Anne Fulda reçoit Tobie Nathan pour son livre «Ethnomythologiques, petits objets du quotidien» dans #HDLivres
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00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Tobi Nathan.
00:02 Vous êtes professeur de psychologie,
00:04 vous avez été diplomate, vous avez été psychanalyste,
00:07 vous avez créé le 1er centre d'ethnopsychiatrie en France.
00:10 -Oui, qui travaille encore.
00:12 -Vous avez écrit de nombreux romans,
00:15 notamment "La société des belles personnes",
00:18 "Ce pays qui te ressemble",
00:19 et là, vous venez de publier "Ethno-mythologique",
00:22 c'est paru chez Stock.
00:23 C'est un livre qui balaye, en quelque sorte,
00:26 le sens caché de nos gestes et des objets
00:30 que nous utilisons dans la vie de tous les jours.
00:33 Pourquoi avez-vous ressenti ce besoin d'écrire ce livre ?
00:37 -Ce qui m'a intéressé,
00:38 c'est que ce sont ces objets qui nous obligent, en fait.
00:43 C'est-à-dire des choses modernes
00:46 dont on ne peut pas se passer tout d'un coup.
00:48 Le plus bel exemple, c'est le smartphone.
00:51 Le smartphone, vous ne pouvez plus vous en passer.
00:54 Je suis sûr que vous ne vous souvenez plus
00:57 des numéros de téléphone.
00:58 Ils sont tous contenus dans la mémoire du smartphone.
01:01 En fait, toute votre mémoire est dans le smartphone.
01:04 Donc, ça a modifié nos vies.
01:06 Ce sont des objets ou des habitudes,
01:09 ou même parfois des applis sur les téléphones
01:13 ou sur les ordinateurs,
01:16 qui ont totalement modifié notre vie.
01:18 Et je les ai analysés.
01:19 J'ai essayé de les analyser en profondeur.
01:22 Je me suis rendu compte que la plupart de ceux
01:24 qui ont capté notre attention,
01:27 qui se sont emparés de nous,
01:29 ce sont ceux qui avaient des racines extrêmement profondes,
01:34 jusque dans l'Antiquité, par exemple.
01:36 Je prends un exemple.
01:37 Un exemple, c'est les enceintes connectées,
01:43 comme Alexa, par exemple.
01:45 Vous savez que ça existe déjà dans l'Iliade et l'Odyssée d'Homère.
01:50 Et là, c'est un personnage qui était fabuleux,
01:53 qui était Phaistos,
01:54 qui fabriquait des objets qui bougeaient tout seul,
01:58 qui parlaient tout seul,
01:59 à qui il leur donnait des ordres, etc.
02:01 En fait, on n'a fait qu'appliquer des choses de l'Antiquité
02:05 qu'on ne savait pas faire fonctionner.
02:07 Et donc, tous ces objets m'ont intéressé beaucoup.
02:10 Mais je prends aussi l'exemple de, par exemple, les jeans hyper slim.
02:15 Les jeans hyper slim, qui sont tout près du corps,
02:19 au point qu'on voit tout.
02:21 On voit tout, du coup, qu'est-ce qu'on ne peut pas faire ?
02:24 C'est précisément montrer le désir.
02:27 Parce que vous vous interdisez d'être en érection,
02:31 par exemple, dans un jean comme ça,
02:32 parce que ça se voit tout de suite.
02:34 Et ça, ça reprend exactement les façons de se vêtir
02:37 des Indiens d'Amérique, par exemple.
02:39 Et donc, je prends des exemples,
02:40 soit dans l'Antiquité, soit dans des cultures éloignées,
02:44 et j'essaye d'illustrer tous ces objets du quotidien.
02:49 - Alors, oui, vous analysez ces objets du quotidien,
02:52 vous analysez aussi des manières de faire, par exemple,
02:55 cette nouvelle... Enfin, pas mode, mais technique,
02:58 du paiement sans contact.
02:59 - Oui, ça, ça prend l'image.
03:01 - Alors ça, c'est assez intéressant, votre analyse
03:02 sur ce que ça veut dire, ce qu'il y a derrière.
03:04 - C'est-à-dire, d'abord, ça s'appelle paiement sans contact.
03:08 Or, ça fonctionne par contact, en fait.
03:11 Donc, en fait, il y a un mot qu'on n'a pas dit.
03:14 C'est paiement sans pénétration, en fait.
03:17 C'est ça que ça veut dire.
03:18 Parce que, normalement, vous faisiez entrer
03:22 votre carte bleue dans la fente.
03:25 Et là, vous ne le faites plus, et ça s'appelle sans contact.
03:28 En fait, ça devrait s'appeler sans pénétration.
03:31 Et en vérité, c'est évidemment un sous-texte sexuel
03:37 qui est contenu dans l'idée de sans contact.
03:40 - Oui.
03:41 - D'ailleurs, on fait des préservatifs pour les cartes, maintenant.
03:44 Pour que, justement, elles ne soient pas contaminées.
03:48 - Alors, tout n'a pas un sous-texte sexuel.
03:50 Mais, par exemple, cette mode des trottinettes,
03:52 la généralisation des trottinettes.
03:55 Alors, vous, vous voyez une résonance avec les mythes grecs quantiques.
04:00 - Oui, parce que ce n'était pas les trottinettes dont je parlais.
04:04 C'était le giro-roue.
04:05 - Ah, j'avais compris.
04:06 - Le giro-roue.
04:08 - C'est sur la roue.
04:09 - C'est sur une seule roue.
04:10 Et j'ai trouvé ça extraordinaire.
04:12 Vous voyez ces gens qui circulaient, ils n'ont plus le droit,
04:15 qui circulaient sur les trottoirs et qui vous bousculaient, d'ailleurs.
04:19 On avait l'impression qu'ils volaient.
04:21 Ils circulaient sans aucun effort.
04:24 On se demandait comment c'était possible.
04:26 Et j'ai repensé à Hermès.
04:29 Hermès qu'on représente avec des pieds ailés.
04:32 C'est-à-dire qu'il avait des ailes aux pieds.
04:35 Et là aussi, c'était une histoire mythologique très ancienne
04:39 qui était reprise dans une modernité toute nouvelle.
04:43 - Et alors, on terminera là-dessus.
04:44 Dernière question sur cette mode de la barbe des hipsters,
04:48 comme on dit, qui voit des barbus partout.
04:50 - D'abord...
04:52 - Qu'est-ce que ça signifie de la masculinité ?
04:53 - D'abord, c'est curieux.
04:55 On a vu que tous les hommes sont barbus aujourd'hui.
04:58 J'ai oublié ma barbe, ce matin.
05:01 Tous les hommes sont barbus aujourd'hui.
05:04 On se demande pourquoi.
05:05 Moi, j'ai eu la sensation que c'était parce que c'était
05:10 la part de masculinité qu'on leur autorisait, en quelque sorte.
05:13 Puisque plus rien n'appartient spécifiquement aux hommes.
05:17 Rien que la barbe, en fait, jusqu'à présent.
05:20 Et puis, on a un peu regardé de plus près.
05:25 La barbe, elle n'est pas aussi masculine que ça.
05:29 Et justement, j'ai regardé, d'abord dans des pays lointains,
05:33 en Afrique, par exemple, les femmes qui ont des poils sur le visage
05:38 sont très recherchées, considérées comme particulièrement belles.
05:42 Au Cameroun, par exemple, c'est très fréquent.
05:44 Côte d'Ivoire aussi.
05:46 Et ça, parce que j'ai vécu un moment en Afrique,
05:49 je l'ai rencontré souvent.
05:51 Et donc, c'est pas forcément un caractère masculin.
05:54 Et puis, il y a un visage, un visage étonnant,
05:58 que vous connaissez sans doute, qui est un tableau de Magritte.
06:02 Et c'est à partir de celui-là que je me suis orienté,
06:06 qui s'appelle "Le viol".
06:07 - Je sais pas si vous l'avez vu.
06:08 - Non, mais on va être obligés d'inviter ceux qui nous regardent
06:13 à lire votre livre pour avoir la suite de ses explications.
06:16 - Merci.
06:17 - C'est effectivement tout à fait passionnant.
06:19 Votre livre s'appelle "Etno-mythologique".
06:21 C'est donc paru chez Stock.
06:22 Merci beaucoup, Tobie Nathan.
06:24 - Merci Anne Fielda.
06:25 Merci de votre invitation.
06:27 (Générique)
06:30 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]