Retraites : pour P.Kanner, l’absence de vote au Sénat fragiliserait la réforme constitutionnellement
Le président du groupe socialiste au Sénat maintient l’objectif de ne pas voter sur l’ensemble de la réforme, et affirme que les groupes de gauche sont prêts à « résister » à la majorité sénatoriale qui entend voter avant le 12 mars. D’après lui, un non-vote au Sénat pourrait fragiliser la réforme sur le plan constitutionnel.
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NewsTranscription
00:00 - Je suis donc avec le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Cannaire, bonjour.
00:04 - Bonjour.
00:05 - Revenons d'abord sur la teneur des débats de ce matin.
00:09 Il y a eu un vrai débat avec un clivage droite-gauche
00:12 autour de l'introduction d'une part de capitalisation dans notre système par répartition
00:18 et finalement le Sénat a adopté l'amendement des LR sur ce sujet.
00:23 Votre réaction ?
00:24 - Oui, c'était très intéressant.
00:26 Tout d'abord, vous avez parlé de débat.
00:27 Enfin, ça fait quatre jours qu'on espérait ce débat.
00:30 Le débat maintenant est enclenché.
00:33 C'est une bonne chose pour, finalement, la pédagogie que nous devons aux Français
00:38 pour leur expliquer ce que nous considérons comme étant un mal pour leur avenir
00:42 et ce que la droite manifestement va soutenir le jour venu.
00:46 Donc oui, sur la capitalisation, la droite est revenue à cette logique qui consiste à dire
00:52 "mais faisons de la répartition un socle puis tout le reste sera de la capitalisation".
00:57 - Voilà une fusée à plusieurs étages, nous a expliqué Bruno Rottayo.
01:00 - Oui, et ma collègue Vaugelle du groupe Dever a eu cette belle image
01:05 en disant que le premier étage qui serait le socle, en général, il bascule dans l'atmosphère
01:11 et il est brûlé après en tant que tel.
01:14 Donc non, la droite l'a ressorti, ces vieilles lubies.
01:19 C'est un rapport qui est demandé par M. Huisson, c'est cet amendement-là qui a été adopté.
01:24 D'ailleurs, il n'a pas été adopté très largement.
01:26 Il y a une partie des centristes qui n'en voulaient pas, manifestement.
01:30 C'est à suivre, en tout cas...
01:31 - Il y aura 160 voix pour, donc ça ne faisait pas le plein des voix du côté de la majorité.
01:36 - Oui, et ça signifie que les masques sont en train de tomber.
01:40 Le bon vieux clivage droite-gauche que réclamait M. Rottayo,
01:43 et je ne suis pas loin de penser comme lui,
01:45 eh bien, il est en train de s'affirmer aujourd'hui au Sénat.
01:48 - Vous avez taquiné d'ailleurs ce matin Bruno Rottayo
01:51 à partir d'une interview qu'a donnée Olivier Dussopt aujourd'hui aux Parisiens,
01:55 où il estime que cette réforme de retraite est une réforme de gauche,
01:59 ce qui vous a fait dire que Bruno Rottayo ne devrait pas la voter si on était dans cette logique-là.
02:03 Alors Olivier Dussopt fait valoir les avancées que propose le texte,
02:06 il dit que le texte ne fera pas de perdants.
02:08 Que lui répondez-vous ?
02:09 - Écoutez, cette réforme, selon M. Dussopt, devrait concerner 6 Français sur 10.
02:17 Donc 6 Français sur 10 actifs, ça fait 10 millions de personnes, dont vous, par exemple.
02:23 Donc vous allez travailler deux ans de plus si cette réforme devait passer.
02:28 Donc non, c'est une réforme qui a quelques aspects, ce que j'appelle les sucrettes,
02:32 il y a quelques aspects qui peuvent être positifs
02:33 et qu'on pourra regarder en termes d'amendements de notre côté,
02:36 mais le cœur de la réforme, c'est de faire payer un maximum de Français
02:41 l'incurie budgétaire du gouvernement.
02:43 Parce que finalement ce n'est pas une réforme du financement des retraites,
02:46 c'est une réforme pour aider le gouvernement à sortir de ses déficits.
02:50 Et pour sortir de ses déficits, plutôt que de taxer les super-profits, par exemple,
02:54 taxer les super-dividendes, vous avez vu les chiffres, c'est extraordinaire,
02:58 eh bien on demande aux Français de faire un effort supplémentaire.
03:00 Donc pour nous la réponse est non.
03:02 - Alors ce projet de loi fait l'objet d'une bataille au Parlement,
03:05 d'une bataille dans la rue, bien sûr tout le monde a les yeux fixés
03:10 sur l'échéance de mardi 7 mars, cette journée de blocage total
03:15 voulu par l'intersadicale.
03:17 Je voudrais vous faire réagir au fait que Laurent Berger,
03:20 le patron de la CFDT, commence à vouloir voir également
03:24 des députés Ehler opposés à la réforme,
03:26 on le sent, se positionner aussi sur le terrain politique.
03:29 - Je ne sais pas dans quelles conditions cette rencontre éventuelle a été imaginée.
03:33 Je pense que ce n'est pas M. Berger qui a demandé la rencontre,
03:36 c'est sûrement les députés Ehler autour de M. Pradié.
03:39 Oui, le groupe Ehler à l'Assemblée est beaucoup plus divisé que le groupe Ehler ici,
03:44 qui est bien tenu, bien à droite, il n'y a aucune surprise à avoir...
03:48 - Qui revendique presque la paternité de cette réforme.
03:50 - Oui, et qui pense qu'en faisant voter une réforme de droite ici,
03:56 M. Macron disparaîtra en termes d'avantages acquis.
04:02 Non, le grand gagnant, s'il a le droit de faire voter cette réforme ici au Sénat,
04:06 ce sera M. Macron, il faut lui dire et le redire.
04:08 Donc, que M. Berger rencontre les opposants à la réforme,
04:11 moi, ne me choque pas.
04:13 Vous savez, on a des contacts permanents avec Laurent Berger,
04:15 avec Philippe Martinez, avec les autres grands syndicats naturellement.
04:19 Simplement, il peut y avoir une sorte de consensus des gens de progrès.
04:24 Et puis, moi, je n'oublie pas qu'il y a des gaullistes sociaux
04:28 qui ont contribué, y compris à l'avènement de la gauche au pouvoir,
04:31 et je les respecte particulièrement.
04:32 - Un mot pour conclure sur la façon dont se déroulent les débats.
04:36 Pour l'instant, la gauche prend largement la parole,
04:40 il y a une espèce de "gentleman agreement" jusqu'au 7 mars.
04:44 - Et vous le remarquerez, nous prenons la parole sans agressivité, sans insultes,
04:48 avec des arguments de fond, il n'y a pas d'obstruction.
04:51 On est là dans notre rôle, finalement, de défendre les intérêts des Français.
04:55 Et donc, jusqu'au 7 mars, pour répondre à votre question,
04:57 nous allons continuer à travailler dans le même sens.
05:01 Il n'y a pas de "gentleman agreement".
05:02 Ça veut dire qu'il y aurait eu un accord signé entre les uns et les autres.
05:05 Il y a un consensus au sein de la Haute Assemblée, y compris à droite,
05:09 pour dire qu'il est peut-être utile que l'article 7 soit abordé après,
05:16 en tout cas, quand les Français se seront vraiment exprimés.
05:19 Et les Français vont s'exprimer lourdement le 7 mars.
05:21 Ils vont dire qu'ils n'en veulent pas.
05:23 Et je crois que c'est bien que notre débat ait lieu juste après,
05:26 effectivement, cette prise de position de nos concitoyens.
05:29 - Après ça, est-ce que vous craignez que le gouvernement appelle à un vote bloqué,
05:34 ce qui pourrait être possible, ce qui a été fait par exemple en 2010,
05:37 trouve une façon d'expédier la fin des discussions ?
05:40 - Il y a plusieurs moyens, pour reprendre notre expression,
05:42 d'expédier et donc de baïonner l'opposition.
05:45 Des moyens constitutionnels pour le gouvernement,
05:48 des moyens de règlement général du Sénat, pour la droite sénatoriale.
05:51 Nous verrons bien comment les choses vont se passer.
05:53 - Vous y attendez quand même ?
05:54 - On s'y attend, nous résisterons,
05:56 puisque nous considérons que cette réforme étant mauvaise.
05:58 Voter une réforme de ce style au Sénat,
06:01 ce n'est pas une bonne chose pour les Français.
06:03 Il faut affaiblir cette réforme.
06:05 Il faut l'affaiblir et en plus cela défaille sur le plan constitutionnel.
06:08 Donc si cette réforme devait être amenée à ne pas être votée...
06:10 - Vous référez à cette note du Conseil d'État dont on a beaucoup parlé ?
06:14 - Oui, mais globalement, c'est une note du Conseil d'État,
06:16 ce n'est pas une décision du Conseil constitutionnel.
06:18 Donc nous verrons avec le Conseil constitutionnel,
06:20 parce que nous aurons des recours multiples en la matière,
06:23 quel sera son avis.
06:24 Donc le combat ne fut que commencé.
06:26 (Générique)