La haute finance ne date pas de l'époque contemporaine ainsi en temoigne la vie d'Antoine Crozat. Un homme qui, sous Louis XIV, a amassé une fortune colossale, s’est vu offrir la Louisiane par le Roi-Soleil lui-même, et a contrôlé une grande partie du commerce français à son époque. Un destin digne d’un roman, celui d’un simple fils de marchand devenu l’un des hommes les plus riches du royaume, financier incontournable pour le pouvoir. Mais pourquoi la Louisiane, ce territoire immense offert à Crozat, s’est-elle révélée un échec cuisant ? Et surtout, pourquoi l’histoire a-t-elle relégué aux oubliettes celui que Voltaire surnommait « Crésus Crozat » ?
Pour répondre à ces questions, nous avons le plaisir de recevoir Pierre Ménard, auteur du livre "Le Français qui possédait l’Amérique".
Pour répondre à ces questions, nous avons le plaisir de recevoir Pierre Ménard, auteur du livre "Le Français qui possédait l’Amérique".
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00:00Bonjour à tous, aujourd'hui nous partons sur les traces d'un personnage aussi fascinant
00:26coublier Antoine de Crozat, un homme qui sous Louis XIV a amassé une fortune colossale,
00:32s'est vu offrir la Louisiane par le roi Soleil lui-même et a contrôlé une grande partie du
00:37commerce français à son époque. Un destin digne d'un roman, celui d'un simple fils de marchand
00:42devenu l'un des hommes les plus riches du royaume. Mais pourquoi la Louisiane, ce territoire immense
00:47offert à Crozat, s'est-elle révélé un échec cuisant ? Et surtout, pourquoi l'histoire a-t-elle
00:52relégué aux oubliettes, celui que Voltaire surnommait Crésus Crozat ? Pour répondre à ces questions,
00:58nous avons le plaisir de recevoir Pierre Ménard, auteur du livre Le français qui possédait
01:03l'Amérique, un ouvrage captivant qui nous plonge dans l'ascension vertigineuse de ce financier
01:08hors normes. Pierre Ménard, bonjour et bienvenue. Alors je vous ai reçu la semaine dernière pour
01:13parler des infrancantables frères Goncourt, auxquels vous aviez consacré un ouvrage paru
01:18en 2020 chez Talendier. Alors je vous présente un nouveau pour les téléspectateurs qui n'auraient
01:22pas vu l'émission, mais il faut la regarder. Alors vous êtes écrivain, vous avez commencé
01:26par écrire trois essais au titre provocateur pour les éditions du Cherche-Midi, pour vivre
01:31heureux, vivons coucher, 20 bonnes raisons d'arrêter de lire et comment paraître intelligent,
01:38ceci en 2015. Vous avez également écrit la biographie de Jean-Baptiste Tavernier, un explorateur
01:45du XVIIe siècle et d'ailleurs c'est lui qui est connu pour avoir trouvé le fameux
01:50diamant bleu. Donc aujourd'hui nous allons traverser l'Atlantique à la rencontre d'un
01:55français milliardaire sous Louis XIV qui possédait l'Amérique, il s'agit d'Antoine Croza qui fait
01:59l'objet d'un livre que vous avez donc publié en 2017 au Cherche-Midi puis qui a été réédité
02:05chez Talendier en 2019. Alors après on fait quelques recherches, je crois pouvoir dire que vous êtes
02:10le seul à avoir écrit une biographie de Croza. Alors première question, à part aimer les
02:15inconnus, pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce personnage ?
02:19Complètement par hasard à vrai dire. J'étais en vacances en Italie et en face de ma chambre
02:23j'avais une gravure d'un certain, du fils d'Antoine Croza, qui n'avait aucun rapport d'ailleurs
02:28avec l'endroit où j'étais. Et dans la même semaine je suis tombé deux trois fois sur le nom
02:32d'Antoine Croza dans un livre, un deuxième livre. Et on n'en entend jamais parler donc j'ai regardé
02:37qui était ce monsieur. Et j'ai vu une histoire un peu extraordinaire où il a fait construire
02:42le palais de l'Elysée, le Ritz à Paris, son hôtel particulier c'était sa résidence
02:47qui a possédé la Louisiane surtout, qui à l'époque était immense. Et voilà, en partant
02:51de nulle part visiblement. Donc j'étais un peu intrigué par ce destin et j'ai cherché
02:57à lire un livre sur lui. Sauf qu'il n'y en avait pas. Et donc, c'est comme ça que je me suis
03:02lancé dans l'aventure à force de faire des recherches. Et bien ça a donné un livre, je me suis
03:05dit. Puisque j'ai envie de lire sa biographie et qu'elle n'existe pas, je vais la faire
03:10moi.
03:10Alors à part la fiche Wikipédia de Croza, est-ce qu'il y a des sources ? Est-ce qu'il
03:15y a plein d'archives ? Comment avez-vous conduit vos recherches ?
03:18Alors ça a été très ardu à vrai dire parce que la finance aujourd'hui déjà c'est
03:23parfois un peu compliqué. Mais alors la finance d'ancien régime, c'est très très particulier.
03:27Là-dessus il y avait quelques travaux techniques qui avaient été faits notamment par Daniel
03:31Dessert, par Guy Chaussinot Noiré aussi. Quelques mémorialistes, Croza a quand même
03:37eu une importance.
03:38Oui, on va le voir.
03:39C'est à son époque donc on a quelques mémorialistes, Donjot, Chal, Saint-Simon évidemment qui parlent
03:45de lui. Mais surtout j'ai cherché des archives. On a des archives officielles bien sûr, des
03:50archives d'Etat qui parlent de lui. Et puis j'ai eu de la chance, je suis allé chercher
03:55son notaire. Donc j'ai fait beaucoup de recherches pour retrouver son notaire. Et puis après ça
03:59a été un jeu de piste puisque j'ai pu retrouver son notaire à Paris. Et ça m'a emmené de
04:04fil en aiguille vers plein d'endroits différents puisqu'on parle d'une relation avec telle
04:07autre personne. Donc j'ai regardé dans les archives de telle autre personne. Et par ce
04:10jeu de piste comme ça, j'ai fini par découvrir beaucoup beaucoup de choses. Avec une spécificité
04:15quand même à l'époque, c'est que quand on a un financier comme Croza, on se méfie
04:18toujours. Et donc on peut faire un premier contrat le matin chez un notaire et on fait un deuxième
04:23contrat l'après-midi qui dit que tout ce qui a été marqué dans le premier contrat est
04:25complètement faux. Et donc c'est vraiment un jeu de piste comme ça, on ne sait jamais ce qu'on
04:29va trouver. Et puis j'ai fini par réunir assez d'informations pour arriver à essayer
04:36de retraduire sa vie. J'ai de la chance aussi. Il m'est arrivé beaucoup de choses rocambolesques.
04:40Un de ses correspondants, une de ses relations d'affaires, on a retrouvé toutes ses archives
04:46et donc elles étaient aux Pays-Bas. Toute une histoire où le carton est tombé dans la
04:53boue pendant que je faisais mes recherches juste avant parce que la camionnette qui est transportée
04:56a eu un accident. Mais j'ai fini par pouvoir exploiter ça. Et donc en miroir, je n'avais
05:02pas les lettres de Croza mais j'avais une copie des lettres de son correspondant. Et donc
05:05j'ai pu retracer vraiment une grande partie de son ascension à partir de ses documents.
05:10– Vous avez mis combien de temps pour écrire ce livre ?
05:12– J'ai passé, ça m'a pris trois ans.
05:15– Trois ans. Alors donc ce Croza est totalement méconnu alors qu'il a eu quand même une importance
05:20considérable à l'époque. Alors d'où vient-il de ce qu'écrit Emmanuel de Varesquiel dans
05:26la préface qu'il a bien voulu vous faire ? Antoine Croza n'aura de cesse de marier
05:30ses enfants avec les plus grandes familles de la cour. On se réinvente des généalogies
05:34et on finit d'oublier ses origines. Alors quelles sont ses origines ? Vous dites qu'il
05:38n'est parti de rien. Pas totalement quand même. – Effectivement, on y reviendra
05:42peut-être après mais c'est la grande théorie au XVIIe et XVIIIe siècle sur les financiers
05:48où on s'amuse à chaque fois à dire qu'ils ont été laquais, qu'ils sont nés dans des
05:51familles absolument abominables. C'est souvent très exagéré. Et en fait Croza, et comme
05:55d'autres financiers à son époque, s'inscrit dans une logique d'ascension familiale.
05:59Il a un grand-père effectivement qui était bonnetier, donc vraiment pas grand-chose à Albi.
06:03Le père lui a commencé à faire fortune, il s'est auto-anobli, mais comme ça se faisait
06:07souvent à l'époque. C'est-à-dire qu'il s'est acheté des terres. En devenant marchand,
06:12comme ça se faisait beaucoup, il est devenu un peu banquier aussi à côté. Il a commencé
06:16à faire une petite fortune comme ça. Il est devenu visiblement un des hommes les plus
06:19riches de Toulouse. Il s'est bien marié. Et puis il s'est acheté des terres. Il est
06:24devenu capitou à Toulouse. – C'est l'équivalent de conseiller municipal.
06:27– C'est le conseiller municipal, mais c'était anoblissant. Ce qui lui a permis, alors
06:31quand Croza avait déjà 19 ans, de s'agréger à la noblesse, officiellement cette fois.
06:36Et Croza, dans cette logique d'ascension familiale, de petit-fils de Bontier, a lui fait des
06:42études de droit. Il a été mis en relation avec Penautier, qui était un financier extrêmement
06:47important, puisqu'il gérait toute la fortune du clergé. Il était vraiment gigantesque
06:50à l'époque. C'était un poste extrêmement important. Il gérait aussi les finances
06:54de la province du Languedoc, qui était aussi une province relativement riche. Il était
06:57un homme vraiment considérable. Et cette ascension s'est traduite comme ça, via le mentor
07:03qu'il a eu, via son intelligence bien sûr. Et puis encore une fois, dans cette dynamique
07:07familiale, quand on regarde les grands destins à l'époque, on regarde Colbert, on regarde
07:12les ponts Chartrand, on regarde les autres. Souvent c'est tout un système familial, tout
07:16un système d'alliance assez complexe. Et donc Croza s'est bien marié à une famille
07:20de financiers qui était elle-même bien alliée. Et puis les frères de Croza ont joué une
07:26grande influence. La stratégie à l'époque, c'est quand même souvent de favoriser l'élément
07:30le plus brillant. Et chacun lui fait la courte échelle. Donc on regarde, il y a Antoine
07:34Croza, il y a aussi son frère Pierre, qu'on appelait le pauvre, c'était Croza le pauvre,
07:37Croza le riche, mais qui était quand même fabuleusement riche aussi, grand collectionneur
07:40d'art. Un des autres frères, deux frères AB, un qui célébrait quand même la messe
07:45devant Louis XIV, ce qui est très pratique. Et puis l'autre qui était également au Parlement
07:49de Paris et qui l'aidait dans toutes ses manigances. Et les deux d'ailleurs étaient
07:53impliqués aussi dans toutes les magouilles qu'il faisait financière. Les deux AB étaient
07:57impliqués là-dedans. Donc vraiment, et les sœurs de Croza étaient également bien
08:01mariées. Donc ce n'est pas juste une ascension éclair comme on aime écrire avec une personne
08:05qui sort de nulle part.
08:06Ce n'est pas un Seth Mehlman.
08:07Exactement. Alors il a connu une ascension vraiment vertigineuse. Il est devenu l'homme
08:12le plus riche de France, ou le deuxième sujet à débat avec Samuel Bernard. Mais quand
08:17même avec toute cette dynamique familiale et tous ces groupes qui l'entourent autour
08:20de lui.
08:21Et puis bon, cet allant personnel, quelles sont ses qualités ? C'est un redoutable homme d'affaires,
08:26il n'y a aucun scrupule. – C'est évidemment une intelligence fulgurante et une absence
08:32de scrupules aussi. C'est une dureté, une cupidité qui est folle. C'est-à-dire que
08:37Croza était donc vraiment fabuleusement riche. Sa fortune, c'est 20 millions de livres.
08:43Pour donner une idée du budget de l'État, c'est à peu près une soixantaine de millions,
08:49les recettes de l'État. 20 millions de livres comparé à 69 millions, je crois, en 1715,
08:53les recettes de l'État. Lui a 20 millions. C'est absolument colossal. Quand on regarde
08:58les ducs et pères, qui sont vraiment censés être au firmament de la société, ils ont
09:02des fortunes qui vont entre 500 000 livres et quelques millions. Avec 20 millions, il
09:06écrase absolument tout ça. Il est complètement hors catégorie. Et le roi, à plusieurs reprises,
09:12demande de l'aide à Croza, parce qu'on traverse des famines, parce qu'il faut aider
09:14les populations. Et Croza, à un moment, a des bateaux qui reviennent d'Amérique, qui
09:18sont chargés de victuales, de matières précieuses, etc. On demande à Croza d'aider, parce qu'à
09:23Nantes, la ville traverse une famine. Croza obtempère pour s'estissueur le roi. On a
09:29des rapports d'espions qui sont envoyés à Louis XIV, où les espions disent ce qu'il
09:33a donné aux pauvres, même les chiens n'en veulent pas. Ils ne veulent pas en manger.
09:37Et donc, une dureté, même sur son lit de mort, il est en train d'aller réclamer
09:40des sommes complètement déridoires à ses locataires, puisqu'il a fait des programmes
09:45d'investissement immobilier. Et donc, vraiment, sur son lit de mort, il va réclamer les derniers
09:49centimes qu'il lui manque. C'est ça qui est assez fascinant.
09:52Alors, je te demande quelle était la place des financiers sous Louis XIV à cette époque.
09:57On peut le voir. Vous avez parlé tout à l'heure de Samuel Bernard. Il y a également les frères
10:00Paris. On peut comparer. Ils boxent dans la même catégorie ?
10:03Oui, les financiers à l'époque ont une place vraiment complètement à part. D'un côté,
10:08ils sont fabuleusement riches. Donc, encore une fois, plus riches que tout le monde. Et une
10:13richesse qui affole, en fait. Donc, on les méprise. On les méprise. On voit ça dans
10:20la littérature. Donc, il y a des pièces de théâtre. Alors, Croza fera tenter de l'interdire
10:24mais Turc Carré qui se moque des financiers. La Bruyère qui a des mots très durs sur
10:28ses âmes pétries de boue et d'ordure. Saint-Simon, évidemment, qui est extrêmement
10:33dur. Donc, à chaque fois, il y a ce mythe du financier qui a été d'abord la quai et qui
10:37s'est enrichi parce qu'il a fait énormément de magouilles et qu'ils ont réussi vraiment
10:40en écrasant les autres. Ce qui est parfois quand même un peu vrai aussi. Mais donc,
10:44on a ce mythe de… On est dans des logiques quand même d'anciens régimes qui sont fondés
10:50sur le sang. Et on voit cette noblesse qui est en train petit à petit de perdre son
10:54pouvoir au profit d'un État central qui est plus fort. Un État central avec Louis XIV
10:59qui les invite à dépenser beaucoup et donc des gros besoins financiers. Et ces financiers
11:03et donc ces familles de la noblesse qui s'appauvrissent finalement. Et de l'autre côté,
11:08ces financiers qui ont des fortunes étincelantes. Ils ont un rôle assez primordial dans les
11:12arts finalement. Ce sont eux qui sont construits les plus beaux hôtels particuliers, les plus
11:16belles maisons de campagne, qui ont les meilleurs artistes qui travaillent pour eux, qui financent
11:20encore une fois des artistes, qui pensionnent les écrivains. Et donc, d'un côté, l'État
11:24a besoin d'eux. De l'autre, on les méprise. De l'autre, on les méprise. De l'autre côté,
11:29ce sont eux en fait qui sont aussi les moteurs de la société. Et puis à la fin, tout
11:32en les méprisant, on va systématiquement demander leur fille. Et donc, tous ces grands financiers
11:36qu'on accuse d'avoir des origines absolument affamantes, les grands seigneurs après se
11:41précipitent pour réclamer la main de leur fille puisqu'ils ont besoin de cet argent-là
11:45pour continuer à vivre.
11:46– Et est-ce qu'on peut dire que le pouvoir royal dépendait vraiment de ces financiers ?
11:49– Et on a une relation très ambivalente du pouvoir royal qui… Alors, ça n'a pas
11:52changé aujourd'hui, mais le pouvoir dépense beaucoup plus que ce qu'il gagne.
11:55Si on regarde en 1715, le Royaume de France est dans une situation totalement désespérée.
12:0069 millions de livres qui rentrent dans les caisses, 146 millions de dépenses, on est
12:05au-delà des 6% de déficit, 2 années de budget qui sont déjà mangées d'avance et 3 milliards
12:09de dettes. Situation désespérée, on a besoin des financiers. Et donc le pouvoir, tout en
12:14utilisant ces financiers qui ont tous les réseaux, qui savent aller chercher aux Pays-Bas, y compris
12:19dans les pays en guerre d'ailleurs, on se fait financer, la France pendant ces guerres
12:22se fait financer par ses adversaires. Donc ils savent avec leur réseau aller chercher
12:26tout le monde. Ils ont les réseaux les plus puissants, ils sont mieux informés que les
12:29États. J'ai retrouvé pas mal d'archives où en fait, c'est Crozat qui reçoit le
12:32courrier des ministres parce qu'il arrive à le recevoir avant eux. C'est Crozat qui
12:36donne les informations aux ministres pendant les guerres sur ce qui est en train de se
12:38passer sur les différents fronts, grâce à ces réseaux. Et puis parfois, retour de
12:42bâton extrêmement violent. À plusieurs reprises, notamment en 1717, on fait la liste
12:47de tous les financiers et l'État qui ne sait plus trop comment on s'en tirait, fait
12:50une pirouette et explique que si la France est ruinée, ce n'est pas parce que l'État dépense
12:54trop. C'est parce qu'on a une catégorie de parasites, les financiers, qui regardaient
12:59leurs hôtels particuliers, leur château, etc. Et donc ce sont eux qui ont volé le
13:02peuple. Et on a des lettres qui sont publiées, enfin qui sont affichées partout dans Paris
13:06et qui font vraiment penser au procès de Moscou. On explique que ces financiers sont
13:11les ennemis du peuple, volent le peuple toute la journée et que donc l'État va récupérer
13:16l'argent où il se trouve, c'est-à-dire chez les financiers. Et donc on a des scènes
13:19où on condamne à mort plusieurs financiers, en 1717 encore une fois. On en prend certains,
13:26on va les chercher au milieu de la nuit dans leur hôtel particulier. On les trimballe
13:29en chemise dans tout Paris et la population a le droit de leur cracher dessus, de les
13:35menacer, de les insulter. Alors j'ai oublié le prix mais il faut payer 5 sous pour avoir
13:39le droit d'aller donner une gifle aux financiers, X pour leur cracher dessus, littéralement.
13:45– Et donc on assiste aussi à ces retours de bâtons. Et puis une fois que tout ça
13:48est passé, on a quand même besoin d'eux et donc on passe l'éponge, on les a un peu
13:52essorées, on a retiré un peu d'argent et puis on leur redemande de l'aide
13:55et puis ils reconstituent leur fortune. – Parce qu'il y a une vraie confusion finalement
13:58à l'époque entre l'argent privé et l'argent public. – Oui, tout à fait. En fait, l'État
14:02n'a pas une administration qui est suffisamment forte et suffisamment organisée pour réussir
14:06à récolter les impôts tout simplement. Et l'État dépense beaucoup pour évidemment
14:10les constructions de bâtiments, etc. Mais aussi beaucoup pour les guerres qui absorbent
14:13évidemment la majeure partie du budget. Et donc n'ayant pas cette organisation centrale,
14:19l'État recourt à des individus comme Crozat pour percevoir les impôts. Et il faut voir
14:23qu'à l'époque c'est complètement désorganisé. Le recouvrement des impôts, donc les exercices
14:29se chevauchent sur une vingtaine de mois en général. On a des comptes complètement embrouillés,
14:34chargent après à ces précepteurs d'impôts, donc qui vont avancer en fait au roi une année
14:37d'impôts et qui vont après se débrouiller par tous les moyens possibles pour réunir les sommes.
14:41Eux-mêmes se mettent à risque évidemment de ne pas pouvoir rembourser des sommes qu'ils ont
14:44contractées avant. Et donc ils vont chercher tous les moyens pour pressurer la population,
14:49infliger des amendes imaginaires, voler un peu dans les caisses. Et ce qui est le plus effarant,
14:54c'est que l'État, qui n'arrive pas à récupérer assez avec ses sommes pour les impôts,
14:58va faire de la vente d'affaires extraordinaires, donc de la vente notamment d'office.
15:04C'est-à-dire qu'à l'époque, les fonctionnaires, ce sont des charges qui s'achètent.
15:08C'est encore le cas aujourd'hui, on a les officiers d'État civil, on a les huissiers,
15:12les notaires, officiers d'État civil, ça vient de là, des offices, ça s'achète,
15:14ça se transmet. Et donc l'État, pour trouver de l'argent, va recourir à ses placements,
15:18c'est-à-dire qu'il va vendre des charges de plus en plus absurdes. On a des contrôleurs
15:21des perruques, des compteurs de poissons d'eau douce. On estime qu'une barque qui traverse
15:27la Seine à l'époque va être contrôlée 126 fois. Elle va avoir 126 fois des droits de douane
15:31avec des gens qui se sont arrogés le droit d'être compteurs de poissons d'eau douce,
15:34etc. Et qui vont avoir le droit de taxer. Et Croza, en fait, finance à l'État en
15:39rachetant en gros ces charges, qui sont une pyramide de Ponzi, puisque finalement il
15:43faudra toujours plus de charges pour arriver à récupérer de l'argent, surtout que ces
15:46charges, encore une fois, sont transmissibles. Et donc l'État, Croza, utilise l'argent
15:51de l'État, l'argent des impôts, pour acheter ces charges en gros, qui sont des manques
15:55à gagner à l'avenir, et les revendre au détail par derrière. Et donc on a effectivement
15:59des exercices qui sont absolument incompréhensibles, un manque de visibilité absolue sur les finances
16:04publiques, et donc des situations de crise permanente. La France, à l'époque, est
16:08en crise permanente pour trouver de l'argent.
16:11– Alors votre livre est intitulé « Le français qui possédait l'Amérique », parce qu'effectivement,
16:17c'était en 1712. Louis XIV cède une partie de l'Amérique, la Louisiane, la superficie
16:23est alors équivalente à celle du royaume de France. Alors, à quoi ressemblait la
16:30Louisiane à cette époque ? Est-ce que c'était un territoire exploitable ?
16:35– C'est un cadeau empoisonné en fait. En 1712, la France est en guerre depuis
16:391701 contre toute l'Europe. C'est une guerre de plus qui s'ajoute aux nombreuses
16:42guerres qu'il y a déjà eu avant. Et la France est bien seule. France et Espagne sont
16:46seules contre le reste de l'Europe. La France a effectivement cette colonie au bout du
16:50monde où il n'y a absolument rien. Il y a 200 personnes en tout sur un territoire
16:54qui fait… – 200 personnes ? – 200 colons. – 200 colons. Il y a aussi des
16:58Indiens avec lesquels on a des relations ambivalentes. Puisque d'un côté, on essaie
17:01de s'entendre à eux et puis de l'autre côté, les colons attaquent régulièrement,
17:04pardon, les Indiens attaquent régulièrement aussi les territoires français. On ne sait
17:09rien en faire. En fait, on a essayé de faire des plantations dessus, mais on dit que
17:11le sable est tellement fin. – C'est insalubre ? – C'est insalubre, il y a énormément
17:16de moustiques. Les terres ne permettent pas les plantations. On ne peut rien planter
17:22là-dessus. On a des lettres qui viennent de là-bas où on dit que le sable est tellement
17:26fin qu'on ne pourrait même pas en faire des horloges, du sable à horloge. On ne peut
17:29rien en faire. Et donc la France se dit mais que faire de ce territoire qui est quand même
17:33stratégique. Il est entre les colonies espagnoles du Nouveau-Mexique et les colonies
17:37anglaises de l'autre côté. Et donc, on fait des faux rapports. En fait, on trouve
17:41Crozat, l'homme le plus riche du royaume. Et on lui dit on va refourguer ça à Crozat.
17:46– Et on refourguer de quelle manière ? – On fait des faux rapports. On fait des faux
17:49rapports en disant que la Louisiane est un territoire absolument fabuleux, qu'il suffit
17:53de se ramasser par terre, on ramasse leur à pleine main, qu'il y a des mines d'argent,
17:56des mines d'or, tout ce qu'on veut. Et que donc Crozat, lui qui n'est qu'un homme
18:00d'argent, va finalement avoir un vrai assise territorial. Il va devenir une sorte de roi.
18:04Il va voir la Louisiane. Et donc ça flatte évidemment l'ego de Crozat qui se précipite
18:09là-dedans. Et puis, il découvre assez rapidement le potoro. C'est-à-dire que finalement, comme
18:13on ne peut rien planter, tout coûte cher. Il faut tout importer là-bas. Il faut entretenir
18:16une garnison, financer des navires, etc. Et donc, effectivement, cette colonie où il
18:21misait beaucoup dessus pour faire du commerce interlope, c'est-à-dire…
18:25– C'est ce qu'on appelle le commerce interlope. – Le commerce interlope, c'est ce qui a fait
18:27sa fortune en réalité. À l'époque, les colonies espagnoles sont fabuleusement riches
18:32parce que l'argent, ce qu'on appelle l'argent, c'est vraiment l'argent au sens propre, c'est
18:37du métal, c'est du métal, argent. En Europe, on a très peu de mines d'argent. Il y en a
18:41quelques-unes en Hongrie. On a une société qui s'enrichit et on a toujours la même
18:46masse monétaire qui arrive. Et donc, les Espagnols, avec leurs mines en Amérique latine
18:51et notamment à Potosie, au Pérou. L'expression « c'est le Pérou », ça vient de là d'ailleurs.
18:55C'est parce qu'on a ces mines de Potosie. On raconte qu'on extrait tellement d'argent
18:58de ces mines qu'on pourrait faire un pont en argent qui relie Potosie à Madrid.
19:03Et donc, les Espagnols ont ces fabuleuses quantités d'argent, vraiment faramineuses,
19:08et la France en manque absolument. Et donc, comment aller récupérer cet argent ? Les
19:12Espagnols interdisent le commerce à ceux qui ne sont pas espagnols. Et donc, l'ambition
19:17de Croza, c'est d'aller chercher cet argent en Espagne en vendant aux Espagnols, en allant
19:23mettre ses navires dans les colonies espagnoles pour vendre des babioles, etc. et en retirer
19:28énormément d'argent. Il a créé une première société avec Louis XIV en 1698, qui s'appelle
19:33la Compagnie Royale des Mers du Sud, qui est une fausse compagnie d'exploration.
19:37Et donc, Louis XIV envoie ses navires près des côtés espagnols en disant qu'on va explorer
19:43des îles qui n'auraient pas encore été découvertes. En réalité, c'est un stratagème.
19:47L'idée, c'est d'aller près des gros ports espagnols, donc Buenos Aires, etc. et de faire
19:53semblant que les navires vont couler bientôt, qu'il faut les réparer. Grâce à ça, on
19:57entre dans les ports, on paie un pot de vin. Les espagnols, en réalité, font très
20:01peu de commerce avec leurs colonies puisqu'ils se contentent d'aller chercher l'argent.
20:04Et donc, les colonies espagnols manquent de tout, donc on peut leur vendre très cher
20:07énormément d'objets. À ce moment-là, on remplit les caisses d'argent. Je vous passe
20:11après les détails, parce qu'on fait de la spéculation souvent avec la Chine où l'or
20:14et l'argent n'ont pas le même cours. On refait des échanges comme ça et on récupère
20:18l'argent en France. Croza, via la Louisiane, se dit que ce commerce qu'il pratique déjà
20:22via la compagnie royale des maires du Sud, dont il est un des principaux actionnaires,
20:27va pouvoir faire ce commerce interlope aussi depuis la Louisiane. Ça échoue aussi.
20:31Et donc, Croza se rend assez rapidement compte que c'est un gouffre financier et qu'il
20:34ne peut absolument pas tout seul soutenir une colonie aussi importante sans avoir d'aide
20:38publique.
20:39– Donc ça se saute par un échec. Il avait quand même des projets concrets à part ce
20:43commerce interlope ?
20:44– Oui, alors il a vraiment eu l'idée de développer ce territoire. Il se rend compte
20:48que le problème numéro un, c'est autant les Espagnols peuplent leur colonie, les
20:52anglais peuplent activement leur colonie. Les Français considèrent les Français
20:56justement comme une richesse naturelle. On est un État riche parce qu'on est un État
21:00puissant, parce qu'on est un État nombreux à l'époque. Et donc, les ministres, Ponchartrain
21:06notamment, veulent éviter d'envoyer ces Français en Louisiane. Et Croza avait fait plein de
21:13plans en disant qu'il y a plein de gens qui meurent de faim, il faut absolument les envoyer
21:16là-bas, on va prendre les filles de mauvaise vertu. Alors à un moment, il y a un épisode,
21:20il envoie des bretonnes et on dit « elles sont tellement laides que même là-bas, personne
21:22ne veut les épouser ». Il veut envoyer les faussonniers, donc les gens qui trafiquent
21:28du sel, en se disant plutôt que de les mettre en prison en France, autant les envoyer en
21:31Louisiane. Mais à chaque fois, l'État refuse. Et donc, malgré tous ces plans pour développer
21:36des nouvelles villes, pour augmenter la population, il se rend compte que ça va être un échec.
21:40Alors, semi-échec, puisqu'en 1717, avec cet épisode traumatisant pour lui, où on le
21:47condamne à une amende colossale, 6,6 millions de livres, donc le tiers de sa fortune, et 10%
21:52du budget de l'État, encore une fois, 10% des recettes de l'État, on ne se rend pas
21:56compte à quel point c'est colossal. Et Croza réussit un autre tour de passe-passe, 1717,
22:01c'est la régence, et il l'a mis avec le régent. On lui a donné des faux rapports
22:05pour qu'il récupère la Louisiane. Lui-même se met à faire des faux rapports en expliquant
22:08à quel point, c'est un pays merveilleux, on se penche par terre, on ramasse de l'or
22:11à pleine main. Et donc, il réussit à annuler son amende contre la remise de la Louisiane
22:15qui, en fait, était pour lui un gouffre financier.
22:18Alors, il ne fait pas en Louisiane, il perd de l'argent avec la Louisiane ?
22:24Oui, alors il s'est arrangé, il s'est arrangé quand même pour refacturer, pour faire des
22:28fausses factures, etc. Donc, pas tant que ça, finalement.
22:30Mais sa plus grosse fortune vient du commerce. Donc, vous avez parlé du commerce interno,
22:38Europe, mais il ne se contente pas du commerce légal. Il a également des activités clandestines.
22:46Oui, alors, Croza, vraiment, il commerce de tout, en fait. Donc, il n'y a aucun frein.
22:52Il crée des compagnies ?
22:53Il crée des compagnies où il récupère, c'est un vrai rapace, donc il arrive à récupérer
22:57les compagnies. Donc, il récupère la compagnie des Indes, qui était vraiment un joyau, complètement
23:00en désavance. La compagnie de Chine, il a la compagnie du Bastion et du Cap-Nègre, qui fait
23:05le commerce sur la Méditerranée. La compagnie de Chine, qui porte bien son nom.
23:08La compagnie des Indes, la compagnie de Guinée aussi, la compagnie royale des Mers du Sud,
23:14la compagnie de Louisiane. Donc, il gère, en fait, à lui seul, il concentre quasiment
23:18tout le commerce extérieur français. Et donc, il trafique de tout, c'est-à-dire qu'il
23:22récupère des Indiennes, des mousselines, enfin des tissus indiens, qu'il troque après
23:26contre du café, le café contre des épices. Et en plus, chaque société est un paravent.
23:30– Alors, typiquement, il fait du commerce d'esclaves, c'est le plus grand négrier
23:34de son époque. Il promet quand même 48 000 esclaves, 48 000 pièces d'Inde, pardon,
23:38il y a une différence. Une pièce d'Inde, c'est une unité, en fait, de compte des
23:41esclaves. C'est-à-dire que c'est un homme jeune en très bonne santé. Mais une femme,
23:45par exemple, va valoir 0,75 pièces d'Inde. Un enfant, 0,3 pièces d'Inde. Quelqu'un
23:50qui a une tête sur l'œil, ça vaut 0,5 pièces d'Inde. Donc, c'est beaucoup plus
23:54que 48 000 esclaves, sachant qu'en plus, 40 % meurent en route, en moyenne. Mais
23:58donc, ce commerce d'esclaves est en réalité un paravent, puisqu'il obtient le monopole
24:03de la fourniture en esclaves de toutes les colonies espagnoles. Son idée, c'est encore
24:08une fois d'avoir une porte d'entrée légale vers les ports espagnols, où là, il va
24:11pouvoir récupérer l'argent en faisant tout son commerce interlope. La compagnie de
24:15Guinée, qui lui sert à chercher les esclaves qui vont être envoyés en Espagne, dans les
24:20colonies espagnoles, est elle-même un paravent. C'est parce que ça lui permet d'avoir
24:23le monopole de raffinage du sucre, qui, pour des raisons historiques, était dans
24:27cette colline. Et puis, tout en faisant ses magouilles avec Louis XIV, en disant qu'il
24:31va récupérer énormément d'argent, Louis XIV sait que Crozat le trompe aussi, puisqu'il
24:35déclare qu'une partie des cargaisons, et qu'il commerce avec tous les ennemis du
24:38royaume. Et donc, il va faire du marché noir d'argent, sur lequel il gagne des fortunes
24:45absolument colossales. Et puis, de tout en temps, il sait qu'il est pris la main dans
24:49le sac, et donc il fait des lettres absolument mielleuses aux ministres, en dénonçant
24:52tous ses associés.
24:54– Mais alors, cette traite négrière dont vous parliez, et puis l'exploitation des
24:57ressources coloniales, ce ne sont pas les revenus principaux de Crozat ou du royaume ?
25:02– Alors, les revenus principaux de Crozat, c'est quand même ce commerce triangulière.
25:07Encore une fois, ce n'est pas la vente d'esclaves qui rapporte de l'argent, parce qu'il y a
25:11un marché noir aux esclaves, c'est un mauvais jeu de mots, où il y a des gens qui vendent
25:15des esclaves à prix cassé, les Anglais notamment, qui s'arrangent pour faire débarquer
25:18des esclaves, et puis qui ne revendent pas cher du tout, en corrompant tout le monde.
25:22Là où il gagne vraiment de l'argent, c'est sur les produits, donc les produits qui viennent
25:26d'Inde, les produits exotiques, qu'il revend à prix d'or, il rachète les cargaisons,
25:29il les revend à prix d'or. Et ce sont aussi surtout tous ces prêts qu'il fait à l'État,
25:35tout simplement, à des taux complètement usuraires. Il spécule sur les billets de monnaie.
25:39En 1701, on a les premiers billets de monnaie français.
25:41– Et donc là, c'est le système de l'eau ?
25:43– C'est juste avant, mais c'est très peu connu. Et donc, c'est toutes ces spéculations,
25:48c'est l'ensemble de ces spéculations qui lui permet toujours d'avoir des sources
25:51de revenus gigantesques.
25:53– Et au niveau, est-ce qu'on peut le comparer aux grands négociants de Nantes,
25:58de Bordeaux, de Saint-Malo ?
25:59– Alors, c'est à Saint-Malo que beaucoup se passent en réalité à son époque.
26:02Et donc, évidemment, il fait partie des grandes familles là-bas. Il se construit vraiment
26:08un empire en Bretagne. Il rachète toutes les seigneuries qui existent là-bas, qui sont disponibles.
26:12Et c'est un des plus grands associés des Malouins. Donc, il travaille avec les différentes
26:17familles de Malouins. Et il récupère en effet tous les privilèges de la Compagnie
26:21des Indes. Et donc, il arme des navires depuis Saint-Malo, depuis La Rochelle aussi, depuis
26:24Nantes, mais beaucoup depuis Saint-Malo. Et encore une fois, c'est lui qui concentre
26:28la quasi-totalité du commerce extérieur français. C'est le plus gros négociant français.
26:33– Donc, il fonctionne comment ? Il a des comptoirs partout ? Des correspondants partout ?
26:35– Il a des correspondants absolument partout, y compris à l'étranger, y compris encore
26:38une fois dans les pays qui sont en guerre avec la France. Et donc, il sait tout avant tout le monde.
26:42– Donc, c'est une première mondialisation du…
26:44– C'est le début de la mondialisation, effectivement.
26:46– Le début de la mondialisation. Effectivement, ça permet, enfin, vous le dites bien, ça
26:50permet… Les habitants fortunés de Pondichéry dorment dans des draps du Languedoc
26:54ou d'Angleterre. Ils couvrent leurs femmes de coraux d'Afrique du Nord.
26:58Des bourgeois d'Amsterdam dégustent un café yéménite de premier choix.
27:00Les riches péruviens épisent leurs plats. Enfin, ça permet une vraie circulation
27:04des marchandises. – Oui, tout à fait.
27:08– Et au niveau commercial, je veux dire, qui sont ces clients ? On parlait des riches péruviens,
27:16mais sinon, c'est la haute bourgeoisie, aristocratie en France ?
27:20– Alors, tout dépend des produits. En fait, on en a typiquement les indiennes,
27:23enfin, les tissus indiens qui sont quand même relativement répandus.
27:26et puis après, on a effectivement le cacao qui n'est bu quand même que par une élite.
27:31Mais les… Enfin, encore une fois, ils trafiquent absolument tout.
27:35Donc, on a aussi les métaux, l'argent tout simplement.
27:38Après, ils revendent à des usuriers. Enfin, il y a plein de…
27:41Et ils ciblent vraiment extrêmement large.
27:43– Et donc, sa fortune devient de plus en plus…
27:45Est-ce que sa fortune menace à un moment ? On peut dire qu'elle menace le pouvoir ?
27:49– Sa fortune ne menace pas le pouvoir, mais Creusat est absolument indispensable
27:52et on ne peut rien faire sans lui.
27:53Et donc, on a plusieurs épisodes où l'État est vraiment en situation de faillite
27:58et donc, supplie Creusat d'aller aider.
28:02Alors, un coup, c'est Samuel Bernard qui était le financier des armées.
28:05Et Creusat obtempère, mais s'arrange toujours pour obtenir des faveurs de l'autre côté.
28:09Donc, il suit son petit bonhomme de chemin et un coup,
28:11alors on va lui extorquer 3 millions, mais en échange, il obtient le cordon bleu,
28:15le Saint-Esprit qui est la décoration la plus prestigieuse.
28:18Et donc, il s'arrange toujours pour obtenir quelque chose en échange.
28:20– Alors, je disais dans l'introduction que Voltaire l'appelait Creusus Creusat,
28:26ajoutant, il manipule, il soupèse, il spécule.
28:30Alors, est-ce que c'était un simple financier
28:32ou est-ce qu'il avait aussi une vision politique ?
28:33Est-ce qu'il était un vrai stratège de pouvoir ?
28:35– Alors, il n'avait aucune ambition politique.
28:38En revanche, il avait des ambitions personnelles, c'était d'être toujours plus riche.
28:40Et donc, il noyote effectivement le pouvoir.
28:43C'est-à-dire que quand Louis XIV commence à décliner,
28:48il avance des sommes au régent en vue d'un potentiel coup d'État aux futures régions.
28:51Donc, le duc d'Orléans sait que le duc d'Humaine,
28:53qui est l'office adultérin de Louis XIV, devrait finalement récupérer le pouvoir.
28:58Et il se prépare à toutes les éventualités,
29:00y compris à envoyer des soldats au Parlement de Paris pour devenir lui-même le régent.
29:04Et donc, Creusat lui avance les sommes pour permettre ça.
29:07Creusat finance un coup d'État en Angleterre aussi,
29:10pour essayer de remettre l'essuart sur le trône.
29:12Et en échange, il deviendrait l'ordre, il aurait plein d'avantages.
29:14Il finance ce coup d'État qui avortera.
29:16Creusat corrompt tout le monde.
29:18Au début de la régence, tous les ministres,
29:21mais vraiment tous les ministres, lui doivent quelque chose.
29:23Et on retrouve les traces comme ça.
29:24Il a prêté de l'argent à tout le monde.
29:26Il oublie évidemment de leur réclamer de rembourser.
29:29Et donc, il achète les maîtresses du régent.
29:30Il achète tous les ministres du régent,
29:32tous les membres des conseils de régence.
29:34Tous lui doivent quelque chose.
29:35Il a financé l'abbé Dubois,
29:37qui est la clé de voûte.
29:39Et tous lui doivent quelque chose.
29:41Et c'est comme ça qu'il se rend indispensable
29:43à absolument tout le monde.
29:44Et on le voit.
29:46Dès qu'il est menacé, finalement, tous ses réseaux s'activent.
29:48Et il arrive à chaque fois à s'en tirer grâce à ça.
29:52Est-ce qu'on peut dire que c'est un précurseur,
29:53on parle de mondialisation,
29:54est-ce que c'est un précurseur de la haute finance moderne ?
29:58Vous dites que Marx ne le cite pas nommément dans toutes ses œuvres.
30:04Mais une partie du capital le désigne sans hésitation.
30:10– Alors, c'est très sujet à caution,
30:12parce qu'on a plein de thèses complètement qui contredisent totalement ça.
30:15Mais l'idée de Marx, c'est de dire que l'argent de l'Europe
30:19vient de l'exploitation de l'Amérique,
30:22donc des esclaves aux États-Unis.
30:23Et que c'est cet argent,
30:24je ne sais plus quelle est la formule,
30:26qui suit le sang par tous les ports.
30:28J'ai oublié la formule exacte de Marx.
30:30– Qui suit le sang et la boue par tous les ports.
30:32– Voilà, qui permet à l'Europe d'accumuler les richesses
30:36qui lui permettraient d'amorcer la pompe de l'ère industrielle.
30:42J'ai oublié qui a été votre question.
30:43– Non, je veux dire, est-ce qu'on peut le voir comme un précurseur de la haute finance ?
30:46– Oui, est-ce que c'est un précurseur de la haute finance ?
30:48– Oui.
30:48– Il y a beaucoup d'aspects.
30:49Aujourd'hui, on le sait, la finance, la clé,
30:53c'est d'avoir accès à l'information le plus vite possible.
30:55On est aujourd'hui au millionième de seconde dans les hedge funds,
30:58par exemple, pour spéculer sur les titres.
31:01Mais lui-même, et vraiment, s'est construit tout ce réseau
31:03pour avoir les informations, je vais dire en temps réel,
31:06ce n'est pas vrai, mais avant tout le monde,
31:08il fait du commodity trading, donc il spécule sur la…
31:11– Alors ça, il faut nous expliquer ce que c'est.
31:12– C'est de la spéculation sur la matière première,
31:14donc il spécule sur le blé,
31:15on appelle ça les dardanaires à l'époque,
31:17donc on stocke le blé,
31:17on sait qu'il va y avoir des famines,
31:19à ce moment-là, tout le monde va être prêt à payer extrêmement cher,
31:21donc il achète énormément de terre
31:23pour pouvoir avoir du blé au bon moment,
31:25il achète, il a des alliances en Italie,
31:28sur tout le pourtour méditerranéen,
31:30pour réussir à avoir du blé au bon moment,
31:32ce qui sauve la vie des gens,
31:33mais il en profite énormément au passage.
31:35Il joue sur les asymétries de cours, encore une fois,
31:37tout ce qu'il fait, en achetant du café à un endroit,
31:38le revendant aux autres, en faisant circuler les denrées partout,
31:42en troquant l'argent contre de l'or ici,
31:44telle monnaie des florins contre des écuyers, etc.
31:46Il fait tout ce genre de spéculation
31:48qui existe aujourd'hui à beaucoup plus grande échelle,
31:50qui est beaucoup plus institutionnalisée,
31:52mais c'est un mini Glencore à lui tout seul.
31:54– C'est lui qui a inventé ?
31:56– Alors non, c'est lui, on doit dire qu'à l'époque de Jacques Coeur aussi,
31:58ça se faisait, ça s'est toujours tout fait,
32:00et lui, la différence, c'est l'échelle à laquelle il le fait,
32:02c'est qu'il a des dizaines de navires
32:03qui sillonnent les mers du monde,
32:05et qu'à ma connaissance,
32:07le seul en termes de puissance financière
32:09qui peut rivaliser avec lui,
32:11c'est Samuel Bernard pour les particuliers.
32:12Après, on a des grandes compagnies commerciales,
32:15on a la VOC aux Provinces-Unis,
32:17l'EIC en Angleterre,
32:18mais lui tout seul est vraiment l'équivalent en France
32:22de ces grandes compagnies commerciales
32:23qui sont bâties avec des capitaux colossaux.
32:25– Alors, on parlait tout à l'heure du système de l'eau,
32:29enfin j'ai essayé d'en parler,
32:30est-ce qu'il a joué un rôle dans l'effondrement du système ?
32:34Est-ce qu'il était allié ou un rival de l'eau ?
32:36– Alors, au départ, Crozat,
32:39quand il perd la Louisiane en 1717,
32:42remet des mémoires,
32:43et c'est quand même de la récupérer,
32:44en disant qu'il y a quand même des choses à faire là-dessus,
32:47pour relancer le commerce,
32:48et qu'il faut créer une grande compagnie commerciale.
32:50Lui a cette vision quand même systémique,
32:52où Crozat, j'avais listé la liste de toutes ces sociétés,
32:55contrôle vraiment tout le commerce extérieur,
32:56et se dit qu'il faudrait systématiser tout ça,
32:58faire une grande compagnie,
32:59et arriver à faire de la France une grande puissance,
33:02grâce à tout ça.
33:03Le régent, plutôt que de lui confier la réalisation de ce plan,
33:06le donne en fait à John Law.
33:08John Law qui, au même moment,
33:10crée une compagnie bancaire,
33:12qui est devenue une banque royale,
33:13la banque générale qui est devenue banque royale,
33:15et qui, lui, avait une vision beaucoup plus systémique.
33:18La grande idée de l'eau, c'était
33:19que pour qu'un pays soit prospère,
33:22l'argent doit circuler.
33:23Pour que l'argent circule,
33:24il doit être facile à obtenir,
33:26donc d'où les billets.
33:28Et il faut aussi abaisser le loyer de l'argent.
33:30Donc à l'époque, on prête à des taux qui sont relativement élevés,
33:34on est sur du 6, 7, 8%,
33:35dans des périodes où on a très peu d'inflation.
33:38Et donc l'ambition de l'eau est de baisser le loyer de l'argent
33:41à 4, puis 2%, puis même 1%.
33:43Croza n'a pas du tout cette vision sur l'économie française,
33:47ça lui importe peu.
33:49Mais l'eau devient un ennemi,
33:50puisque le régent passe à John Law
33:52toute cette stratégie sur la compagnie de Louisiane.
33:54Et donc, on ne va peut-être pas rentrer dans les détails
33:57de la compagnie des Indes et de John Law,
33:59parce que c'est assez long.
34:00– Non, il n'en reste 5 minutes, donc non.
34:01– Mais c'est une grande menace pour Croza, effectivement,
34:03parce que l'eau récupère petit à petit
34:04toute la puissance française,
34:07tout le commerce extérieur,
34:08mais aussi la gestion des impôts,
34:10l'équivalent de la monnaie de Paris,
34:11donc l'émission de la monnaie.
34:13Et donc, c'est comme si aujourd'hui,
34:14on avait une super entreprise privée
34:16qui était à la fois LVMH, Bolloré,
34:18qui est la monnaie de Paris,
34:20qui en même temps était la plus grande banque,
34:21la seule banque d'ailleurs,
34:22qui en même temps récoltait l'impôt,
34:25et donc il gère absolument toute l'économie française.
34:27Ça fait beaucoup d'ombres à Croza,
34:29qui a vu son empire qui se faisait complètement disloqué
34:31par John Law.
34:32Et alors là, les courriers qu'on a,
34:34c'est effectivement, via sa correspondance,
34:36on sait que Croza spécule quand même
34:38sur la compagnie des Indes de John Law,
34:40retire sa mise à temps,
34:41parce qu'il a des informations encore une fois,
34:42donc quand tout le monde perd,
34:44lui a pu retirer avant.
34:45Et on a des lettres d'ambassadeurs,
34:48notamment l'ambassadeur de Prusse,
34:50qui racontent qu'effectivement,
34:51Croza est en train de travailler activement
34:54avec son ancien grand rival Samuel Bernard
34:56et d'autres financiers,
34:57dont les frères Paris,
34:58à la chute de l'eau.
35:00Et donc, par deux fois, effectivement,
35:01le régent réunit les grands financiers du royaume,
35:03dont les frères Croza,
35:05en leur demandant de soutenir la société de l'eau,
35:08et les deux frères Croza refusent à chaque fois.
35:09Et la société de l'eau finit par terre.
35:11Et c'est Croza qui se charge de la liquidation d'ailleurs.
35:13– De la liquidation.
35:14– Alors, je voudrais attaquer très rapidement
35:16un peu le côté personnel.
35:17Quelle vie mène-t-il,
35:18j'ai dit en introduction,
35:19qu'il mariait ses filles ?
35:20Il y a une famille nombreuse,
35:21ses enfants sont également très riches,
35:23les associés aux affaires.
35:24– Alors, il a quatre enfants,
35:26une fille et trois fils.
35:29Une vie personnelle,
35:30alors pour le coup,
35:30autant sur tous les autres financiers,
35:31on trouve plein d'histoires assez amusantes,
35:33sur leur maîtresse,
35:34ou des histoires complètement invraisemblables,
35:36qui est coprophage,
35:37et qui donc mange dans une cuillère en or.
35:39– On a des tas d'histoires comme ça,
35:42sur Croza, absolument rien.
35:43Les seules histoires qu'on a,
35:44c'est que visiblement,
35:45sa femme le trompe.
35:46Donc, on sait avec qui d'ailleurs.
35:47Et donc, tout ça fait l'objet
35:48de nombreuses chansons.
35:50Lui-même, on ne lui connaît aucune maîtresse.
35:52Une vie vraiment dédiée au travail, visiblement.
35:54Et ses enfants, son obsession,
35:57ce n'est pas d'en faire des financiers.
35:58D'ailleurs, la seule affaire, je crois,
36:00à laquelle aimer l'un de ses fils
36:01se termine par un échec retentissant,
36:04c'est d'en faire des membres intégrants
36:06de l'élite du temps,
36:07et donc, ils leur achètent des charges
36:08au Parlement de Paris.
36:10Un d'autres devient soldat.
36:12Et donc, ça devient des érudits,
36:13des membres de la bonne société.
36:14Et sa fille est mariée au comte d'Evreux,
36:17qui fait partie des meilleures familles du royaume.
36:19Il achète l'alliance très chère,
36:20il doit verser des pots de vin.
36:21On la surnomme le petit lingot.
36:23Et puis, avec sa fortune,
36:25Croza finance un premier palais,
36:27qui est l'hôtel d'Evreux,
36:28qui est sur la place d'Andôme,
36:29qui est relié au sien.
36:30Le comte d'Evreux est quelqu'un
36:31d'absolument abominable,
36:32donc il bat la fille de Croza,
36:34qui va pleurer tout le temps chez sa mère.
36:36Et donc, il fait boucher la porte
36:38qui communique entre les deux hôtels
36:39pour l'empêcher d'aller pleurer chez sa mère.
36:41Le comte d'Evreux se fait financer
36:42un deuxième hôtel d'Evreux,
36:44qui est aujourd'hui le palais de l'Elysée,
36:45avec l'argent de Croza.
36:46Le soir de l'inauguration,
36:49la fille de Croza,
36:50et donc le comte d'Evreux,
36:51est avec sa maîtresse,
36:53met la fille de Croza dans un carrosse
36:55en disant que maintenant,
36:55il n'a plus besoin de son argent,
36:57et qu'elle peut donc rentrer chez son père.
36:59Croza est outré,
37:00il demandera la séparation de biens,
37:01il fera après un procès
37:02pour essayer de récupérer
37:03ce qui est aujourd'hui le palais de l'Elysée,
37:05et donc pour remettre la main
37:06sur l'hôtel d'Evreux,
37:08en disant que le palais lui appartient.
37:10Et alors, vous dites,
37:12on en a parlé en préparant l'émission,
37:14on le présente également
37:15comme un mécène,
37:16comme un collectionneur,
37:17c'est plus son frère, je crois.
37:18C'est son frère, oui.
37:19Mais est-ce que lui-même était,
37:21enfin, financé des artistes ?
37:23Non, alors, il a des collections,
37:25enfin, il a un très bel hôtel
37:27Plaza en Dôme,
37:27avec des magnifiques Zavodars,
37:29il a des tableaux qui étaient en vogue
37:32à son époque,
37:33donc des peintures hollandaises,
37:35flamandes notamment,
37:36quelques peintures italiennes,
37:38mais à vrai dire,
37:38c'est un petit collectionneur d'art,
37:40et c'est sans doute plus
37:41parce que c'est ce qui se fait
37:42pour avoir de la décoration.
37:43C'est aussi peut-être un investissement,
37:45mais…
37:45Et encore.
37:47Mais c'est peut-être comme aujourd'hui,
37:48on irait chez Ikea
37:49pour faire de la décoration.
37:50En revanche, son frère, lui,
37:51est un vrai mécène,
37:52pour le coup,
37:52un vrai amoureux de l'art,
37:54un grand collectionneur de dessins,
37:55et puis un mécène aussi,
37:57donc il a financé Vato,
37:58qui l'a hébergé chez lui,
37:59Charles de La Fosse,
38:00qui pareil,
38:01a été hébergé chez lui,
38:02Rosalba Carriera,
38:03qui est oubliée aujourd'hui,
38:04mais qui était une grande pasteliste,
38:05et donc lui a contribué
38:07à lancer en France,
38:08il a récupéré,
38:09il a fait construire
38:10un magnifique château
38:12à Montmorency,
38:13un très bel hôtel particulier à Paris,
38:15et donc le frère Croza,
38:17pour le coup,
38:17a eu une grande influence
38:18dans l'histoire de l'art.
38:19Et donc, collection qui a fini,
38:20qui est en Russie,
38:21au musée de l'héritage.
38:22Exactement.
38:23Il a été racheté en grande partie
38:24au musée de l'héritage aujourd'hui.
38:26Et alors,
38:26il meurt dans quel...
38:27Est-ce qu'il meurt riche ?
38:29Il meurt très riche,
38:30et il meurt de sa belle mort,
38:31assez âgé,
38:33à plus de 80 ans,
38:34dans son hôtel
38:34de la place d'Andôme.
38:36Toujours en étant,
38:37donc à l'époque,
38:37la première fortune
38:38de la merceau de l'héritage.
38:39En fait,
38:40c'est compliqué à quantifier,
38:41est-ce que c'est le premier,
38:42est-ce que c'est Samuel Bernard ?
38:43Mais bon,
38:43c'est le premier,
38:45premier ex aequo.
38:47Et sa postérité ?
38:48Sa postérité,
38:49il a eu donc...
38:50Non, j'ai un peu
38:51sa postérité financière,
38:52ça va...
38:53Les enfants vont continuer ?
38:55Non, la fortune
38:56est dilapidée relativement rapidement.
38:58Pour Samuel Bernard,
38:59je crois qu'il y a eu
39:00des procès pour son héritage
39:01jusqu'en 1920.
39:02Donc ça a duré 200 ans quand même.
39:04Pour Croza,
39:06tout est allé très rapidement.
39:08Sa petite fille,
39:09notamment,
39:09a épousé le duc de Choiseul,
39:10qui était un grand dépensier.
39:12Et donc,
39:12toute une partie de la fortune
39:13a complètement disparu
39:14à ce moment-là.
39:14Et puis après,
39:15le jeu des héritages
39:16a fait que...
39:17Ça s'est dilué.
39:18Mais est-ce qu'aujourd'hui,
39:19son histoire de Croza,
39:22est-ce que ça peut nous éclairer
39:23sur la finance,
39:24sur la mondialisation ?
39:25Est-ce qu'on peut...
39:26Je pense que ça éclaire
39:27sur la gestion
39:28des finances publiques quand même.
39:30Puisqu'on retrouve
39:31pas mal de similitudes
39:32frappantes.
39:33Et après, oui,
39:34on peut retrouver son équivalent
39:35quand même
39:36avec certains grands financiers
39:37d'aujourd'hui.
39:38Donc le fait d'avoir
39:38accès à l'information,
39:39de savoir se constituer
39:41des réseaux
39:41au bon endroit,
39:43au bon moment,
39:44ne jamais avoir peur,
39:45savoir prendre des risques
39:46aussi,
39:46ce qu'il a fait.
39:47Et puis avoir cette vision
39:48toujours un,
39:49deux ou trois coups d'avance
39:50et de savoir
39:51comment bâtir un empire
39:52justement,
39:53en profitant à chaque fois
39:54du bon moment
39:55pour mettre la main
39:55sur la bonne société,
39:57tout en sachant être patient.
39:58Bien.
39:59Pierre Ménard,
40:00merci infiniment.
40:00Donc je rappelle
40:01le titre de votre livre,
40:03Le français qui possédait l'Amérique.
40:05Donc c'est
40:05La vie extraordinaire
40:06d'Antoine Croza
40:07qui était milliardaire
40:08sous Louis XIV.
40:09Et vous pouvez le trouver
40:10dans la collection
40:12Texto
40:12chez Talendier.
40:14Merci.
40:14Alors je voulais dire aussi,
40:15c'est d'une écriture,
40:16le sujet,
40:16la finance,
40:17ça peut nous paraître
40:18toujours un peu aride.
40:19Pas du tout.
40:20C'est d'une écriture,
40:21c'est très vivant,
40:22c'est drôle d'ailleurs,
40:22souvent.
40:24On en parlait aussi,
40:25le chapitrage,
40:26les titres de chapitres
40:27sont assez drôles.
40:29Voilà,
40:29c'est vraiment,
40:30ça se lit en plus
40:30avec plaisir
40:32et puis ça permet
40:32de voir également
40:34l'envers du décor.
40:37Merci.
40:37Merci beaucoup.
40:37C'était Passé-présent,
40:40l'émission historique
40:41de TVL
40:42réalisée en partenariat
40:44avec la revue
40:44d'Histoire européenne.
40:46Avant de nous quitter,
40:47n'oubliez pas bien sûr
40:48de cliquer sur le pouce levé
40:49sous la vidéo
40:50et de vous abonner
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