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C'est l'événement de cette journée : Vladimir Poutine affirme soutenir une trêve devant conduire à une "paix durable". Comme toujours en pareilles circonstances, chaque terme mérite d'être analysé. Écoutez l'analyse de Bruno Tertrais. géopolitologue, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique et expert associé à l'Institut Montaigne.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 13 mars 2025.

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00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:04Il est 18h17, bonsoir Bruno Tertrais.
00:06Bonsoir.
00:07Merci infiniment de nous rejoindre sur RTL, vous êtes géopolitologue,
00:10directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique
00:13et expert associé à l'Institut Montaigne.
00:15C'est donc l'un des événements de cette journée, Vladimir Poutine affirme soutenir
00:19une trêve devant conduire à une paix durable.
00:22Comme toujours en pareille circonstance, chaque terme mérite d'être analysé.
00:25C'est une étape importante Bruno Tertrais ?
00:28C'est une étape symboliquement importante mais pour l'instant absolument rien n'est fait.
00:32Vladimir Poutine fait du Vladimir Poutine, à savoir qu'il dit oui
00:36et derrière ce oui il y a en fait des conditions.
00:39Il nous dit qu'il veut que les causes profondes, je le cite,
00:43de la guerre soient adressées, soient traitées.
00:47Donc pour l'instant en fait c'est un non.
00:49La question est de savoir si ce non va être discuté par Donald Trump,
00:56si Donald Trump va demander des concessions à l'Ukraine pour que la Russie dise oui
01:01ou si Donald Trump va faire pression sur la Russie.
01:04Donc pour l'instant on en est là.
01:06Est-ce qu'on peut dire qu'il secoue quand même le cocotier,
01:08même si l'expression n'est pas très élégante ?
01:10J'essaye de comprendre la nature de son intervention, vous comprenez ma curiosité ?
01:15Au contraire ce n'est pas un cocotier, c'est plutôt un baobab totalement inamovible.
01:21Il reste fidèle à lui-même, c'est-à-dire qu'il attend de voir jusqu'où son interlocuteur,
01:28ses interlocuteurs peuvent pousser, peuvent éventuellement céder,
01:33et il verra après.
01:34Mais il n'est pas pressé Vladimir Poutine, ça c'est très clair.
01:37Ce qui est intéressant c'est que du coup les Ukrainiens apparaissent beaucoup plus
01:40qu'il y a une semaine ou qu'il y a même trois jours,
01:43comme ceux qui sont prêts, non pas forcément à la paix,
01:47en tout cas la paix est sous condition, mais en tout cas à la trêve.
01:50Donc la balle est véritablement dans le camp de Vladimir Poutine,
01:53mais pour l'instant il s'assied dessus.
01:55Alors il conditionne tout cela au développement de la situation sur le front,
01:58ça veut dire quoi ? Tant que son armée avance et gagne du terrain ?
02:01Oui bien entendu, mais j'allais dire qu'il y a quand même une question qui se pose,
02:05c'est que est-ce qu'il veut attendre que la Russie ait recouvré
02:09l'intégralité de son intégrité territoriale ?
02:12Vous savez qu'effectivement l'armée russe repousse l'Ukraine sur le saignant de Koursk,
02:17la petite poche de territoire que l'Ukraine contrôlait,
02:19sans qu'on sache très bien si l'Ukraine a décidé volontairement de se replier
02:25pour faire plaisir aux Etats-Unis, pour montrer que l'Ukraine est de bonne volonté,
02:31ou si l'Ukraine est véritablement en difficulté parce qu'elle essaye quand même de tenir cette poche.
02:37Je n'ai pas de réponse ferme à cette question,
02:39mais je pense quand même que l'Ukraine a abandonné depuis longtemps
02:43de conserver la poche de Koursk jusqu'à d'éventuelles négociations de paix.
02:47D'accord. Le président russe, il nous parle de la fin des combats
02:50ou de la fin de la guerre au moment où nous parlons ?
02:52Le président russe a toujours parlé de la fin de la guerre.
02:55Vous savez, la guerre n'aurait pas eu lieu si l'Ukraine avait été dénazifiée,
02:59démilitarisée et aurait renoncé à entrer dans les institutions occidentales.
03:04Non, il parle des deux sur le principe, sur le papier.
03:07Il a toujours dit qu'il était prêt à la paix, évidemment,
03:10comme tous les bons hommes de guerre de son acabie.
03:15Mais restons-en aux faits.
03:18Ce qui est en discussion aujourd'hui, c'est une trêve de 30 jours
03:22pouvant déboucher sur un accord de paix.
03:25En 30 jours, j'avoue que je suis extrêmement sceptique,
03:28mais ça n'est pas du tout, du tout, du tout la fin de la guerre.
03:31Vladimir Poutine affirme que les troupes russes progressent
03:34dans pratiquement tous les secteurs du front en Ukraine.
03:37Est-ce que c'est bien le cas et est-ce qu'on peut le confirmer ?
03:39Ce n'est pas tout à fait vrai, c'est même en grande partie faux.
03:43C'est vrai que la Russie progresse en Russie, en Russie,
03:46c'est-à-dire encore une fois au nord-est, dans la petite poche de course
03:49qui est le territoire russe incontesté.
03:52On ne peut plus dire que la Russie progresse vraiment au sud-est
03:57ou en tout cas, c'est extrêmement lentement et avec un coût humain
04:01absolument phénoménal puisque ces derniers mois,
04:03c'était plus de 1000 hommes tués par jour.
04:06Donc, on ne peut pas dire que la Russie recule, c'est certain,
04:09mais on ne peut pas dire véritablement qu'elle progresse non plus.
04:12Le nombre de morts dans son armée a visiblement jamais été un problème pour lui ?
04:16Non, mais de toute façon, la mort pour un président russe comme Poutine,
04:21c'est une glorification de la vie.
04:23Je cite certains idéologues autour de lui.
04:27Aujourd'hui, la Russie s'est transformée en une gigantesque machine de guerre.
04:32La seule véritable économie de guerre en Europe, sur le continent en tout cas,
04:36c'est la Russie et Poutine ne peut plus avancer que par la guerre.
04:41C'est pour ça que même si on arrivait à une trêve,
04:44même si on arrivait à une sorte de cessez-le-feu-durable,
04:47je ne parle pas de la paix qui est impossible avec Poutine,
04:50de toute façon, il sera obligé de continuer à faire la guerre.
04:54Il ne peut plus s'arrêter désormais.
04:56Alors, parlons des Américains ou en tout cas, c'est lui qui en parle.
04:59Il remercie Donald Trump. Pourquoi ?
05:01Donald Trump qui ce soir affirme que Poutine a fait une déclaration
05:04très prometteuse mais incomplète. Qu'est-ce que ça veut dire ?
05:07Ça veut dire que, bien entendu, Poutine a tout intérêt à flatter Trump
05:12parce qu'il faut toujours flatter Donald Trump et il n'allait pas non plus l'envoyer paître.
05:17C'est tout à fait logique.
05:20Que Trump, en retour, dise que c'est une déclaration constructive,
05:24c'est tout à fait normal aussi mais en diplomatie, ça ne veut rien dire.
05:28Ça veut dire que vous ne m'avez pas claqué la porte au nez.
05:30Encore une fois, ce qui va être très intéressant de voir dans les jours qui viennent,
05:34c'est l'attitude de Trump lorsqu'il aura parlé à Poutine,
05:37lorsque Américains et Russes se seront parlé, comme c'est le cas d'ailleurs actuellement,
05:41à l'heure où nous parlons à Moscou.
05:44Et on verra si Trump souhaite faire pression en retour sur l'Ukraine.
05:49L'Ukraine dira mais attendez, nous on s'est mis d'accord avec vous,
05:52une trêve sans conditions.
05:55Si la Russie dit qu'il faut des conditions, ce n'est plus du tout le même jeu.
06:00Et il n'est pas impossible parce que Trump, nous le savons,
06:02nous le voyons tous les jours, est quelqu'un qui change d'avis très facilement
06:06et qui peut taper sur ses amis anciens ou nouveaux extrêmement facilement.
06:11On verra donc si Trump décide, dans le cas d'une obstruction russe,
06:16d'essayer de faire pression sur la Russie en utilisant des leviers qu'il a encore,
06:22des leviers économiques, financiers, commerciaux, non pas de commerce direct.
06:26Mais par exemple, je pense à tout ce qu'on appelle la flotte fantôme russe,
06:29à savoir ces pétroliers qui naviguent illégalement pour exporter du pétrole russe.
06:34Bref, Trump a encore des cartes à jouer vis-à-vis de Poutine s'il décide de les jouer.
06:38Alors, il faut s'attaquer aux causes profondes de cette crise, nous dit Vladimir Poutine.
06:42Il parle de quoi ? C'est une forme de menace ? On peut aussi l'interpréter comme ça ?
06:46Non, ce n'est pas véritablement une menace.
06:48C'est tout simplement un retour aux positions que Poutine a tenues depuis littéralement l'été 2021.
06:56Je vous rappelle que Poutine écrit de sa main en juillet 2021
07:00que la souveraineté de l'Ukraine ne peut pas se concevoir sans la Russie de manière indépendante.
07:05Le problème, les causes profondes, c'est quoi ?
07:07C'est premièrement que l'Ukraine est une démocratie
07:10et deuxièmement que l'Ukraine est un État qui penche plus du côté de l'Europe et de l'Occident
07:15que du côté de la Russie.
07:16C'est exactement cela, les causes profondes.
07:19C'est pour ça que je pense qu'à l'heure actuelle, si on s'en tient à la lettre de ce que dit Poutine,
07:24encore une fois, la paix est impossible.
07:26Et en cela, elle est un danger pour le président Poutine.
07:30C'est un mauvais exemple, si je puis dire. On s'est bien compris ?
07:33Oui, vous avez tout à fait raison de rappeler cela.
07:36L'une des raisons pour lesquelles Poutine, qui est un dirigeant russe paranoïaque,
07:41quand on est dirigeant russe et en plus ancien du FSB, le service de renseignement,
07:46on est doublement paranoïaque.
07:48Il est tout à fait possible qu'il craigne véritablement cette contagion démocratique vers la Russie
07:53et c'est pour ça que depuis 20 ans désormais, chaque fois qu'il y a des mouvements d'autonomisation
08:00des voisins de la Russie et encore pire, de libéralisation et de démocratisation,
08:06il fait tout pour savonner la planche de ces mouvements parce qu'il craint,
08:10vous avez encore une fois raison de le souligner, la contagion démocratique.
08:13Avant de nous séparer, et ce sera ma dernière question, est-ce qu'on vient de tourner une page ?
08:19On vient de tourner une petite page d'un livre qui est déjà vieux de plusieurs centaines d'années,
08:25les relations complexes entre l'Ukraine et l'Empire russe.
08:29C'est un moment symbolique mais on ne peut pas dire que nous nous sommes rapprochés de la paix aujourd'hui.
08:35Nous sommes moins loin d'un cessez-le-feu temporaire que nous ne l'étions il y a une semaine
08:41mais nous sommes toujours aussi loin de la fin de la guerre.
08:44Merci infiniment de votre éclairage et de vos analyses Bruno Tertrais,
08:47géopolitologue et directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique,
08:50expert associé à l'Institut Montaigne.
08:53Il est 18h26, dans un instant, les toutes dernières informations avec notre journal de 18h30.
08:58Puis dans RTL Insignes, nous vous parlerons des Covid longs, pardonnez-moi.
09:02Ils sont au moins 300 000 en France à souffrir des séquelles à long terme engendrées par le coronavirus,
09:085 ans après la crise sanitaire et ils manifestaient.
09:11Aujourd'hui à Toulouse, nous serons sur place dans une petite dizaine de minutes.
09:14Agnès Bonfillon et Yves Kelvin.

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