• il y a 12 heures
Un collégien de 15 ans a été tabassé mardi après-midi à la sortie d'un collège à Bobigny, où il était scolarisé. Il a été transporté dans un état critique. Deux suspects ont été placés en garde à vue. Hier encore c'était un autre adolescent de 17 ans qui était poignardé à Bagneux dans l'enceinte de son lycée. Les épisodes ultra-violents impliquant des mineurs se sont multipliés ces dernières semaines. Écoutez l'analyse de Yazid Kherfi, enseignant et médiateur dans les quartiers populaires, à travers l'association "Médiation Nomade".
Regardez L'invité de Yves Calvi du 05 février 2025.

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Transcription
00:00Jusqu'à 20h, RTL Soir avec Yves Calvi et Vincent Derosier.
00:04Il est 18h19, bonsoir Yazid Kerfi, merci de prendre la parole dans RTL Soir.
00:09Vous êtes enseignant et médiateur dans les quartiers avec votre association Médiation Nomade.
00:14A Bobigny, en Seine-Saint-Denis, un collégien de 15 ans a donc été tabassé hier à la sortie de son établissement.
00:20Il vient heureusement de sortir du coma.
00:22Quelle est votre réaction face à ce nouveau drame qui implique un jeune de nos quartiers ?
00:28D'abord c'est toujours un drame, je vous remercie de m'avoir invité,
00:31c'est toujours un drame, c'est toujours difficile pour les parents et tout ça.
00:34L'important c'est d'essayer de comprendre ce qui s'est passé.
00:37Je pars du principe que ces jeunes vont mal,
00:39ces jeunes qui ne sont pas valorisés, qui ne sont pas reconnus,
00:41au bout d'un moment, ils ne savent pas gérer leur frustration.
00:44Et au bout d'un moment, ils réagissent dans l'immédiateté par la violence.
00:48Les épisodes ultra violents se sont multipliés ces dernières semaines,
00:51notamment avec des mineurs, vous venez de le dire.
00:53A Bagneux, hier encore, c'est un lycéen de 17 ans qui a été poignardé dans la cour de son établissement.
00:58On peut rappeler également le drame du jeune Elias tué pour son téléphone portable
01:01à la sortie de son entraînement de football.
01:03Vous qui êtes sur le terrain, est-ce que vous voyez cette ultra-violence monter, augmenter ?
01:09Oui, on le voit monter.
01:11Quand on discute avec ces jeunes-là, puisque moi je m'installe la nuit dans les quartiers
01:14pour discuter avec ce public,
01:16les jeunes, par exemple, ils ont souvent un couteau dans la poche parce qu'ils ont peur.
01:19Ils ont peur de se faire agresser, ils ne se sentent plus protégés par les adultes,
01:23plus protégés par les grands frères, ils se sentent en insécurité.
01:26Et pour se protéger, ils disent « moi je prends un couteau parce que j'ai peur de me faire agresser ».
01:30Et c'est comme ça qu'on se retrouve éventuellement avec une bagarre idiote qui peut se terminer avec un mort ?
01:35Tout à fait, parce qu'ils s'énervent vite, leur colère jaillit d'un coup,
01:40ils ne savent pas gérer leur frustration, donc au bout d'un moment ils sortent au couteau,
01:44même s'ils le regrettent cinq minutes après, mais c'est trop tard.
01:47Il faut aussi peut-être les éduquer à la non-violence
01:50pour qu'ils apprennent à gérer un petit peu leur colère.
01:52Mais qu'est-ce que ça veut dire éduquer à la non-violence ?
01:53C'est intéressant parce que là, du coup, au cœur de votre métier,
01:57comment parler simplement aux auditeurs d'RTL ?
02:01Nous, la seule façon de faire, à chaque fois qu'on créera des espaces de parole,
02:05des lieux où les jeunes peuvent parler, ça fera diminuer la violence.
02:08Ces jeunes ont besoin de parler, ils ont besoin de s'exprimer,
02:11ils ont aussi besoin de parler de ce qu'ils ont à l'intérieur,
02:15donc plus ils vont pouvoir se lâcher, mieux ça ira en même temps.
02:18Or, on s'aperçoit qu'il y a de moins en moins des espaces de dialogue,
02:21on s'aperçoit que le monde des jeunes et le monde des adultes est de plus en plus séparé.
02:26Vous constatez cela, vous, dont c'est le métier et, je dirais,
02:30j'allais dire au bon sens du terme, l'obsession depuis si longtemps ?
02:33Oui, quand je me promène le soir dans les quartiers,
02:35c'est un monde de jeunes sans adultes, il n'y a plus d'adultes autour d'eux.
02:39Et en même temps, je pense qu'un jeune, dès qu'il fait une bêtise ou n'importe quoi,
02:42il faut qu'il soit sanctionné dès les premiers faits.
02:46Or, souvent, quand il est sanctionné,
02:47enfin derrière, il en a fait beaucoup, de temps qu'il s'est présenté au juge,
02:50c'est déjà un jeune qui a été repéré par tout le monde
02:53et pourtant, personne ne s'en est occupé.
02:55C'est intéressant parce que vous nous dites qu'ils sont livrés à eux-mêmes, en fait,
02:58et qu'il n'y a aucun adulte, ou en tout cas, grand frère, je ne sais pas quel terme employer,
03:02qui puisse être là pour leur parler, pour les aider.
03:07Et non, parce que les moyens ont diminué.
03:09Écoutez, M. Rotaillon, écoutez, M. Darmanin,
03:11ils ne parlent que de prison et de police.
03:14À chaque fois qu'il y a un problème dans le quartier,
03:15c'est toujours plus de policiers.
03:17Il faut peut-être un peu moins de policiers et plus d'animateurs,
03:20plus de médiateurs dans les quartiers.
03:22Et ça, ça diminue dans les villes en même temps.
03:24Les jeunes sont tous seuls, ils se montrent la tête entre eux.
03:26En plus, avec les réseaux sociaux qui ont démultiplié l'effet de violence,
03:30forcément, la façon d'exister pour ces jeunes,
03:33la violence est une façon de se valoriser chez eux.
03:35– Mais on compense la violence avec de la présence
03:40qui ne soit pas de la présence, au minimum, celle de la police,
03:44et en fait, de la peur de la sanction ?
03:47Vous y croyez vraiment ?
03:48– Oui, c'est ça, ce qu'il faut, c'est des adultes bienveillants
03:50qui soient auprès d'eux, qu'ils leur parlent.
03:52À chaque fois que nous, quand on s'installe le soir
03:54dans les quartiers pour discuter avec ces jeunes,
03:55à la fin, ils nous disent, ça nous a fait plaisir
03:58parce que vous avez pris le temps de nous écouter.
04:00Ils ont besoin d'exister.
04:01S'ils n'existent pas de cette manière-là,
04:03ils vont exister à travers la violence.
04:05– Donc, à tous ceux qui nous écoutent,
04:07une partie d'entre eux qui se disent,
04:09on a surtout besoin de les mater, les gamins,
04:11et on aura besoin de police, vous répondez,
04:12non, ils ont besoin de parler et on a besoin de les écouter.
04:15– Oui, mais il y a besoin de sanctions en même temps.
04:17Au premier fait, il faut les sanctionner,
04:19mais avant d'arriver à ça, il y a le travail de prévention.
04:22Il faut rôtisser du lien entre le monde des jeunes
04:24et le monde des adultes.
04:26Aider les parents par rapport à la difficulté
04:28qu'ils ont avec leurs enfants.
04:29Donc, un travail sur la parentalité,
04:31mais il faut vraiment provoquer la rencontre
04:33entre les uns et les autres.
04:34Or, on vit dans des mondes de plus en plus séparés.
04:36– Un vol avec violence sur trois est aujourd'hui commis par un mineur.
04:40Un vol avec violence sur trois est commis aujourd'hui par un mineur.
04:44Est-ce que ce chiffre vous surprend et comment faut-il l'interpréter ?
04:49– Oui, ça me surprend parce que c'est grave la situation.
04:51D'abord, il faut sanctionner, c'est sûr, en même temps.
04:53Mais sanctionner, ça ne suffit pas.
04:55On ne va pas le punir.
04:56Il faut que ce soit des sanctions qui soient éducatives,
04:59qu'il arrive à comprendre les actes qu'il a commis,
05:01qu'il comprend les conséquences qu'il a commises à ce moment-là en même temps.
05:04Donc, il faut sanctionner et en même temps,
05:06il faut continuer à parler pour le remettre après dans le droit chemin.
05:09Donc, sanctionner, c'est éducatif.
05:13Par contre, la punition, c'est humiliant.
05:15C'est pour ça qu'il faut toujours parler avec ces jeunes au niveau de l'éducation.
05:19– Ce qui explique votre présence, même tardivement, la nuit au milieu des…
05:23j'allais dire les gamins, parce qu'on parle parfois de garçons et filles
05:26qui ont 13-14 ans, qui sont extrêmement jeunes, on est bien d'accord ?
05:31– Oui, c'est sûr, ça arrive.
05:33La grande majorité…
05:34Moi, je m'installe jusqu'à minuit, 1h-2h du matin dans les quartiers,
05:37et les petits rentrent assez tôt en même temps.
05:39Mais en même temps, si elle est petite dehors,
05:41il faut rencontrer tout de suite les parents.
05:42C'est pas normal que les enfants soient dans la rue de soir en même temps.
05:46Mais il faut être présent le soir pour s'en rendre compte.
05:48S'il n'y a personne le soir pour se rendre compte de ce qui se passe,
05:50forcément, ça va s'aggraver.
05:52C'est pour ça qu'il est important de s'installer, de discuter avec ces jeunes,
05:56et en même temps d'interroger les acteurs.
05:58Où sont les acteurs ? Où sont les parents ? Où sont les médiateurs ?
06:00C'est ça, il faut interroger tout le monde.
06:02Où sont les adultes ?
06:03Je pars toujours du principe que le problème des jeunes,
06:05c'est d'abord un problème d'adultes.
06:07Il faut d'abord voir un petit peu que font les adultes par rapport à ça.
06:10– Ces violences opposent souvent ce qu'on appelle par commodité des bandes.
06:13Dans un cas sur deux, il y a une utilisation d'armes, notamment d'armes blanches.
06:16Elles sont à ce point répandues ?
06:19– Oui, oui.
06:20Vous allez dans la cuisine, vous prenez d'abord un couteau de cuisine.
06:24Mais quand je parle à ces jeunes de ça, ils me disent « on a un couteau »
06:26parce qu'on a peur.
06:28On a peur de se faire agresser.
06:29Bien sûr, les gens ont peur.
06:30Ils se sentent en insécurité
06:32parce qu'ils ne se sentent plus du tout protégés par les adultes.
06:34Parce qu'il n'y a plus d'adultes à côté d'eux en même temps.
06:36Et donc à un moment donné, la seule façon de se protéger,
06:39c'est d'abord de marcher avec la bande.
06:41La bande, c'est une sécurité d'être avec la bande.
06:44Et quand tu n'es pas dans la bande, tu as un couteau.
06:46Ça te permet de te protéger pour certains.
06:47C'est pour ça qu'il faut trouver d'autres moyens.
06:49Comment on peut les mettre en sécurité, ces jeunes-là ?
06:51– La justice des mineurs et des faillantes, selon vous ?
06:55– Elle est beaucoup trop lente.
06:57Quand le jeune qui est présenté devant un juge,
07:01derrière, il a commis beaucoup de délits avant d'être présenté au juge.
07:04Donc elle est beaucoup trop lente.
07:06Elle n'est pas suffisamment rapide par rapport à ça.
07:08Il faut mettre plus de moyens à ce niveau-là.
07:10– On en parle depuis des années.
07:11Les parents des mineurs violents doivent-ils être, selon vous,
07:14sanctionnés financièrement ?
07:17– Non, parce que pour moi, ça va être pire.
07:19Parce qu'on va punir tous les autres enfants en même temps.
07:21C'est comment on accompagne, on aide ces parents à ce niveau-là
07:24dans le cadre de la parentalité.
07:26Ces parents ont besoin d'être aidés.
07:28Mais comme ils ont honte de le dire aux institutions,
07:31forcément, ils s'enferment.
07:32Or, il y a beaucoup de parents qui sont en grande difficulté avec leurs enfants.
07:35Ils n'arrivent plus à les tenir.
07:36Mais ils n'osent pas le dire.
07:38C'est pour ça qu'il faut améliorer les rapports
07:40entre les acteurs et ces parents en même temps.
07:42Il faut d'abord aider ces parents avant de les sanctionner.
07:44Même si, à un moment donné, il peut y avoir une sanction.
07:46Mais il ne faut pas que ça soit une sanction financière.
07:48Il faut essayer de comprendre ce qui se passe dans la famille.
07:51– Merci infiniment.
07:52Car ça revient, par ailleurs, et vous venez de le démontrer,
07:54à se demander s'il faut appauvrir les plus pauvres.
07:58Ce qui paraît, évidemment, complètement absurde.
08:00Merci d'avoir pris la parole, Yazid Kerfi.
08:02Ce soir, vous êtes médiateur dans les quartiers populaires
08:04avec votre association Médiation Nomade.
08:07Bonne soirée, merci d'avoir pris la parole sur RTL.
08:10Dans un instant, les toutes dernières informations
08:12dans le journal de 18h30, puis à 18h40,
08:14nous serons avec la championne olympique de patinage artistique
08:17Gabriela Papadakis.
08:19Elle danse désormais en couple, mais pas mixte, avec une femme.
08:22C'est une première dans ce sport.
08:24Rendez-vous dans moins d'un quart d'heure
08:25avec cette championne décidément hors norme.
08:28Vincent Derosier, Yves Kelvin.
08:30RTL SOIR

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