Retour sur l'adaptation à l'écran par Blandine Lenoir du roman graphique Juliette, les fantômes reviennent au printemps de Camille Jourdy. Du dessin à la mise en scène, plongée dans l’imaginaire de deux artistes.
Rencontre animée par Alex Masson, critique et programmateur, le 6 février 2025, dans le cadre de la thématique Elles sont là pour rester, 10 réalisatrices aujourd’hui en France, dans le focus Blandine Lenoir.
Elles sont là pour rester :
https://www.forumdesimages.fr/elles-s...
Rencontre animée par Alex Masson, critique et programmateur, le 6 février 2025, dans le cadre de la thématique Elles sont là pour rester, 10 réalisatrices aujourd’hui en France, dans le focus Blandine Lenoir.
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00:00Donc là, il va être question de la BD avec Alex et Blandine à qui je cède la parole.
00:08Merci.
00:09Donc on va essayer de combler l'absence de Camille Jourdi, mais autant aller au point
00:15de départ qui est peut-être pas Juliette au printemps, parce que si j'ai bien suivi,
00:20vous aviez tenté une approche avant puisque vous aviez voulu, si je ne me trompe pas,
00:24adapter Rosalie Blum qui était la BD précédente de Camille Jourdi.
00:28Absolument, oui.
00:29Bonsoir.
00:30Quand j'avais lu Rosalie Blum, je l'avais contactée par Facebook et elle m'avait dit
00:36les droits viennent d'être achetés, je crois que c'était Marine Caramix qui les avait
00:40achetés et elle ne savait pas encore qui allait réaliser, etc.
00:43Donc ça s'est arrêté là et puis voilà, pour Juliette, heureusement personne n'avait
00:51pris les droits avant moi.
00:52Mais qu'est-ce qui fait du coup que cette BD-là, vous vous dites c'est pour moi, il
00:56faut que j'en fasse un film.
00:58En quoi ça résonne chez vous ?
01:00Ça ne s'est pas passé comme ça la première fois que je l'ai lue, je ne voyais pas du
01:03tout comment l'adapter au cinéma.
01:06Et puis je suis retournée et j'ai compris qu'en fait c'est une BD dans laquelle les
01:14personnages sont très bien construits dans leur psychologie, dans leur personnalité,
01:19dans leur façon de parler, mais il manquait comme des petites choses à aller chercher
01:22sous les cases pour en faire un film.
01:24La bande dessinée est absolument parfaite comme elle est, mais pour aller au cinéma,
01:28il fallait un petit peu, oui, aller gratter quoi.
01:31Et donc j'ai proposé à Camille d'insister sur certains points et elle m'a tout de suite
01:39fait confiance.
01:40Tout de suite, voilà.
01:41On va aller creuser sous les cases dès là, avec un extrait qui va peut-être rapprocher
01:46effectivement la BD de votre cinéma, donc si le premier extrait veut bien partir.
01:54Bah non, c'est moi qui ai regardé hier, oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui, d'accord.
02:01Et tu m'as encore confondu avec une poubelle, tu as dit bonjour à Juliette, Juliette, tu
02:07viens, on va à la douche, ça va, viens, viens, viens, viens, viens, viens, viens,
02:14là, t'as trop grandi, je pourrais prendre un photo pour mes dessins et t'as pas besoin
02:18d'une grosse.
02:19C'est quoi ça?
02:20C'est un bœuf.
02:21Il y a encore un moment, s'il te plaît.
02:22Oui, moi, j'en ai eu quatre.
02:23Dix châteaux forts, châteaux forts, châteaux.
02:24Bon, allez, encore un, si tu veux ton bonbon.
02:25Dix châteaux hantés, châteaux.
02:26Bonjour, Juliette.
02:27Ça va?
02:28Moi, je préfère un guépic et très, très beau.
02:29Ton flan.
02:30Ah bah merci, tu vois, ça me fait plaisir parce que c'est les premiers au chocolat.
02:31Tiens, tu seras là pour l'anniversaire de Gaby?
02:32Oui, ça, c'est bien.
02:33Ça, c'est bien, ça, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est
02:34bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien,
02:41c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est
02:46bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est
02:50bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est
02:53bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est bien, c'est
02:57Vous restez dîner ? Non, non, non
02:59Et les enfants, frites ou nouilles ?
03:00NOUILLES !
03:04Alors, c'est un extrait qui à l'air anodin comme ça, sauf que, alors c'est peut-être
03:08que moi qui calque des choses, mais ça sera à vous de me contredire si c'était pas le
03:11cas, mais j'ai l'impression que ça ressemble beaucoup, qu'il y a un peu de l'essence de
03:15vos films, à savoir des films très peuplés, à savoir des films sur la famille et à savoir
03:20sur des films sûrs, parce qu'on voit sur le regard de Juliette donc Isela Higlana,
03:25de comment est-ce qu'on trouve sa place dans la famille. Et j'ai l'impression au cinéma,
03:29souvent, il n'y a pas que ça, mais c'est quand même quelque chose qui revient régulièrement.
03:34Oui, oui, je crois que la famille, c'est l'endroit le plus sécurisant et le plus
03:40déstabilisant et insécurisant. Donc, c'est un sujet infini. Mais c'est intéressant cet
03:50extrait parce qu'il y a des répliques qui sont exactement les mêmes que dans la bande dessinée.
03:54En même temps, j'ai rajouté le chat qui fait le bordel en tombant. Et puis surtout,
04:01le personnage du mari de Marie-Lou, dans la bande dessinée, il est beaucoup plus éteint. Et là,
04:06j'en fais vraiment un homme qui essaie que sa femme l'aime un peu, qui est plutôt un homme
04:14très tendre et plein de bonne volonté. Ce sont des scènes très compliquées à mettre en scène,
04:21ça ne paraît pas comme ça, mais comme il y a beaucoup de personnages et beaucoup d'interactions,
04:24donc c'est assez laborieux à mettre en place. Et après, c'est très réjouissant à faire.
04:31Mais avec quelque chose en plus, qui est justement ce côté de l'ordinaire. Ce que vit Juliette et
04:37les personnages dans le film sont des choses qui ne sont pas si ordinaires que ça. Mais il y a un
04:41côté aussi qui est là, assez présent dans vos films, qui est l'idée de s'inscrire dans un
04:44quotidien de situations qu'on pourrait penser banales et qui, en fait, ne le sont pas finalement.
04:50Surtout, il y a particulièrement pour ce film où il y a plein de petits cailloux qui sont posés
04:56par rapport au tabou familial. Et donc, cette histoire de le petit garçon qui fait l'enfant
05:02mort, ça fait partie des multiples cailloux qu'on pose. Moi, ça m'amuse beaucoup de faire
05:09comme une espèce d'énigme permanente. Il y a quand même cette idée d'adapter
05:14une bande dessinée. Je ne sais pas si on va pouvoir mettre un scan à l'écran d'une des
05:17premières planches. Ça, c'est une des premières planches du film. Et ce qui est très troublant,
05:22c'est que j'ai le sentiment que cet album vous a servi autant dans le récit, dans l'histoire à
05:29trouver, mais aussi, alors pas sans servir comme un storyboard, mais presque comme un moodboard,
05:33dans la mesure où l'atmosphère de la bande dessinée se retrouve beaucoup dans le film.
05:38Mais il y a quelque chose de très troublant, c'est la similarité des décors, par exemple.
05:42Il y a des choses dans les cases, c'est vraiment une transposition des cases, notamment sur les
05:48décors, pas forcément sur les personnages, ça en reviendra après, mais sur les décors, c'est
05:52assez troublant de voir à quel point, c'est pas un décalque, mais qu'il y a une vraie perfusion
05:58entre les deux. Moi, j'ai grandi en banlieue, donc je connais très bien la banlieue, que je ne trouve
06:03pas sûr très bien racontée d'ailleurs au cinéma. Il va falloir que je m'y colle un jour. J'aime
06:08beaucoup ce que Solveig Hanspach a fait de la banlieue, on était du même quartier. Je trouve
06:17qu'il y a encore plein de choses à faire là-dessus. Et ne connaissant pas le décor de ce film,
06:23c'est-à-dire la petite ville de province où tout le monde se connaît, c'était très confortable pour
06:27moi et rassurant de m'appuyer complètement sur les dessins de Camille. Et c'est ce que j'ai demandé
06:32aux repéreurs du film, c'est de trouver une ville qui ressemble à la bande dessinée. Et c'était
06:36génial parce que jamais on ne cherche dans ce sens-là normalement. Mais effectivement, je me
06:43suis beaucoup appliquée même parfois à faire des cadres qui ressemblent à la bande dessinée.
06:47A l'inverse, sur les personnages, il y a des traits communs, mais il y a des choses qui sont
06:53assez différentes. Il y a par exemple au moins un personnage qui est très différent de la BD au
06:58film, qui est celui de Pollux. Et là aussi, on va voir un extrait pour l'expliquer.
07:06Je galère un peu sur le bec. C'est parce que c'est ton premier canard après tout.
07:13Si ce n'est pas ton premier, tu peux me faire un.
07:16Non, chacun son dessin.
07:19C'est comme ça.
07:19Tu copies pas.
07:20T'entends ça ? Incroyable. C'est une compétition d'un père.
07:27Je vais me débrouiller tout seul. Je ne m'en sors pas trop mal en fait.
07:35J'ai fini.
07:42Déjà ? Attends. Je finis. Tâche, bec. C'est bon, c'est bon.
07:50Alors Pollux, dans la BD, il ressemble à ça, ce qu'on devrait voir à l'écran bientôt.
08:06Normalement, voilà. Pour le coup, il y a un vrai changement par rapport au choix que vous
08:14faites dans le film. Mais même au-delà de ça, le choix de cet extrait-là, il n'est pas anodin
08:18non plus dans ce qu'on voit au départ, parce que vous avez choisi de donner un métier à
08:22Juliette, qu'elle n'a pas dans la BD, un métier d'illustratrice.
08:25Et ça rejoint quand même l'idée de la collaboration avec Camille Jourdit,
08:28parce que ça a été plus... Il y a un rapport d'adaptation, un rapport presque de dialogue,
08:34j'ai l'impression, entre son univers, le vôtre, ce qu'elle a mis dans le livre et ce que vous
08:38voulez mettre dans le film, qui a été là, qui a un côté de vraie collaboration sur ce film-là.
08:42Alors Pollux, dans la BD, c'est un type qui traîne souvent en peignoir, qui est un peu cracra,
08:49qui boit beaucoup, qui traîne au bar et qui est souvent ivre, et qui est très dépressif,
08:56mais un peu crado, mais qui est très drôle. Et pour Juliette, j'avais envie qu'on ait envie,
09:04avec elle, qu'elle soit charmée par ce personnage de Pollux. Donc j'avais plutôt envie de quelqu'un
09:10de très charmant, immédiatement, et avec quelque chose de très poétique, comme peut l'être Juliette.
09:16Et il se passe ce que je venais de voir à l'abordage de Guillaume Braque. Comme tout le
09:20monde, je suis tombée sous le charme de sa livre, si c'est. Et voilà, je trouvais ça intéressant,
09:26pour raconter une espèce de communauté d'âmes, comme ça un peu, pas en dépression,
09:30mais en mélancolie. C'est un film sur la mélancolie, on va dire. Je trouvais ça bien
09:36que ce soit quand même des personnages qui, dès qu'ils sourient, on est complètement dans la joie
09:44de vivre. Y compris Juliette, dès qu'elle sourit, on est quand même dans quelque chose de très
09:49lumineux. Et voilà, je ne me sentais pas de raconter un personnage comme on voit là sur la...
09:54Parce qu'il aurait été trop dépressif, dans la mesure où le film parle de ça aussi, mais
10:00effectivement amène un côté, là aussi, de dire que la dépression ça existe, que c'est compliqué,
10:05mais que quelque part, d'une, on s'en sort, et que d'autre, c'est peut-être pas forcément si grave que ça.
10:10C'est surtout qu'en bande dessinée, ça marche de passer du temps chez Pollux tout seul, puis avec
10:16Juliette toute seule, etc. Au cinéma, c'est beaucoup plus compliqué de vraiment pouvoir
10:22accompagner tous les personnages. Il y a beaucoup de personnages dans le film, déjà. Donc moi, je me suis
10:27resserrée sur la famille, c'est-à-dire Juliette, sa soeur, ses parents. Et déjà, ça fait beaucoup,
10:32en fait. Donc il y a assez peu de séquences de Pollux tout seul, finalement. Et donc il valait
10:39mieux choisir des... Voilà, moi, j'ai plutôt choisi l'histoire de ce grand homme, très impressionnant
10:45physiquement, parce qu'il est très grand, etc., qui s'occupe, avec beaucoup d'amour, d'un tout petit
10:50canard. Et c'était... Voilà, j'ai plutôt choisi cette direction-là, quoi.
10:55Mais ça pose la question du casting général. Je veux dire que les traits de caractère sont assez sensibles,
11:01similaires entre la bande dessinée et le film. Quoique, il y a un personnage, on en parlera plus tard,
11:06qui est un petit peu différent aussi. Mais il y a la question de comment est-ce qu'on choisit les
11:10personnages pour incarner, effectivement, à la fois cette complexité et en même temps ce rapport
11:14de tendresse, qui est quand même là, qui baigne un peu tout le monde. Comment ça s'est construit, le casting,
11:20de manière générale ?
11:22Ça s'est construit... D'abord, Léonard, donc le père de Juliette, est assez différent de la bande dessinée.
11:28Et je me suis inspirée... Enfin, j'ai inventé un espèce de personnage qui serait à la croisée entre le personnage
11:35que Camille Jourdi avait dessiné, ce qu'était mon père, et le père idéal que j'imagine. Donc c'est un espèce
11:42de personnage comme ça. Et j'ai tout de suite pensé à Jean-Pierre Daroussin. Et en me disant que si Jean-Pierre Daroussin
11:51ne voulait pas, je le proposerais à Jean-Pierre Bacry, qui est décédé d'ailleurs dans la foulée.
11:55Et par bonheur, Jean-Pierre Daroussin a dit oui tout de suite. Et à partir de là, après j'ai cherché Marie-Lau.
12:03Parce que c'était très important. C'est une des premières choses qui m'a donné très envie d'adapter la BD,
12:09c'est les séquences d'amour...
12:11Dont on va parler, forcément.
12:13Et donc je cherchais une actrice de 40 ans qui ait vraiment des formes...
12:19Donc pour dire l'état du cinéma français, j'ai vu 8 actrices. Pour dire à quel point on décourage toute femme qui ne fait pas du 36.
12:27Et puis une fois que j'avais trouvé Sophie Guillemin, après je me suis concentrée pour trouver Juliette,
12:36et ça a été Isia Higelin, etc.
12:39Mais le choix de Sophie Guillemin raconte aussi d'autres choses, dans la mesure où c'est une actrice...
12:43Alors je ne sais pas si à ce moment-là elle avait déjà commencé à retourner un peu,
12:47mais c'est une actrice qui avait quand même disparu pendant quelque temps, pour des raisons qui lui appartiennent.
12:52Mais il y a ce côté de la faire réapparaître quelque part.
12:56Est-ce que ça c'était aussi conscient le côté de... Justement dans cette idée,
12:59autant il y a l'idée de réparation en filmant des corps normaux, entre guillemets, au cinéma,
13:04ce qu'on ne voit pas forcément souvent, mais aussi le choix de cette comédienne-là,
13:07qui avait disparu des radars pendant quelque temps ?
13:10Non, moi je n'avais pas d'influence sur son parcours.
13:13Elle était en train de refaire des castings, je crois qu'elle avait déjà retourné un petit peu.
13:19J'étais super contente de la retrouver, oui, mais moi je ne la connaissais pas.
13:23Et comme tout le monde, j'avais vu dans L'Ennui et dans Quand Harry...
13:27Non, Harry, un ami qui vaut du bien.
13:30Mais voilà, je suis très heureuse pour elle qu'elle revienne avec un rôle comme ça.
13:37Cette idée d'adaptation-là, elle a quelque chose d'aussi qui pousse le truc un peu plus loin,
13:46mais en même temps, il y a des variations.
13:49Je pense par exemple au secret qui tourne dans le film,
13:52qui n'est pas évoqué du tout de la même manière dans la bande dessinée que dans le film,
13:57et qui quelque part dans le film est plus utilisé presque comme une espèce de twist.
14:01Il y a un côté de mystère qui flâne un peu plus que dans la bande dessinée,
14:04où la chose est en suspens, mais elle va être assez vite évoquée.
14:08Qu'est-ce qui a amené ce choix-là ?
14:09Qu'est-ce qui a amené ce choix de faire quelque part de ce mystère ?
14:11Alors, je ne dis rien pour les gens qui n'auraient pas vu le film, qui ont voulu le découvrir,
14:14mais qu'est-ce qui a amené cette idée d'en faire quelque chose qui soit presque,
14:18pas le moteur du film, mais le déclic du film ?
14:21Ça, c'est avec Moe Damlin, qui est une super co-scénariste.
14:25On a cherché à... Parce que c'est un film qui est compliqué,
14:28puisqu'il raconte quand même un espèce de...
14:30C'est d'abord une espèce de quotidien assez banal,
14:33et en même temps, il faut qu'on sente qu'il y a quelque chose qui grince partout.
14:36Dans toutes ces séquences assez anodines, ça grince de partout.
14:41Donc on s'est vraiment appliqué à tendre un fil pour qu'on ait envie de rester dans cette famille,
14:46qu'on ait envie de comprendre ce qui les traverse,
14:49et ce qui les habite tellement tous, chacun d'une façon différente.
14:56Mais voilà, ce sont des gens, sans trop en dire,
15:00en tout cas qui sont traversés par un deuil très puissant,
15:03mais personne ne le vit de la même façon.
15:05Donc ça les sépare, finalement.
15:07Voilà, donc on...
15:10Encore une fois, ce qui fonctionne dans une bande dessinée ne fonctionne pas au cinéma.
15:13Dans la BD de Camille, on peut tourner parfois dix pages sans que la narration avance.
15:19C'est juste un plaisir visuel et poétique, etc.,
15:23ce qui n'est pas possible au cinéma du tout.
15:26Ça pose quand même une autre question par rapport à une planche comme celle-ci,
15:30qui est le côté de comment est-ce qu'on distribue la parole ?
15:33Autant dans la bande dessinée, qui est quand même très parlée,
15:35que dans le film, parce que c'est un film qui parle essentiellement de non-dit,
15:39de la difficulté de dire des choses, et qui en même temps est très parlée,
15:42avec des scènes où des conversations se croisent, se superposent.
15:46Comment ça s'organise, cette idée de mettre cette apparence,
15:49et en fait, il faut creuser un peu dessous pour dire « Ah, mais il y a d'autres choses derrière ».
15:54Je crois que c'est le principe des gens qui ne se parlent pas,
15:57ils sont souvent très très bavards,
16:00à partir de commentaires sur le temps qu'il fait et ce qu'on mange.
16:04Il y a beaucoup de maisons qui sont remplies de ces phrases pas très intéressantes,
16:08et où personne ne se parle, donc c'était ça l'enjeu de la mise en scène.
16:12C'est super ça, parce que dans le film, il y a des planches entières de la bande dessinée
16:18qui sont identiques, vraiment, parce que les dialogues sont tellement bien écrits par Camille
16:23que parfois je pouvais toucher absolument à rien.
16:28C'est des séquences qui sont très compliquées à mettre en scène,
16:32parce qu'on répète beaucoup, pour voir le rythme, etc.
16:34Mais c'est très réjouissant, et je ne sais plus ce que c'était le début de la question.
16:39Non, la question de comment est-ce qu'on organise quelque chose dans un film qui est très bavard,
16:42alors qu'en fait, il parle de la difficulté de communiquer.
16:46Oui, alors surtout la différence avec la bande dessinée, c'est qu'une bande dessinée c'est silencieux,
16:51et la comédie marche beaucoup beaucoup avec le son.
16:54Moi j'adore être au bruitage, j'y suis pendant les quinze du jour.
16:57Apparemment ça ne se fait pas beaucoup, j'ai appris ça par mes bruiteurs,
17:01mais il y a vraiment moyen de rajouter beaucoup de comédie avec un son d'une fourchette et des bruits de pas, etc.
17:09Donc c'était très amusant à faire, mais après laborieux la scène du repas, c'est deux jours à table.
17:15C'est deux jours, quatorze personnes à table, donc c'est un peu laborieux,
17:19mais après ça paye quoi.
17:22Toujours sur l'idée de la collaboration avec Jordi, il y a une scène qui est très particulière,
17:27et qui révèle autre chose, et qui est très à part dans le film, qu'on va voir maintenant.
18:20Hop, ben, oh !
18:29Bouge pas !
18:31Non, non, pas dans le carton !
18:34Donc cette scène est la seule du film qui est en animation.
18:37Si je ne me trompe pas, c'est la main de Camille Jordi qu'on voit quand on voit le personnage de Juliette dessinée.
18:43Mais en quoi c'était important pour vous qu'elle s'implique ?
18:45Parce que je suppose que c'est elle qui a dirigé cette scène-là aussi.
18:48En quoi c'était important pour vous de l'impliquer à ce niveau-là,
18:51et d'ajouter cette scène-là qui, en plus, renforce le côté un peu du trauma qu'il y a dans le film,
18:57autour avec ce carton qui lui tombe dessus, qu'il y a l'idée du secret, tout ça,
19:00et qui n'est pas dans la bande dessinée non plus.
19:03Donc oui, dans la bande dessinée, Juliette n'a pas de métier,
19:06donc j'ai proposé à Camille Jordi qu'elle soit illustratrice,
19:09ce qui me permettait d'inviter, concrètement, des personnages,
19:13ce qui me permettait d'inviter, concrètement, Camille sur le tournage,
19:16vu que c'est sa main qui remplace celle d'Isia,
19:19ça me permettait de rajouter un mode de communication supplémentaire
19:25entre les personnages qui n'arrivent pas à se parler avec les dessins,
19:28où Juliette dessine ses parents, leur demande de poser pour pouvoir les dessiner,
19:33et faire ses illustrations.
19:35Donc il y a aussi un langage avec les photos,
19:37enfin ça c'est des choses qu'il n'y avait pas dans la bande dessinée.
19:41Et donc Juliette trouve un carton avec des souvenirs d'enfance,
19:45et elle ne comprend pas très bien ce que c'est que ce carton,
19:48pourquoi on a gardé des choses.
19:50Je trouvais ça bien qu'il y ait un cauchemar comme ça
19:53qui la ramène à son traumatisme.
19:56Donc quand j'ai proposé à Camille qu'on fasse animer ses dessins,
20:01elle n'était pas très très emballée,
20:03elle trouvait ça très bizarre, elle avait peur que ce soit moche.
20:07Finalement je l'ai convaincue et elle est très contente du résultat,
20:11mais elle avait peur, donc elle a juste fait les dessins,
20:13puis il y a une animatrice qui s'en est occupée.
20:15Donc tout comme moi, Camille a découvert le film au bout de deux mois et demi,
20:21trois mois de travail.
20:23Et finalement elle était super contente,
20:27mais oui elle a eu peur de ça.
20:30Je reviens sur la question du casting,
20:34parce que vous avez parlé de Juliette, de sa sœur, du mari, du père,
20:39mais il y a deux rôles aussi qui sont assez importants,
20:42qui sont la grand-mère et la mère,
20:44que vous faites jouer par Liliane Rever pour la grand-mère
20:47et Noémie Lwowski pour la mère.
20:49Là aussi ce n'est pas anodin parce qu'elles trimbalent quelque chose toutes les deux.
20:52Je crois que c'est des comédiennes qui ont un parcours dans leur vie,
20:55hors-écran et à l'écran,
20:57qui trimballent quelque chose d'une idée une de génération de femmes
21:02et d'une idée de la transmission ou de l'indépendance.
21:05Est-ce que c'était volontaire ou pas ça ?
21:08Oui, c'est-à-dire que ce sont des femmes actives,
21:18c'est-à-dire que s'il n'y avait pas d'hommes autour d'elles,
21:22leur vie serait la même.
21:23Ce ne sont pas les hommes qui décident de leur parcours ou qui les influencent,
21:27ce sont des femmes désirantes.
21:29Toutes, elles expriment leurs désirs, y compris Liliane Rever.
21:32Ce ne sont pas des objets.
21:34Ce sont aussi des femmes qu'on voit travailler.
21:40Je vous assure, vous regardez la plupart des films,
21:42les femmes n'ont pas de travail, c'est hallucinant.
21:44Elles sont juste là.
21:46On les voit au travail et s'exprimer,
21:49et avoir des corps qui sont très présents.
21:53Ce sont des actrices qui ont des corps, c'est ça.
21:56Y compris Liliane Rever, 92 ans, elle a vraiment un corps.
22:01Il y a un autre filigrane de personnages,
22:03mais qui peut paraître un peu anodin comme ça,
22:05mais je pense qu'il ne l'est pas tant que ça non plus,
22:06qui est celui des animaux dans le film.
22:08Il y a une histoire de canard qui est déjà dans la bande dessinée,
22:10mais on a vu tout à l'heure un chat qui va tomber plusieurs fois dans le film.
22:14Mais si on regarde bien le film,
22:16il y a plein d'animaux qui se baladent partout.
22:20Il y a plein de représentations.
22:22Ça raconte quelque chose, ça aussi.
22:25Ça part dans la BD de Camille,
22:28où il y avait cet amant qui se déguise en animal,
22:32et puis il y avait le chien de Pollux.
22:35Ça m'a lancé sur une piste d'animaux.
22:39J'ai eu envie d'en mettre absolument partout,
22:41et tout le monde a joué le jeu à la déco, au costume.
22:43Normalement, dans presque tous les plans,
22:45il y a un petit animal quelque part.
22:47On s'est amusé avec ça.
22:49Je ne peux pas très bien dire pourquoi.
22:52C'est la première fois où vous tournez avec des animaux.
22:55J'ai adoré ça, et je ne tournerai plus sans animaux.
22:58Déjà, scénaristiquement,
23:01c'est génial pour raconter quelque chose des personnages.
23:04Pollux, pour raconter sa grande douceur,
23:08sa solitude aussi, sa tendresse.
23:11Le voir s'occuper d'un petit canard, c'est quand même génial.
23:14Le chat qui annonce un chaos permanent dans la famille,
23:20c'est aussi très utile, c'est drôle.
23:22Et ensuite, sur le plateau,
23:24ça apporte quelque chose un peu comme quand on tourne avec des tout petits enfants.
23:27En général, quand il y a un tout petit qui arrive, ou un bébé même,
23:30tout le plateau est prêt, personne ne bouge,
23:33tout le monde parle tout doucement.
23:35On y va, moteur, action, hop, on y va.
23:37Et c'est pareil avec les animaux.
23:39Plus personne ne fait plus aucun souci.
23:42Il faut tourner.
23:44Et c'est l'animal qui a le dernier mot.
23:47C'est-à-dire que Norbert, le canard...
23:50En fait, Norbert était 20 canards.
23:52Il y avait 20 petits Norbert.
23:54Et donc, Salif plaisantait là-dessus.
23:58Des fois, je disais à les bonnes, le canard était super.
24:00Ils disaient oui, et moi ?
24:02C'est vrai qu'on est tous tellement concentrés sur cette fragilité de l'animal.
24:07Après, on avait une dresseuse qui était formidable, qui était super.
24:11Ça crée des ambiances vraiment très douces, très agréables.
24:16Vous parliez de l'amant.
24:18Ça tombe bien, on va le voir, j'allais dire, en action.
24:22Tu parles, c'est plus des seins tellement il se casse la gueule.
24:29Tes fesses me rendent fou.
24:31C'est bien, t'es pas difficile.
24:36C'est simple, si j'étais toi, je me caresserais toute la journée.
24:47T'es beau comme ça.
24:51Arrête ça.
24:52C'est tendre, c'est doux.
24:55Arrête, arrête, arrête.
25:00Pardon.
25:02Pardon, excuse-moi, mais je déteste les guillis.
25:04J'ai horreur de ça, je supporte pas.
25:07Pardon, excuse-moi.
25:09Je t'ai fait mal ?
25:10Pardon.
25:16Je suis encore en vie.
25:18Mais bon, là, on n'a plus le temps.
25:22Je peux revenir demain ?
25:24Tu sais bien que non.
25:31Tiens, c'est pour toi.
25:35On avait dit pas de cadeau.
25:40On a jamais dit ça ?
25:42Ecoute, tu ferais mieux de trouver quelqu'un de disponible.
25:46Je voulais te faire plaisir, c'est tout.
25:48Ça me fait pas plaisir.
25:50Et là, il faut que tu y ailles parce qu'ils vont bientôt rentrer.
25:52Tu peux pas me demander de t'aimer que le mardi et le jeudi, Marilou.
25:56Mais je te demande pas de m'aimer.
25:58Super.
25:59Ça, tu vois, c'est pas toi qui décide.
26:02Tu peux pas tout décider.
26:04Y en a marre.
26:05Bah ouais, y en a marre, ouais.
26:07Ouais, y en a marre.
26:13Alors, très jolie costume de perroquet, en passant.
26:16La question de la sexualité, elle a toujours été présente dans vos cours, dans vos longs-métrages.
26:21Mais, sauf erreur de ma part, c'est la première fois que vous la montrez très frontalement.
26:26Alors, elle était dans la bande dessinée, on la voit, parce que là aussi, c'est très fidèle.
26:30Entre autres choses.
26:31Mais, c'est la première fois que vous la montrez très frontalement.
26:34Alors, elle était dans la bande dessinée, on la voit, parce que là aussi, c'est très fidèle.
26:37Entre autres choses.
26:38dans la bande dessinée, on la voit, parce que là aussi, c'est très fidèle.
26:40Entre autres choses.
26:41Mais, pour moi, c'est comme si vous étiez passée de l'oral, parce qu'on en parlait beaucoup dans vos films jusque là, à l'image.
26:48Dans mon court-métrage, Ma Culotte, avec Christine Boisson, y avait, y avait des, des, des...
26:55Voilà, une séquence de sexualité un peu ratée, quoi, mais, quand même, ça commence un peu à chauffer.
27:01Oui, comme je disais, c'est vraiment ces planches de bandes dessinées de Camille où je me suis dit
27:07« J'ai jamais vu ça au cinéma, j'ai envie de le faire ! »
27:10C'est-à-dire, quand je dis « j'ai jamais vu ça », c'est-à-dire des corps absolument pas...
27:16C'est-à-dire que souvent, au cinéma, la représentation de la sexualité, c'est des corps très jeunes,
27:21très musclés, très maigres, sans boutons, sans poils, sans cellulite, sans bourrelet,
27:27et c'est extrêmement sérieux, grave, où en gros, le gars empoigne la femme et donne des coups de bassin
27:34et tout le monde a l'air content, bizarrement.
27:37Donc là, je me suis dit, c'est des corps très normaux, c'est joyeux, ils rigolent ensemble,
27:43ou ils parlent, il y a quelque chose de très vivant.
27:47Et à la lumière du jour, et à l'extérieur quand même, c'est une serre mais on est quand même dehors,
27:53donc tout ça, ça faisait beaucoup de choses assez inédites au cinéma.
27:58Et voilà, ça fait du bien.
28:03Beaucoup de gens me disent merci à la sortie des Peugeot,
28:06parce que je crois qu'on peut plus facilement s'identifier à ces corps-là
28:11qu'à je ne sais pas qui, de très très maigres et de très très musclés.
28:16Sauf que c'est pas que joyeux.
28:18Cette scène-là, à mon sens, elle représente aussi beaucoup l'humeur du film,
28:22qui est le côté, pas déstabilisant, mais on ne sait jamais trop sur quel pied jouer,
28:27entre le côté de la tendresse, pas du tragique, mais pas si loin d'une forme de mélancolie,
28:32parce que la discussion qu'ils ont à la fin, elle est très différente de ce qu'il y a au début de cette scène-là.
28:37Ce côté pareil, là aussi, du rapport à la sexualité qui n'est pas que physique,
28:43qui passe aussi par d'autres choses, qui passe aussi par d'autres émotions.
28:46En quoi c'était important pour vous de montrer aussi ça ?
28:50C'est-à-dire que le personnage de Marie-Lou, c'est une femme qui est mère, qui aime ses enfants,
28:55mais qui n'aime pas être mère, qui n'aime pas le quotidien, qui n'aime pas la vie de couple.
29:01Donc elle a ce rapport avec cet amant qui se déguise, qu'elle a certainement presque jamais vu habillé normalement.
29:08Avec lui, c'est de la joie, c'est quelque chose de l'ordre de la fantaisie,
29:16très éloigné d'un quotidien prosaïque.
29:20D'un seul coup, lui, il arrive avec quelque chose de beaucoup plus réel, qu'elle rejette assez violemment.
29:28C'est assez facile, cette idée géniale qu'a eue Camille d'un amant qui arrive déguisé,
29:36qui permet à Bertrand Belin, là-dessus, de nous faire une musique un peu comme ça, mélancolique.
29:43On a autant envie de rire que d'être ému par ce qui se passe.
29:48J'aime beaucoup les séquences où il y a plusieurs émotions à l'intérieur.
29:51Vous avez dit plusieurs fois que le rapport à l'album se dépassait par une question de joie,
29:55mais il y a quelque chose qu'on n'a pas évoqué, qui est l'idée formelle des couleurs.
29:59Parce que là aussi, les couleurs du film sont très proches de celles de la BD,
30:04qui ont un côté très pastel, très joyeux.
30:07Ça a été quoi le travail sur ce plan-là ?
30:10Avec Marie le Garec, qui était la déco du film, on avait très envie de s'inspirer des couleurs
30:18et de l'ambiance de la BD, parce qu'on parle d'un sujet très dur.
30:23On peut quand même en parler, c'est le deuil des gens qui ont perdu un enfant.
30:28Cette façon d'aborder un sujet aussi dramatique en riant et en apportant quelque chose d'assez solaire,
30:37c'est ça qui m'a plu et on s'est appliqué à ça aussi.
30:41On va vers le printemps, c'est pour ça que ça s'appelle Juliette au printemps.
30:44Au début du film, c'est un peu grisouille, il pleut un peu, etc.
30:47Et plus on avance, plus la nature est présente à l'image, plus il y a le soleil, la lumière.
30:53On va quand même, on sort un peu du brouillard.
30:56On sort de la dépression hivernale dans laquelle on est tous en ce moment.
30:59C'était très inspirant la BD pour ça.
31:06On va terminer avec deux extraits d'affilée.
31:10Deux, parce qu'ils sont sur un personnage qui, moi, me semble très fondamental dans le film.
31:36Tant qu'il sera planté comme ça
31:40Nous n'aurons pas la liberté
31:44Mais si nous tirons tous, il tombera
31:50Ça ne peut pas durer comme ça
31:54Il faut qu'il tombe, tombe, tombe
31:58Vois-tu comme il penche déjà
32:02Si je tire fort, il doit bouger
32:06Et si tu tires à mes côtés
32:10C'est sûr qu'il tombe, tombe, tombe
32:14Et nous aurons la liberté
32:19Petit, ça fait déjà longtemps
32:24Juju
32:54Alors, ces deux scènes-là, je trouve qu'elles sont assez singulières dans le film, ne serait-ce que par leur durée.
33:13C'est peut-être les scènes parmi, notamment celle d'avant, qui est l'une des scènes les plus longues du film.
33:17A ma connaissance, dans mon souvenir, elle n'est pas dans la BD, cette scène-là.
33:21Et pour moi, elle pose une question différente, qui est la question du regard d'une fille sur un père.
33:28Et pour moi, je me dis, après tout, la clé c'est peut-être là, je me demande si ce film-là, c'est peut-être pas plus un film sur les rapports dans le sens inverse, déjà d'enfant à parent,
33:37et les rapports avec les pères et avec les hommes, plus que sur des rapports sororaux, si ce terme-là existe.
33:45Je pense que c'est les deux, parce que la relation entre les deux sœurs m'intéresse beaucoup dans le sens où, dans cette famille, on a attribué un rôle à chacune.
33:53Il y a la grande qui est forte, et puis il y a la petite qui est fragile.
33:56Et les pauvres, elles n'arrivent pas à sortir de ces rôles-là auxquels elles sont assignées depuis toutes petites, et qui habitent leur relation.
34:03Je pense que c'est très compliqué, au sein d'une fratrie, d'arriver à sortir des rôles qu'on a endossés dès notre naissance.
34:12Ça, c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup.
34:15Et là, par rapport à Léonard, ce que j'en ai fait dans le film, ce qui est différent de la bande dessinée, c'est que c'est une génération d'hommes,
34:23même si c'est pas complètement terminé, mais qui ont quand même été...
34:28On leur a vraiment expliqué qu'être virile, c'était taire ses émotions, c'était être un peu distant, c'était pas trop montrer ses fragilités, sa tendresse.
34:37C'est un homme très empêché, quoi, qui aimerait beaucoup être...
34:41Il a un geste pour sa fille, de tout le film, où il passe la main comme ça, un tout petit peu...
34:47Mais vraiment comme s'il osait pas.
34:50Et ça ne l'empêche pas de dégouliner de tendresse dans son regard.
34:57Mon père, quand il avait vu mon compagnon porter notre fille avec un porte-bébé, il avait dit...
35:04Vous avez de la chance, vous avez le droit d'être tendre, votre génération.
35:07Et ça m'avait vachement marquée, ce truc d'empêchement total, quoi.
35:11Et ce qu'il y a dans cette famille-là, ils ont choisi de communiquer par la blague, par...
35:20Ma façon de te montrer que je t'aime, c'est de te faire rire, et d'essayer de te faire rire, et que tu réponds à ma blague, et voilà, ça y est, on se comprend.
35:26Donc il y a beaucoup de vannes, pas toujours très douces à recevoir.
35:31Mais c'est une façon de communiquer des grands pudiques en général.
35:37Donc ça rejoint la bande dessinée là-dessus, quoi.
35:40Mais le Léonard de la bande dessinée est plus froid, on va dire, je crois.
35:48Il y a toujours eu des hommes et des femmes dans vos films.
35:50Mais j'ai le sentiment que ce film-là, quelque part en filigrane, il parle beaucoup plus justement des hommes.
35:56En quoi c'était important pour vous ?
35:59Pourquoi ce film-là, d'un seul coup, permet ça ?
36:02Il y a toujours eu des rapports, mais Zouzou était quand même dans un rapport plus effectivement d'une famille de femmes.
36:08Nicolas, il y avait le côté d'une communauté féminine, même s'il y avait des personnages masculins dedans.
36:12Mais là, j'ai l'impression que dans cela, il y a une épaisseur supplémentaire que vous leur donnez.
36:16Ou une attention supplémentaire que vous leur donnez.
36:18C'est grâce à Camille Jourdit, c'est-à-dire que comme dans sa bande dessinée, il y avait déjà des...
36:22Enfin, les personnages étaient très très bien dessinés, quoi, dans tous les sens du terme.
36:27Moi, toute seule, oui, je suis moins à l'aise pour dessiner des personnages masculins.
36:35Mais comme mes collègues masculins, en général, ne sont pas très à l'aise avec les personnages féminins.
36:39Là, oui, j'étais très heureuse de travailler avec autant d'acteurs et de raconter des hommes sentimentaux.
36:49C'est des hommes qui sont des femmes comme les autres, quoi.
36:52Avec une espèce d'égalité de...
36:56Je crois que je les ai abordés de la même façon, les personnages féminins et les personnages masculins.
37:01Ce qui n'était pas forcément le cas dans mes autres films, ça c'est sûr.
37:04Dans mes autres films, l'histoire avance sans eux, quoi.
37:07Là, non. Ça, c'est pas possible.
37:10Pour boucler la boucle, avant de passer le micro aux personnes dans la salle,
37:15est-ce que ça veut dire que, puisque cet album a été le déclencheur du film,
37:20qu'il fallait qu'il y ait un déclencheur extérieur, peut-être, à vous ?
37:23Est-ce que cet album-là, quelque part, il a été, entre guillemets, libérateur de quelque chose ?
37:28Qu'il vous dit, je peux m'autoriser à certaines choses que je ne m'autorisais pas forcément,
37:32en termes de narration, en termes de mise en scène, en termes de récits dans les films précédents ?
37:36Non, c'est pas une histoire d'autorisation, c'est vraiment une histoire d'inspiration.
37:39J'ai pas l'impression de m'empêcher des trucs.
37:42Mais je pense que c'est aussi, voilà, aujourd'hui que je suis mère,
37:47que j'ai connu la vie de famille, etc., où ça m'intéresse plus d'en parler,
37:51alors qu'avant, ce n'était pas un sujet.
37:57Le film choral, comme ça, j'ai déjà fait des films avec beaucoup de personnages,
38:01mais là, c'est encore différent, parce que c'est plusieurs générations.
38:04Il y a les enfants, aussi. Là, on n'a pas trop parlé des enfants,
38:07mais moi, j'ai beaucoup aimé travailler avec les enfants.
38:11Non, mais une bande dessinée comme celle de Camille,
38:14c'est un support merveilleux pour démarrer un scénario.
38:18Est-ce que ça veut dire qu'à l'avenir, il pourrait y avoir d'autres idées,
38:22d'envie d'adapter d'autres albums, ou des albums que vous avez en tête,
38:25en disant, celui-ci, ça m'intéresserait d'en faire quelque chose ?
38:29Oui, ça m'est arrivé plusieurs fois.
38:34Mais après, quand on s'y met vraiment, ce n'est pas toujours évident.
38:39Par exemple, je ne vais pas donner d'exemple, mais ce n'est pas toujours évident.
38:47Merci à vous.
38:48Merci beaucoup.
38:49Merci.