Marie Dupuis, mère d'Evaëlle, une adolescente qui s'est suicidée en 2019, déplore la relaxe de l'enseignante de sa fille qui était jugée pour "harcèlement", ce jeudi 10 avril. L'avocate des parents a annoncé faire appel sur le volet civil.
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00:00BFM, après, une décision de justice qui a suscité beaucoup de réactions,
00:04beaucoup de réactions même au sein de cette rédaction.
00:08La relaxe de l'enseignante jugée pour harcèlement sur trois de ses anciens élèves,
00:14dont Evaëlle, jeune collégienne de 11 ans, qui s'est donné la mort en juin 2019 à son domicile.
00:21Celle qui a été jugée aujourd'hui a été son enseignante de 2018 à 2019.
00:28Bonsoir, bonsoir à toutes les deux.
00:30Marie Dupuis, vous êtes la maman d'Evaëlle.
00:32Bonsoir.
00:32Et bonsoir Delphine Meillet, vous êtes l'avocate de la famille d'Evaëlle.
00:36Merci d'être avec nous ce soir dans le 20h BFM.
00:40Je rappelle que lors du procès en mars, la procureure avait requis 18 mois de prison avec sursis
00:45et une interdiction définitive d'enseigner à l'encontre de cette femme de 62 ans.
00:49Elle avait d'ailleurs décrit l'enseignante dans une position, je cite, de toute puissance
00:53et comme quelqu'un qui avait un contact assez rude avec les élèves.
00:57Ces réquisitions n'ont pas du tout été suivies puisque l'enseignante a donc été relaxée
01:02et le parquet a maintenant 10 jours pour faire appel.
01:06Marie Dupuis, on vous a entendue sur BFM TV à la sortie du tribunal,
01:11quelques minutes après que cette décision ait été rendue.
01:14Vous étiez extrêmement émue, évidemment, en larmes, en colère aussi, déconcertée,
01:22ne comprenant pas cette décision.
01:25Dans quel état d'esprit êtes-vous ce soir, 7 heures après ?
01:28Eh bien, encore plus combativant.
01:31Après avoir lu au calme les motivations de cette relaxe de la présidente,
01:37qu'elle nous a lues, mais on les relit à froid.
01:39Mais en fait, c'est, comment dire, c'est une réalité qui est tronquée,
01:46qui est montrée d'une certaine manière,
01:49qui balaye tous les témoignages des enfants,
01:54qui met la parole des enfants de côté.
01:58On ne se concentre que sur ce que les adultes
02:00et ceux qui ont été en faveur de la prof,
02:03on ne se concentre que sur cela.
02:06et on est complètement atterrés.
02:10C'est-à-dire qu'elle cautionne,
02:11elle cautionne complètement cette attitude d'un professeur
02:15qui humilie des enfants,
02:18même, ne parlons pas d'harcèlement ou quoi que ce soit,
02:21humilier un enfant, c'est pas grave.
02:23Je vais revenir sur les motivations de la présidente,
02:26mais vous diriez ce soir que la colère,
02:30ça y est, la combativité, a pris le dessus sur l'émotion.
02:34Ah oui, complètement.
02:35Il fallait quelques heures ?
02:38Oui.
02:39Non, rapidement.
02:41Bon, c'est une décision que je n'avais pas complètement écartée non plus.
02:47Depuis le début, pour moi, rien n'était acté dans un sens ni dans l'autre.
02:52Moi, ce qui m'est le plus en colère,
02:53c'est la façon où elle a justifié cette relaxe.
02:56Alors, dans ses motivations,
02:58elle dit notamment qu'elle considère que les éléments à charge
03:01sont discordants, indirects, peu circonstanciés
03:05ou relevant de comportements adaptés et légitimes,
03:08s'agissant de l'autorité dont doit faire preuve un enseignant en classe.
03:11Elle explique aussi qu'il n'y avait pas de preuve
03:13que les actes de cette enseignante ont dégradé les conditions de vie d'Evaelle
03:17en se traduisant par une altération de la santé mentale
03:20et que si c'était le cas, ce n'était pas volontaire.
03:24Que répondez-vous à cela ?
03:26Pour vous, cette femme, cette enseignante,
03:28a un rôle central dans la souffrance de votre fille
03:32qui a mené à son suicide ?
03:35Elle a un rôle pour moi.
03:36Elle a un rôle central, je ne peux pas le juger comme ça,
03:40mais pour moi, elle a participé au mal-être de notre fille
03:43qui a conduit à cet acte désespéré du 21 juin.
03:48Quelle peine auriez-vous aimé entendre ?
03:52Nous, la culpabilité.
03:54La culpabilité sur le harcèlement.
03:56Après, tout ce qui est peine de prison,
03:58tout ça, ça je laisse le procureur,
04:00ce n'est pas du tout ce qu'on recherchait.
04:02Nous, on recherchait juste une reconnaissance
04:04qu'elle a dépassé le cadre bienveillant
04:09de la liberté pédagogique qui est donnée aux enseignants.
04:12Maître, est-ce que cet enseignant va pouvoir de nouveau exercer ?
04:15Oui, à ce jour.
04:17Dès demain, elle peut à nouveau se présenter,
04:21présenter sa candidature à un poste à l'éducation nationale.
04:25Elle était interdite d'exercer depuis cinq ans,
04:30dans le cadre de l'instruction.
04:31Elle n'avait pas été relevée de ses fonctions
04:34par l'éducation nationale,
04:35mais par notre motivation
04:38et par les différentes actions que nous avions menées.
04:42Mais oui, à ce jour, elle peut se représenter.
04:43Donc, elle est, me semble-t-il, un vrai danger pour les élèves
04:47qu'elle pourrait avoir prochainement.
04:49Marie Dupuis, quel message auriez-vous envie de faire passer ce soir ?
04:55À qui en voulez-vous ?
04:57À elle, surtout, ou à l'institution ?
05:00Cette institution qui n'a pas su écouter,
05:03entendre les alertes qui ont été données ?
05:05Alors, moi, j'avais une question.
05:11Ça faisait deux, trois jours que j'avais une question,
05:13une interrogation personnelle que j'avais.
05:15C'est est-ce que la justice va être prête à prendre cette décision ?
05:19Moi, je pense que la société est prête à entendre
05:22qu'effectivement, peut-être, un professeur peut harceler un élève
05:26et que, oui, il faut traiter le problème.
05:30Mais j'avais cette interrogation, est-ce que la justice, elle, est prête ?
05:36Je pense qu'on a notre réponse.
05:37Avez-vous l'impression qu'une administration, la justice,
05:40protège une autre administration, l'éducation nationale ?
05:42Oui, moi, je pense qu'il y a quelque chose derrière.
05:44Ce n'est pas possible autrement.
05:45À ce point-là, la façon où tout est balayé,
05:49on ne doit prendre en compte aucun des témoignages des enfants,
05:53alors qu'on est bien d'accord, on est dans un huis clos,
05:55donc les principaux témoins, ce sont les enfants.
05:57Donc, si on balaye tous les témoignages d'enfants et qu'on ne les écoute pas,
06:01oui, il n'y a plus rien, j'ai envie de dire.
06:04Donc, oui, pour moi, c'est étonnant de se dire que la justice,
06:08qui doit être indépendante, soutient l'éducation nationale là-dessus.
06:16Et on attend de savoir si le parquet va faire appel.
06:19Pour l'instant, il ne l'a pas fait savoir, on est bien d'accord.
06:21Et il a dix jours pour se prononcer.
06:23Merci, merci beaucoup d'avoir été avec nous sur ce plateau.
06:27Merci pour votre témoignage.