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Pour son interview d’actualité, Télématin reçoit Damien Delseny, chef du service police-justice du Parisien.

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00:00Il est 8h15. Maya, votre invitée ce matin, c'est Damien Delsenis, le chef du service police-justice du journal Le Parisien.
00:06Bonjour Damien Delsenis, merci d'être avec nous.
00:09Cette semaine, votre journal a publié en exclusivité des révélations sur l'une des plus grandes énigmes judiciaires de ces dernières années,
00:15le quadruple meurtre de Chevaline. Cette affaire avait émis le pays en 2012, vous pouvez nous rappeler de quoi il s'agit précisément ?
00:23Alors il s'agit d'une tuerie, quatre personnes qui sont tuées au même endroit, trois personnes d'une même famille,
00:28le père, sa femme et sa mère, deux enfants qui sont rescapés et un cycliste aussi qui passait par là,
00:34qui n'avait rien à voir avec eux, qui a été tué au même endroit.
00:36En quoi cette affaire est-elle rarissime ou hors norme comme on l'entend souvent ?
00:42Alors par le bilan d'abord, par le scénario ensuite de cette tuerie et par l'absence apparente de mobile,
00:48c'est-à-dire qu'on a un cycliste qui a été tué au même endroit qu'une famille irakienne qui est en vacances en France,
00:53ces gens-là n'ont pas de rapport entre eux, il n'était pas prévu non plus ni que le cycliste,
00:57ni que ces gens-là se trouvent là à ce moment-là pendant leur séjour.
01:02Et puis surtout, beaucoup de témoins finalement, des gens qui font du vélo,
01:07il y a des employés de l'ONF qui sont dans le secteur à ce moment-là, des gens qui se croisent, qui se voient,
01:12mais en revanche, on ne voit jamais le tueur, on ne voit jamais le tireur,
01:15et ça fait effectivement plus de douze ans qu'on cherche la personne qui a commis ce massacre,
01:19on sait que c'est une seule personne, mais on n'arrive pas à l'identifier.
01:22On le sait à partir, je crois, du témoignage des deux petites filles rescapées.
01:27Oui, de l'aînée, parce que la petite était vraiment cachée dans la voiture sous les jupes de sa mère d'ailleurs,
01:32c'est pour ça qu'elle s'en est tirée.
01:34L'aînée a été grièvement blessée parce qu'elle a été frappée à coups de crosse par le tueur,
01:38mais elle décrit une seule personne, un méchant, comme elle l'avait dit à l'époque aux gendarmes,
01:43donc c'est son témoignage qui indique qu'il y a plutôt un seul tireur.
01:46Cette semaine, votre journal a donc révélé que les enquêteurs approfondissent une piste
01:51qui avait déjà été envisagée, qui n'est pas nouvelle,
01:53celle d'un ancien militaire des forces spéciales qui aurait vrillé.
01:58Comment on en est arrivé à aller vers cette piste-là aujourd'hui ?
02:01Effectivement, c'est une piste qui existe depuis le début de l'enquête,
02:04notamment parce qu'il y a une utilisation d'une arme un peu spéciale,
02:08qui est une arme suisse, un pistolet, qui n'est d'ailleurs pas forcément un pistolet très facile à manier,
02:12mais qui est un pistolet qui était en dotation dans l'armée suisse pendant assez longtemps.
02:16Et surtout, ce qui a toujours frappé les enquêteurs, c'est ce qu'ils appellent la cinétique de la scène de crime,
02:20c'est-à-dire la façon dont le tireur s'est déplacé en permanence et a tiré,
02:25c'est-à-dire avec une précision importante.
02:27Il y a eu 21 projectiles de tirés en très peu de temps, entre 60 et 90 secondes,
02:32des projectiles qui ont tous atteint leur cible.
02:34Et surtout, une façon de faire, c'est-à-dire on neutralise d'abord et on achève ensuite.
02:40C'est pour ça que dès le début, les enquêteurs ont pensé que c'était un militaire.
02:43Ce qui est un peu plus affiné aujourd'hui, c'est qu'il y a un expert en tir qui a dit
02:47oui, c'est un militaire, mais c'est surtout un militaire qui a reçu une formation spécifique.
02:51C'est-à-dire que tous les militaires ne sont pas entraînés à faire ce type de tir et ce type de déplacement.
02:56Donc, il oriente les enquêteurs plutôt vers quelqu'un qui aurait suivi une formation vraiment très précise,
03:02dont peu de régiments…
03:03En France ou ailleurs ?
03:05En Suisse, qui est tout près.
03:07D'ailleurs, c'est pour ça que l'enquête a beaucoup aussi été voir du côté de la Suisse,
03:11à cause de l'arme et de la proximité géographique.
03:13C'est une formation qui était dans l'armée suisse,
03:16qui peut aussi avoir été fournie à certains régiments français ou à certains services,
03:20comme la DGSE.
03:21Donc voilà, c'est une façon de resserrer un tout petit peu le filet sur ces personnes-là.
03:26Est-ce que cela veut dire que les autres pistes…
03:28On parlait peut-être d'une affaire d'espionnage, de vengeance familiale sur fond d'héritage,
03:35que ces autres pistes sont abandonnées aujourd'hui ?
03:37Non, elles existent toujours.
03:39De toute façon, on n'est pas capable de savoir déjà qui est la cible initiale de cette tuerie,
03:43s'il y en a une.
03:44C'est-à-dire que l'expertise avait démontré d'abord que le cycliste avait pu être le premier à être tué,
03:51donc on peut imaginer que c'est peut-être lui la cible
03:53et que la famille est là en tant que témoin et qu'on essaie d'éliminer des témoins,
03:56mais on ne sait pas.
03:57On ne sait pas si c'est la famille qui est visée, si c'est le cycliste,
03:59si effectivement c'est un tireur « fou » qui s'en prend à peu près à n'importe qui,
04:04les gens qui sont là ce jour-là.
04:05Donc comme on n'arrive pas déjà à déterminer ni le mobile ni la cible initiale,
04:09on ne peut pas se permettre de fermer une piste ou une autre.
04:11La piste familiale existe, la piste qui aurait visé le cycliste existe aussi,
04:14donc tout existe maintenant.
04:15Y compris la piste possible d'un tueur en série,
04:18puisqu'on parle de similitude avec un autre meurtre, celui d'un touriste belge un an avant,
04:24c'est l'affaire Baligan, et l'Est républicain d'ailleurs en parle ce matin
04:28avec ses révélations dans l'affaire Baligan, dans Danois je crois,
04:33un personnage qui se trouvait sur les deux lieux les jours de ces crimes.
04:38Ce qui peut être assez mystérieux, effectivement les enquêteurs ont croisé
04:41toutes les données qu'ils avaient dans l'enquête Baligan et dans l'enquête Chevaline
04:44pour voir s'il y avait des points communs autres que l'utilisation d'une arme suisse
04:48et un scénario qui peut s'approcher.
04:51Et en croisant toutes ces données, ils ont trouvé deux personnes,
04:54un belge, la piste a été fermée, mais surtout un campeur danois
04:57qui se trouve avoir été dans le même camping que la famille irakienne à Chevaline
05:02quelques jours avant la tuerie et pendant la tuerie,
05:05et qui se trouve aussi avoir été dans un camping à quelques kilomètres
05:08de l'endroit où a été tué Xavier Baligan dans la période de la tuerie.
05:12Donc un même campeur à deux endroits différents à un an d'intervalle,
05:16c'est à minima troublant, donc ça mérite vérification.
05:19Est-ce qu'il y a encore des preuves qui peuvent exister quelque part
05:23où aujourd'hui, douze ans après les faits, tout est dans le dossier
05:27et il faut peut-être attendre que l'ADN parle ?
05:30Il y a beaucoup de choses dans le dossier.
05:32D'abord, il y a des traces ADN qui sont toujours inconnues,
05:34qui ont été prélevées sur la scène de crime dont on ne sait pas
05:36avec qui elles appartiennent.
05:37Il y a beaucoup de choses dans le dossier,
05:39il y a eu beaucoup d'auditions, il y a eu beaucoup de pistes,
05:42mais c'est difficile, c'est une affaire extrêmement complexe
05:46de par son scénario, la personnalité des victimes,
05:49même la personnalité des témoins.
05:51Les témoins ont tous des profils un peu particuliers
05:54et c'est ce qui rend cette affaire à la fois fascinante
05:57et à la fois extrêmement compliquée à résoudre.
05:59Merci beaucoup Damien Delsigny d'être venu nous voir.

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