BFMTV s'est procuré trois courriers datant de 1998 et 2000, qui prouvent qu'Elisabeth Guigou, alors garde des Sceaux, avait été prévenue par le plus haut magistrat de Pau de la gravité des faits reprochés au père Carricart, alors ancien directeur de l'institution Bétharram.
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00:00Si je ne savais pas, d'autres savaient. Parce que j'affirme devant vous, et vous le vérifierez,
00:07que le procureur général, lui, a tenu informer la chancellerie sur ces affaires à quatre reprises dans l'année 1998.
00:19Quel était le gouvernement à cette époque ? C'est le gouvernement socialiste de 1997 à 2002.
00:26Le ministre de la Justice est Élisabeth Guigou.
00:35J'affirme, en tout cas, que quand j'étais au gouvernement, il ne pouvait pas y avoir un signalement aussi important
00:42sans que le ministre de l'Éducation nationale ne soit averti.
00:46Qui était le ministre de l'Éducation nationale ? C'était Claude Allègre.
00:51Qui était la ministre chargée de l'enseignement scolaire ? C'était Ségolène Royal.
00:56Alors, ce sont des accusations, la stratégie de défense de François Bayrou.
01:01Pourquoi est-ce qu'il reporte vers le gouvernement de l'époque, Guillaume Darré, alors ?
01:05Parce qu'il s'appuie sur un document, un courrier du procureur général de la Cour d'appel de Pau du 15 juin 1998
01:13que nous avons réussi à nous procurer à BFM TV, dans lequel, un courrier qui est adressé à la garde des Sceaux de l'époque,
01:20ministre de la Justice, qui est donc, effectivement, Élisabeth Guigou à l'époque,
01:23dans laquelle il évoque, très clairement, le procureur général, à destination d'Élisabeth Guigou,
01:28ce qui se passe, en tout cas, ce qui est supposé se passer à Notre-Dame de Bétarame.
01:33Il dit, au sujet d'une victime qui a porté plainte, je cite,
01:37« Il exposait, cette victime, un homme, avoir été victime d'agressions sexuelles et de viols
01:42alors qu'il était élève de l'institution Bétarame en 1987-1988,
01:49ces faits ayant été commis, selon ses dires, par le père Caricard, à l'époque directeur de l'institution. »
01:55À la fin de ce courrier, qui est daté du 15 juin 1998,
01:59le procureur général de Pau dit, dans son courrier à la garde des Sceaux de l'époque,
02:04« L'incarcération de son ancien directeur n'a pas manqué d'être relevée par les médias
02:08et de provoquer localement une certaine émotion.
02:12C'est pour cela, dit le procureur général à l'époque,
02:14c'est la raison par laquelle il m'a semblé utile de vous signaler, donc à la garde des Sceaux de l'époque,
02:18cette affaire à votre attention, je vous tiendrai informé de son évolution. »
02:23Donc on en parle avec Alexandra, je crois que c'est une procédure qui est normale,
02:26effectivement, de prévenir le ou la garde des Sceaux à l'époque,
02:29mais effectivement, ça prouve que cette information a été transmise.
02:32Est-ce qu'ensuite, la chancellerie l'a transmise ou non au ministère de l'Enseignement ?
02:37C'est des questions qui, évidemment, seront posées dans les prochains jours.
02:40– Eux, au ministère de la Justice. – Le ministre de la Justice a reçu cette lettre.
02:43– Est-ce qu'elle l'a reçue nommément ou est-ce qu'elle l'a reçue,
02:45ce sont ses services qui s'en sont occupés ?
02:47– Elle l'a reçue nommément, rien d'étonnant à cela,
02:50c'est toujours le cas à l'heure actuelle, lorsqu'il y a des affaires sensibles
02:54qui peuvent avoir un écomédiatique,
02:56qui peuvent avoir un retentissement portant sur des personnalités par exemple,
03:00les parquets généraux, qui sont les plus hauts magistrats dans leur juridiction,
03:04préviennent directement la chancellerie. Jusque-là, rien d'anormal.
03:08Par ailleurs, lorsqu'un garde des Sceaux est informé d'une instruction judiciaire en cours,
03:13il n'a pas à intervenir, et une intervention serait justement
03:17ce qu'on peut appeler d'entrave à la justice.
03:19La question qui vient désormais, maintenant que nous apprenons
03:23qu'effectivement François Bayrou n'était pas visiblement le seul
03:27à avoir été informé de violences, de viols, d'agressions au sein de Bétarame,
03:31la question qui se pose, c'est qu'ont fait ces responsables politiques ?
03:36En l'occurrence par exemple, Elisabeth Guigou a-t-elle à l'époque fait
03:40une transmission de signalement au ministère de l'Éducation nationale
03:44pour diligenter une nouvelle inspection sur cette institution de Bétarame,
03:48puisqu'on voit aujourd'hui que ces faits ont perduré jusque dans les années 2000,
03:54d'après les plaintes, des années 1950 aux années 2000.
03:58Que s'est-il passé à l'époque ?
04:00On en a combien de plaintes recensées aujourd'hui ?
04:03On est à 112 lettres plaintes, c'est-à-dire des attestations de victimes
04:09quasi exclusivement des hommes, il y a une seule femme,
04:11qui disent avoir été victime entre l'âge de 8 et de 13 ans,
04:15pour certains de violences physiques, pour d'autres de violences sexuelles,
04:18des violences sexuelles extrêmement graves.
04:20Et en 1996, il y avait eu un premier rapport qui avait conclu
04:26que ce n'était pas un établissement où les élèves étaient brutalisés.
04:31À ce moment-là, il y avait eu cette inspection effectivement
04:33qui faisait suite à une première plainte pour une gifle
04:37qui avait abouti sur une condamnation d'un surveillant.
04:40On ne parlait pas encore officiellement, en tout cas d'un point de vue judiciaire,
04:45de violences sexuelles et de viols.
04:47La première plainte pour viol est déposée en 1998,
04:51des années après que les faits aient été connus,
04:54contre l'ancien directeur, le père Caricard.
04:57À ce moment-là, il est mis en examen et placé en détention provisoire,
05:01et c'est là que la garde des Sceaux est avertie d'abord
05:05par un appel téléphonique du procureur général,
05:08puis par un courrier qu'on a pu consulter.
05:11Et huit jours après ce placement en détention provisoire,
05:15le père Caricard est remis en liberté.
05:17Et lorsqu'il est remis en liberté, il a un contrôle judiciaire,
05:20il va aller au Vatican, et deux ans plus tard, il va se donner la mort,
05:24il va se suicider, on le retrouve dans le timbre,
05:26et donc les poursuites judiciaires à cette époque-là vont s'éteindre avec lui.
05:32Et aujourd'hui, on peut aussi se poser la question de cette justice
05:35qui, à l'époque, a remis en liberté un homme qui était accusé de faits
05:40extrêmement graves sur un mineur de cet établissement, Bétharam.
05:45– Alors, dans sa réponse aujourd'hui à l'Assemblée nationale,
05:48on a entendu les noms cités par François Bayrou,
05:50Claude Allègre, qui est aujourd'hui décédé,
05:53Ségolène Royal et Élisabeth Guigou.
05:56Voilà la réponse de Ségolène Royal sur le réseau social X.
05:59C'était au cœur de l'après-midi.
06:01C'est ce qu'elle a réalisé, écrit-elle, par les attaques du Premier ministre.
06:04Voici mes instructions données dès août 1997
06:06pour lever la loi du silence et protéger les enfants.
06:08Elle envisage une action d'énonciation calomnieuse.
06:11Instructions concernant les violences sexuelles,
06:13ça c'est le lien vers la circulaire.
06:16Et puis ensuite, quelques minutes plus tard, voilà ce qu'elle écrit.
06:19Je confirme l'examen d'un dépôt de plainte pour diffamation
06:22et dénonciation calomnieuse suite aux attaques indignes d'un Premier ministre paniqué,
06:26alors qu'il sait à quel point je me suis engagé et agi
06:29pour lutter contre les agressions sexuelles sur les enfants et les violences qu'ils subissent.
06:32Il faut maintenant faire parler ceux qui gardent cet effroyable secret,
06:35sanctionner ceux qui, par leur silence, ont laissé des petites proies enfantines
06:40entre les mains des prédateurs.
06:42On a raccourci un peu le tweet de Madame Royal.
06:45Est-ce que c'est la bonne stratégie pour François Bayrou ?
06:48C'est la stratégie assez évidente de détourner l'attention vers d'autres.
06:52Là où il voit que, pour l'instant, la gauche ne voulait pas le lâcher,
06:56François Bayrou dit « Regardez d'abord votre nombril à gauche,
07:00vous avez eu vous-même des responsables politiques qui auraient pu agir et qui n'ont pas agi. »
07:06C'est en tout cas l'affirmation de François Bayrou.
07:10Maintenant, tout ça reste quand même flou.
07:12Il va falloir voir comment Elisabeth Guigou, d'abord, se justifie.
07:16A-t-elle été prévenue en personne ? Savait-elle ou pas ?
07:19Pour le moment, nous n'avons pas cette réponse.
07:22Ségolène Royal a, en plus, il est vrai, la réputation au sein du milieu politique,
07:27d'avoir été toujours assez engagée pour se battre sur ce thème
07:32des agressions sexuelles contre les enfants et des violences.
07:36Il y a quelques jours, je discutais de cette affaire avec Roselyne Bachelot,
07:39qui est pourtant à droite, et qui disait que Ségolène Royal a toujours œuvré
07:43assez ardemment pour se battre sur ces dossiers.
07:46Il faut lui reconnaître ça.
07:48Là aussi, il va falloir faire la lumière.
07:52En tout cas, François Bayrou fait quelque chose d'assez dur et violent politiquement.
07:58Aller exposer les autres à l'Assemblée nationale, devant tous les Français,
08:03en tant que Premier ministre, au sein de la représentation nationale,
08:07c'est quelque chose que tous ceux qui regardaient cette séance n'oublieront pas.
08:12Il espère maintenant s'en sortir.
08:14Il faut rappeler là aussi, très posément, que pour l'instant,
08:16on n'a pas prouvé que François Bayrou ait menti,
08:18même si sa défense a été assez catastrophique et qu'il s'est emberlé ficoté.
08:22La justice n'a pas de fait précis aujourd'hui à le reprocher.
08:26Et donc, la gauche n'a, malgré ses plaintes répétées,
08:31pas de raison extrêmement forte à ce stade pour pouvoir demander sa démission.
08:36Et d'ailleurs, elle n'est pas suivie pour le moment par le Rassemblement national.
08:39– Dans tous les cas, si François Bayrou a nommément cité Madame Royal aujourd'hui,
08:43peut-être est-ce la réponse à ce que disait Ségolène Royal vendredi dernier,
08:47c'était sur BFM TV, sur le plateau de BFM Story.
08:51– Le magistrat qui a incarcéré le directeur de cette école
08:55a été demandé en rendez-vous par François Bayrou.
08:59Donc lui, il dit très clairement qu'il a informé François Bayrou de ce cas atroce.
09:04– Ce n'était pas un crime sexuel ?
09:06– Si, c'était un crime sexuel puisque ce magistrat a donné justement
09:10une interview à Mediapart et il dit ceci, il dit,
09:14cet enfant apprend que son père est mort,
09:18donc le directeur vient réveiller cet enfant pour lui annoncer que son père est mort,
09:23qu'il doit se lever pour prendre le train pour aller aux obsèques de son père,
09:26donc cet enfant est très déstabilisé, il l'emmène sous la douche et là il le viole.
09:32Et donc quand François Bayrou entend, comme si nous on entendait une affaire comme ceci,
09:36premièrement où on fait fermer l'établissement,
09:38où on demande immédiatement une enquête sur les autres enfants
09:42pour voir s'il y a eu d'autres crimes,
09:44puisqu'on découvre que c'est un système à l'intérieur de cette école,
09:47c'est-à-dire que c'est non seulement les religieux qui violent, mais c'est aussi les laïcs.
09:51Donc tout ce petit monde se protège.
09:53– On comprend mieux la réponse de François Bayrou aujourd'hui, Bruno Jeudy.
09:57– Moi je pense qu'il faut remettre ça dans le contexte,
09:59d'abord un, François Bayrou était fortement attaqué par la gauche depuis plusieurs jours,
10:04son nom a été aussi jeté en pâture,
10:07donc finalement que les noms des gens de gauche arrivent aujourd'hui à l'Assemblée,
10:11c'est un peu, j'allais dire, la réponse qui peut arriver lorsque vous attaquez, il se défend.
10:18Deuxièmement, il y a le texte du 49.2, motion déposée par le Parti Socialiste,
10:25dans lequel ils ont inclus un paragraphe sur Bétharame,
10:31et ça, à Matignon, on ne l'a pas vraiment bien pris,
10:35et je pense que si aujourd'hui il y a eu cette contre-attaque avec ce texte,
10:41dont Guillaume a révélé la teneur, la réponse du Premier ministre,
10:46c'est vrai qu'elle pouvait peut-être éviter d'aller jusqu'à donner les noms,
10:50mais a décidé de les donner, c'est aussi parce qu'il y a ce texte du 49.2
10:56qui a fortement attaqué Matignon.
10:58Si François Bayrou a fait passer son budget grâce au Parti Socialiste aussi,
11:01donc on ne peut pas l'oublier non plus.
11:03Et puis il y a aussi, François Bayrou a été assez branlé de sa rencontre samedi
11:06avec l'association des victimes, tout ça il faut le remettre dans ce contexte,
11:09et aujourd'hui on arrive à un point fort du combat politique à l'Assemblée Nationale.