Le conclave sur les retraites a implosé. Et maintenant, que fait-on ?
Regardez l'analyse de Bernard Vivier, directeur de l'institut supérieur du travail et spécialiste des relations sociales.
Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin avec Jérôme Florin du 20 mars 2025.
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00:00RTL, au coeur de l'actu.
00:04Il est 6h15, excellent début de journée à vous qui nous écoutez.
00:08Au coeur de l'actu ce matin, les discussions sur les retraites qui prennent l'eau
00:11puisque le conclave, pour reprendre le mot de François Bayrou, est en train de disparaître progressivement.
00:16Puisque hier soir c'est la CGT qui a claqué la porte, apparaît Force ouvrière et l'organisation patronale U2P.
00:22Il n'y a plus grand monde autour de la table. Bonjour Bernard Vivier.
00:25Bonjour.
00:26Vous êtes le directeur de l'Institut supérieur du travail.
00:28Merci d'être avec nous ce matin.
00:30Qu'est-ce que vous dites ? Quel dommage, quel gâchis, on aurait pu trouver une solution ?
00:34Alors vous dites que tout ça c'était du vent et que de toute façon il était impossible de revenir à un âge de départ de 62 ans.
00:40Ce n'est pas un gâchis, ou plus exactement ce n'est pas encore un gâchis, mais on s'en rapproche.
00:47Vous venez de le dire, il y a trois organisations, et non des moindres, qui viennent de se retirer.
00:52Force ouvrière, dès le lendemain de l'ouverture, en disant c'est une mascarade.
00:56Ensuite l'U2P, le 18 mars, et puis hier la CGT.
01:01Donc trois organisations syndicales qui disent nous sommes dans une situation qui ne nous permet pas de discuter entre nous de l'avenir des retraites,
01:11donc nous nous analons.
01:12Et c'est un gâchis, mais c'est un gâchis en partie seulement parce qu'il y avait, je le dis déjà un peu au passé,
01:20dans ce conclave tel qu'il est actuellement, une belle opportunité de redonner de l'autonomie aux partenaires sociaux, patronat et syndicats,
01:28par rapport à l'État, la puissance publique.
01:30Or le Premier ministre a gâché la possibilité en intervenant sans arrêt dans le contenu des débats,
01:37alors qu'il avait promis ne pas se mêler de ces débats.
01:41En disant 62 ans ce n'est pas possible, c'est ce qu'il a dit dimanche, c'est aussi votre avis ?
01:46Oui, ce conclave est une bonne idée, répétons-le, parce qu'il établit une possibilité pour patronat et syndicats de discuter entre eux de ce qui les regarde.
01:57N'oublions pas qu'en novembre dernier, des accords ont été signés sur l'emploi des seniors, sur l'assurance chômage,
02:04et que quand patronat et syndicats discutent entre eux sans intervention de l'État, ils gèrent bien.
02:10Les retraites complémentaires sont gérées par eux.
02:13L'assurance chômage fait partie du cercle, du champ de leur activité.
02:19Mais là le débat c'était à quand partons à la retraite ?
02:26Pour vous c'est un débat lunaire aujourd'hui dans un contexte où on cherche de l'argent partout ?
02:30Oui, c'est un débat lunaire parce que la situation si elle reste sur la question des 64 ans, c'est bloqué.
02:37Pour certains les 64 ans c'est un acte de bravoure, il faut même travailler davantage.
02:42Pour d'autres c'est une atteinte au progrès social, il faut revenir aux 62 ans.
02:46Et donc tel qu'on vient de le dire à l'instant, le débat est bloqué.
02:50Mais partenaires sociaux, patronat, syndicats, ils savent comment fonctionne le monde du travail.
02:55Ils savent négocier entre eux.
02:57Il n'y a pas de posture politique véritablement entre eux quand il s'agit d'améliorer le marché du travail et les retraites.
03:03Et là ils auraient trouvé vraisemblablement d'autres pistes.
03:07La CFDT l'a dit, d'une certaine façon le conclave est mort, vive le conclave.
03:11La CFTC, la CFECGC, le MEDEF cherchent encore aujourd'hui à faire de cet échec, de ce quasi-échec du conclave, un moment de rebond possible.
03:23Bon alors qu'est-ce qu'on fait maintenant Bernard Vivier une fois qu'on a dit tout ça et qu'on a acté l'échec du conclave ?
03:28Qu'est-ce qu'il faut faire ? Les gens qui nous écoutent ils disent quoi ?
03:31Il va falloir travailler plus longtemps, 67 ans comme le propose par exemple Edouard Philippe.
03:35Il va falloir quoi ? Changer de système ? Qu'est-ce qu'on fait ?
03:38Alors on ne peut pas changer de système, le système actuel c'est le système par répartition,
03:43c'est-à-dire les cotisations des actifs d'aujourd'hui payent les retraites des retraités d'aujourd'hui.
03:49On pourrait envisager une retraite par capitalisation, ça demanderait énormément de temps et ce n'est voulu par personne à ce jour,
03:57même si certains peuvent envisager un petit bout de cette retraite par capitalisation.
04:04Pour vous ce n'est pas la solution ? Parce qu'il y a des économistes qui le disent, même des politiques,
04:08ils disent aujourd'hui on voit bien qu'on est au bout d'un système.
04:11Oui mais il n'est pas impossible de conserver le système actuel qui demande quoi ?
04:18Un retour à l'équilibre financier, c'est un enjeu important, c'est la dimension économique des choses,
04:24n'oublions pas aussi la dimension politique.
04:26Mais comment on fait ? Parce qu'à chaque fois on remet des rustines, on rajoute un an, deux ans,
04:30personne n'est content, on avance comme ça mais on va aller jusqu'où ?
04:33On va aller jusqu'à ce que le système implose et c'est la raison pour laquelle il faut travailler sur d'autres sujets.
04:41Alors on peut réduire les pensions, ce n'est pas politiquement très habile,
04:46on peut augmenter les cotisations, ça pèse sur les salariés qui cotiseraient davantage,
04:52sur les entreprises dont la compétitivité serait dégradée.
04:55La seule réponse possible, elle est très dure à dire mais il faut la dire, il va falloir travailler davantage.
05:01Travailler davantage, ça ne veut pas dire forcément relever l'âge de départ à la retraite.
05:07Ça veut dire travailler plus dans la semaine ?
05:09Ou dans la vie, ce qui permet de penser que l'âge de départ peut être calculé en fonction du temps que l'on a mis dans sa vie à travailler.
05:20Et donc la question de l'âge du départ n'est pas le point fixe autour duquel on doit réfléchir.
05:28Travailler davantage, c'est en quelque sorte installer la retraite par points.
05:33Que voulaient d'ailleurs la CFDT, la CFTC, Emmanuel Macron en 2017, François Bayrou en 2024,
05:41mais pour l'instant le débat n'est pas sur cette retraite par points,
05:45qui demanderait d'ailleurs du temps pour se mettre en œuvre,
05:49mais il va falloir par rapport à d'autres pays européens qui travaillent beaucoup plus dans la vie que nous,
05:55il va falloir travailler davantage. C'est dur à dire, mais c'est ainsi.
05:58Travaillez plus et vous le dites ce matin sur RTL, Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail.
06:03Merci beaucoup et bonne journée.