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Aujourd'hui, dans « Les 4V », Julien Arnaud revient sur les questions qui font l’actualité avecThierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur.

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00:00Et c'est vrai que c'est compliqué de diriger le pays et le continent même par les temps qui courent, c'est pas Thierry Breton qui est venu dire le contraire, bonjour, merci d'être avec nous.
00:09Le grand mot de la journée c'est réarmement, on peut ajouter financement, évidemment il y a une réunion à Bercy, un conseil européen à Bruxelles, à l'instant le ministre de l'économie annonce que
00:19pour financer le réarmement il va créer un nouveau fonds d'aide basé sur le volontariat, est-ce que ça vous semble être une bonne solution, une bonne piste ?
00:27Oui bien sûr, vous venez de le dire, dans une logique où enfin l'Europe prend son destin en main, a décidé de prendre son destin en main, son autonomie stratégique,
00:35évidemment au regard de ce qui se passe aux Etats-Unis bien entendu, mais aussi bien entendu de ce qui se passe sur notre flanc Est avec évidemment Vladimir Poutine
00:44qui est de plus en plus déterminé à continuer, à aller de l'avant, il ne s'arrêtera pas évidemment en Ukraine, on le sait, tous les jours aujourd'hui nous sommes victimes,
00:52tous les jours je le dis bien, nous sommes victimes d'attaques hybrides de la part de la Russie, tous les jours, je suis l'ancien commissaire chargé des affaires de défense,
00:59je peux en porter témoignage avec vous, donc évidemment il faut se réarmer, évidemment il faut donc investir, évidemment il faut donc proposer je dirais maintenant,
01:08et ça va être l'objet de la réunion qui se tient ce matin à Bercy, il faut proposer aux industries de défense les financements qui vont être nécessaires,
01:17vous savez auparavant on était dans une logique d'arsenal, donc les industries d'armement attendaient d'avoir les commandes pour ensuite investir et développer.
01:24Oui parce que c'est des projets sur plusieurs années.
01:26Et voilà, et maintenant, et bien maintenant il faut changer complètement ce paradigme et faire en sorte que les industries d'armement augmentent leur capacité,
01:33même si les commandes ne sont pas là parce qu'on sait qu'elles viendront.
01:35Ça c'est pour lancer un peu la machine, on a besoin cet après-midi de 3 à 5 milliards mais sur le budget de la défense il faut en gros trouver une cinquantaine de milliards,
01:41le président dit c'est possible sans augmenter les impôts, est-ce que vous y croyez vous ?
01:45Oui j'y crois et je vais vous dire pourquoi.
01:47D'abord on a je dirais une structure de dépense en France qui est totalement déséquilibrée,
01:54évidemment elle finance notre modèle social auquel nous sommes tous très attachés,
01:58mais ce modèle social aujourd'hui il coûte en gros un tiers de l'arrichage de la France,
02:0433% en gros sont utilisés pour je dirais notre système social, notre protection sociale,
02:11il faut évidemment la garder, la défense c'est 2%, 33% d'un côté, 2%.
02:16Et le gouvernement, enfin le président veut le porter à 3 voire 3,5%.
02:19Voilà et donc voyez-vous, sans changer, il ne faut évidemment pas changer les finalités de notre protection sociale dans son ensemble,
02:26mais on peut se dire qu'on peut peut-être travailler un tout petit peu différemment, un petit peu mieux.
02:30Un peu plus ?
02:31Si jamais, un peu différemment, un peu mieux, il faut tout mettre sur la table,
02:34ça veut dire qu'un point, 1%, passer de 33% de dépenses à 32%, vous avez ce point.
02:40Alors c'est évidemment, les points c'est beaucoup d'argent,
02:43mais c'est quand même je crois le temps aujourd'hui, ensemble, de discuter précisément de ces priorités.
02:49Alors il y a beaucoup d'argent également qui pourrait venir d'Europe, Conseil Européen,
02:52donc cet après-midi et demain votre ami, je mets des guillemets,
02:56Ursula von der Leyen veut mobiliser 800 milliards d'euros en assouplissant les règles en matière de déficit.
03:01Est-ce que cette méthode vous semble la bonne ?
03:03Il fallait commencer par ça, donc il faut s'en féliciter,
03:05parce que ça veut dire effectivement que devant l'urgence,
03:08vous savez qu'on est contraint dans les règles du pacte de stabilité de croissance,
03:11parce que c'est notre vivre ensemble, de ne pas dépasser si possible des fameux 3% de déficit,
03:15la France hélas en est loin, et aussi de contenir sa dette.
03:20Donc ces contraintes-là vont être levées, vous vous en souvenez,
03:23comme elles ont été levées à l'occasion du Covid.
03:25Alors justement sur le Covid il y a eu un grand emprunt, mais là cette option elle est écartée, pourquoi ?
03:29Non, voilà, vous mettez le doigt précisément, on commence par ça,
03:32de façon à ce que les États puissent précisément investir davantage,
03:36mais ça ne suffit pas me semble-t-il, il faut aller comme pour le Covid,
03:39il faudra aller, j'espère qu'on en discutera du reste aujourd'hui à Bruxelles,
03:43il faudra aller me semble-t-il vers une capacité de la Commission à emprunter collectivement,
03:48pour pouvoir co-financer en amont, vous voyez on disait il y a un instant
03:51qu'il faut changer le modèle économique aussi de l'industrie de l'armement,
03:53il faut pouvoir financer en amont pour faire en sorte que ces industries de l'armement
03:57travaillent ensemble et puis surtout qu'on aille beaucoup plus vite.
04:00Donc oui je pense qu'il est très important d'avoir un emprunt collectif au niveau de l'Europe
04:04pour aider et accélérer le redéploiement en Europe de notre industrie.
04:07Est-ce qu'il faut aller plus loin aussi sur la préférence européenne ?
04:09Ça semble être le souhait de la Commission, mais pour l'instant ce n'est pas tellement possible semble-t-il.
04:13Alors j'allais dire enfin, c'est un combat que nous menons,
04:16que j'ai mené moi pendant 5 ans, que la France mène,
04:18évidemment il faut arrêter cette naïveté,
04:20aujourd'hui je le rappelle pour nos téléspectateurs,
04:2263% des dépenses militaires se font aux États-Unis,
04:27donc c'est bien pour nos amis américains,
04:29mais on le voit dans les temps incertains qui sont les nôtres,
04:32on voit bien évidemment que désormais, là aussi il faut reprendre notre destin en main,
04:37on va investir l'argent des européens,
04:39mais il faut évidemment que ça profite à nos industries et à nos emplois.
04:42Donc on commence enfin à le dire,
04:44là dans les propositions il y a 65% donc au minimum des dépenses européennes
04:49qui doivent être faites à tout le moins pour des entreprises européennes,
04:53on va voir du reste si on commence à élargir un petit peu,
04:55peut-être à ceux qui nous soutiennent, on peut penser aux Norvégiens,
04:57on peut penser aux Britanniques, mais c'est un début,
05:00donc il faut s'en féliciter, moi je suis toujours pour aller plus loin,
05:03mais en tout cas il fallait passer par là.
05:05Tout ça a édué évidemment la situation en Ukraine,
05:08on a vu qu'il y avait eu les discussions Trump-Poutine,
05:10vous avez quel regard sur ces discussions parce que vu de l'extérieur,
05:13est-ce qu'on ne se dit pas que c'est Vladimir Poutine qui est en train de mener la danse
05:16et qui dicte ces conditions au président américain ?
05:18– Je crois que votre analyse est hélas partagée par un très grand nombre d'observateurs,
05:22je dis hélas parce que pour l'instant on n'a pas du tout avancé,
05:25vous vous souvenez qu'à juste titre, parce qu'il faut évidemment aller vers ça,
05:29c'est un passage obligé, Donald Trump avait convaincu Volodymyr Zelensky
05:34d'une trêve pendant un mois, donc il y avait l'une des parties,
05:40la partie qui était agressée qui avait accepté,
05:42accepté donc d'arrêter de se défendre pour peu que l'autre ne l'agresse pas,
05:46et qu'est-ce qu'on obtient ? On obtient uniquement une trêve
05:48sur les infrastructures énergétiques, mais les infrastructures énergétiques
05:51aujourd'hui en Ukraine, Vladimir Poutine, je le dis bien, écoutez-moi bien ce chiffre,
05:55il les a détruites à 80%, donc évidemment il n'y a plus rien à détruire,
05:59et la revanche c'est que pour riposter, c'était les Ukrainiens
06:04qui allaient faire des attaques nocturnes avec leurs drones,
06:06donc ça voilà, il a gagné le fait qu'on ne va plus l'embêter pendant un mois
06:09sur ces infrastructures énergétiques alors qu'il a détruit les autres,
06:11voilà ce qu'on a obtenu hier, donc il va falloir aller de l'avant, ça c'est sûr.
06:14Il le fait en plus au printemps, à un moment où on a besoin évidemment
06:17de moins de chauffage qu'en hiver, que peut faire l'Europe
06:20et que peut faire la France dans cette affaire ?
06:21Le président Zelensky viendra en France la semaine prochaine,
06:23il a dit moi je parle tous les jours au président Macron,
06:25j'ai l'impression qu'il se parle beaucoup, mais au fond ça ne mène à rien.
06:28Pour l'instant ce qui ne mène à rien c'est quand même des discussions
06:30entre Donald Trump et Vladimir Poutine, il faut bien dire les choses comme elles sont.
06:33Vous vous souvenez, si je me souviens bien, en un claquement de doigts,
06:37en 24 heures j'aurais réglé le conflit, voilà où nous en sommes.
06:40Donc l'Europe doit faire ce qu'elle a à faire.
06:43Bien sûr, on doit continuer à soutenir l'Ukraine,
06:46parce que plus elle est soutenue, plus elle sera en position de force
06:49lorsque ces fameuses discussions qu'on appelle de nos voeux viendront.
06:53Il faut que l'Europe continue à accélérer sur son réarmement,
06:56c'est ce qu'elle fait et ce sera l'objet de la réunion à Bruxelles,
06:59mais aussi la réunion à Paris pour voir comment on peut financer mieux
07:03et accélérer le redéploiement des industries européennes et françaises de défense.
07:09Il faut vraiment que nous continuions à avancer très vite,
07:12et puis je vais vous dire, il y a un moment où évidemment,
07:14on va être appelés, parce que sans nous, rien ne pourra se faire.
07:16Alors il y a un autre dossier européen très important,
07:18c'est le dossier des droits de douane, parce que là-dessus,
07:20Donald Trump est passé à l'acte avec des hausses de 25% sur l'acier et l'aluminium.
07:25Il va finir d'achever l'industrie française et l'industrie européenne, Donald Trump ou pas ?
07:31Si vous voulez, en ce faisant, il achève aussi la sienne,
07:34parce qu'à partir du moment où on met des droits de douane,
07:37je discutais hier avec des spécialistes de l'industrie automobile,
07:40qui disaient, à partir du moment où vous mettez, par exemple,
07:43les droits de douane sur l'acier, qu'est-ce qui va coûter plus cher ?
07:46L'acier qu'on importe évidemment aux Etats-Unis,
07:47les Etats-Unis doivent importer de l'acier,
07:49beaucoup d'acier, y compris pour faire leur voiture.
07:52Donc qui est-ce qui paye à la fin ?
07:53C'est les Américains.
07:54Et voilà.
07:55Et il y aura de l'inflation.
07:56Et c'est la raison pour laquelle vous voyez la déstabilisation aujourd'hui,
07:58les marchés très nerveux et le fait qu'on commence même à parler,
08:01on commence même à parler de récession aux Etats-Unis.
08:03Et sur la riposte européenne,
08:05vous avez entendu l'augmentation aussi des taxes à partir du 1er avril
08:09et puis il y a eu, en menace en tout cas de rétorsion,
08:12peut-être 200% de hausse de taxes sur les alcools et spirituels,
08:15notamment français.
08:16Est-ce que la Commission s'est très mal débrouillée là-dessus ?
08:18Même François Bayrou parle de maladresse.
08:19Bon ben là, il faut maintenant revoir ses listes.
08:21Les listes de rétorsion étaient des listes qui avaient été élaborées en 2018,
08:26parce qu'on ne s'en souvient peut-être pas,
08:28mais c'était déjà Trump 1 qui avait mis ses taxes de 25%
08:31sur l'aluminium et sur l'acier en 2018,
08:34et en rétorsion, on avait mis une liste.
08:36Bon, après ça, sous le président Biden, on s'est dit,
08:39on arrête, on essaie de voir comment trouver des accords.
08:42On n'a pas trouvé d'accord,
08:43donc c'est finalement le statut quoanté qui vient de disparaître
08:47et on est maintenant dans la logique, on a été en 2018,
08:49oui, vous avez raison, il faut peut-être revoir un petit peu,
08:52rebalayer les listes de rétorsion qui ne sont plus aujourd'hui
08:55ce qu'elles étaient il y a 7 ans.
08:57Et sortir notamment le bourbon du Kentucky,
08:59parce que c'est de là que tout vient.
09:00Ça serait peut-être une idée.
09:01Exactement, merci Thierry Breton.

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