• il y a 9 ans
Traduction : Jacques Outin

Dit par Gilles-Claude Thériault

Tentez cette expérience.
Écoutez le poème une première fois,
puis une deuxième
et une troisième fois.
Sans chercher à comprendre.
Et la magie de la poésie risque alors de s’opérer.
Christian Bobin n’écrit-il pas
« pour lire un poème, il faut une vie entière » ?


Je suis sur la montagne et contemple la baie.
Les bateaux reposent à la surface de l'été.
« Nous sommes des somnambules. Des lunes à la dérive. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

« Nous errons dans une maison assoupie.
Nous poussons doucement les portes.
Nous nous appuyons à la liberté. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

J'ai vu un jour les volontés du monde s'en aller.
Elles suivaient le même cours ― une seule flotte.
« Nous sommes dispersées maintenant. Compagnes de personne. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.

Tomas Tranströmer – 1931 – 2015
Prix Nobel de littérature 2011
http://tomastranstromer.net/

Ce poème est extrait du recueil ‘Baltiques’,
Œuvres complètes 1954-2004, de Tomas Tranströmer,
traduit du suédois et préfacé par Jacques Outin.
http://www.outin.hoermaessigeerbaulichkeit.de/bio_francais.html
http://www.jacques-outin.de/
Collection Poésie/ Gallimard n° 397, 2004, 384 p.
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Poesie-Gallimard/Baltiques

Illustration : Hommage
à l’Hermione – La Frégate de la Liberté
Grand départ 18 avril 2015
http://www.hermione.com/accueil/

Pour une écoute plurielle : FRÅN BERGET - DE LA MONTAGNE,
chanté par le troubadour Jan Burehäll (2012).
http://www.burehall.se/
https://soundcloud.com/jan-burehall/fr-n-berget-text-tomas-transtr

Jag står på berget och ser över fjärden.
Båtarna vilar på sommarens yta.
« Vi är sömngångare. Månar på drift. »
Så säger de vita seglen.

« Vi smyger genom ett sovande hus.
Vi skjuter sakta upp dörrarna.
Vi lutar oss mot friheten. »
Så säger de vita seglen.

En gång såg jag världens viljor segla.
De höll samma kurs - en enda flotta.
« Vi är skingrade nu. Ingens följe. »
Så säger de vita seglen.

Tomas Tranströmer, Den halvfärdiga himlen, Bonnier, Stockholm, 1962.

From the Mountain

I stand on the hill and look across the bay.
The boats rest on the surface of summer.
‘We are sleepwalkers. Moons adrift.’
So say the white sails.

‘We slip through a sleeping house.
We gently open the doors.
We lean towards freedom.’
So say the white sails.

Once I saw the wills of the world sailing.
They held the same course – one single fleet.
‘We are dispersed now. No one’s escort.’
So say the white sails.

Tomas Tranströmer, 'The Half-finished Heaven' (1962),
translated by Robin Fulton.

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