Lundi noir sur les marchés : la Bourse de Hong Kong a clôturé en baisse de 13,22% lundi 7 avril, soit sa plus forte chute depuis la crise boursière asiatique de 1997, sur fond de hausses des droits de douane déclenchées par Donald Trump. La panique se poursuit sur les marchés mondiaux, le pétrole est au plus bas depuis quatre ans. Le Président américain est-il en train de déséquilibrer l'ordre économique mondial ? Écoutez l'analyse de Denis Ferrand, économiste et directeur général de Rexecode.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 07 avril 2025.
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00:00Il est 18h18, bonsoir Denis Ferrand, vous êtes économiste, directeur général de Rexcode,
00:07les bourses mondiales, plus littéralement, sous le poids des droits de douane américains,
00:12devons-nous être inquiets ce soir ?
00:14Oui, il y a de quoi être inquiet, c'est sûr que la sérénité n'est certainement pas le mot le plus répandu actuellement sur les marchés,
00:21il y a de quoi être inquiet parce qu'on voit qu'on est toujours dans une escalade,
00:25encore aujourd'hui Donald Trump qui dit que peut-être qu'il pourrait monter de 50 points encore les droits de douane sur les produits chinois,
00:33donc en fait l'inquiétude vient de ce qu'on ne sait pas véritablement jusqu'où va aller cette surenchère et ses réponses également,
00:41et ça les marchés n'aiment pas du tout cette ambiance quand on ne voit pas où ça s'arrête.
00:46Que veut le président américain exactement selon vous ?
00:48Je ne sais pas si on peut être dans sa tête.
00:50Ah oui, c'est à ce point là ?
00:52Non, je pense qu'il y a quand même quelque chose qui ne se limite pas d'ailleurs à Donald Trump,
00:57que l'on voyait déjà un peu chez Obama, chez Trump 1, chez Biden,
01:02à savoir que les américains ont vraiment ce sentiment qu'ils ont perdu du terrain sur certains domaines qui font l'apanage de la puissance d'une économie,
01:10en particulier sur le terrain industriel.
01:12C'est un enjeu qui est tout à fait fondamental, l'enjeu va bien au-delà des seuls droits de douane,
01:17les droits de douane sont un moyen pour la restauration d'une puissance industrielle que les américains ont perdue,
01:23avec tous les dommages sociaux que cela occasionne.
01:25Il semblerait qu'une cinquantaine de pays aient pris contact avec Washington pour négocier, ça veut dire quoi ?
01:30Ça se passe comment ce genre de choses ?
01:31Ce genre de choses c'est quand même très feutré en général, ce qui n'est pas tout à fait le mode de fabrique du président américain,
01:37donc c'est aussi une idée de mettre un peu la pression,
01:40soyez les premiers à négocier avec nous et vous serez les mieux servis,
01:43donc l'idée est quand même de sortir assez rapidement de cette ornière,
01:47parce que les américains voient très bien ce qui est en train de se passer,
01:50ils savent que ça va être des effets délétères, on entre dans un jeu de négociation,
01:53il faut voir ces annonces de droits de douane comme une entrée sur cette table de niveau.
01:57Alors, Denis Ferrand, je pense que beaucoup d'auditeurs se posent la question,
02:00l'épargne des français est-elle menacée d'une quelconque façon ?
02:03L'épargne des français, non, elle n'est pas menacée,
02:07l'épargne de ceux qui avaient investi en bourse au moment où on était au plus haut,
02:11quand l'indice CAC 40 est monté à plus de 8000 points,
02:14actuellement, oui, elle est tombée à 6900 points,
02:18donc oui, ceux qui étaient investis sur ce type de titres peuvent être inquiets,
02:22mais ils ne constateront de perte qu'à partir du moment où ils vendront.
02:25Et donc, dans ces moments-là, il faut rester assez serein,
02:29il faut rester calme, enfin serein, c'est compliqué,
02:31il faut rester calme, ne pas céder à la panique,
02:33et attendre que les choses se rétablissent, qu'on retrouve un petit peu d'horizon.
02:38Mais alors, pourquoi autant de gens le font, puisqu'on le sait tous, qu'on devrait rester calme ?
02:41Parce que ce ne sont pas tellement les gens qui interviennent,
02:44ce sont des acteurs de marché financier,
02:46et les acteurs des marchés réévaluent la valeur des entreprises
02:50au regard de nouvelles circonstances économiques qui ont quand même sacrément changé.
02:54Et les marchés n'aiment pas du tout le cocktail que l'on a actuellement,
02:58à savoir une entrée de l'économie américaine dans une zone qui est proche de la récession,
03:02c'est quelque chose qui est de plus en plus perçu,
03:04et avec, en plus, de l'inflation.
03:06Si vous avez peu de croissance et de l'inflation,
03:09vous aurez une montée des taux d'intérêt,
03:11et ça, ce n'est pas quelque chose que les marchés aiment beaucoup.
03:13Alors, certains de ses propos font peur, ou en tout cas stupéfient,
03:16je le cite, il appelle à ne pas se montrer stupide,
03:18alors qu'il provoque lui-même, en fait, la tempête.
03:20Avant l'ouverture de Wall Street, il a publié une sorte d'incantation,
03:23« Ne soyez pas faibles, soyez forts, courageux, et patient, la grandeur sera au rendez-vous. »
03:28Je vous avoue, quand j'ai lu ça, j'étais encore plus inquiet, moi.
03:30Et c'est peut-être fait exprès, non ?
03:33Oui, mais je pense que c'est aussi parce que cela renvoie véritablement
03:36à l'objectif sous-jacent qui est recherché.
03:39C'est qu'en réalité, il y a vraiment l'objectif de parler
03:42à ce qui a été, jusqu'à présent, plutôt laissé de côté dans l'économie américaine,
03:46à savoir ce que les Américains appellent « Main Street », la rue principale.
03:50C'est-à-dire que Wall Street a été bien servi pendant les dernières années,
03:54maintenant, c'est à Main Street qu'il faut parler,
03:56et redonner du pouvoir d'achat, redonner de l'emploi,
03:59au travers de ce type de politique.
04:01Sait-on vraiment ce qu'il fait ?
04:03Parce que là, ces récents propos, on connaît l'aspect du personnage,
04:07mais on avait l'impression qu'il était au stade du gourou et des invocations, quand même.
04:11Il y a de ça ?
04:13Oui, probablement. On est effectivement dans le registre de l'incantation.
04:17Et parce qu'il veut mettre la pression sur le fait qu'il faut venir s'installer aux États-Unis,
04:22mais parce qu'on est actuellement, si vous voulez,
04:25on a un enchaînement de carottes et de bâtons.
04:28La carotte, c'était celle qui a été ouverte par Biden, avec des subventions.
04:32Venez vous installer aux États-Unis et vous serez très subventionné pour pouvoir le faire.
04:36Le bâton, c'est le droit de douane.
04:38Le droit de douane, c'est si vous ne venez pas chez moi,
04:40je vous taxe si vous voulez vendre des produits sur le territoire américain.
04:44Venez produire depuis chez moi et vous n'aurez pas de taxe.
04:46L'étape suivante, ce sera une autre carotte,
04:48ce sera la dépréciation du dollar,
04:50parce que si vous êtes un investisseur étranger,
04:52si la monnaie, le dollar se déprécie,
04:54alors vous n'avez plus intérêt à acheter aux États-Unis.
04:56La Deutsche Bank affirme qu'il s'agit du plus grand choc pour le système économique
05:00depuis l'effondrement de Bretton Woods en 1971.
05:03Accessoirement, si vous voulez nous rappeler ce qu'étaient les accords de Bretton Woods,
05:06je suis assez d'accord.
05:07Les accords de Bretton Woods établissaient un mode de fonctionnement des économies
05:11sur leur parité monétaire.
05:13Une forme d'harmonie.
05:15C'était une forme d'harmonie et on avait un équilibre financier.
05:18Il faut bien distinguer les situations.
05:23On a actuellement un choc boursier, un krach boursier.
05:26Quand on fait moins 15% en l'espace d'un mois,
05:28oui, c'est un krach boursier.
05:30Pour autant, on n'est pas dans une crise financière.
05:33Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de problème de liquidité entre les entreprises.
05:38Les entreprises arrivent encore à se financer,
05:40peuvent trouver des fonds sur les marchés.
05:42Si on avait à la fois une baisse boursière et un défaut de liquidité,
05:46là oui, on serait en crise financière.
05:48Mais en revanche, on est véritablement aussi,
05:50sur le mot qu'utilise la Deutsche Bank,
05:52sur un choc économique.
05:54Parce que ce que dessine Trump,
05:56c'est quand même une nouvelle organisation
05:58des systèmes de relations commerciales et économiques entre les pays.
06:01Alors justement, il se trouve que le président américain
06:03menace désormais d'imposer des droits de douane de 50%.
06:06A la Chine, si les autorités de Pékin ne renoncent pas
06:08à leur batterie de mesures réciproques,
06:10cette guerre commerciale peut-elle prendre une ampleur bien différente
06:13si ces deux superpuissances ne reculent pas ?
06:16Oui, oui.
06:18Franchement, là on entre dans la politique fiction.
06:21Parce que c'est vraiment quelque chose que l'on n'a jamais vu.
06:24Comment est-ce que les Chinois vont véritablement réagir ?
06:27Pour l'instant, pour les Chinois, ils jouent sur du velours.
06:30Parce qu'en fait, ils sont en train de rassembler autour d'eux
06:33tout un faisceau de pays qui sont quand même à peu près tous
06:35très remontés contre les Etats-Unis.
06:37On peut parler de panique boursière mondiale ce soir ?
06:39Oui, enfin vous avez vu les chiffres,
06:41ça a commencé ce matin au Japon,
06:43ça a été en Europe.
06:45Ça fait le tour de la planète.
06:47Oui, moins 15%, c'est un choc qui est extrêmement violent.
06:50Comment doit réagir l'Europe selon vous ?
06:52Est-ce qu'il faut négocier, montrer les muscles ?
06:54Est-ce qu'on en est vraiment capable quand on travaille à 27 ?
06:57Oui, on en est capable.
07:00Parce que toutes les décisions ne se prennent pas à l'unanimité,
07:03mais certaines se prennent à la majorité qualifiée.
07:05Et surtout, dans un premier temps,
07:07il faut être conscient de ses forces et penser européen.
07:09Les forces, par exemple, que l'on peut mobiliser,
07:11c'est le fait qu'on peut appliquer un droit de la concurrence
07:14vis-à-vis des acteurs des services aux Etats-Unis.
07:18Aux Etats-Unis, par exemple,
07:20Google ne peut pas avoir plus de 66% de parts de marché,
07:23parce qu'après, c'est le Royal Antitrust.
07:25En revanche, en Europe, il est à 95%
07:28sur les moteurs de recherche.
07:32Donc, on a un droit de la concurrence
07:34qui peut actionner que l'on n'a pas utilisé.
07:36Et puis, on a aussi une arme qui est très importante en tant qu'européen.
07:39L'année dernière, les Européens ont apporté 500 milliards d'euros
07:43aux Américains sous la forme d'achats de titres du Trésor,
07:46d'achats de dettes aux Etats-Unis.
07:48500 milliards, ça représentait un quart de l'ensemble
07:51de l'augmentation de la dette américaine.
07:53Donc, ils ont besoin de nous pour maintenir leur train de vie.
07:56Et c'est parce qu'ils ont un train de vie très élevé
07:58que, justement, ils ont un déficit commercial
08:00que veut combattre M. Trump.
08:02Merci d'avoir été aussi clair, Denis Ferrand,
08:04économiste et directeur général de RecScot.
08:06Dans moins de 10 minutes, une toute autre question.
08:08Comment constituer des listes électorales absolument paritaires ?
08:1170% des communes en France
08:13pourraient être concernées par cette nouvelle mesure.
08:15Elles sont assemblées en débat en ce moment même.
08:17Immersion dans moins de 10 minutes à la mairie de Faudoas.
08:19C'est dans le Tarn-et-Garonne où cette proposition
08:21s'apparente à un véritable casse-tête pour les équipes.
08:23Nous en débattrons dans quelques instants.