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Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous emmène sur le champ de bataille, en pleine guerre de Crimée. Le 8 septembre 1855, le général Mac-Mahon lance ses troupes à l’assaut de Malakoff. Proche de la victoire, il reçoit un message lui ordonnant de se retirer. Il aurait alors prononcé une célèbre formule: “J’y suis, j’y reste”.

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Transcription
00:00 Europain, historiquement vôtre avec Stéphane Bern.
00:04 Tous les jours, vous le savez, historiquement vôtre vous raconte l'histoire sans se la raconter
00:07 avec Jean-Luc Lemoyne qui vient tout juste de mettre le point d'interrogation final à son quiz à suivre.
00:13 Oui, aujourd'hui pour l'Indice Musical, c'est un petit bonbon pour vos oreilles que je vous propose.
00:17 *Musique*
00:46 - Combien ? - Je vous en dis pas plus.
00:48 - Il y aura tout à l'heure cet affrontement, mais avant on va laisser la parole à Clémentine Portier-Kettenbach
00:53 qui nous raconte des histoires dont elle seule a le secret.
00:56 *Musique*
00:59 - Aujourd'hui Clémentine, vous nous racontez le destin d'un homme qui n'a pas lâché l'affaire,
01:02 le général de Mac Mahon, qui retranché dans la forteresse de Sébastopol aurait déclaré "J'y suis, j'y reste".
01:08 Mais est-il vraiment l'auteur de cette phrase restée scellée Clémentine ?
01:12 - C'est la grande question figurez-vous. Justement, vous savez que cette histoire est liée à la guerre de Crimée.
01:18 On est en 1855 sous le Second Empire. La guerre de Crimée, il y a d'un côté les Russes, de l'autre côté les Turcs, les Anglais et les Français.
01:26 Et alors le gros objectif du moment c'est de s'emparer de la redoute de Malakoff.
01:31 Une redoute c'est un bastion, en fait c'est un ensemble de petits casemates.
01:35 Il faut prendre tout ça parce que quand on aura pris Malakoff, on pourra aller prendre la ville de Sébastopol.
01:42 Et on confie l'exécution de ce plan périlleux à Mac Mahon.
01:47 La veille de l'assaut, lui il est très déterminé, très confiant.
01:51 Il déclare "J'entrerai demain à Malakoff et soyez certain que je n'en sortirai pas vivant si je n'en déloge pas les Russes".
01:59 Alors le 8 septembre 1855, il lance ses colonnes à l'assaut du bastion de Malakoff.
02:06 Il dirige d'ailleurs l'assaut en personne. Il avait un très grand courage physique, Mac Mahon.
02:13 Il est constamment aux endroits les plus exposés sous le feu meurtrier de l'ennemi.
02:19 Et sur ces entrefaites, alors que Mac Mahon est à deux doigts de prendre sa forteresse, son fortin de Malakoff,
02:27 il reçoit un message de l'état-major français qui vient d'apprendre que les Russes ont miné les lieux
02:35 et se disposent à faire sauter Malakoff dès que les troupes françaises s'en seront emparées.
02:40 Alors on envoie évidemment un aide de camp à Mac Mahon pour lui enjoindre d'abandonner ses positions,
02:46 de se replier, c'est trop dangereux. Et c'est alors, selon la tradition, qu'il aurait répondu au messager "J'y suis, j'y reste".
02:55 À cinq reprises successives, il reçoit de ses chefs ce mémoire dont il ne tient pas compte.
03:01 Au contraire, il insiste et il s'empare de Malakoff.
03:05 Évidemment, ce bon mot bravache bien français qui résumait tellement bien la journée de Malakoff a enchanté les foules.
03:13 Mais enfin le général de Mac Mahon, parce que lui, il a toujours contesté l'avoir prononcé,
03:18 même s'il l'avait manifesté, la résolution de ne pas céder.
03:22 C'est quand même étrange un officier supérieur qui répond sur ce ton-là à ses supérieurs hiérarchiques.
03:28 Tout de même, ce n'est pas très normal.
03:30 Si on vous intime cinq fois de suite en disant "c'est un ordre, maintenant vous battez en retraite de ne pas obéir",
03:35 faire de la sourde oreille une ou deux fois ça va.
03:38 Mais enfin, cinq fois de suite refuser d'obéir, ça peut vous valoir la cour martiale cette histoire.
03:43 De toute façon, Mac Mahon contestait, je le disais, être l'auteur de cette formule
03:47 et donc il s'est bien trouvé quelqu'un pour le faire à sa place.
03:50 Qui donc a fait ça ? Le marquis de Cacelan, vous pouvez le prononcer indifféremment,
03:55 Cacelan ou Castellan, qui bien plus tard se complaira à raconter les circonstances
03:59 dans lesquelles il a élaboré cette mystification.
04:03 Il raconte les circonstances qui l'amènent malgré lui à fabriquer ce mot historique.
04:08 C'était en novembre 1873, à ce moment-là le parti conservateur et monarchiste
04:13 qui souhaite qu'on puisse rétablir la monarchie à moyen terme,
04:16 mais en attendant il y a Mac Mahon, il faut le prolonger dans son pouvoir,
04:20 il va devenir président de la République française.
04:22 Donc il faut faire un discours à la chambre pour emporter l'opinion, pour emporter les votes.
04:28 Alors il fait son discours chez lui, le marquis, puis il se rend compte que c'est un petit peu plat,
04:32 tout ça, il en parle avec sa femme, il lui dit "écoute, vraiment, là ça manque d'envoler,
04:36 il me faudrait quand même une phrase, un mot, à l'emporte-pièce, qui corroborerait mon argumentation".
04:42 Alors qu'est-ce qu'ils font ? Evidemment ils cherchent, ils vont aux sources, il n'y a pas Wikipédia,
04:46 mais enfin ils recherchent un petit peu quel est le pédigré, le parcours de Mac Mahon,
04:51 et comment on peut évoquer son héroïsme à un moment de sa carrière qui emportera le vote.
04:56 Et finalement, le 18 novembre 1873, de Kasselhain lit à la tribune de la chambre
05:03 un grand discours qu'il termine en ces termes "Faites aujourd'hui pour la France ce que Mac Mahon,
05:09 il y a 16 ans, fit pour l'armée. C'était à Malakoff, le premier, il entre dans la citadelle,
05:15 elle est minée, il va l'ensevelir sous ses ruines, n'importe, elle va l'ensevelir sous ses ruines,
05:21 n'importe, il se jette sur le télégraphe et il écrit à son chef, cette parole, sublime, en sa simplicité,
05:28 j'y suis, j'y reste". Alors là, la chambre toute entière se lève et acclame l'orateur,
05:34 le parti monarchiste obtient le vote espéré, Mac Mahon est nommé président de la République.
05:40 Et le soir même, écrit Kasselhain, les journaux se chargeaient d'évoquer ce mot historique
05:45 que le maréchal n'avait jamais dit et dont ma femme m'avait suggéré la formule.
05:51 Mais voilà, c'est encore trop simple à faire, ne s'arrête pas là, parce qu'en fait,
05:54 avant même la publication de cet article, un ancien officier anglais, Sir Michael Beef,
05:59 ancien combattant de la guerre de Crimée, qui s'était porté garant de l'authenticité du mot,
06:04 et il assurait sur l'honneur que le général Mac Mahon, au plus fort du combat, lui avait déclaré lui-même,
06:09 "vous pouvez dire au général anglais que j'y suis et que j'y reste",
06:13 ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Mais voyez-vous, ce Michael Beef était un homme
06:17 d'une haute probité morale, à l'époque il était garde des joyaux de la couronne à la Tour de Londres,
06:22 pas vraiment un plaisantin qui allait dire des âneries. Donc décidément, cette histoire est très compliquée.
06:27 Alors Mac Mahon dit que c'est pas lui, de cas cela ne prétend avoir inventé la formule avec sa femme,
06:32 et l'officier anglais dit que le général lui a bien dit "dites-lui que j'y suis et que j'y reste".
06:36 Eh bien écoutez, faudrait savoir quand même ! Bon, enfin, apparemment, ce qu'on peut conclure,
06:41 qu'est-ce que vous voulez, c'est que dans cette houte-soire, il y a du vrai, du faux, c'est un petit peu normand.
06:45 - Moi j'aurais tendance à croire l'officier anglais. - Oui.
06:48 - Mais il a dû le dire, pas de la même... il l'a dit à un officier anglais. - Voilà, il l'a pas dit sans doute.
06:52 - Donc il l'a pas dit à son super-gurl. - Oui, qu'il a dû réporter. Il s'est dit qu'il voulait rester.
06:57 Enfin, j'en sais rien. En tout cas, "j'y suis, j'y reste", c'est devenu la devise du 3ème régiment des Oives,
07:02 qui avait combattu à Malakoff avec Mac Mahon, et en 1916 à Verdun, et en 1943 en Tunisie.
07:10 - Merci Clémentine. Et maintenant, c'est le moment de l'émission où, vous le savez chers auditeurs, je ne contrôle plus rien,
07:15 puisque c'est vous Jean-Luc qui prenez la main, c'est le quiz "Burn to be alive".