Dans son édito du 09/03/2025, Jules Torres revient sur le discours d'Emmanuel Macron.
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00:00Emmanuel Macron veut faire peur, ce n'est pas mon constat,
00:03ce n'est pas un lapsus, ce n'est pas une maladresse,
00:04mais c'est un calcul, une stratégie revendiquée, théorisée,
00:08presque assumée comme un art du commandement.
00:10Pas une rumeur, mais une déclaration assumée
00:12par l'entourage du président de la République.
00:14C'est écrit noir sur blanc dans le journal du dimanche ce matin.
00:18Faire peur, deux mots comme un programme politique,
00:20un mode opératoire, une arme, le président mise sur la surenchère.
00:25Officiellement, il martèle depuis sept ans que l'Europe
00:27ne peut plus compter sur les États-Unis pour sa défense.
00:29Il serait, à l'entendre, un prophète de la souveraineté militaire,
00:33prêchant dans le désert européen sur l'envoi de troupes
00:35françaises et européennes en Ukraine.
00:38Mais voilà que soudain, le général Macron aurait convaincu
00:40les 27 autres chefs d'État européens.
00:42Bon, c'est oublié Viktor Orban qui a bloqué les conclusions sur l'Ukraine.
00:46C'est oublié Georgia Melanie qui est opposée à tout déploiement
00:48des troupes européennes à la frontière russe.
00:51Des détails, sans doute pour Emmanuel Macron,
00:52qui persiste et signe sur enchères assumées,
00:55y compris Félix Avadimir Poutine.
00:57Quand le maître de Kremlin le compare à Napoléon,
00:59Macron le renvoie à un impérialisme révisionniste,
01:02provocateur, va-t-en-guerre, pyromane.
01:05Là encore, l'Élysée ne bronche pas.
01:06Si Vladimir Poutine l'a visée directement après son allocution,
01:09c'est bien qu'il a tapé juste sous son entourage
01:12avant d'enfoncer le clou.
01:13Poutine ne comprend que le rapport de force.
01:15Lui laisser un pouce de terrain, c'est le voir avancer d'un kilomètre.
01:18Désormais, à chaque menace du Kremlin,
01:19Emmanuel Macron répliquera et sans attendre.
01:22Ce point vous a interpellé, Jules.
01:23Ben oui, Vladimir Poutine ne comprend que le rapport de force.
01:27Il incarne un impérialiste révisionniste.
01:29Des mots forts, des mots crus, très bien.
01:32Mais pourquoi Emmanuel Macron ne l'applique-t-il pas
01:34avec la même logique avec l'Algérie ?
01:36Un autre régime qui lui aussi ne comprend que le rapport de force.
01:40Il ne s'agit pas de comparer les conflits, bien évidemment,
01:42mais de pointer une contradiction éclatante.
01:44Face à Poutine, Macron tonne.
01:46Face à Théboune, il se tait.
01:47Et pourtant, l'Algérie ne nous fait-elle pas la guerre au quotidien ?
01:50Propagande antifrançaise,
01:52déstabilisation via des pseudo-influenceurs,
01:54intimidation diplomatique
01:56et un de nos plus grands écrivains,
01:58Boilem Sansal, croupit en prison dans l'indifférence générale.
02:00Face à Moscou donc, on a bien compris qu'Emmanuel Macron,
02:03il joue à les faucons.
02:04Et face à Alger, il baisse les yeux.
02:06Même lorsque Bruno Roteio tente d'instaurer un bras de fer,
02:09l'Elysée refuse de le suivre.
02:10On a donc bien compris qu'Emmanuel Macron,
02:12il avait choisi son combat.
02:14La guerre en Ukraine est son unique boussole.
02:15C'est la seule actualité qui lui permet de rallumer
02:18un semblant d'autorité.
02:19Lui, le président structurellement impopulaire,
02:22eh bien il trouve dans l'ombre de la guerre
02:23un effet de rapport salvateur.
02:25Comme François Hollande au Mali,
02:26comme François Mitterrand lors de la guerre du Golfe.
02:29Et ça fonctionne, puisqu'un sondage IFOP publié vendredi
02:31nous indique que sa cote de popularité
02:33bondit de 7 points pour atteindre 31%.
02:36Ça reste très faible,
02:37mais c'est une belle augmentation, une éclaircie,
02:39mais qui est quand même fragile,
02:40car si 77% des Français estiment que Poutine menace la paix,
02:4465% refusent toujours d'envoyer des troupes en Ukraine.
02:47Emmanuel Macron joue donc la fermeté,
02:49mais les Français, eux, ne veulent pas aller au combat.
02:51Donc selon vous, il joue délibérément sur la peur.
02:54Oui, Emmanuel Macron, finalement, il fait du Emmanuel Macron.
02:56Ce rôle de président en état d'alerte permanente,
02:59c'est là qu'il s'épanouit finalement.
03:01Chef de guerre face au Covid,
03:02il avait gagné 13 points dans les sondages.
03:04En 2022, il a survolé la campagne présidentielle
03:07sans aucun programme, sans réel débat,
03:09en profitant du fracas de l'invasion russe
03:11pour écraser la concurrence.
03:12Aujourd'hui, on a des effets d'annonce,
03:14de la dramatisation, de la mise en scène de l'urgence.
03:17Le président joue la peur, il la nourrit,
03:19et même il l'amplifie quand il affirme
03:21que la guerre pourrait nous toucher directement.
03:24Il ne décrit pas un risque réel, pas une réalité,
03:26il orchestre un frisson.
03:27Oui, la Russie est une menace,
03:28mais une menace qui passe par les cyberattaques,
03:31par l'assassinat d'opposants,
03:32pas par des chars aux portes de l'Europe.
03:34L'armée russe, incapable de plier l'Ukraine en trois jours
03:37comme l'annonçait Vladimir Poutine,
03:38ne va pas déferler sur Paris.
03:40Les T-34 ne sont pas à Sedan.
03:42Et pendant ce temps, la menace,
03:43elle ne porte pas d'uniforme russe,
03:45mais elle se cache sous d'autres visages.
03:47Il y a plus de soldats de l'État islamique en France
03:49que de soldats du Kremlin.
03:50Il y a plus de fichés S dans nos rues
03:52que de chars russes en approche.
03:54Mais Emmanuel Macron persiste à voir la guerre
03:56là où elle l'arrange.
03:57C'est d'ailleurs ce que lui reproche son opposition,
03:59à commencer par Marine Le Pen.
04:00Se tromper de priorité,
04:02détourner le regard de l'essentiel.
04:04L'invasion n'est pas à nos portes,
04:05elle est déjà à l'intérieur.
04:07Et tandis qu'on agite le spectre de la Russie,
04:09on évite de parler des vrais périls.
04:11Et c'est ce qui arrange Emmanuel Macron.
04:13Les OQTF non exécutés, il avait promis 100%,
04:15eh bien on n'en parle pas.
04:17L'immigration hors de contrôle, on n'en parle pas.
04:19Les tablettes dans les prisons, on n'en parle pas.
04:21L'insécurité galopante, on n'en parle encore moins.
04:24Et tant d'autres sujets, bien évidemment,
04:25à commencer par le pouvoir d'achat.
04:27Emmanuel Macron, il ne combat pas la peur,
04:29on l'a bien compris, il l'exploite.
04:30C'est son dernier levier, son ultime ressort,
04:32son dernier pouvoir.
04:33Alors souvenons-nous des mots glaçants de Machiavel,
04:36celui qui contrôle la peur des gens
04:38devient le maître de leurs âmes.