Avec François Belley, auteur de "Le nouveau spectacle politique " aux éditions Nicaise
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NewsTranscription
00:00 de Sud Radio Bercov dans tous ses états,
00:02 le Face à Face.
00:04 Le Face à Face du mercredi 25 janvier avec François Bellet pour son livre "Le nouveau spectacle politique" aux éditions Nikkez.
00:12 Bonjour François Bellet.
00:13 Bonjour à tous.
00:14 Alors ce nouveau spectacle politique, François Bellet, vous êtes homme de communication, vous avez une société de com,
00:21 mais là c'est un livre effectivement qui raconte, qui fait l'état des lieux et qui va plus loin bien sûr.
00:29 Et vous parlez, je vais juste inventorier ce que vous avez très très bien résumé effectivement où on est,
00:36 la phase du commentariat, on va parler de tout cela,
00:38 l'inversement du spectacle, la fabrique de la polémique, la création de la séquence, l'exploitation de la marchandise,
00:44 l'inversement du spectacle, qu'un certain Guy Debord il y a 50 ans avait déjà traité mais en théorie.
00:51 Et en théorie comme chacun sait on vit bien parce qu'en théorie tout se passe bien.
00:55 Mais François Bellet, en fait vous parlez effectivement avec l'irruption des réseaux sociaux notamment,
01:04 vous racontez très bien qu'au fond aujourd'hui tous politiques, hommes d'action, femmes d'action,
01:14 de décision sont obligés de faire de la mise en scène et ils se sont presque noyés dans cette mise en scène.
01:20 Expliquez-nous.
01:21 Alors le point de départ du livre et plus largement de mes travaux c'est les réseaux sociaux
01:27 qui constituent pour moi le point de basculement dans le monde d'après.
01:34 C'est-à-dire que les politiques aujourd'hui fixent le monde d'après au moment du Covid,
01:37 alors que moi qui suis attentivement l'ère sociale médiatique, je fixe le basculement au monde d'après au moment des réseaux sociaux.
01:45 Il y a 20 ans, même pas.
01:47 C'est très simple, en 2004, 2005, 2006, pour une raison très simple, c'est création de Facebook, de Twitter et de Youtube.
01:53 Je prends les trois les plus structurants.
01:55 Ce sont ces supports-là qui aujourd'hui créent le spectacle.
01:59 Et en fait aujourd'hui c'est très intéressant pour moi et presque naturel de pouvoir émettre et construire une critique des réseaux sociaux
02:08 parce qu'aujourd'hui on en vit l'âge d'or.
02:11 Nous nous situons aujourd'hui 15 ans après la création de ces supports-là
02:15 et donc on peut raisonnablement mesurer les conséquences et l'impact des réseaux sociaux, des plateformes,
02:22 sur le champ social, le champ sociétal, le champ économique, ce qu'on fait souvent,
02:26 mais finalement assez peu sur le champ politique.
02:29 Et quand je dis politique, j'insoucie le spectacle, parce que pour moi politique = spectacle.
02:34 - Il n'y a pas que ça dans la politique, normalement.
02:36 - Il n'y a pas que ça, mais...
02:37 - Il ne devrait pas y avoir que ça, normalement.
02:38 - Normalement, il ne devrait pas y avoir que ça, mais on s'aperçoit que les hommes d'action aujourd'hui ont été déclassés.
02:42 D'ailleurs, ils n'intéressent pas et rentrent assez peu dans l'écran du spectacle.
02:46 En revanche, ce sont les gens de parole, du commentariat,
02:49 et c'est ce que j'explique dans le livre, la dictature du commentariat.
02:53 - Alors comment ? Alors justement, parlons des réseaux sociaux,
02:55 et c'est vrai que c'est une date de basculement, vous avez tout à fait raison là-dessus,
03:00 mais comment ? Alors en pratique, comment concrètement les réseaux sociaux ont fait basculer ?
03:05 - Alors, c'est très simple, c'est les trois points de mon ouvrage,
03:08 c'est que les réseaux sociaux ont changé trois choses.
03:12 Première chose, changement du paradigme du spectacle politique.
03:16 C'est-à-dire que dans le monde d'avant, c'est-à-dire avant les réseaux sociaux,
03:19 on était, je dirais, dans la verticalité.
03:21 C'est-à-dire qu'on était sur un modèle "one to many",
03:24 c'est-à-dire qu'il y avait une seule poignée de personnalités qui pouvaient s'adresser au plus grand nombre.
03:28 Maintenant, dans le monde d'après les réseaux sociaux,
03:31 on est dans une logique à l'horizontale, où c'est "many to many".
03:35 Les masses s'adressent aux masses.
03:36 Ça c'est une nouveauté, premier élément.
03:38 Deuxième élément, changement au niveau de la nature du spectacle politique.
03:44 C'est-à-dire que dans le monde d'avant, on était dans une recherche de séduction.
03:48 On était là pour plaire et gagner l'adhésion.
03:50 On était donc, ce que j'appelle, dans la recherche du consensus.
03:53 Avec l'arrivée des réseaux sociaux, et donc dans ce basculement dans le monde d'après,
03:56 on est dans une recherche de "dissensus vendeur".
04:01 C'est-à-dire qu'on n'existe maintenant que par la polémique, le clash et le trolling.
04:06 Égard à celui qui ne tomberait pas dans ces pièges-là.
04:10 C'est simple, il n'existe pas.
04:12 Troisième élément, et là c'est ça qui m'intéresse,
04:15 c'est ce que j'appelle l'inversement du spectacle,
04:17 c'est qu'on est passé du professionnel de la politique,
04:21 qui vivait dans ce spectacle-là, mais presque tout seul,
04:24 au maintenant, au néo-politique,
04:26 où maintenant c'est monsieur tout le monde,
04:28 qui peut aujourd'hui faire de la politique et rentrer dans le débat public.
04:32 Et là, sur le néo-politique, j'ajouterais simplement
04:35 qu'on a connu l'ascension du néo-politique au moment du gilet jaune,
04:40 en gros par la figure du manifestant,
04:42 qui était presque plus audible que le politique,
04:44 et ensuite l'âge d'or, je dirais, l'autre âge d'or, au moment du Covid,
04:48 où l'épidémiologiste que j'appelle dans le bouquin,
04:50 l'épidémiologiste de plateau, était presque un politique comme un autre,
04:55 et puis aujourd'hui la crise en Ukraine.
04:57 On s'aperçoit qu'en fait, ces trois séquences-là,
04:59 on retrouve le néo-politique.
05:00 On va en parler, on va en parler, c'est très intéressant,
05:03 on va en parler tout de suite après cette petite pause.
05:06 A tout de suite.
05:07 Ici Sud Radio.
05:11 Les Français parlent au français.
05:16 Je n'aime pas la blanquette de veau.
05:19 Je n'aime pas la blanquette de veau.
05:22 Sud Radio Bercov dans tous ses états.
05:24 Et moi j'aime bien le nouveau spectacle politique,
05:27 le livre de François Bellet, qui vient de paraître aux éditions Nikkei.
05:31 Pourquoi ? Parce qu'il pose le problème de ce basculement,
05:34 effectivement, des réseaux sociaux, et surtout, et surtout, le changement de rôle.
05:39 Alors justement, on va détailler ça, François Bellet, vous avez commencé de nous en parler.
05:45 D'abord le manie-to-manie, c'est-à-dire que, comme vous disiez avant, c'était vertical.
05:50 Moi, politique, je m'adressais au peuple, à la masse, etc.
05:54 Bon, conférence de presse, etc.
05:56 Aujourd'hui, ça a déjà crevé.
06:01 Alors le to-manie, c'est-à-dire, tous se sentent effectivement investis d'une mission ?
06:06 Alors le manie-to-manie, c'est simple, c'est les masses s'adressent aux masses.
06:10 Et ça veut dire que maintenant, et c'est ça qui est intéressant,
06:12 c'est qu'avec les nouvelles technologies, donc on arrive toujours avec la technique,
06:15 et là je fais petite référence avec la société technicienne de Jacques Ellul,
06:19 qui explique que c'est toujours la technique qui fait basculer, qui fait changer le paradigme.
06:23 Et donc aujourd'hui, on a un smartphone, on a une connexion, et on a des réseaux sociaux,
06:27 avec une audience parfois même plus forte que certains supports historiques.
06:30 Et là maintenant, ça y est, on est journaliste, on est citoyen, et on est politique.
06:36 On est multicasquette.
06:37 Donc le monde, il est devenu comme ça.
06:39 Et il faut essayer de pouvoir...
06:42 - Gérer ça.
06:43 - Gérer sur les politiques.
06:45 On va dire à l'ancienne traditionnelle d'offre, gérer.
06:47 Et les autres trouvaient leur place dans ce que j'appelle le bruit permanent.
06:51 - Alors qu'est-ce que vous appelez là-dessus concrètement le dissensus vendeur ?
06:56 Ça veut dire quoi ? C'est la création de polémiques,
06:59 souvent artificielles, mais pour faire ce qu'on appelle le buzz,
07:03 en argot, enfin en argot, vulgaire.
07:05 - Alors dans le monde d'avant, c'est-à-dire dans la communication politique à la papa,
07:09 Mitterrand, Jacques Pilan, la rareté,
07:12 on était dans les coulisses.
07:14 Alors je dis ça, mais je ne l'ai pas vécu, mais j'ai beaucoup lu sur cette période-là.
07:18 On disait souvent "pas de vagues".
07:20 Attention. On fait attention à son image et pas de vagues.
07:23 Et là, aujourd'hui, on ne fait absolument plus attention à son image.
07:26 Justement, il faut créer de la vague.
07:28 Il faut du tsunami permanent.
07:30 Et donc aujourd'hui, on voit bien que c'est celui qui créera le clash et la polémique
07:34 qui sera invité.
07:35 Et ce n'est pas celui qui aura l'idée la plus remarquable
07:40 qui sera aujourd'hui au train de Topic.
07:43 - François Bellet, quand même, oui, d'accord, le clash.
07:45 Mais vous savez que ça peut retomber comme un soufflé.
07:48 Je crée le clash, ce n'est pas pour ça que les gens vont me suivre.
07:51 - Alors ça, c'est intéressant, c'est ce que j'explique dans le livre,
07:55 c'est la création de la séquence.
07:57 C'est-à-dire que tout part du sujet du jour.
07:59 Alors, soit un sujet, je dirais, de droite spectaculaire,
08:02 alors immigration, grand remplacement, civilisation, identité,
08:05 ou alors un sujet dit de gauche spectaculaire,
08:08 wokies, néo-féminisme, climat.
08:10 Une fois qu'on a ces deux sujets-là, ça, ça part.
08:12 Alors, ça, c'est le sujet du jour qui va enclencher ensuite le commentariat
08:16 et forcément la polémique.
08:18 Mais la séquence, elle est extrêmement courte et on n'en retient rien.
08:22 - Oui, c'est ça.
08:23 - Mais ce n'est pas le but.
08:24 - Il faut le savoir, non, non, mais oui.
08:25 - On n'est pas là pour être plus intelligent que la veille
08:28 dans cette société du spectacle.
08:29 On est là pour vendre, pour créer de l'audimat,
08:32 faire monter des figures et ensuite les dégager.
08:35 Époque Kleenex classique.
08:37 - C'est ça, c'est-à-dire en fait obsolescence programmée.
08:39 - Exactement.
08:40 - Des hommes et des choses.
08:41 - Voilà.
08:42 - Alors justement, mais parlons-en.
08:44 Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de ça ?
08:46 Vous en parlez dans votre livre.
08:48 Est-ce que, au fond,
08:50 est-ce que ce n'est pas un piège tendu,
08:52 pas seulement aux politiques, mais à un certain nombre de gens ?
08:54 C'est-à-dire, au fond, il y a ça et on voit très, très bien,
08:57 vous dites vous-même, on en a parlé pendant, pendant...
09:01 hors antenne, François Bélé,
09:03 c'est que beaucoup de gens aujourd'hui se méfient des médias,
09:06 se méfient vraiment des médias.
09:08 Pourquoi ? Parce que, est-ce que ce n'est pas parce que
09:10 dans ce monde d'aujourd'hui, parlons du monde,
09:12 pas le monde d'après, enfin le monde d'aujourd'hui,
09:14 mais justement contrairement au monde d'avant,
09:16 parce qu'il y a tellement d'offres par rapport à la demande
09:20 que les gens sont saturés et disent "oui, d'accord, il dit ça,
09:23 et puis voilà, c'est amusant, et puis on s'en fout". Ou pas ?
09:25 - Alors, il y a deux méfiances,
09:28 qui sont... d'ailleurs, l'une va aussi avec l'autre.
09:32 Il y a les méfiances sur... à l'égard du professionnel de la politique.
09:37 Je cite un sondage qui sort tous les ans,
09:42 au mois de janvier, d'Opinion Way,
09:44 sur le sentiment éprouvé par rapport à la politique.
09:47 Les Français, c'est méfiance à 40%.
09:49 Sur la perception de la probabilité du personnel politique,
09:52 plutôt corrompue à 65%.
09:55 Et "opinion", et ça c'est intéressant, ça va répondre à votre question,
09:59 "opinion globale sur les responsables politiques",
10:01 entre guillemets, "parlent trop, n'agissent pas assez" à 80%.
10:06 Et là, c'est intéressant. Ils parlent trop !
10:09 Du silence et de l'action.
10:12 Voilà ce qui manque à la société, avec un peu de panache, un peu de courage.
10:15 - Mais alors dites-moi, est-ce que vous ne rejoigniez pas,
10:18 même si vous ne les avez pas connus,
10:19 c'était la théorie de Jacques Pilan,
10:21 qui disait "la rareté, la rareté, la rareté".
10:24 Est-ce qu'au fond, parce que dans le monde d'avant,
10:27 il y a des choses aussi qui peuvent aussi perdurer,
10:29 mais est-ce qu'aujourd'hui, justement,
10:31 est-ce qu'il ne faudrait pas retrouver, peut-être pas comme avant, bien sûr,
10:34 une certaine rareté de la parole ?
10:36 Et surtout, conjuguer à l'action, vous avez raison, parce que c'est très important.
10:40 - Alors moi, c'est la dernière page du livre,
10:43 qui n'est pas forcément programmatique,
10:46 mais qui pourrait lancer en tout cas une certaine forme de réflexion.
10:51 Donc le silence et l'action.
10:52 Et qu'est-ce que j'entends ?
10:54 - Qu'est-ce que ça veut dire, oui ?
10:55 - Qu'est-ce que ça veut dire le silence ?
10:56 D'abord, c'est la maîtrise de l'outil.
10:58 Moi, j'ai l'impression qu'on est à une époque aujourd'hui
11:00 qui s'agenoue devant le virtuel.
11:02 Donc ça veut dire une mise à distance de l'outil,
11:04 une mise à distance de l'émotion et du temps court.
11:08 Moi, je m'étonne de voir toujours des philosophes sauter sur l'actualité
11:12 et ne vivre qu'en rebond sur l'actualité.
11:14 Enfin, je sais pas, pour moi, un philosophe,
11:16 ça met à distance à la fois l'émotion, à la fois l'époque,
11:20 à la fois les polémiques et le temps court.
11:22 Donc, s'inscrire dans le temps long, du silence et de l'action,
11:25 et faire les choses.
11:26 - Et passer du matin au soir, sans distance, sans rien, sur les choses.
11:29 - Voilà. Et je pense, en tout cas j'ose espérer, peut-être pas demain,
11:33 mais après-demain, je pense que celui qui sera dans le silence et l'action,
11:36 et surtout les deux pieds et la tête dans le réel,
11:39 gagnera des points.
11:40 - D'accord. Et alors, justement, vous parlez de...
11:44 dans votre livre, vous en parlez, effectivement,
11:47 en fond, c'est une...
11:49 enfin, moi je considère que c'est une bonne chose,
11:51 dans les réseaux sociaux, il y a le meilleur et le pire,
11:53 mais quand même, il y a des gens qui peuvent se soumettre,
11:56 à la fondalité, avant, comme vous disiez, la verticalité,
11:59 quelques-uns, les happy few, etc., parlaient au plus grand nombre,
12:02 et les autres, on ne les entendait pas.
12:04 Aujourd'hui, on les entend.
12:05 Alors, il y a des gens qui disent n'importe quoi, et alors ?
12:07 Mais est-ce que ça n'a pas ouvert...
12:09 En fait, les réseaux sociaux ont ouvert quand même la parole au masse.
12:13 - Alors, ça c'est...
12:15 Eh ben merci. Justement, les réseaux sociaux ont ouvert la parole au masse,
12:19 donc, quelque part, la parole s'est libérée,
12:22 pour reprendre une expression à la mode,
12:25 mais en même temps, le spectacle s'est libéré.
12:27 C'est-à-dire que tout le monde a droit au chapitre.
12:29 Et remarquez quand même, que quand on prend la parole dans la nouvelle société du spectacle,
12:33 c'est-à-dire à l'ère du social médiatique,
12:35 on prend souvent la parole, à part le prisme de la mise en scène.
12:39 C'est jamais...
12:41 - La mise en scène, c'est-à-dire ?
12:42 - La mise en scène, c'est-à-dire, c'est le diktat de la punchline, par exemple.
12:47 C'est un mot qui est aujourd'hui, qui correspond bien à l'époque,
12:51 c'est-à-dire que c'est un mot...
12:52 Avant, on parlait de slogan.
12:54 Et bien maintenant, on est sur la punchline, c'est-à-dire que
12:56 à partir du moment où on décide de rentrer dans l'écran du spectacle,
13:00 par la publication, que ça peut être la vidéo live, par exemple, ou le tweet,
13:04 et bien, on est déjà dans une forme de travestissement,
13:07 puisqu'on est là pour impressionner,
13:09 créer l'effet de spectacle,
13:11 spectaculariser le propos.
13:13 - Et oui, effectivement, et au détriment de la profondeur,
13:17 et au détriment de la réflexion.
13:18 - Qui n'existe pas.
13:19 - Ou plus.
13:20 - Ou plus.
13:21 - On va en parler, on va continuer à en parler avec François Bellet,
13:24 et avec vous, auditeurs de Sud Radio.
13:26 - Vous nous appelez au 0826 300 300 pour participer à la discussion.
13:31 Le nouveau spectacle politique vous intéresse ?
13:33 Appelez-nous, à tout de suite sur Sud Radio.
13:35 [Musique]
13:49 Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
13:52 - Dans tous mes états, et François Bellet aussi,
13:55 je rappelle le titre de son livre,
13:57 "Le nouveau spectacle politique", aux éditions Nikkez,
14:00 et encore une fois, dans ce monde,
14:02 effectivement, bouleversé par les réseaux sociaux,
14:05 et bouleversé très fortement,
14:06 je voudrais qu'on rentre un peu dans le détail,
14:08 en tout cas, dans le concret de certaines choses,
14:12 et je pense à, depuis 3 ans, 4 ans,
14:16 3 narratifs qui ont vraiment, vraiment bouleversé les choses,
14:20 l'un était français, les deux autres sont mondiaux,
14:23 le narratif des gilets jaunes, bien sûr,
14:25 comment ça a été traité, comment ça a été vécu,
14:28 et surtout, parce que ça continue encore,
14:30 le narratif Covid-19, avec les spécialistes,
14:33 les médecins de plateau,
14:34 et le narratif Ukraine-Russie, avec les généraux de plateau.
14:38 Alors, comment analysez-vous cela, François Bellet ?
14:42 - Alors, d'abord, il faut se dire que ce qu'on a traversé là,
14:47 en termes d'analyse et de recul,
14:50 je veux dire, sociaux-médiatiques, c'est historique.
14:52 C'est-à-dire qu'on a trois crises,
14:54 qui se sont succédées les unes aux autres.
14:56 Je me place toujours sur le plan médiatique,
14:59 sociaux-médiatiques d'analyse,
15:00 pas sur le plan politique pour le moment.
15:02 Et donc, qu'est-ce qui s'est passé ?
15:04 Il s'est passé qu'il y a eu, à partir des gilets jaunes,
15:08 une ascension de ce que j'appelle le néo-politique.
15:11 Si je devais aujourd'hui donner une définition du néo-politique,
15:13 je dirais que c'est un non-professionnel de la politique,
15:15 qui vient de la société civile,
15:18 qui ne cherche pas l'élection,
15:20 ça c'est important à comprendre,
15:22 mais par contre, il cherche le pouvoir médiatique.
15:25 Visibilité, pouvoir de partout.
15:27 - Enfin, faire passer ses idées.
15:28 - Faire passer ses idées, en tout cas,
15:30 être ce que j'appelle dans l'apparition permanente.
15:32 Donc, c'est monté avec les gilets jaunes,
15:34 effectivement, ensuite Covid et Ukraine.
15:36 Et là, ce qui est intéressant, c'est qu'en fait,
15:38 tout le monde est devenu expert.
15:40 Et là, c'est intéressant, c'est-à-dire que l'expertise
15:43 a été balayée au profit de ce qu'on appelle aujourd'hui l'expert.
15:46 On est expert en tout, mais souvent expert en spectacle.
15:49 Et là, on pourra peut-être développer.
15:51 - Alors justement, non, non, restons là-dessus.
15:53 Quand j'ai vu, et vous avez vu, et tout le monde a vu,
15:56 par exemple, parlons du Covid-19.
15:58 Il y avait des gens qui étaient,
16:00 qui sont de vrais spécialistes,
16:02 épidémiologistes ou autres, on ne va pas donner de noms,
16:04 mais quand même, et qui étaient soit interdits de parler,
16:07 soit marginalisés,
16:09 et d'autres qui étaient, qui sont urologues,
16:12 néphrologues, j'allais dire proctologues,
16:15 mais je ne le dirai pas,
16:17 qui, eux, alors, ont table ouverte sur tous les sujets,
16:20 et sur le Covid, notamment,
16:22 où vous aviez du matin au soir et du soir au matin,
16:24 je rappelle quand même qu'on nous disait
16:26 que tout va bien, que si vous osiez dire,
16:28 pour prendre un exemple, que les vaccins n'empêchaient ni la transmission,
16:32 moi je ne suis pas du tout anti-vaccin,
16:34 mais ni la contamination, vous étiez complotiste, etc.
16:37 C'est un exemple. Et vous aviez du matin au soir,
16:40 dans les radios, les télévisions, etc.
16:43 et vous écoutiez ça.
16:45 C'est, prendre un exemple, c'est pas politique,
16:47 mais comment, comment, comment il se fait ?
16:49 Ça fait partie de ce mouvement où tout le monde dit tout ?
16:52 - Alors, tout le monde dit tout. Alors là, trois éléments.
16:55 Premier élément, je voudrais revenir quand même,
16:58 sur ce que j'appelle le format dominant,
17:00 c'est-à-dire le contenant, l'emballage du spectacle.
17:04 Et l'emballage du spectacle, depuis ces dernières années,
17:07 en tout cas depuis ces trois crises-là,
17:09 c'est le débat.
17:11 Aujourd'hui, on a du débat, du matin au soir,
17:15 la nuit, y compris, puisqu'on peut les avoir en replay.
17:19 Et c'est important, c'est-à-dire que le sujet du spectacle
17:22 ne peut se traiter aujourd'hui que par le prisme du débat.
17:26 Adieu les documentaires ! - Bon, il faut ouvrir un débat, d'ailleurs.
17:28 - Il faut faire ouvrir un débat.
17:30 Mais ça veut dire quoi, ouvrir un débat ?
17:32 Objectif de polémique, objectif de punchline,
17:35 et là on retrouve les éléments.
17:37 Et alors là, la question, c'est le deuxième élément,
17:39 c'est qui on invite ?
17:41 Et là, c'est intéressant.
17:43 C'est-à-dire qu'on invite pas plus ceux qui sont légitimes sur un sujet,
17:46 on invite ceux qui sont le plus capables
17:50 de créer de la matière spectaculaire.
17:54 C'est pas tant le contenu qui est important,
17:57 c'est le contenant, c'est la capacité, non pas à bien parler,
18:00 c'est à parler fort, à beugler,
18:03 à créer de la polémique pour que derrière, ça alimente la machine.
18:07 Bon. Et dans tout ça,
18:10 le troisième élément, qui est pour moi tout ça ensemble,
18:12 le débat, la personne dont on invite,
18:14 qu'on caste pour le spectacle, voilà.
18:18 Et le troisième point, c'est la figure de l'animateur.
18:22 Qui anime les débats sur des questions aussi, je dirais, précises ?
18:28 Eh ben, ce sont des gens, regardez, qui viennent de l'entertainment.
18:32 C'est tout. Le spectacle l'emporte sur tout.
18:36 Oui, ils n'ont pas du tout...
18:38 Ils ne sont pas venus ni de la science, ni de quoi que ce soit.
18:42 Ils se sont des... Voilà. C'est des divertisseurs.
18:45 On peut venir de la télé-réalité,
18:47 on peut venir du sport,
18:49 on peut venir des talk-shows,
18:52 de l'animation et tout, et au contraire,
18:55 welcome, welcome !
18:57 Alors, quel rôle joue dans ça la figure de l'animateur, quel qu'il soit ?
19:01 Alors en fait, c'est chacun son rôle.
19:05 C'est-à-dire que d'abord,
19:07 quand tout à l'heure je parlais de débat,
19:09 c'est toujours le diktat de la formulation.
19:13 On pose une question, on est forcément soit pour, soit contre.
19:16 Puisque on n'est pas dans la mesure et la nuance,
19:19 et ça n'intéresse ni l'époque, ni l'audience.
19:22 Donc, il faut être dans des...
19:24 Dans des postures.
19:26 Mais déjà, le spectacle commence dans la question.
19:28 Par exemple, les écolos veulent-ils tuer la magie de Noël ?
19:31 Faut-il interdire la trottinette ?
19:33 Passionnant, je veux dire.
19:34 Les viandards sont-ils plus machos que les autres ?
19:37 Pour ou contre les étrangers en zone rurale ?
19:39 Voilà autant de...
19:41 Je dirais, de questions existentielles
19:44 à l'heure du tout spectacle.
19:46 Donc, avec un débat,
19:48 où on recherche la polémique,
19:50 le dissensus vendeur,
19:52 avec des questions orientées avec une formule choc,
19:54 et avec un animateur dont c'est le métier,
19:56 et des invités castés pour créer le clash.
19:59 Voilà.
20:01 - Et c'est ça qui marche aujourd'hui. - Et c'est ça qui marche.
20:03 - Alors ça, pour vous, c'est vraiment l'aboutissement de la politique spectacle,
20:07 dans sa splendeur, quoi.
20:09 - Alors, c'est...
20:10 Alors là, pour être tout à fait précis, je dirais que c'est
20:13 l'aboutissement du nouveau spectacle politique.
20:16 Parce que je laisse la notion de politique spectacle
20:19 aux professionnels de la politique.
20:21 C'est-à-dire la télévision, les médias de masse,
20:24 la presse people.
20:25 Le nouveau spectacle politique, c'est vraiment ça.
20:27 C'est les réseaux sociaux, et des gens
20:30 qui étaient invisibles avant,
20:32 et qui aujourd'hui, peuvent aussi
20:34 rentrer dans le débat public,
20:36 et cartonner dans les audiences.
20:38 - Ouais, c'est ça.
20:39 Et c'est vrai que...
20:40 Et la notion de l'audience est évidemment...
20:43 - Disons qu'il faut toujours... - ...capitale, quoi.
20:45 - C'est capital, parce qu'aujourd'hui, on ne peut pas
20:48 aborder la question du Covid comme celle du Gilet jaune
20:51 ou de l'Ukraine, sur le plan médiatique,
20:52 en mettant à côté la logique économique.
20:55 Tout est économique aujourd'hui, hélas.
20:57 Et le spectacle, il est là parce que
20:59 on est dans une société néolibérale, économique.
21:02 - Et alors, pour vous, justement, François Bélé,
21:06 cette espèce de...
21:08 de dissensus vendeur, de...
21:11 Est-ce qu'au fond,
21:14 le fait que des millions de gens,
21:17 des dizaines ou des centaines de milliers de gens,
21:19 accèdent à la parole,
21:20 est-ce qu'au fond, on peut se demander vraiment,
21:22 est-ce qu'ils accèdent vraiment à la parole,
21:24 ou ils accèdent simplement à ce que Andy Warhol
21:27 appelait le "quart d'or de célébrité" ?
21:29 Chacun sera célèbre un quart d'or dans sa vie.
21:32 Est-ce que c'est ça ?
21:33 - Alors, moi, je pense que c'est encore plus pervers.
21:36 Je pense que la matrice sociale-médiatique,
21:38 ou appelons-la la matrice du spectacle,
21:40 utilise des figures du spectacle, à un moment donné,
21:44 qui peuvent d'ailleurs jouer parfois le rôle d'idiot utile dans des émissions,
21:48 ou même sur le web, sur les réseaux sociaux,
21:51 et qui alimentent par un témoignage,
21:54 par une invitation,
21:56 et qui contribuent à faire tourner la machine du spectaculaire.
22:02 La vraie question, c'est de se dire aujourd'hui,
22:03 avec du recul sur la crise des Gilets jaunes,
22:05 que sont devenus les grandes figures du mouvement,
22:08 qu'on a vues du matin au soir.
22:10 Donc, en fait, le système est assez pervers.
22:12 C'est-à-dire qu'on vous fait croire que vous êtes la figure d'une époque,
22:16 que vous l'incarnez,
22:18 et puis ensuite, comme vous avez dit tout à l'heure,
22:20 c'est l'obsolescence programmée.
22:22 - Oui, et c'est vrai que le spectacle mange ses propres enfants.
22:27 - Exactement.
22:28 - Puisque l'essentiel est que la machine fonctionne,
22:29 - La machine fonctionne.
22:30 - Et rapporte. - Et rapporte beaucoup.
22:31 - Et rapporte. C'est très important.
22:33 On va écouter nos auditeurs, Lucien.
22:36 - Oui, vous avez la parole sur Sud Radio 0826 300 300,
22:40 et on accueille Jean-Marc Denarbone. Bonjour Jean-Marc.
22:42 - Bonjour Jean-Marc.
22:43 - Bonjour André, bonjour M. Bellet.
22:46 - Bonjour.
22:47 - Alors, moi je suis entièrement d'accord,
22:49 enfin, entièrement, j'ai pas lu le livre de M. Bellet,
22:51 mais je pense que les réseaux sociaux,
22:53 enfin, déjà le mot "social",
22:55 je dirais plutôt que c'est souvent les réseaux de cas sociaux.
22:58 Le mot "social" est très bien fait,
23:00 c'est comme des points Goldwins,
23:01 vous savez de quoi je parle.
23:03 Donc, je pense que c'est nocif.
23:06 Je pense que s'il n'y avait pas eu,
23:07 je suis presque certain que s'il n'y avait pas eu
23:10 cette immédiateté de l'information
23:14 à cause des réseaux dits sociaux,
23:16 je pense que le Covid n'aurait pas été ce qu'il a été.
23:21 Et je pense que beaucoup de choses seraient beaucoup plus simples.
23:24 Moi, je n'ai pas de smartphone,
23:25 alors je peux passer pour peut-être un Illuminae,
23:28 je ne sais pas, moi j'ai un ordinateur,
23:30 je n'ai pas de smartphone,
23:31 et on me dit "mais comment tu fais pour vivre sans smartphone ?"
23:33 Mais justement, moi je vis dans le confort.
23:35 Parce que le smartphone, vous y passez,
23:38 même si vous ne le voulez pas,
23:39 vous y passez plusieurs heures dans la journée,
23:41 et à la fin, ça vous apporte quoi en fait ?
23:44 - C'est la grande question.
23:46 - Voilà la truth, allez-y.
23:48 - Non, Jean-Marc, simplement,
23:49 effectivement, chacun y trouve ses...
23:51 C'est l'auberge espagnole.
23:52 Certains vous diront que ça m'apporte beaucoup,
23:55 et vous, très légitimement, vous dites "ce n'est pas ça".
23:58 Je voudrais quand même répondre,
24:00 parce que Jean-Marc dit les réseaux sociaux,
24:03 c'est beaucoup les réseaux de cas sociaux.
24:05 C'est peut-être un peu plus compliqué que ça, François Pellé.
24:08 - Disons qu'effectivement, à chaque fois,
24:10 il faut, c'est toujours pareil,
24:12 il faut toujours avoir un peu de mesure là-dessus,
24:14 il y a aussi les lanceurs d'alerte.
24:16 C'est-à-dire que c'est ça,
24:18 quand je parle tout à l'heure de basculement d'époque,
24:20 c'est qu'on a aujourd'hui un accès
24:23 à tout un tas de chiffres,
24:25 de remontées d'informations, de témoignages.
24:28 Alors, après, c'est là
24:30 où le journaliste doit faire son travail.
24:32 C'est-à-dire qu'une fois qu'on a
24:34 ce témoignage-là, ou même le citoyen,
24:36 de recouper, et de ne pas forcément réagir tout de suite.
24:40 Donc tout à l'heure, je disais,
24:42 mettre à distance l'émotion
24:44 et le temps court,
24:46 c'est qu'on a énormément d'informations,
24:48 après, à faire le trier.
24:50 - Trier le bon gré livré. - Evidemment.
24:52 Mais c'est une mine d'or aussi.
24:54 - Absolument. Je suis d'accord avec vous.
24:56 C'est une mine d'or, et puis il ne faut pas oublier
24:58 que dans les réseaux sociaux,
25:00 j'en suis témoin, il y a beaucoup de choses
25:02 que je ne vois pas dans la presse,
25:04 que je ne vois pas dans la télévision et la radio.
25:06 Alors, après, il faut faire la part
25:08 du complotisme ou autre,
25:10 mais il y a tout à fait autre chose.
25:12 Lucien ? - On va tourner une rapide page de pub,
25:14 et on accueillera Jean-Marie de Grenoble.
25:16 Vous continuez de nous appeler au 0826 300 300.
25:18 A tout de suite sur Sud Radio.
25:20 - Sud Radio Bercov,
25:22 dans tous ses états,
25:24 appelé maintenant pour réagir.
25:26 - Je n'aime pas la blanquer de levant.
25:28 - Sud Radio Bercov,
25:30 dans tous ses états.
25:32 - Sud Radio, il est 13h45.
25:34 Vous continuez de nous appeler au 0826 300 300.
25:36 Vous avez la parole.
25:38 Et on accueille Jean-Marie de Grenoble.
25:40 Bonjour Jean-Marie. - Bonjour Jean-Marie.
25:42 - Bonjour à tous.
25:44 Bonjour André. Et bonjour à votre invité.
25:46 - Bonjour.
25:48 - Juste d'abord, merci André,
25:50 parce que vous êtes encore une des rares voix
25:52 sur l'espace médiatique que j'écoute
25:54 avec grand intérêt. - Merci.
25:56 - Et je trouve qu'il y en a plus beaucoup aujourd'hui.
25:58 - En tout cas on est là.
26:00 Dites-moi Jean-Marie, alors qu'on vous écoute.
26:02 - Voilà. Juste une réflexion
26:04 par rapport à ce que j'ai entendu au départ,
26:06 c'est-à-dire la notion de verticalité
26:08 et d'horizontalité.
26:10 La politique à l'ancienne, effectivement,
26:12 elle était verticale. On avait des gens
26:14 politiques, cultivés,
26:16 qui parlaient relativement peu.
26:18 Alors en exagérant, on avait le ministère
26:20 de la vérité, mais en face,
26:22 même si le peuple n'avait pas
26:24 forcément la parole comme aujourd'hui,
26:26 il y avait quand même un niveau de culture
26:28 moyen qui faisait que le politique ne pouvait
26:30 quand même pas dire tout à fait n'importe quoi.
26:32 Aujourd'hui,
26:34 j'ai l'impression que c'est l'inverse.
26:36 C'est-à-dire qu'on a parlé effectivement d'horizontalité,
26:38 donc tout le monde
26:40 prend la parole, sauf que, entre-temps,
26:42 le niveau moyen d'éducation
26:44 a énormément baissé
26:46 et on est passé d'un peuple
26:48 qui est quand même un peuple éduqué,
26:50 qui est à la base de la démocratie,
26:52 qui a une masse,
26:54 qui tient des propos qui passent un peu dans tous les sens.
26:56 Autrement dit, bien qu'il y ait
26:58 une horizontalité, il n'y a plus vraiment de
27:00 contre-pouvoir à la parole politique,
27:02 parce que cette parole libérée,
27:04 elle part dans tous les sens.
27:06 Et ça peut aller de propos intéressants,
27:08 mais noyés dans une masse de
27:10 propos qui passent dans tous les sens.
27:12 - Oui, intéressant, Jean-Marie.
27:14 - Et juste un dernier point.
27:16 Et du coup, après, la conséquence
27:18 de ça, que je vois malheureusement
27:20 dans une étape, c'est-à-dire que
27:22 maintenant que la parole est liberté, elle part dans tous les sens,
27:24 donc ce qui est intelligent est noyé
27:26 dans la masse, comme je l'ai dit, mais ce que je
27:28 constate également aujourd'hui, c'est une censure
27:30 de plus en plus
27:32 importante, au niveau
27:34 des réseaux sociaux en particulier,
27:36 pour supprimer justement les voix,
27:38 les quelques-unes, qui essayent
27:40 d'apporter un véritable
27:42 contre-poids politique,
27:44 critique, à la
27:46 parole politique qui,
27:48 par rapport aux trois sujets
27:50 dont on vient de parler, Covid, Ukraine, etc.,
27:52 ressemble de plus en plus, pour moi,
27:54 à la parole limite, à un
27:56 ministère de la vérité, et malheur à quiconque
27:58 s'oppose à ça, il est automatiquement
28:00 complotiste et tout le reste.
28:02 Voilà. C'est un peu le temps de ma réflexion.
28:04 - Non, non, très bien, Jean-Marie, c'est une bonne réflexion.
28:06 On va tout de suite justement donner la parole
28:08 à François Bélé là-dessus.
28:10 Je voudrais simplement dire,
28:12 par rapport à ce que vous disiez avant,
28:14 horizontalité, verticalité, il faut quand même reconnaître
28:16 que dans le cas du Covid comme dans le cas
28:18 de l'Ukraine, ne parlons pas des gilets jaunes,
28:20 heureusement qu'il y avait les réseaux sociaux.
28:22 Heureusement qu'il y avait les réseaux sociaux
28:24 parce que dans,
28:26 allez, pas tout le monde, bien sûr,
28:28 il y a des journalistes qui font formidablement leur boulot,
28:30 mais dans la majorité de la sphère médiatique,
28:32 il y avait quand même
28:34 un discours dominant
28:36 qui était celui peut-être de l'ancien monde,
28:38 mais vous voyez,
28:40 qui a beaucoup influé.
28:42 Qu'est-ce que vous en pensez, François Bélé ?
28:44 - Vraie question. Alors, premièrement,
28:46 il parle de la baisse du niveau culturel.
28:48 Est-ce que les gens étaient plus cultivés
28:50 avant ou pas ? Je ne sais pas.
28:52 Qu'est-ce que vous en pensez ?
28:54 - Alors, sur la baisse de l'éducation,
28:56 de l'intérêt pour le livre,
28:58 bon, ça, il faudrait
29:00 se pencher sur les études.
29:02 Donc moi, je ne vais pas faire ce que je dénonce,
29:04 je ne vais pas faire l'expert sur une question que je ne maîtrise pas.
29:06 En revanche, je vais
29:08 simplement revenir sur le sujet qui est
29:10 comment être audible
29:12 dans ce que j'appelle le bruit permanent.
29:14 Et ça, c'est plus intéressant.
29:16 Et j'ai l'impression que quand je parle de livres
29:18 du dictature du commentariat, c'est-à-dire qu'à partir
29:20 du moment où tout le monde commente tout
29:22 et qu'en fait le spectacle devient le commentaire
29:24 d'avant, pendant et après l'événement, c'est difficile
29:26 de pouvoir émerger. Et en fait, qui fait
29:28 émerger encore aujourd'hui ? J'ai l'impression
29:30 que c'est encore ce qu'on peut appeler les médias mainstream
29:32 ou dominants
29:34 qui, au final, peut encore aujourd'hui
29:36 décider de ce qui peut faire
29:38 l'actu ou non. Voilà. Dans les dernières instances.
29:40 Mais peut-être que ça peut encore échanger.
29:42 Mais malgré tout, je tiens quand même à préciser
29:44 qu'aujourd'hui, ce que j'appelle
29:46 le néopolitique, c'est quand même celui
29:48 contrairement aux professionnels
29:50 de la politique, c'est celui-là, aujourd'hui,
29:52 qui est "suivi", entre guillemets.
29:54 C'est-à-dire suivi par des millions de followers
29:56 dont la parole est assez peu
29:58 remise en cause, contrairement aux politiques
30:00 professionnelles. Et puis c'est lui
30:02 aussi qui peut mobiliser, qui peut faire
30:04 aussi descendre des gens dans la rue, faire des
30:06 pétitions et tout. Donc il est
30:08 inaudible parfois, mais en même temps
30:10 il peut être très très prescripteur.
30:12 - En fait, la vraie question
30:14 derrière ça, c'est effectivement
30:16 parlons du Covid,
30:18 ou de l'Ukraine, etc. Ce sont ceux qui apportent
30:20 et il faut des
30:22 faits, des chiffres, des faits incontestables.
30:24 Il y a des gens quand même qui savent
30:26 ce dont ils parlent. On revient toujours à ça.
30:28 On aimerait entendre plus de gens qui
30:30 connaissent, qui sont compétents, qui savent
30:32 ce dont ils parlent, qui connaissent le sujet.
30:34 Et qui vont sur le terrain aussi. Il faut pas oublier ça.
30:36 - Et je pense que là, on renvoie
30:38 à un autre sujet qui est l'ubérisation
30:40 de la société, qui n'échappera pas
30:42 à l'ubérisation de la politique
30:44 qu'on est en train de vivre. Et donc, ce que
30:46 j'appelle le citoyen smartphone,
30:48 lui, il a son rôle, puisqu'effectivement
30:50 il est sur le terrain, il est encore dans la vie réelle
30:52 et lui fait remonter les informations.
30:54 Donc il est capital à la fois
30:56 pour la vie politique, mais aussi
30:58 parfois pour le spectacle.
31:00 - Comme transmetteur, il est deux, les deux.
31:02 - Effectivement. - Et on remercie
31:04 Jean-Marie, on accueille Guy de Paris.
31:06 Bonjour Guy. - Oui, bonjour Guy.
31:08 - Bonjour messieurs, merci pour cette belle émission
31:10 monsieur Bercoff. Bonjour monsieur
31:12 Belay. - Bonjour.
31:14 - Alors, toutes les paroles qui ont été
31:16 prononcées jusqu'à présent
31:18 sont très très bonnes, c'est la vérité.
31:20 Alors moi j'ai 72 ans,
31:22 j'ai toujours été mon propre patron ou chef d'entreprise
31:24 dans ma vie. Et j'ai été
31:26 habitué, plusieurs fois j'ai
31:28 été obligé de redresser des entreprises.
31:30 Avec très peu de moyens. Et il n'y a
31:32 qu'une méthode, qu'une seule méthode, il n'y en a pas
31:34 36 000. Or il ne faut pas oublier que
31:36 la France est dans une difficulté financière
31:38 énorme, qui lie
31:40 les mains et les pieds. Qui ne nous
31:42 permet pas d'agir comme on pourrait le faire.
31:44 Depuis 50 ans, nous avons
31:46 été dirigés par des
31:48 politicards, pas des politiciens,
31:50 par des politicards. Et des gens
31:52 incompétents dans la gestion.
31:54 Un père
31:56 et une mère de famille n'ont pas besoin d'appartenir
31:58 à un parti politique pour savoir
32:00 comment gouverner leur famille, diriger leur famille.
32:02 Un patron d'entreprise n'a
32:04 pas besoin d'être dans un parti politique
32:06 pour savoir comment diriger son entreprise.
32:08 Voilà. Donc nous avons été
32:10 noyés par des gens qui avaient
32:12 une idéologie et qui pour diriger
32:14 le pays ont emprunté. D'accord ?
32:16 Donc ce n'étaient pas des bons gestionnaires.
32:18 Il n'y a nul besoin
32:20 d'avoir une idéologie politique
32:22 pour pouvoir diriger ce pays. Et à partir
32:24 du moment où vous avez un pays qui est faible, qui est neurasthénique,
32:26 ce pays qui consomme 2 fois
32:28 plus d'antidépresseurs que dans tous
32:30 les autres pays du monde. La France, qui est totalement
32:32 anormale. Donc bien évidemment,
32:34 tout est perturbé. Depuis 50 ans, tout
32:36 est perturbé.
32:38 - Mais alors qu'est-ce qu'on fait ?
32:40 Vous dites qu'il y a une seule méthode.
32:42 C'est quoi cette méthode ? - Alors cette méthode,
32:44 je prends le cas par exemple pour les retraites.
32:46 Ça a été très mal appris. - Non mais rapidement,
32:48 parce qu'on va rester sur le... - La méthode, c'est de
32:50 mettre... protéger, démonétiser
32:52 tout ce qui ne va pas dans les principes
32:54 essentiels, suffisants,
32:56 nécessaires pour qu'un pays vive
32:58 correctement. - Mais Mégui, vous êtes aussi
33:00 consommateur de médias, j'imagine. Vous regardez
33:02 la télévision, la radio ? - Non, je ne regarde pas
33:04 la télévision, je suis très mal voyant. Mais j'écoute
33:06 certaines radios. - Alors vous écoutez...
33:08 - Et je fais ma part, et bien sûr,
33:10 beaucoup du radio. - Et vous trouvez
33:12 que ça fonctionne, ou pas, aujourd'hui ?
33:14 Ce que vous entendez.
33:16 - Certains... Oui,
33:18 quelques fois, il y a des bonnes révélations.
33:20 Il y a des start-up qui mettent en place
33:22 de très bonnes choses. Moi, je ne suis pas
33:24 des fétistes, la France est en train de se redresser,
33:26 par exemple. D'accord ? Il y a des
33:28 très bonnes choses qui sont mises en place.
33:30 Ma première entreprise, il y a plus de 42 ans,
33:32 c'était une entreprise de récupération et de recyclage.
33:34 - D'accord. - À l'époque, on me prenait
33:36 pour un imbécile, un fou, d'autant plus que...
33:38 - Non mais ça, je comprends.
33:40 - Par exemple,
33:42 remettre en place aussi
33:44 le tri, le recyclage, le prévenir,
33:46 instruire... - Je sais, mais
33:48 le problème, aujourd'hui, il est...
33:50 Vous êtes sûrement quelqu'un qui connaissez très bien
33:52 votre métier, qui le font bien. Le problème
33:54 aujourd'hui dont on parle, c'est
33:56 comment transmettre, comment transmettre pas trop
33:58 de n'importe quoi, pas trop de
34:00 fausses nouvelles, et comment,
34:02 si vous voulez, susciter
34:04 effectivement que la parole dominante, quelle
34:06 qu'elle soit, et qu'il y ait le contre-pouvoir,
34:08 parce qu'il est là, le problème.
34:10 François Bélé, en fait,
34:12 le problème, il est quoi ? Il est
34:14 comme toujours, quelle que soit, droite,
34:16 gauche, centre, etc. C'est pas le
34:18 problème. C'est quand il y a un pouvoir,
34:20 il doit y avoir un contre-pouvoir. Est-ce que
34:22 aujourd'hui, le spectacle politique, le
34:24 nouveau spectacle politique dont vous parlez,
34:26 est-ce qu'il fait office ? En fait, il
34:28 sert beaucoup plus le pouvoir, quel qu'il soit,
34:30 que, au contraire, il aide à
34:32 faire avancer le contre-pouvoir. - Alors
34:34 là, c'est la grande question.
34:36 C'est-à-dire que là, on a
34:38 devant nos yeux la grande
34:40 bataille spectaculaire qui s'annonce.
34:42 Je m'explique. On a d'un côté
34:44 le monde d'avant,
34:46 incarné par le professionnel de la politique,
34:48 on va dire
34:50 Macron,
34:52 Van der Leyen, Biden.
34:54 On peut décliner, mais ce que je veux dire par là, ce sont des
34:56 gens qui sont des professionnels. Eux,
34:58 ils s'appuient sur des médias
35:00 traditionnels, ils veulent un
35:02 métaphore, et ils veulent
35:04 surtout modérer, réguler
35:06 les réseaux sociaux. On a le
35:08 bloc, même censuré. - Même censuré.
35:10 - Même censuré, on peut le dire. - Et de l'autre côté,
35:12 on a un autre bloc
35:14 qui est donc issu
35:16 du monde d'après, c'est-à-dire
35:18 des réseaux sociaux, incarnés
35:20 par ce que j'appelle le néo-politique,
35:22 c'est-à-dire le non-professionnel de la
35:24 politique, incarné par exemple
35:26 par Trump, Musk
35:28 et par d'autres, qui vont forcément
35:30 arriver, parce que ça va être la créature
35:32 des réseaux sociaux.
35:34 Ce néo-politique, ce deuxième bloc-là,
35:36 eux, ils veulent un
35:38 État faible et une liberté d'expression
35:40 totale. Donc là, on va
35:42 arriver à une bataille sur ces deux blocs
35:44 et moi je pense que
35:46 l'une,
35:48 l'un et l'autre camp ont des
35:50 idéologies différentes.
35:52 En revanche, ils se rejoignent sur la
35:54 même idéologie qui est celle du spectacle.
35:56 Parce que les deux blocs se soumettent à l'idéologie
35:58 du spectacle. Et moi je dis que
36:00 celui qui gagnera la bataille
36:02 du spectacle, gagnera la bataille
36:04 in fine du pouvoir. - Eh bien écoutez,
36:06 ce sera en tout cas le
36:08 tome 2 du nouveau spectacle politique.
36:10 En attendant... - C'est en cours. - C'est en cours.
36:12 En attendant, lisez ce nouveau spectacle politique.
36:14 Vraiment, il y a des
36:16 vérités et il y a l'état des lieux
36:18 qu'il vaut le coup de
36:20 parcourir. - Merci
36:22 à tous de nous avoir écoutés pour ce
36:24 Face à Face et merci à François Bellet pour son
36:26 livre "Le nouveau spectacle politique"
36:28 aux éditions Nikkez. Tout de suite
36:30 l'émission de Brigitte Lahaie. A tout de suite