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Transcription
00:00 On en parle avec Azadeh Kian, elle est professeure de sociologie politique à l'université de Paris Cité,
00:04 auteur de "Femmes et pouvoir en islam" aux éditions Michelon.
00:08 Bonsoir à vous, merci beaucoup d'être avec nous.
00:11 Alors c'est très difficile de rentrer encore, de faire des reportages en Iran.
00:14 Notre confrère y était à l'occasion de l'anniversaire de la révolution.
00:18 On a vu tout de même que c'était très compliqué pour chacun de parler.
00:22 Il dit tout de même "la colère résiste à la peur".
00:25 Est-ce qu'il y a encore des manifestations malgré la répression ?
00:28 Tout à fait, tous les vendredis déjà, Azadeh, le chef-lieu de la province de Balochistan,
00:33 il y a des milliers de personnes qui à l'issue de la prière de vendredi manifestent
00:37 en donnant des slogans hostiles au régime et aussi aux guides.
00:41 Puis on a vu aussi des manifestations, pas plus tard que la semaine dernière à Sanandaj, au Kurdistan,
00:48 dans d'autres villes iraniennes, de temps en temps, il y a encore des manifestations.
00:52 C'est moins le cas à Téhéran.
00:54 C'est moins le cas à Téhéran, mais il y a quand même la désobéissance civile
00:59 qui continue à exister sous d'autres formes.
01:02 Lesquelles par exemple ?
01:03 Par exemple, récemment il y a eu le festival de films de fage,
01:06 qui est un festival annuel très très important.
01:08 Cette fois-ci, des cinéastes, acteurs, actrices, en vue, ont refusé d'y participer.
01:14 Donc ça a été un coup assez dur pour ce régime.
01:17 Il y a par exemple les femmes, comme on vient de le voir, qui refusent de porter le voile.
01:24 Dans beaucoup de quartiers de Téhéran et d'autres grandes villes, elles sortent sans voile.
01:29 Donc ça a défi à l'équivalent.
01:30 Au risque de se faire arrêter.
01:31 Au risque de se faire arrêter.
01:33 Et aussi les commerçants qui les reçoivent, au risque de se faire fermer leur boutique.
01:41 Donc ça aussi, ça arrive pratiquement tous les jours.
01:44 Et donc il y a une solidarité de la société, on le voit avec des personnes qui n'obéissent pas.
01:53 Et je dirais que la peur a changé de camp.
01:56 Mais pour l'instant, il ne faut pas oublier qu'il y a plusieurs dizaines de personnes
02:01 qui sont dans le couloir de la mort.
02:03 C'est ça.
02:03 55 personnes déjà ont été exécutées selon l'ONU.
02:06 Et vous avez toutes celles qui sont dans le couloir de la mort,
02:09 qui sont toujours emprisonnées, condamnées à mort.
02:10 Absolument.
02:11 La répression a été terrible depuis le début.
02:13 Tout à fait. 500 personnes tuées, dont 67 enfants d'ailleurs.
02:18 Il y a énormément de personnes qui ont été blessées parce que les forces de l'ordre
02:23 tiraient sur les manifestants.
02:25 Et dans les yeux, il y a énormément de jeunes qui ont perdu un oeil par exemple.
02:30 Donc effectivement, la répression a été forte et reste très très forte.
02:35 Parce que n'oublions pas qu'il y a encore des milliers et des milliers de manifestants emprisonnés
02:40 et aussi des prisonniers politiques qui y étaient même avant.
02:44 Le Guide a fait libérer quelques prisonniers d'ailleurs il y a quelques jours,
02:47 comme Farida Adelka, qui est cette chercheuse franco-iranienne,
02:52 et puis le réalisateur Jafar Panahi.
02:55 Il y a eu des amnisties.
02:57 Il reste encore six Français détenus et puis il y en a vraiment beaucoup d'autres.
03:00 À quoi joue le régime ?
03:02 Écoutez, le régime, déjà les personnes qui ont été libérées,
03:05 comme Farida Adelka par exemple, il s'agit d'un otage, on le sait.
03:10 Jafar Panahi et...
03:11 Donc ce sont des échanges ?
03:13 Non, Farida non, parce qu'elle est d'origine iranienne et elle est considérée comme iranienne en Iran.
03:17 Donc elle a été libérée au même titre qu'un certain nombre d'autres Iraniens ou Iraniennes.
03:21 Elle a déjà jusqu'au-là purgé trois ans et demi d'emprisonnement aux résidences surveillées.
03:26 Jafar Panahi et Rassouloff, les deux grands cinéastes iraniens qui ont été libérés,
03:30 n'auraient même pas dû être arrêtés.
03:32 Bon, ils ont été libérés, mais en même temps, il y en a d'autres qui continuent à être arrêtés,
03:37 torturés, comme ça a été dit dans le reportage.
03:41 Et donc c'est un signe, si vous voulez, de dire aux Iraniens,
03:44 "Regardez, nous, c'est la grâce du guide, déjà."
03:48 Et aussi aux Occidentaux de dire, "Le régime est en train de lâcher de l'Est."
03:54 Alors que c'est absolument pas vrai, parce qu'on sait que les gens continuent à être arrêtés et torturés.
04:00 Mais justement, Azadeh Khan, comment ça va évoluer ?
04:03 Est-ce que là, on voyait effectivement dans le reportage qu'un certain nombre de personnalités de la diaspora
04:09 voulaient être derrière le fils du chat ?
04:11 Est-ce que c'est quelque chose de possible ?
04:14 Est-ce qu'il y aurait une mobilisation derrière un chef qui pourrait justement arriver en Iran ?
04:20 Pour l'instant, en fait, cette contestation est une espèce de nébuleuse très forte, mais il n'y a pas de leader.
04:26 Écoutez, il n'y a pas un seul leader, mais récemment...
04:28 D'abord, moi, je pense que l'alternative viendra depuis l'intérieur du pays,
04:33 et que la diaspora, y compris le fils du chat d'Iran, sont là pour soutenir effectivement les Iraniens de l'Iran,
04:40 d'une part. D'autre part, hier, il y a un conseil qui existe, qui a organisé des mobilisations,
04:47 qui vient de publier aussi une résolution très importante et intéressante.
04:53 Il y a à la fois des femmes, des ouvriers, des enseignants, des étudiants.
04:57 Il y a vraiment tous les...
04:58 Une sorte de collectif ?
04:59 Une sorte de collectif, effectivement.
05:01 20 collectifs qui ont formulé un certain nombre de revendications en disant qu'ils vont continuer à se battre.
05:09 Et donc, on constate que quand c'est des conseils, on peut en arrêter 2 ou 3 membres, mais il y en a d'autres.
05:15 Donc, pour l'instant, c'est en gestation, et je dirais que l'alternative est en train, effectivement, d'émerger.
05:21 Bon, peut-être en collaboration avec...
05:24 Et quels sont les scénarios possibles pour vous, quand vous dites que l'alternative est en train d'émerger ?
05:27 Écoutez, moi, je ne pense pas qu'il s'agit de dire qu'il y a une seule personne qui va émerger comme leader.
05:32 Je pense que ça sera un conseil de direction.
05:35 Et après, on va voir comment ça évolue, bien évidemment.
05:39 Mais ce qu'on sait, c'est que même... Regardez, il y a des dissensions au sein même du régime.
05:43 L'ancien Premier ministre de Rouménie, qui avait dirigé aussi le mouvement vert,
05:48 M. Moussavi, qui est toujours en résidence surveillée, a récemment aussi publié une déclaration en disant
05:53 que les réformes ne sont plus possibles avec ce régime,
05:57 et il a demandé un référendum pour le changement de régime.
06:02 Donc on voit les dissensions aussi en train de se faire au sein même du régime.
06:06 Je pense que le régime, si la mobilisation continue, va s'effondrer.
06:11 Il y a une forte probabilité...
06:12 Vous pensez que la mobilisation est suffisamment forte encore aujourd'hui malgré la répression pour que le régime s'effondre ?
06:17 Écoutez, de toute façon, la popularité de ce régime n'est plus à démontrer.
06:21 Les gens continuent à ne pas obéir au régime, donc ni au décadre du kit.
06:26 Mais la répression est de plus en plus forte de l'autre côté.
06:28 Est-ce que vous disiez qu'elle est condamnée à mort ?
06:30 Absolument, mais bon, la résistance est là aussi.
06:33 Et les jeunes ne vont pas se laisser faire.
06:36 Ça, c'est ce qu'on voit.
06:37 Et comme je vous disais aussi, chez les minorités ethniques et religieuses,
06:40 comme les Balouches ou les Kurdes, la résistance continue également.
06:44 Ils sont beaucoup mieux organisés, si vous voulez, que les autres ailleurs dans le pays.
06:48 Donc selon toutes les vraisemblances, ça va continuer à exister, cette mobilisation.
06:54 Justement, la succession d'Ali Khamenei, est-ce que ça pourrait être un moment,
06:57 ou peut-être le décès à un moment donné d'Ali Khamenei ?
07:00 Ça serait un moment peut-être propice pour une alternative ?
07:04 Oui, mais il n'est pas pour l'instant... Il est là, il n'a que 84 ans.
07:07 Je pense que nous, on parle d'un changement de régime.
07:10 En tout cas, l'espoir des Iraniens de l'Iran, c'est un changement de régime dans un an ou deux au maximum,
07:16 pas dans dix ans. Donc effectivement, il faut que les forces de co-institution changent de camp.
07:21 Il faut tenir et il faut qu'au moins les démocraties occidentales soutiennent la population iranienne
07:28 dans sa quête pour la démocratie et contre l'islam politique.
07:31 Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir.
07:33 Azadeh Kian, professeure de sociologie politique à l'Université de Paris-Cité,
07:37 "Femmes et pouvoir en islam", c'est donc le titre de votre livre. Merci. Merci encore.

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