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00:00Michel Duclos, bonjour à vous. Vous êtes conseiller géopolitique à l'Institut Montaigne, ancien ambassadeur de France en Syrie.
00:06Vous êtes notamment l'auteur de cet ouvrage, « Longue nuit sirène » aux éditions de l'Observatoire.
00:10Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:12Michel Duclos, une première question, d'abord sur cette offensive éclair.
00:16Comment est-ce qu'on explique que ces combattants islamistes rebelles aient pris le contrôle d'Alep aussi vite ?
00:23Il y a des précédents. Si vous vous souvenez, par exemple, Mossoul était tombé très vite. Au Mali, il y a eu des cas pareils aussi.
00:33C'est-à-dire que le régime, ne se sentant plus appuyé par le Hezbollah et l'Iran, alors que les forces russes avaient beaucoup diminué,
00:44s'est trouvé un peu seul. Et lorsque l'offensive a pris de l'ampleur, les soldats, les officiers d'eux-mêmes ont compris que ce n'était pas la peine de se battre.
00:57Et donc il y a eu un repli quasi volontaire des forces du régime.
01:02Et en quoi la ville d'Alep était stratégique, notamment pour ce groupe, le HTS Hayat Tahrir al-Hashem ?
01:11C'est stratégique, d'abord parce que c'est la deuxième plus grande ville du pays. C'est une ville historique, c'est une capitale beaucoup plus ancienne que Paris,
01:21qui a toujours existé, Alep. Et c'est pas très loin de la frontière turque. Et de surcroît, ça jouxte cette zone d'Idlib, où HTS avait constitué une sorte d'émirat.
01:37Parce que, depuis des accords entre la Russie, la Turquie et le régime d'Alep, il y a maintenant 4-5 ans, cette zone était un peu neutralisée et il n'y avait plus officiellement de combats.
01:54Il y avait quand même des bombardements du régime et des russes, mais c'était une zone un peu protégée, exclue du territoire national, qui avait en quelque sorte pris son autonomie.
02:06Et donc c'est ce groupe HTS qui a pris l'offensive, depuis ses bases à Idlib, contre l'ouest d'Alep.
02:15Et quel est le projet ? Que compte faire le HTS à Alep ?
02:21Alors d'abord, HTS vient d'Idlib. Il y a d'autres groupes qui viennent plus du nord ou de l'est, et qui sont, qu'on appelle, qu'on regroupe sous la terminologie d'armée syrienne libre,
02:36qui sont plus directement sous l'obédience turque. Donc une des questions qui se posent, c'est est-ce que derrière cette offensive générale, il y a au minimum un feu verturque ?
02:48Ça paraît probable, mais peut-être plus un dessin turc. Et si c'est cela, est-ce que ce dessin turc, c'est de prendre Alep et donc d'agrandir la zone qui échappera au contrôle du régime pour négocier avec celui-ci ?
03:06Ou est-ce qu'il y a un autre dessin, qui est de vraiment prendre d'une manière ou d'une autre le contrôle du nord de la Syrie ?
03:14Si je vous suis bien, la Turquie pourrait justement activer ce levier-là pour tenter de se réconcilier avec la Syrie avec laquelle elle est en brouille.
03:23Et notamment, on rappelle qu'en Turquie, il y a plusieurs milliers de réfugiés syriens que la Turquie cherche aussi peut-être à faire reconduire chez eux ?
03:31C'est-à-dire que M. Erdoğan a tenté depuis plusieurs mois de rétablir le dialogue avec Damas.
03:40Et vous savez, ils n'ont plus d'ambassadeurs, ils n'ont plus de contacts politiques, etc.
03:45Et le gouvernement turc a estimé à un moment donné que ça suffisait, qu'il fallait quand même rétablir des liens avec Damas,
03:55notamment parce que les Turcs, comme vous le dites, estiment qu'il y a trop de réfugiés syriens chez eux et qu'ils souhaiteraient pouvoir en renvoyer une grande partie en Syrie.
04:08Donc pour cela, ils auraient préféré un accord avec Damas.
04:12Mais si Assad se refuse à négocier avec la Turquie, il n'est pas impossible que les Turcs aient décidé finalement
04:22de permettre aux groupes qui soutenaient d'agrandir leur territoire, avec effectivement l'arrière-pensée ultérieure,
04:30de pouvoir renvoyer les réfugiés syriens dans cette partie du pays, échappant au contrôle du régime.
04:36Et Michel Duclos, est-ce qu'il a le choix aujourd'hui ? Le président Assad, il paraît plus que jamais affaibli.
04:40On ne l'entend pas, on ne l'a pas non plus entendu lorsqu'Israël a bombardé la Syrie ?
04:46Il n'est pas impossible qu'il soit à Moscou. Selon certaines indications, il serait parti à Moscou dès jeudi pour obtenir des Russes un appui supplémentaire.
05:02Parce que là, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le régime d'Assad ne tient que par l'appui du Hezbollah, de l'Iran et de la Russie.
05:16Pour des raisons que vous savez, le Hezbollah et l'Iran sont très affaiblis en ce moment.
05:22Il est probable que le Hezbollah a autre chose à faire que de s'occuper des affaires de M. Assad.
05:27Et donc Assad se retrouve en quelque sorte sous la protection principale de la Russie.
05:35Et pour lui, c'est vital d'obtenir un secours supplémentaire des Russes, sinon il va se trouver effectivement très faible devant l'offensive des groupes du nord de la Syrie.
05:49Alors qu'est-ce qu'il peut mettre justement dans la balance pour convaincre les Russes de continuer à le soutenir ?
05:53Les Russes sont déjà occupés avec une guerre qu'ils mènent en Ukraine.
05:57Je ne sais pas, franchement. Je ne pense pas que les Russes puissent aller très loin.
06:03Peut-être qu'ils vont lui donner un coup de main et peut-être qu'ils vont l'inciter, en échange de ce coup de main, à s'entendre avec la Turquie.
06:12C'est un scénario possible, mais je n'imagine pas que les Russes aient envie de reprendre une activité très intense au service du régime d'Assad pendant une longue durée.
06:25On dit que sur les 30 avions de combat qu'ils avaient en Syrie, il ne reste plus qu'une dizaine et il n'y aurait plus que 4 ou 5 bombardiers.
06:37Donc avec ça, on peut faire beaucoup de dégâts, mais malgré tout, ça reste des forces limitées.
06:44Merci beaucoup Michel Duclos. Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions sur France 24.
06:48Merci à vous.