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00:00Et pour cette deuxième heure, je salue Philippe Guibert, bonsoir Philippe, bonsoir Chroniqueur Politique, bonsoir Mathieu Bocoté, bonsoir essayiste et chroniqueur.
00:12Et nous sommes avec le politologue associé chez Forward Global, directeur de l'Observatoire des Pays Arabes.
00:18Bonsoir à vous Antoine Basbous, et merci d'être avec nous.
00:22C'est donc cette interview fleuve du Président Tebboune qui nous intéresse dans l'opinion.
00:29Est-ce que d'abord elle vous a surpris par sa teneur ? Parce que c'est un peu une réaction très critique envers la France.
00:37Elle m'a surpris par le fait qu'elle soit la plus structurée de ce que j'ai pu lire du président algérien sur la presse arabe locale ou sur la presse européenne.
00:49Structurée ça veut dire quoi ?
00:50Ça veut dire qu'il ne se perd pas et il a eu de bons conseils de communication qui font qu'il a un message, il l'a délivré et il est allé direct au but même si on peut juger des moyens qu'il a utilisés.
01:05On considère quoi ? Qu'il appelle le Président de la République à un nouveau dialogue ou est-ce que les relations entre l'Algérie et la France sont définitivement mortes ?
01:16Non je crois que c'est un appel à la négociation. C'est pas du tout une affaire de rupture mais aussi il y a de l'ingérence, il y a de la familiarité.
01:27Il distribue les bonus et les malus à la classe politique française. Il a ses amis et ses adversaires et donc ça c'est de l'ingérence.
01:38Quel est l'intérêt justement de faire ça, de distribuer ? C'est pas comment chez un chef d'Etat de critiquer à tel point un autre chef d'Etat ?
01:46Oui je crois que la réalité c'est que le Président Tebboune n'a jamais pu délivrer parce qu'il est la façade des généraux qui règne et que quand le Président Macron l'avait approché pour traiter avec lui et pour signer quelque chose,
02:04eh bien Tebboune ne pouvait pas le faire et maintenant c'est le Président français qui n'est plus en mesure de délivrer un accord entre les deux pays.
02:14Parce que le Président français a perdu sa majorité et on est aujourd'hui tous les trois mois un nouveau gouvernement. On est dans l'instabilité, dans presque le chaos je dirais.
02:24Oui vous disiez ingérence parce qu'effectivement c'est assez irrespectueux de venir distribuer les bons et les mauvais points dans la presse française.
02:33On imagine mal Emmanuel Macron venir distribuer les bons et les mauvais points dans la presse algérienne sur le régime algérien.
02:40Est-ce que derrière ce qui m'apparaît presque comme une provocation, est-ce que vous trouvez qu'il utilise le meilleur moyen pour renouer le dialogue comme vous venez de le souligner ?
02:54Est-ce qu'il n'y a pas quand même un moment de faiblesse politique française qui est incontestable dont le Président Tebboune profite ?
03:03Je crois qu'il a voulu dire qu'il n'y a pas rupture et qu'il y a moyen de dialoguer. Alors dialoguer avec qui ? Il y a une petite polyphonie au gouvernement.
03:14Les ministres intéressés ne sont pas exactement sur la même longueur d'onde. Sinon on l'aurait su. On voit des petites nuances apparaître.
03:23Entre Jean-Noël Barraud, le ministre des Affaires étrangères, le ministre Retailleau, Tebboune dit tout ce qui est retailleau et douteux compte tenu de ses déclarations hostiles et incendiaires envers notre pays.
03:34Déjà il n'y a pas de dialogue avec le ministre de l'Intérieur.
03:37Oui effectivement c'est insupportable pour les dirigeants politiques français de se voir malhusser par un Président algérien avec lequel la France n'est pas en très bon terme.
03:57On peut y voir la déclaration aussi d'un leader autoritaire et malveillant qui mérite probablement le même mépris qu'il distribue à la classe politique française.
04:09Mais est-ce qu'il ne devrait pas s'attendre dans sa logique à ce que la France réponde aussi fermement qu'il parle à la France ?
04:14Est-ce qu'il n'y a pas une forme de réciprocité nécessaire dans la malveillance pour que la relation soit rétablie ?
04:19Il a déjà lancé la quille en quelque sorte en distribuant les bonus. Il a maintenant des anciens premiers ministres qui sont considérés comme tout à fait bien vus à Alger et d'autres qui le sont beaucoup moins.
04:37Donc là il va falloir qui doit répliquer ? Est-ce que c'est le rôle des commentateurs, de la presse, de la classe politique, du gouvernement, du Président de la République ?
04:48Ou des médias, puisque les médias boulorais sont attaqués directement par le Président Tebboune, ce qui est évidemment très offensant.
04:57Oui, je crois qu'il y a un crédit déjà. Il y a un refrain des répliques de côté et d'autre sur ce sujet.
05:10Ce n'est pas nouveau de la part de l'Algérie de cibler ces médias-là et ces médias n'épargnent pas Tebboune et son régime.
05:19Dire qu'il est autoritaire, ce n'est pas nouveau, ce n'est pas le premier, ce ne sera pas le dernier.
05:25Dire qu'on est dans la rente mémorielle, c'est le Président Macron qui l'avait inventé ce terme.
05:32En tout cas, vous remarquerez que nous sommes sur un média et que nous en parlons librement et qu'on n'est pas à charge contre le Président Tebboune.
05:40Mais je peux m'en chercher, si je peux me permettre. Ce qui me frappe maintenant, c'est le respect obligé à l'endroit d'un homme politique clairement hostil à la France.
05:49C'est un peu étonnant quand même. En ce moment, personne ne se gêne, par exemple dans les médias, pour dire tout le mal qu'ils peuvent penser de Donald Trump.
05:56Mais là, quand ils parlent du Président algérien, il y a une forme de petite réserve d'inhibition que je cherche à comprendre de la part d'une classe politique française qui se fait cracher au visage.
06:06Je crois qu'il y a beaucoup de médias, beaucoup de journalistes comme vous, par exemple, qui n'hésitent pas à répliquer, à qualifier l'Algérie, sa politique, son régime, des mots qu'ils méritent.
06:21Ça veut dire que c'est de la clairvoyance de la part de Mathieu en l'occurrence ?
06:24Disons que dire que c'est un régime autoritaire, que c'est un régime qui a peur de sa population, qu'il a peur d'un nouveau Chirac, qu'il ratisse extrêmement large, qu'il prend les devants pour ne pas avoir une nouvelle contestation.
06:39Mais ce sont des choses du quotidien. Il n'y a pas un seul homme qu'on puisse soupçonner de vouloir critiquer le régime qu'il ne soit pas en prison.
06:49Vous savez pourquoi ? Parce qu'en mars 2019, il s'est trouvé dans la rue, un samedi, 13 millions d'Algériens qui contestaient le régime Bouteflika.
07:0113 millions, quand vous vous faites le compte, c'est la moitié de la population qui peut marcher. Les vieillards, les bébés sont chez eux.
07:10Et donc du coup, ce régime a peur. Il a peur de sa propre population. Et donc du coup, la rente mémorielle, là, elle sert à quelque chose, à cimenter. C'est la rente mémorielle qui cimente le régime.
07:22Les Algériens, jusque-là, bon, ça fait plus de 60 ans qu'ils sont indépendants, qu'est-ce qu'ils peuvent revendiquer de glorieux depuis leur indépendance ?
07:34Ils sont encore sur le fait d'avoir chassé le colonisateur français. Ça, c'est leur fait d'armes. Depuis, ils n'ont pas beaucoup de réalisations.
07:45Quand Thébaune dit quelle rente mémorielle de quoi vous parlez, il ment ?
07:48Vous dites qu'il ment, moi je dis qu'il ne dit pas la vérité.
07:52On notera la sémantique.
07:57Compte tenu de tout ce que vous dites sur la psychologie du régime algérien, que conseilleriez-vous à l'exécutif français, président, gouvernement, pour obtenir la libération de Boalem Sonsal,
08:10qui est emprisonné depuis plus de 75 jours, qui a 80 ans et un cancer, et que son avocat ne peut pas aller voir ?
08:18Et quand le journaliste de l'Opinion interroge Thébaune, il dit mais tout de même, l'homme est vieux et malade, pourriez-vous prendre des mesures de grâce à titre humanitaire ?
08:27Le président Thébaune répond, je ne peux présager de rien.
08:31Je ne crois pas que la pression médiatique va faire son effet. Je crois que dans le cadre d'une négociation dans laquelle l'affaire Sonsal fera partie du lot, ça pourrait être un geste de la part de l'Algérie.
08:47Mais plus la pression médiatique est forte, vous savez qu'en Algérie, même les opposants au régime désapprouvent Sonsal.
08:57Parce que dire qu'une partie de l'Algérie revient au Maroc, ce n'est pas très courant dans un pays où les nationalistes sont quand même la colonne vertébrale du pays, où l'idéologie nationaliste est très forte.
09:13Moi, je souhaiterais que Sonsal soit libéré ce soir et pas demain. Mais je ne suis pas sûr que la pression médiatique de la droite ou de l'extrême droite française va faire son effet.
09:27Qu'est-ce qui bloque ? On dit que Sonsal est dans la courroie de transmission et qu'évidemment, vu son état et ses conditions de détention, on ne peut pas aller beaucoup plus loin dans les négociations avec l'Algérie.
09:40Une chose dont on ne parle jamais, c'est le pétrole. Il y a quand même des contrats pétroliers et gaziers entre la France et l'Algérie, avec Total notamment.
09:51Est-ce qu'il n'y a pas quand même une histoire pécuniaire, commerciale, qui ne permet pas d'avancer comme on veut ?
09:59Je ne crois pas qu'il faille associer les affaires économiques et en hydrocarbures avec Sonsal et tout le reste.
10:10Non, là il y a une crispation identitaire de côté et d'autre. Il y a surtout une obsession marocaine de l'Algérie, comme il y a une obsession algérienne au Maroc.
10:22Et ça, il ne faut pas que la France se mette au milieu parce qu'elle prendra des coups d'un côté et de l'autre. La France n'a pas réussi à dissocier ses relations avec Algérie de ses relations avec Rabat.
10:36D'autres puissances l'ont réussi, mais évidemment d'autres puissances n'ont pas le passé. Les États-Unis, la Russie, la Chine ont des relations normales avec les uns et les autres sans être otages de tel ou tel capital voisin.
10:56Des pays qui n'ont pas de rente mémorielle ?
10:59Qui n'ont pas de passé colonial, de rente mémorielle.
11:03Colonial vous dites ?
11:04Oui, la France, 132 années de colonisation. Vous appelez ça comment ?
11:09Je ne sais pas, je vous laisse répondre.
11:11Moi, c'est la colonisation. Et pour vous, c'est quoi ?
11:13C'est moi qui pose les questions dans cette émission.
11:16On pourrait aussi parler de la colonisation à la rigueur du Maghreb par les Arabes que subie par les Berbères, subie par les Kabiles, à ce compte-là.
11:22Vous avez raison, le terme colonisation, je me permets de revenir sur Boalem Sonsal. Vous disiez que ce n'est pas la pression médiatique de la droite et de ce que vous appelez l'extrême droite qui peut orienter, le faire libérer.
11:32Premièrement, je note que ceux qui ont pris en charge ce dossier en France, c'est la gauche républicaine, comme on aime l'appeler.
11:38Autour de la mouvance de la revue Marianne, des journalistes comme Rachel Binas, des journalistes comme Caroline Fourest.
11:44C'est cette mouvance, cette gauche républicaine qui a pris le combat.
11:48Avec la revue Politique et Parlementaire.
11:50Oui, bien sûr. Or, il y avait cette idée d'ailleurs que c'était dans la mesure où cette mouvance prenait ce combat qu'il y avait une chance de réussir.
11:56Si on demande finalement aux français de se taire dans l'espoir, peut-être, de faire libérer Sonsal dans une forme de chantage au dieu du régime algérien, aussi bien ça serait l'exercice démocratique.
12:06C'est une affaire de conscience. Incarcérer Sonsal, c'est insupportable. Mais faire beaucoup plus de bruit qu'il ne le faut, c'est contre-productif pour lui.
12:15Mais c'est quoi, plus de bruit qu'il ne le faut ?
12:17C'est-à-dire trouver les bons filons pour accéder au but sans se détourner et sans nuire à l'objectif.
12:25Qui fait beaucoup de bruit dans cette histoire ?
12:28Moi, je lis beaucoup de communiqués, de déclarations qui proviennent de la droite ou de l'extrême droite.
12:38Je comprends parfaitement, je suis pour la libération immédiate de Sonsal, mais je ne suis pas sûr que la méthode va porter ses fruits.
12:47C'est ça la différence entre ce que je dis et ce que je vois.
12:53Pour être membre du comité de soutien monté par la revue politique et parlementaire à Boulême-Sonsal,
12:58le rôle d'un comité de soutien est de faire du bruit et d'y associer le maximum de médias.
13:03Marianne, Le Figaro ou d'autres participent aux soirées de soutien à Boulême-Sonsal.
13:08C'est notre rôle de sensibiliser l'opinion publique et ça, on ne peut pas le reprocher.
13:14Qu'il y ait des déclarations ensuite politiques, c'est une chose.
13:17Mais on ne peut pas demander à l'opinion publique française, à des leaders d'opinion, de rester modeste et sobre dans leurs déclarations.
13:25Parce que la situation de Boulême-Sonsal est quand même particulièrement scandaleuse.
13:30Qu'on soit d'accord ou pas, d'ailleurs, avec le fond de ce qu'il a dit, ce n'est pas la question.
13:34Il faut bien, nous sommes dans une démocratie, et donc il est normal que s'exprime un certain ressentiment à l'égard du régime algérien
13:41qui commet cette monstrosité de garder un homme malade, sans défense, avec une assistance sanitaire des plus rudimentaires.
13:52Il est normal de sensibiliser l'opinion.
13:54Boulême-Sonsal n'est pas un problème algérien, dit le président Tebboune.
13:58C'est un problème pour ceux qui l'ont créé.
14:00Jusqu'à présent, il n'a pas livré ses secrets.
14:03Boulême-Sonsal est allé dîner chez Xavier Driancourt, l'ancien ambassadeur de France à Alger, juste avant son départ.
14:09Ce dernier est lui-même proche de Bruno Retailleau, qu'il devait revoir à son retour.
14:14D'autres cadres binationaux n'ont pas soulevé autant de solidarité.
14:17Et enfin, Boulême-Sonsal n'est français que depuis cinq mois.
14:20C'est mesquin comme déclaration d'un président de la République par rapport à un écrivain qui a été honoré par la France et par la critique française, qui a fait de très beaux livres.
14:33C'est mesquin, je ne trouve pas qu'il soit à la hauteur d'un président de la République.
14:38Dans les relations bilatérales, il y a suffisamment de sujets graves et importants pour qu'on puisse en parler aussi.
14:45Merci beaucoup Antoine Bassebousse d'avoir été avec nous sur Europe 1 Politologue associé chez Forward Global et directeur de l'Observatoire des Pays Arabes.

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