui m'a dit, c'est exactement
00:37:11 le même fonctionnement que les hooligans.
00:37:13 C'est-à-dire qu'il n'y a pas de responsable
00:37:15 ou de chef, ils sont attachés à une cause,
00:37:17 d'autres à une autre, et simplement ils sont prêts
00:37:19 à parcourir des centaines de kilomètres pour aller affronter
00:37:21 le cop d'en face pour le foot,
00:37:23 et là en l'occurrence, les forces de l'ordre,
00:37:25 où qu'elles soient, puisque de toute façon,
00:37:27 le slogan un peu basique
00:37:29 qui les réunit tous, c'est
00:37:31 "Abas l'État, les flics et les fachos",
00:37:33 ça c'est clair,
00:37:35 et donc, sachant que évidemment,
00:37:37 "Abas l'État, les flics et les fachos",
00:37:39 il ne faut pas trois choses différentes pour eux, c'est évidemment
00:37:41 la même mouvance.
00:37:43 - Pardonnez-moi, Charlotte, si vous avez pu me permettre,
00:37:45 je ne sais pas si vous avez étudié la question ou pas,
00:37:47 mais c'est intéressant, parce que vous dites
00:37:49 qu'ils se mobilisent un peu partout, mais ça coûte
00:37:51 quand même. On voyait par exemple
00:37:53 les Gilets jaunes, comment ils n'arrivaient même pas à manifester
00:37:55 à Paris, et finalement, comment ils se
00:37:57 organisent financièrement ? - Alors justement,
00:37:59 au fil du temps, ça a un peu évolué
00:38:01 le profil, on va dire, sociologique
00:38:03 des personnes, mais initialement, c'est d'ailleurs
00:38:05 revendiqué et parfaitement assumé,
00:38:07 c'est la bourgeoisie, alors il y a plusieurs
00:38:09 sociologues qui nous expliquent
00:38:11 que, enfin j'ai lu ça cet après-midi,
00:38:13 il y en a beaucoup qui expliquent que c'est en gros
00:38:15 des fils de bonne famille qui se
00:38:17 révoltent contre leur père en allant casser un du flic,
00:38:19 ou revendiquer
00:38:21 l'effondrement de l'Etat. - Quand c'est la banlieue,
00:38:23 on dit que ce sont des enfants de famille monoparentale
00:38:25 qui cherchent un père. - Oui c'est ça, donc... - Donc chacun a son.
00:38:27 - Je pense que les parents, en l'occurrence, je ne sais pas
00:38:29 s'ils sont les premiers responsables,
00:38:31 mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que c'est un mouvement assez
00:38:33 bourgeois, assez aisé, en tout cas,
00:38:35 dans les revenus initialement,
00:38:37 se sont greffés à eux, justement,
00:38:39 des hooligans, on a notamment le cop
00:38:41 d'Auteuil, au moment où
00:38:43 la pression a été mise sur
00:38:45 le hooliganisme, certains ont
00:38:47 rejoint ça, et on a
00:38:49 quelques personnes de milieux plus populaires
00:38:51 qui se sont greffées
00:38:53 au gré de telle ou telle manifestation, mais voilà,
00:38:55 l'argent probablement vient de la masse
00:38:57 de ces antifas.
00:38:59 Et on a vu, par ailleurs, des camps
00:39:01 de formation qui ont été détectés par les services
00:39:03 de renseignement, notamment en Italie.
00:39:05 Il y en a en Italie, parce qu'il y a beaucoup
00:39:07 d'Italiens dans ces manifestations,
00:39:09 et pour Sainte-Soline,
00:39:11 les soulèvements de la terre, ce qu'ils ont fait
00:39:13 pour s'organiser, parce qu'en effet, il y avait beaucoup
00:39:15 de black blocs étrangers,
00:39:17 ils ont fonctionné complètement
00:39:19 à l'ancienne, c'est-à-dire qu'ils organisent un tour
00:39:21 de France et d'Europe pour aller mobiliser
00:39:23 les antifas sur la date,
00:39:25 en l'occurrence du 25 mars, et résultat,
00:39:27 il y avait des Espagnols, des Allemands,
00:39:29 des Suisses, qui ont été détectés
00:39:31 ou arrêtés à Sainte-Soline cette fois-ci,
00:39:33 comme dans de nombreuses manifestations.
00:39:35 Alors, ils étaient à Sainte-Soline, certains
00:39:37 se sont retrouvés hier soir, parce qu'il y avait
00:39:39 une conférence qui était donnée
00:39:41 à Paris, par le fameux Andréas Malm,
00:39:43 dont nous parlaient hier Dimitri et Mathieu,
00:39:45 donc cet auteur
00:39:47 suédois, on va dire, qui pense
00:39:49 la violence et la nécessité
00:39:51 de la violence sur la question
00:39:53 climatique notamment, et donc forcément
00:39:55 on en retrouve un peu aujourd'hui, mais la particularité
00:39:57 aussi de ces mouvances-là,
00:39:59 c'est qu'on ne sait jamais dans quelles manifestations ils vont être.
00:40:01 Vous voyez, quand on les attend, ils ne sont pas là,
00:40:03 quand on ne les attend pas, ils sont là, donc ils s'adaptent
00:40:05 aussi à la fois, ils sont peut-être
00:40:07 dans la manifestation, mais ils adaptent leur manière
00:40:09 d'agir dans les manifestations, en fonction
00:40:11 de la stratégie qu'ils pensent être
00:40:13 la meilleure au moment
00:40:15 de la manifestation. – On entend des avertissements
00:40:17 concernant la police,
00:40:19 qui émane de différentes autorités
00:40:21 internationales, mais quelqu'un
00:40:23 se préoccupe-t-il de
00:40:25 ces militants radicaux
00:40:27 et violents ? – Ça, donc, à chaque manifestation,
00:40:29 on l'a vu, on a noté
00:40:31 différentes organisations internationales
00:40:33 qui s'inquiètent, qui surveillent de près
00:40:35 la police en France, même le ministère
00:40:37 des Affaires étrangères iraniennes,
00:40:39 il faut quand même être assis pour l'entendre,
00:40:41 qui surveillent la police.
00:40:43 Mais au niveau politique
00:40:45 et européen, et au niveau des instances
00:40:47 internationales, c'est le silence total
00:40:49 sur cette question, cette internationale
00:40:51 de personnes ultra-violentes, qui par ailleurs,
00:40:53 là, en l'occurrence, ce n'est pas une question de
00:40:55 "est-ce qu'ils sont plus ou moins violents ? Est-ce que ce sont
00:40:57 les images qui nous font dire des choses qui ne sont pas vraies ?"
00:40:59 Ils revendiquent absolument la violence.
00:41:01 Donc c'est vraiment une revendication de leur part,
00:41:03 comme système d'action,
00:41:05 et les seules
00:41:07 forces, on va dire, au niveau européen
00:41:09 qui travaillent sur cette
00:41:11 mouvance-là, ce sont les forces de sécurité,
00:41:13 les différentes
00:41:15 forces de sécurité
00:41:17 européennes, qui, elles,
00:41:19 coopèrent sur ces dossiers. Alors, on va prendre
00:41:21 l'exemple d'un militant italien, puisqu'il y en a
00:41:23 beaucoup. Le militant italien, il est
00:41:25 fiché, ou en tout cas
00:41:27 il est connu par les
00:41:29 forces italiennes. Donc quand il y a un départ
00:41:31 de ce militant italien depuis l'Italie
00:41:33 vers la France, les forces italiennes
00:41:35 préviennent les forces françaises, qui, elles, envoient
00:41:37 les douanes pour vérifier
00:41:39 dans les bus, par exemple, parce qu'ils déplacent pas mal en bus,
00:41:41 dans les bus pour vérifier qui est là,
00:41:43 qui n'est pas là, et ils renvoient aux autorités
00:41:45 italiennes les profils,
00:41:47 on va dire, qui ont passé la frontière en France et qui
00:41:49 sont en France. Donc c'est pour ça que nous avons des
00:41:51 prévisions assez justes, qui
00:41:53 existent sur toutes ces manifestations. On nous dit
00:41:55 tout le temps, il va y avoir 1000 à 1200
00:41:57 Black Blocs. Moi, à chaque fois, ça m'étonne. Je me dis, si vous savez
00:41:59 le nombre, vous savez... - Arrêtez-les !
00:42:01 - Pourquoi ils sont là ? Bon. Eh ben, en fait, on comprend
00:42:03 en raison de ces échanges entre les
00:42:05 différentes forces
00:42:07 de sécurité qu'on connaît le nombre
00:42:09 approximatif, évidemment, de ces personnes, et
00:42:11 on connaît précisément leur profil.
00:42:13 Mais la règle reste la même partout
00:42:15 en Europe, et c'est ce dont on parlait
00:42:17 hier, la liberté de principe, la restriction,
00:42:19 l'exception, et elle doit
00:42:21 faire suite à une condamnation, à une
00:42:23 peine complémentaire. C'est-à-dire que vous êtes condamné,
00:42:25 le juge peut prononcer, en plus,
00:42:27 une interdiction de vous rendre ici ou là,
00:42:29 ce qui n'est pas du tout le cas
00:42:31 en permanence, et les assignations à résidence
00:42:33 préventives ne sont pas autorisées
00:42:35 aujourd'hui par le droit européen,
00:42:37 donc il est absolument impossible, vous pensez
00:42:39 bien, de prouver que tel manifestant dans le
00:42:41 bus qui vient d'Italie, même si les forces
00:42:43 italiennes le connaissent et que les forces françaises
00:42:45 le connaissent également, il est impossible de prouver
00:42:47 la veille de la manifestation qu'il va être violent.
00:42:49 C'est absolument impossible de le faire.
00:42:51 Donc, on s'étonne de l'attentisme
00:42:53 politique, parce que
00:42:55 il y a des blocages, aujourd'hui,
00:42:57 juridiques et politiques, et ça ne fait
00:42:59 pas du tout de bruit à l'échelle européenne.
00:43:01 Par ailleurs, on trouve des autorités
00:43:03 européennes extrêmement promptes
00:43:05 à s'indigner de toutes les violences symboliques
00:43:07 du monde, ou des violences, vous savez,
00:43:09 on en a beaucoup parlé sur le terrain de la sécurité,
00:43:11 sur le terrain de la justice, sur le terrain
00:43:13 de l'immigration, ou n'importe quel déplacement
00:43:15 de curseur dans la manière de gérer
00:43:17 ces questions au niveau national
00:43:19 provoque des hurlements
00:43:21 des autorités, notamment de la commission européenne.
00:43:23 Et alors là, en l'occurrence,
00:43:25 il ne s'agit pas ni de violences symboliques,
00:43:27 ni de violences légitimes, ni même
00:43:29 d'un projet de loi assumé par un Parlement,
00:43:31 il s'agit de violences organisées
00:43:33 par la force des choses
00:43:35 dans les manifestations, et qui en plus
00:43:37 empêchent, rendent ineptes
00:43:39 le droit de manifester
00:43:41 auquel tient, normalement,
00:43:43 la commission européenne. Mais là, on n'entend
00:43:45 absolument personne. Et hier soir,
00:43:47 en effet, alors là, c'est au niveau national,
00:43:49 mais c'est quand même un étranger, en l'occurrence un
00:43:51 Suédois, ce fameux Andreas Malm
00:43:53 qui est à Paris, et alors il donne des
00:43:55 interviews ici et là,
00:43:57 des interviews quand même
00:43:59 complètement hallucinantes, et là,
00:44:01 on notera que sa conférence à lui
00:44:03 n'est chahutée par absolument personne,
00:44:05 que personne ne dit un mot plus haut que l'autre
00:44:07 sur la conférence qu'il tient, et
00:44:09 il explique, alors j'ai relevé 3-4
00:44:11 phrases, mais quand même pour donner une idée de ce qu'il se permet
00:44:13 de faire en France, donc il nous explique d'ailleurs
00:44:15 qu'il ne comprend pas la situation française parce qu'il ne parle
00:44:17 pas français, et il dit "les seuls mots
00:44:19 que je maîtrise en français,
00:44:21 c'est "tout le monde déteste la police parce que j'ai appris
00:44:23 la chanson à mon fils de 4 ans", il explique ça
00:44:25 dans une interview, on ne sait pas très bien si c'est
00:44:27 entre le théâtre de Guignol et
00:44:29 l'ultra-violence
00:44:31 prônée, puisqu'il dit après
00:44:33 "toutes les mobilisations qui ont fait changer les choses
00:44:35 étaient violentes, en France, en Europe
00:44:37 et partout dans le monde, donc il faut
00:44:39 se poser cette question-là", et il dit aussi "il faut
00:44:41 accepter qu'il n'y a pas de preuve que la non-violence
00:44:43 est le chemin assuré vers la victoire".
00:44:45 Bon, c'est assez factuel, et par ailleurs
00:44:47 le gouvernement, là en l'occurrence je reviens en France
00:44:49 uniquement, le gouvernement français devrait
00:44:51 peut-être se poser cette question-là aussi, parce qu'il est
00:44:53 vrai que depuis des années, seule la violence
00:44:55 a réussi à obtenir des choses dans ce
00:44:57 pays, donc ça alimente aussi le discours, évidemment
00:44:59 de cet homme-là et des gens
00:45:01 qui l'écoutent, et alors il y a une
00:45:03 question qui a été posée par un journaliste
00:45:05 alors c'est le site reporter, donc c'est pas
00:45:07 spécialement un site de droite
00:45:09 et le journaliste lui dit "bon alors les violences
00:45:11 elles sont légitimes parce qu'elles sont de gauche et elles sont
00:45:13 illégitimes parce qu'elles sont de droite, est-ce que
00:45:15 c'est pas un peu simpliste ?" et lui dit "bah pas
00:45:17 du tout, les violences de droite sont toujours condamnables,
00:45:19 celles de gauche non, parce que les violences
00:45:21 de gauche veulent réduire les inégalités
00:45:23 et contenir la crise climatique,
00:45:25 donc il y a une différence éthique
00:45:27 entre la gauche et la droite, donc en gros
00:45:29 le gars de gauche vous explique qu'il a raison, mais
00:45:31 moi par exemple je suis de droite, je pense
00:45:33 que j'ai raison, sinon je serais de gauche, donc
00:45:35 c'est quand même un peu, voilà, et donc
00:45:37 il nous explique que comme il a raison et que ce sont
00:45:39 des bons combats, et bien la violence
00:45:41 est légitime, et là
00:45:43 c'est la même chose, moi, que cette conférence existe
00:45:45 en soi, je vais pas la
00:45:47 perturber, on notera simplement
00:45:49 que celle-ci n'est pas perturbée,
00:45:51 mais en revanche, ceux qui voient de la violence
00:45:53 encore une fois partout, et notamment
00:45:55 dans les maux dans ce pays,
00:45:57 oublient de la déceler
00:45:59 lorsqu'elle est clairement
00:46:01 assumée. - J'ai une dernière question pour vous
00:46:03 avant d'aller dans un instant sur le terrain, vous parlez
00:46:05 de faire passer ces idées par la violence,
00:46:07 on en parle avec vous dans
00:46:09 un instant, on parlera aussi avec vous
00:46:11 Marc Menon, de la place des jeunes
00:46:13 aussi dans les manifestations,
00:46:15 comme en mai 68,
00:46:17 mais une dernière question, Charlotte, sommes-nous condamnés
00:46:19 à voir et revoir
00:46:21 ces antifas se constituer en black-black
00:46:23 dans les manifestations ici et là ?
00:46:25 On a l'impression que c'est systématique,
00:46:27 qu'on s'y attend, et
00:46:29 quelque part on se disait depuis le début des manifestations
00:46:31 mais quand allait-il apparaître ?
00:46:33 Rappelons qu'aujourd'hui ils sont un peu moins nombreux
00:46:35 que jeudi dernier. - C'est ça, et
00:46:37 selon les manifestations, ils viennent, ils gâchent la
00:46:39 manifestation, ils génèrent de la violence, ils
00:46:41 invisibilisent, pardon,
00:46:43 ils ont légitime à venir manifester,
00:46:45 c'est le vrai sujet de ces mobilisations.
00:46:47 Or il se trouve qu'on finit toujours
00:46:49 par avoir des débats, alors là en ce moment
00:46:51 le débat c'est pour ou contre la police,
00:46:53 en raison de la présence de ces
00:46:55 casseurs, de la même manière que sur la justice
00:46:57 c'est pour ou contre les magistrats, est-ce qu'ils sont
00:46:59 idéologisés, est-ce que c'est ça le problème ?
00:47:01 La vérité c'est que sur ces deux sujets qui sont
00:47:03 éminemment importants sur la question de la délinquance
00:47:05 ou de la sécurité dans les manifestations,
00:47:07 le problème est politique,
00:47:09 c'est la loi qui permet ou non,
00:47:11 c'est la loi qui contraint aussi
00:47:13 les agents, en l'occurrence la police
00:47:15 ou les magistrats d'un côté,
00:47:17 et cette loi-là n'est pas adaptée
00:47:19 à la violence de ces
00:47:21 antifas,
00:47:23 et le politique se laisse faire, voire même
00:47:25 se lit lui-même les points au moment
00:47:27 d'agir contre ces antifas.
00:47:29 Donc le problème est politique et ce serait bien que cette question
00:47:31 revienne donc aux politiques.
00:47:33 - Merci Charlotte.
00:47:35 Selon l'intersyndicale qui s'exprime
00:47:37 d'ailleurs en ce moment même, a priori
00:47:39 une nouvelle journée de mobilisation
00:47:41 est appelée pour le
00:47:43 jeudi 6 avril.
00:47:45 Donc la mobilisation
00:47:47 sur le terrain continue.
00:47:49 On va aller à Place de la Nation
00:47:51 rejoindre notre envoyée spéciale.
00:47:53 Vous nous avez,
00:47:55 premièrement dites-nous ce qui se passe sur le terrain,
00:47:57 et deuxièmement vous avez une expérience
00:47:59 avec la BRAV-M que l'on veut
00:48:01 parfois confondre avec les
00:48:03 voltigeurs, quel est votre regard ?
00:48:07 - Alors d'abord Christine,
00:48:09 ce que je vous propose c'est de faire un premier
00:48:11 point de situation. Vous voyez ici
00:48:13 le cadavre d'un
00:48:15 vélo électrique brûlé,
00:48:17 d'une poubelle qui a été brûlée.
00:48:19 C'est très intéressant ce qui se passe parce que, en fait,
00:48:21 quand je panote, vous voyez ces centaines de
00:48:23 personnes qui sont présentes et qui ont pris de place
00:48:25 et possession vraiment du cœur
00:48:27 de la Place de la Nation,
00:48:29 les forces de l'ordre qui ont avancé pour
00:48:31 essayer vraiment de sécuriser
00:48:33 une plus large partie,
00:48:35 de prendre un peu d'avance
00:48:37 sur les éléments radicaux.
00:48:39 Ils sont beaucoup sur cette
00:48:41 Place de la Nation, on en dénombre
00:48:43 200 à 300 aisément.
00:48:45 Et pourquoi je vous montrais
00:48:47 ce scooter ou cette
00:48:49 trottinette qui commençait à brûler ? Parce que
00:48:51 des pompiers ont essayé
00:48:53 d'éteindre ces flammes.
00:48:55 Elles ont été accompagnées justement
00:48:57 par ces BRAV-M, ces
00:48:59 brigades motorisées mais qui n'interviennent
00:49:01 jamais à moto, c'est-à-dire
00:49:03 qu'elles sont placées d'un point A vers un point B,
00:49:05 elles quittent la moto
00:49:07 et puis ensuite elles interviennent. Elles sont
00:49:09 reconnaissables parce que ces brigades
00:49:11 gardent leur casque. Et on a assisté
00:49:13 à une scène absolument surréaliste parce que
00:49:15 vous imaginez bien que maintenant les éléments
00:49:17 radicaux, les professionnels de la casse,
00:49:19 ils connaissent ces brigades-là.
00:49:21 Et dès lors qu'ils ont
00:49:23 vu qu'il y avait une brigade
00:49:25 casquée sur la place, on a eu
00:49:27 un hurlement de cette foule
00:49:29 en disant "ils arrivent, ils arrivent" et vous avez eu
00:49:31 une pluie de projectiles.
00:49:33 Cette brigade a dû quitter
00:49:35 la zone, les pompiers n'ont pas pu circonscrire
00:49:37 ce départ de
00:49:39 feu dans un
00:49:41 climat absolument chaotique.
00:49:43 On avance un petit peu sur cette place mais force
00:49:45 est de constater qu'on va être contraints un peu de
00:49:47 reculer parce qu'effectivement
00:49:49 il y a énormément de monde et ça peut
00:49:51 partir à tout moment. Vous voyez d'ailleurs
00:49:53 les bombes lacrymogènes qui ont été
00:49:55 lancées par les forces de l'ordre.
00:49:57 Et donc c'est une
00:49:59 situation qui
00:50:01 commence à se tendre et vous l'avez
00:50:03 bien compris ça fait un peu plus d'une
00:50:05 demi-heure que c'est dans cette situation.
00:50:07 Et permettez-moi de vous laisser
00:50:09 la main car j'ai du mal à respirer
00:50:11 chère Christine. Alors faites attention à vous,
00:50:13 merci beaucoup pour
00:50:15 ce compte-rendu
00:50:17 en direct. Faites attention
00:50:19 à vous avec ces lacrymogènes.
00:50:21 Mettez-vous à l'écart
00:50:23 et n'hésitez pas à revenir s'il y a d'autres
00:50:25 informations. Alors dans un instant n'oublions pas
00:50:27 on parlera
00:50:29 avec vous comment faire passer
00:50:31 ces idées par la violence,
00:50:33 est-ce que c'est nouveau ou pas. C'est intéressant
00:50:35 de se poser la question avec vous. Avant tout
00:50:37 je le disais Marc Menand,
00:50:39 on a un léger
00:50:41 essoufflement de la manifestation,
00:50:43 de la mobilisation, des jeunes
00:50:45 moins nombreux que prévu. Aujourd'hui
00:50:47 un peu de jeunes de la
00:50:49 banlieue qui sont
00:50:51 arrivés aujourd'hui, moins de Black Blocs.
00:50:53 Mais on va s'arrêter sur les jeunes
00:50:55 parce que, est-ce qu'elle a été la place,
00:50:57 la force et le rôle
00:50:59 des jeunes dans
00:51:01 la mobilisation de mai 68 ?
00:51:03 Ce sont les déclencheurs.
00:51:05 Mais pour qu'il y ait
00:51:07 une étincelle efficace,
00:51:09 il faut que les conditions
00:51:11 soient réunies
00:51:13 afin que l'embrasement ait lieu.
00:51:15 Alors on a la légende,
00:51:17 les 30 glorieuses, n'oublions pas, 63
00:51:19 ce sont les mines qui ferment,
00:51:21 des luttes extrêmement
00:51:23 difficiles et violentes,
00:51:25 on a la métallurgie qui va mal,
00:51:27 le textile qui va mal,
00:51:29 on a pour la première fois 500 000
00:51:31 chômeurs, on en est réduit
00:51:33 à créer l'ANPE.
00:51:35 N'oubliez pas non plus qu'en 1967
00:51:37 le président
00:51:39 de la République, Charles de Gaulle,
00:51:41 il y a eu les élections législatives,
00:51:43 il n'a remporté, il y a pas mal d'analogies,
00:51:45 il a remporté la victoire que par
00:51:47 un siège, il ne tient plus
00:51:49 la majorité que par un siège,
00:51:51 c'est extrêmement fragile,
00:51:53 il y a plus de 2 millions de personnes
00:51:55 qui touchent le SMIC,
00:51:57 et puis on a encore des bidonvilles,
00:51:59 des bidonvilles à Nanterre, des bidonvilles
00:52:01 à Saint-Ouent et à Nanterre,
00:52:03 il y a la faculté qui a ouvert,
00:52:05 et les étudiants à 92%,
00:52:07 ce sont des gars de la bourgeoisie,
00:52:09 ils arrivent en cravate, on est respectueux
00:52:11 durant les cours,
00:52:13 et ils voient cette pauvreté
00:52:15 et dans ce monde en agitation,
00:52:17 parce qu'il y a une agitation mondiale,
00:52:19 on est contre la guerre au Vietnam,
00:52:21 on est entiché
00:52:23 du maoïsme, certains,
00:52:25 il y a un relanc de trotskisme,
00:52:27 on espère changer le monde,
00:52:29 et puis il y a également les mœurs,
00:52:31 on voudrait être dans une sorte
00:52:33 de joie de libération,
00:52:35 et en France on a toujours l'ORTF
00:52:37 avec le ministre
00:52:39 de l'information,
00:52:41 et je l'avais déjà dit ici,
00:52:43 Pierre Perrec est interdit avec les jolies
00:52:45 colonies de vacances, c'est une chanson
00:52:47 scandaleuse, on voudrait pouvoir
00:52:49 aller, c'est ce qui se passe à la fac
00:52:51 de Nanterre, on voudrait pouvoir aller
00:52:53 du bâtiment des filles
00:52:55 au bâtiment des garçons
00:52:57 en toute liberté, laisser nous
00:52:59 libre quand même,
00:53:01 le plaisir d'exister,
00:53:03 et au mois de mars,
00:53:05 on a ces gaillards qui disent "c'est intolérable",
00:53:07 ils finissent par envahir
00:53:09 les locaux administratifs,
00:53:11 la situation
00:53:13 se dégrade,
00:53:15 et le recteur
00:53:17 finit au mois de mai
00:53:19 par fermer l'université.
00:53:21 Parmi les agitateurs,
00:53:23 vous avez un gars qui vient d'étranger,
00:53:25 il est libertaire, il s'appelle
00:53:27 Daniel Kohn-Bendit,
00:53:29 ah c'est pas le bourgeois d'aujourd'hui
00:53:31 tel qu'il se manifeste,
00:53:33 vous voyez, il n'est pas en train de dire "vive le football"
00:53:35 [rires]
00:53:37 On a également Jacques Sauvageot
00:53:39 de l'UNEF,
00:53:41 l'UNEF qui n'est pas encore
00:53:43 gangréné par les mouvements
00:53:45 wokistes, on a le SNESUP
00:53:47 d'Alain Grimard,
00:53:51 et le SNESUP c'est à la fois
00:53:53 les étudiants et puis l'enseignement
00:53:55 supérieur. Bref, tous ces gens
00:53:57 s'agitent, et le
00:53:59 demain, il y a cette
00:54:01 fermeture de la fac de Nanterre,
00:54:03 le lendemain on a une réplique où
00:54:05 à la Sorbonne, solidarité camarade,
00:54:07 et à la Sorbonne,
00:54:09 le recteur appelle la police
00:54:11 et quand on dit aujourd'hui
00:54:13 "ah ils sont là, ils sont pas tendres
00:54:15 avec nous", à l'époque
00:54:17 c'est d'une violence inouïe,
00:54:19 on a
00:54:21 je ne sais trop combien de blessés,
00:54:23 600 arrestations, et on crie
00:54:25 "CRSS, cesse, CRSS,
00:54:27 cesse", ça montre bien la force.
00:54:29 Et au fil des jours,
00:54:31 ça va se dégrader, n'oublions pas,
00:54:33 le Premier ministre,
00:54:35 M. Pompidou,
00:54:37 n'est pas là, il est en voyage
00:54:39 en Iran,
00:54:41 et quand il apprend que la situation
00:54:43 devient extrêmement tendue,
00:54:45 il prend l'avion du Glam, une caravel,
00:54:47 pour revenir. Le Président
00:54:49 de la République, Charles de Gaulle,
00:54:51 lui, a l'intention
00:54:53 d'utiliser la violence, il y aura une
00:54:55 confrontation entre les deux, et au milieu,
00:54:57 le Préfet, Maurice Grimaud,
00:54:59 qui est plutôt un pacifiste,
00:55:01 un humaniste, et qui essaie de faire
00:55:03 comprendre que la force outrancière
00:55:05 serait contre-productive.
00:55:07 Et le général de Gaulle finira par partir
00:55:09 en voyage en Roumanie.
00:55:11 Vous voyez, il y a encore les analogies.
00:55:13 - Les similitudes. - Mais la situation
00:55:15 se dégradant, il va revenir.
00:55:17 Que se passe-t-il au quartier latin,
00:55:19 à partir du 6 mai ? Là, c'est la
00:55:21 violence, on dépave les rues,
00:55:23 on retourne, ce sont des
00:55:25 scènes de guerre civile.
00:55:27 C'est effarant, ce que l'on vit.
00:55:29 On a véritablement l'impression
00:55:31 que c'est le grand soir,
00:55:33 et rien ne calme la situation.
00:55:35 Les partis sont débordés,
00:55:37 et on voit néanmoins une grande
00:55:39 manifestation qui s'organise
00:55:41 le 13 mai, et c'est la grève générale.
00:55:43 Qui correspond à quoi,
00:55:45 cette grève générale ?
00:55:47 Eh bien, à ce mécontentement que j'ai essayé
00:55:49 de mettre en valeur de façon très succincte,
00:55:51 à savoir le nombre de chômeurs,
00:55:53 à savoir les gens qui crèvent la faim,
00:55:55 et ceux qui ont l'impression
00:55:57 de ne pas avoir d'espoir,
00:55:59 et on ne les écoute pas.
00:56:01 Il y a quand même beaucoup de résonance
00:56:03 par rapport à ce que nous vivons.
00:56:05 Et là, c'est une manifestation gigantesque
00:56:07 entre la République
00:56:09 et Sébastopol.
00:56:11 Il y a 900 000 personnes.
00:56:13 On trouve à la tête Mitterrand,
00:56:15 on trouve Valdez-Crochet,
00:56:17 le communiste, et Mendes France.
00:56:19 La réplique ?
00:56:21 Eh bien, c'est le général De Gaulle,
00:56:23 qui revient vite
00:56:25 de son voyage
00:56:27 en Goumanie, et qui apparaît
00:56:29 et qui dit "La réforme,
00:56:31 oui,
00:56:33 la chanlie, non !"
00:56:35 Et les tractations
00:56:37 qui se pèrent entre Krasucki,
00:56:39 de façon dissitante, dans un jardin
00:56:41 du côté de Montmartre,
00:56:43 avec Jacques Chirac, délégué
00:56:45 du gouvernement. On va voir
00:56:47 les accords de Grenelle, mais ça montre bien
00:56:49 que c'est sous la violence
00:56:51 que l'on a commencé à prendre
00:56:53 en considération une certaine
00:56:55 misère.
00:56:57 La réplique de tout ça, ce sera
00:56:59 la contre-révolution,
00:57:01 la contre-manifestation,
00:57:03 avec un million de personnes
00:57:05 sur les Champs-Elysées,
00:57:07 bras-dessus, bras-dessous, on voit Malraux,
00:57:09 et le président
00:57:11 de la République,
00:57:13 qui finit à un moment donné
00:57:15 par s'en aller, "Oui, le général,
00:57:17 il est où, le général ?" On le cherche
00:57:19 partout. Il est à Baden-Baden,
00:57:21 où il a rejoint
00:57:23 le général Massu, qui est le
00:57:25 chef des troupes
00:57:27 françaises en Allemagne,
00:57:29 et qui a été l'un des grands agitateurs
00:57:31 de l'Algérie
00:57:33 française.
00:57:35 Et il est un proche
00:57:37 du général, il lui conseille
00:57:39 de revenir, et c'est là qu'il apparaît
00:57:41 de nouveau à la télévision,
00:57:43 "Je ne me retirerai pas."
00:57:45 Il y aura les élections,
00:57:47 et là, il remporte une malargerité
00:57:49 écrasante. On a l'impression
00:57:51 que tout est terminé.
00:57:53 - Si j'ai bien compris, vous avez un regard
00:57:55 plutôt zen, on va dire,
00:57:57 sur ce qui se passe aujourd'hui.
00:57:59 - Quand on voit les scènes de l'époque, oui.
00:58:01 - Merci beaucoup
00:58:03 pour votre regard, Marc Menand.
00:58:05 Marc Menand était en train de dire
00:58:07 "C'est sous la violence qu'on a
00:58:09 commencé à prendre en compte la misère."
00:58:11 La violence politique,
00:58:13 Mathieu Bocoté, qui domine l'actualité,
00:58:15 nous surprend. Marc Menand,
00:58:17 au regard de l'histoire, c'est intéressant,
00:58:19 c'est ce que vous allez nous dire, d'où sort-elle ?
00:58:21 C'est ce qu'on cherche à comprendre
00:58:23 depuis quelques jours, mais pourtant,
00:58:25 à l'essage de l'histoire, même de l'histoire récente,
00:58:27 comme le disait un peu Marc, la violence
00:58:29 a toujours été intriquée
00:58:31 aux politiques. On la voyait même
00:58:33 comme une manière légitime de faire
00:58:35 progresser ces idées.
00:58:37 - Vous savez, on est tous un peu,
00:58:39 malgré nous, les enfants de Francis Fukuyama.
00:58:41 Je m'explique. Fukuyama,
00:58:43 le philosophe américain,
00:58:45 qui dit, dans la chute
00:58:47 du mur de Berlin, "C'est la fin de l'histoire."
00:58:49 Donc, les grandes passions politiques
00:58:51 vont se sécher. Les grands conflits politiques
00:58:53 vont se neutraliser. Nous vivrons
00:58:55 sous le signe de l'extension du droit
00:58:57 et du marché. Oui, il y aura encore une vie politique,
00:58:59 évidemment, mais ça sera
00:59:01 une vie politique sous le signe de la conversation
00:59:03 démocratique. C'est aussi l'héritage de la gauche
00:59:05 antitotalitaire. Donc, on va être
00:59:07 tous rassemblés. La vie politique sera
00:59:09 une forme de colloque.
00:59:11 Ce sera un conflit civilisé. Alors,
00:59:13 on acceptera d'avance le fait que l'autre
00:59:15 a peut-être raison. On
00:59:17 décidera de discuter librement
00:59:19 et on cherchera à se tenir le plus
00:59:21 loin possible des
00:59:23 passions. Et ça,
00:59:25 d'une manière ou de l'autre, on a tous
00:59:27 voulu y croire, je crois. Même les natures
00:59:29 les plus ardentes, même les natures
00:59:31 les plus brutales, acceptaient
00:59:33 le jeu démocratique et considéraient
00:59:35 que finalement, c'est dans le cadre démocratique
00:59:37 et pas dans la rue, et pas à coups de poing,
00:59:39 et encore moins à coups de matraque,
00:59:41 qu'on fait avancer ces
00:59:43 idées. Et ça, c'est, si vous vous rappelez,
00:59:45 la parenthèse enchantée
00:59:47 qui commence à certains égards après 1945,
00:59:49 après le traumatisme des deux guerres mondiales,
00:59:51 mais vraiment, à partir de 1989,
00:59:53 là, on entre dans ce moment de bascule
00:59:55 et on croit que la violence, désormais,
00:59:57 c'est le contraire de la politique.
00:59:59 Mais tout ça, c'est une parenthèse
01:00:01 enchantée à l'échelle de l'histoire. Et il m'arrive
01:00:03 quelquefois de me trouver naïf
01:00:05 pour ne pas dire ni go d'y avoir
01:00:07 cru aussi ardemment. Parce que qu'est-ce qu'on voit?
01:00:09 - Et nous tous? - Ah bien oui, mais...
01:00:11 Oui, tous, Christine, vraiment.
01:00:13 - Tous, oui, tous. - Mais je crois,
01:00:15 cette parenthèse se disloque devant nous,
01:00:17 cela dit. Alors, juste quelques rappels
01:00:19 historiques, par ailleurs.
01:00:21 Première moitié du 20e siècle, dans le cadre
01:00:23 des tensions que l'on connaissait, il n'était pas rare
01:00:25 que les partis aient des milices.
01:00:27 On ne peut pas l'oublier. Le Parti communiste avait ses milices,
01:00:29 les partis fascistes avaient leurs milices,
01:00:31 mais aussi, quelquefois, il y avait
01:00:33 des ligues qui étaient présentes
01:00:35 dans la vie, qui n'étaient pas fascistes ou communistes
01:00:37 et qui n'hésitaient pas à aller au coup de poing
01:00:39 pour être capables. Les organisations syndicales
01:00:41 croyaient aussi à la vertu du coup de poing
01:00:43 s'il le fallait pour être capables
01:00:45 de faire avancer ses idées. Pourquoi?
01:00:47 Parce que la politique, ce n'est pas une lutte simplement
01:00:49 des idées, c'est une lutte de passion,
01:00:51 d'intérêt pour le pouvoir, la conquête du pouvoir,
01:00:53 l'exercice du pouvoir, la conservation
01:00:55 du pouvoir et surtout s'assurer que l'autre
01:00:57 demeure dans l'opposition. C'est-à-dire, on adore
01:00:59 l'opposition et le débat. Je dirais, quand vous êtes
01:01:01 dans l'opposition, vous aimez les débats.
01:01:03 Quand vous êtes au pouvoir, vous n'aimez pas les débats,
01:01:05 vous voulez conserver le pouvoir. Ensuite,
01:01:07 un moment plus récent,
01:01:09 en France, et là, une référence
01:01:11 admirée par tous, le gaullisme.
01:01:13 Le parti du général de Gaulle
01:01:15 avait les services d'action civiques.
01:01:17 Ça, c'était ce qu'on pourrait appeler les gros bras
01:01:19 du général de Gaulle. C'était des gens qui faisaient
01:01:21 le sale travail. - Sacré.
01:01:23 - Oui, exactement. Et ça faisait en sorte que finalement,
01:01:25 le pouvoir n'avait pas... le général lui-même
01:01:27 n'avait pas à se salir les mains parce que
01:01:29 d'autres se salissaient les mains pour lui.
01:01:31 Et si on rappelle simplement comment
01:01:33 le général de Gaulle, que nous vénérons tous,
01:01:35 évidemment, a repris le pouvoir en 58.
01:01:37 C'est pas un modèle exemplaire
01:01:39 de conversation démocratique élégante.
01:01:41 C'est sous la menace des commandos.
01:01:43 C'est sous la menace d'un putsch.
01:01:45 C'est sous la menace d'un coup d'État.
01:01:47 Donc la Ve République, qui est un modèle
01:01:49 démocratique dans l'histoire de France,
01:01:51 est fondée à l'origine sur la possibilité
01:01:53 d'une violence et d'une prise du pouvoir violente.
01:01:55 - J'ai l'impression que vous êtes en train de légitimer
01:01:57 la violence. - Ah non, d'aucune manière!
01:01:59 Je ne légitime rien. J'ai le souci simplement
01:02:01 d'expliquer à l'échelle de l'histoire
01:02:03 pourquoi nous avons été naïfs.
01:02:05 Donc quand on pense que même la Ve République
01:02:07 est basée sur la promesse de la possibilité
01:02:09 d'un coup de force, ça ne vient légitimer
01:02:11 aucune violence aujourd'hui. Ça nous rappelle
01:02:13 que si on veut comprendre l'histoire,
01:02:15 la violence et la politique sont intriquées.
01:02:17 Si je vous parlais de l'indépendance irlandaise
01:02:19 ou tant d'autres exemples, franchement,
01:02:21 les exemples se multiplieraient.
01:02:23 Ça veut pas dire qu'il faut la légitimer aujourd'hui.
01:02:25 Ça veut simplement dire que ça fait partie
01:02:27 d'une compréhension des événements.
01:02:29 - Mais ce que je ne comprends pas, Mathieu Beaucouté,
01:02:31 c'est pourquoi nous l'avons oublié?
01:02:33 - Alors ça, je pense vraiment, on a voulu...
01:02:35 C'est quand même beaucoup plus agréable
01:02:37 de débattre démocratiquement avec des gens
01:02:39 en acceptant l'idée qu'on se met pas des points sur la gueule.
01:02:41 C'est-à-dire, ce serait bien que ça soit vrai.
01:02:43 Et on peut espérer que ça redevienne vrai
01:02:45 pour une nouvelle parenthèse enchantée,
01:02:47 peut-être pour nous, nos enfants,
01:02:49 nos petits-petits-enfants, nos petits-petits-fillots
01:02:51 dont parlerait Jacques Ouille.
01:02:53 Mais quoi qu'il en soit, ce qui est fascinant,
01:02:55 c'est que la gauche, elle, ne l'a jamais oublié complètement,
01:02:57 mais avait dissimulé cette conscience
01:02:59 derrière la théorie du changement social.
01:03:01 C'est intéressant. Donc la gauche pensait
01:03:03 qu'il y avait des mouvements de pouvoir comme Alain Touraine,
01:03:05 Pierre Bourdieu, Michel Foucault.
01:03:07 Ils ont tous, d'une manière ou de l'autre,
01:03:09 quelquefois légitimé les mouvements violents.
01:03:11 Mais qu'est-ce qu'ils faisaient? Ils disaient,
01:03:13 "Ce n'est pas un mouvement violent, c'est une forme
01:03:15 de pulsion créatrice qui travaille l'histoire
01:03:17 et qui force nos sociétés à se transformer."
01:03:19 Ce sont les mêmes qui disaient que la démocratie,
01:03:21 c'est pas le règne de la majorité, c'est le déploiement
01:03:23 des progrès sociaux nécessaires et inévitables
01:03:25 dans lequel, quelquefois, les avant-gardes
01:03:27 sont obligés d'être musclés. Donc la gauche était capable,
01:03:29 dans sa théorie du pouvoir, dans la deuxième moitié
01:03:31 de l'usage de la violence dans la conquête du pouvoir
01:03:33 ou la transformation de la société.
01:03:35 Puisque la droite est généralement aveugle
01:03:37 intellectuellement, elle ne le comprenait pas.
01:03:39 Une simple phrase de conclusion, en fait.
01:03:41 Là, on revient dans les temps présents.
01:03:43 Nous tenons à la démocratie, nous tenons
01:03:45 à la conversation civique, nous tenons au débat démocratique.
01:03:47 Mais nous avons devant nous des gens,
01:03:49 les ministres d'extrême-gauche, d'ultra-gauche,
01:03:51 qui n'y croient plus et ils nous le disent
01:03:53 en plein visage. Ils nous rient au visage
01:03:55 avec leur matraque en disant,
01:03:57 "Nous ne croyons plus à la démocratie
01:03:59 et on va instrumentaliser
01:04:01 les libertés que vous nous accordez,
01:04:03 que vous nous donnez, pour vous imposer,
01:04:05 pour vous mettre sur la gueule.
01:04:07 Donc nous sommes paralysés, nous croyons
01:04:09 à des vertus qui sont instrumentalisées
01:04:11 par nos adversaires et même nos ennemis, quelquefois,
01:04:13 pour nous paralyser, nous casser les jambes."
01:04:15 Alors quand on a cela à l'esprit, il va falloir
01:04:17 se demander ce que la démocratie doit faire devant
01:04:19 ceux qui lui déclarent la guerre. On s'est posé la question
01:04:21 devant le terrorisme, qui était autrement plus violent.
01:04:23 Mais devant l'ultra-gauche, qui est une menace
01:04:25 d'une autre nature, il va peut-être falloir
01:04:27 se poser aussi la question, que faire devant ceux
01:04:29 qui instrumentalisent nos libertés pour mieux
01:04:31 nous imposer leur terreur.
01:04:33 - Merci beaucoup pour votre réégard, Mathieu Bocoté.
01:04:35 On apprend que Laurent Berger annonce
01:04:37 que Matignon a adressé une lettre
01:04:39 cet après-midi pour une rencontre
01:04:41 lundi ou mardi
01:04:43 avec Élisabeth Borne.
01:04:45 Et puis il dit qu'il ira, justement,
01:04:47 à cette réunion.
01:04:49 C'est très intéressant
01:04:51 comme information.
01:04:53 Avant de se quitter, on va rappeler
01:04:55 les informations de la soirée.
01:04:57 6 avril, prochaine mobilisation.
01:04:59 En France, 740 000 manifestants,
01:05:01 2 millions selon la CGT.
01:05:03 740 000 selon le ministère de l'Intérieur.
01:05:05 C'est moins que jeudi dernier.
01:05:07 C'était 1 million selon la police,
01:05:09 3,5 millions selon la CGT.
01:05:11 27 interpellations à Paris.
01:05:13 En ce moment,
01:05:15 une tension place de la Nation
01:05:17 à Paris.
01:05:19 On observe globalement
01:05:21 un essoufflement léger
01:05:23 de la mobilisation,
01:05:25 même si elle reste dense.
01:05:27 Avant de laisser la place à Pascal Praud,
01:05:29 on va retourner sur le terrain
01:05:31 avec Vincent Finlandes pour savoir
01:05:33 ce qui se passe concrètement,
01:05:35 en ce moment même, place de la Nation.
01:05:37 Vincent.
01:05:39 Alors, il y a effectivement
01:05:41 encore quelques légères tensions
01:05:43 ici, place de la Nation,
01:05:45 entre des manifestants,
01:05:47 appelons-les plutôt
01:05:49 éléments perturbateurs,
01:05:51 qui errent puisqu'ils ne manifestent,
01:05:53 d'ailleurs ici sur cette place,
01:05:55 place de la Nation,
01:05:57 qui commencent à se vider petit à petit.
01:05:59 C'est vrai que si on devait parler
01:06:01 un petit peu du profil de ces personnes
01:06:03 qui sont là, ce sont des personnes plutôt jeunes,
01:06:05 qui, encore une fois,
01:06:07 errent puisqu'elles ne manifestent.
01:06:09 On n'entend pas de slogans contre
01:06:11 la manifestation des retraites,
01:06:13 très peu contre Emmanuel Macron d'ailleurs.
01:06:15 C'est quasi uniquement des slogans
01:06:17 contre la police, désormais ici,
01:06:19 place de la Nation, qui commencent à se...
01:06:21 à se vider assez sérieusement
01:06:23 de ces... de ces manifestants,
01:06:25 des manifestants qui...
01:06:27 qui donnent la place, désormais,
01:06:29 aux éléments perturbateurs, alors qu'on voit
01:06:31 des jets de gaz lacrymogènes de la part
01:06:33 des forces de l'ordre.
01:06:35 Qu'est-ce qui a créé les tensions tout à l'heure ?
01:06:37 C'est tout simplement, eh bien,
01:06:39 des habitantes d'un immeuble
01:06:41 au-dessus d'une banque,
01:06:43 boulevard Voltaire, donc ce boulevard
01:06:45 qui donne sur la place de la Nation,
01:06:47 des manifestants... des... pardon,
01:06:49 des habitantes qui sont sorties sur leur balcon
01:06:51 et qui s'en sont... pris oralement, j'allais dire,
01:06:53 aux manifestants, avec des gestes
01:06:55 obscènes que je ne vous détaillerai pas...
01:06:57 pas ici. Et donc,
01:06:59 forcément, eh bien, ces manifestants, ces éléments perturbateurs
01:07:01 ont commencé à... à lancer des projectiles
01:07:03 sur leur balcon, sur leur fenêtre, à s'en prendre
01:07:05 oralement à ces personnes-là, ce qui a...
01:07:07 eh bien, déclenché le déploiement
01:07:09 des forces de l'ordre sous...
01:07:11 sous cet immeuble. Et c'est à partir de là
01:07:13 que les commenc... que les tensions
01:07:15 ont commencé. Il y a eu de très nombreuses charges
01:07:17 de police qui... ont d'ailleurs essuyé
01:07:19 des... des pluies de...
01:07:21 de projectiles de... en tout genre, des...
01:07:23 des bouteilles en... des bouteilles en verre,
01:07:25 des... des bouts de pierre,
01:07:27 un peu tout ce que les manifestants, les éléments
01:07:29 perturbateurs trouvent... trouvent par terre.
01:07:31 Enfin, il y a un autre élément intéressant,
01:07:33 c'est ces
01:07:35 journalistes qui... que
01:07:37 je n'avais... c'est... c'est quelque chose que j'avais pas
01:07:39 encore réellement vu lors de ces manifestations-là.
01:07:41 Des journalistes qui sont un petit peu pris à partie par certains
01:07:43 manifestants. Et je dis bien « manifestants »
01:07:45 parce que c'était des personnes
01:07:47 qui étaient là pour manifester, et non pas
01:07:49 pour casser. Et enfin,
01:07:51 une très nombreuse présence de la part de la
01:07:53 presse internationale, des journalistes du monde entier qui sont
01:07:55 là pour couvrir ces manifestations.