• il y a 9 heures
Lundi 3 février 2025, SMART TECH reçoit Mickaël Benoit (consultant en sécurité des informations et RGPD, SICONF) et Capitaine Sébastien Possémé (chef de la compagnie numérique, Gendarmerie Nationale)

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Le cyber harcèlement est un délit dont les auteurs encourent jusqu'à trois ans d'emprisonnement,
00:0945 000 euros d'amende, pourtant il continue de diffuser son poison sur les réseaux, sur
00:14les messageries.
00:15Alors on fait quoi pour en parler ? Capitaine Sébastien Possémé est avec nous.
00:18Bonjour.
00:19Bonjour.
00:20Vous êtes chef de la compagnie numérique de la gendarmerie nationale, c'est une nouvelle
00:23structure qui est désormais composée de deux brigades implantées sur les sites de
00:27Rennes et Poitiers et donc vous êtes garant du fonctionnement du contact numérique et
00:32de la plateforme numérique d'accompagnement des victimes de la gendarmerie nationale,
00:36à la tête de 53 gendarmes répartis entre les deux sites, c'est ça ?
00:39Exactement.
00:40A côté de vous, Michael Benoît, bonjour.
00:42Bonjour.
00:43Vous êtes consultant en sécurité des informations et RGPD également, fondateur de la société
00:48de conseil et services SICOMF qui est spécialisée dans l'identification, l'analyse, la gestion
00:53des risques qui pèsent sur nos systèmes d'information.
00:56Vous êtes, je le précise aussi, un prestataire référencé 17 cyber et également officier
01:01réserviste à l'unité nationale cyber de la gendarmerie nationale.
01:05Première question, j'ai envie de vous demander déjà, à partir de quand on considère qu'une
01:10attaque répétée sur les réseaux peut être considérée comme du cyber harcèlement ?
01:14A partir de quand c'est du cyber harcèlement pour vous, ce qui se passe sur les réseaux ?
01:17C'est vrai que, bon, c'est un sujet qui évidemment nous concerne puisque la plateforme
01:25numérique d'accompagnement des victimes, c'est une plateforme qui permet justement
01:30de se saisir de ces phénomènes de cyber harcèlement.
01:32En fait, c'est une action qui très rapidement peut être, c'est d'abord du harcèlement,
01:38donc une action soit répétée par une personne à l'endroit d'une victime, d'une personne
01:42désignée, soit plusieurs actions menées par une seule personne de manière concertée.
01:48Il faut évidemment aussi que ça puisse avoir un effet sur l'état psychologique et physique
01:53de la personne.
01:54Mais surtout, pour que ça devienne du cyber harcèlement, il faut que ça soit commis
02:00à l'aide d'un moyen, le SMS, les réseaux sociaux, des moyens numériques en tout cas.
02:06C'est difficile de qualifier le cyber harcèlement aujourd'hui ou pas du tout ?
02:09Alors, le qualifier, ce n'est pas difficile de le qualifier.
02:13Ce qui en revanche est difficile, c'est de le déceler.
02:15Ce qu'on sait, c'est évidemment les faits qui sont portés à notre connaissance.
02:21En revanche, on aimerait que tous les faits nous soient communiqués.
02:24Alors justement, on va peut-être entrer dans quelques chiffres et puis les réponses qui
02:28sont apportées.
02:2924% des familles auraient été confrontées au moins une fois à une situation de cyber
02:33harcèlement.
02:34Ça, c'est des chiffres de l'association e-Enfance.
02:37Comment vous voyez-vous ce phénomène, Michael ?
02:40C'est un phénomène qui se confirme dans les sensibilisations que je peux opérer dans
02:47les établissements scolaires ou auprès de jeunes.
02:49Il suffit de demander combien de personnes ont fait l'objet d'insultes répétées ou
02:54de messages qui sont du harcèlement, clairement, en ligne.
02:58On est clairement sur 20, 30, parfois la moitié des classes, des élèves, depuis la quatrième
03:04jusqu'à des niveaux plus élevés.
03:07Mais dès la sixième, il y a une violence en ligne qui s'exerce et qui fait l'objet
03:11de retransmissions.
03:13Donc oui, 20%, c'est clairement…
03:15J'ai même un chiffre de 27% des élèves de primaire, en fait, qui ont été confrontés
03:19à du cyber harcèlement au moins une fois.
03:22Oui, parce que la thématique, c'est qu'il y a une forme de violence qui se banalise
03:27dans les relations entre les jeunes qui, par ce sentiment d'impunité, d'être derrière
03:33un écran, permet d'amplifier ce phénomène-là et cette violence-là qui, du coup, donne
03:40un sentiment de… ce n'est qu'une insulte, ce n'est qu'un message pour rire, entre
03:44guillemets, devient finalement une répétition et a des effets psychologiques négatifs sur
03:49ceux qui le subissent.
03:50J'ai l'impression qu'on en parle quand même aujourd'hui très fréquemment, y
03:55compris à l'école, dans les médias, le cyber harcèlement, ce n'est plus quelque
03:58chose qu'on découvre et pourtant, on ne voit pas du tout d'infléchissement, de
04:03fléchissement.
04:04Au contraire, même, on a l'impression que c'est un phénomène qui ne cesse de prendre
04:09de l'ampleur.
04:10Est-ce que tu peux expliquer ça ?
04:11On peut expliquer ça, je pense, et ça revient à ce que disait mon camarade, c'est juste
04:21qu'aujourd'hui, on exacerbe les comportements, je dis souvent qu'on a deux vies, on a
04:26une vie physique et une vie numérique et même si on se voit là aujourd'hui, je ne
04:29connais pas votre vie numérique et vous pouvez être complètement différente, c'est le
04:32cas pour des enfants.
04:33Et comme on disait, le sentiment d'impunité, la banalisation peut provoquer justement cette
04:41idée de pouvoir tout faire sous une fausse image, un faux profil, envers n'importe
04:48qui, ce n'est pas forcément envers quelqu'un qu'on connaît, liker par exemple un message
04:54de haine envers quelqu'un, c'est aussi participer à cet effet de meute, parfois
04:59cet effet de harcèlement.
05:00Je pense que c'est un phénomène beaucoup plus global qui amène à changer, à avoir
05:07des comportements mais le numérique exacerbe quand même ce qu'on retrouve aussi dans
05:14la société, cette facilité de dire qu'on n'aime pas, cette facilité de dire qu'on
05:21ne veut pas et ce qui amène à déceler des comportements très violents et qui parfois
05:27débordent l'aspect numérique puisque ça peut avoir après un relais sur le physique.
05:32Je disais que les parents attendaient des réponses du côté de l'éducation nationale,
05:39du côté des pouvoirs publics, il y en a des réponses aujourd'hui mais est-ce qu'on
05:44les voit suffisamment ? Parlez-nous un petit peu de la manière dont aujourd'hui vous
05:48communiquez sur votre lutte contre le cyberharcèlement, peut-être déjà une perception de votre
05:55côté ?
05:56Je pense que les parents sont souvent en attente de réponses mais en réalité ils
05:59sont aussi en attente de savoir comment gérer la relation avec les jeunes pour ceux qui
06:04sont dans ces situations par rapport au fait que beaucoup de parents ne sont pas habitués
06:10des réseaux sociaux et de cette dimension numérique dans laquelle les jeunes eux vivent
06:13en permanence et du coup sont en attente parfois de réponses certes sur comment contrôler
06:18la chose, comment gérer la situation par rapport au cyberharcèlement surtout quand
06:22ils apprennent que leurs enfants finalement ont eux-mêmes contribué à de la retransmission
06:27d'images, du fait de retransmettre sur un groupe WhatsApp ou de faire des commentaires
06:31sur un groupe WhatsApp de la classe par exemple donc là-dessus le côté réponses via les
06:37équipes mises en place par le capitaine ou la gendarmerie ou d'autres entités comme
06:41l'enfance qui commencent à être connues mais encore faut-il libérer la parole.
06:45Il y a beaucoup de jeunes qui se réfugient dans la dépression ou dans la situation de
06:50je m'isole et ça c'est effectivement de l'aide des parents pour signaler, pour parler
06:56avec leurs enfants pour ensuite aller vers des professionnels et éventuellement alerter
07:00aussi les autorités par rapport à ça.
07:01On a besoin de boîtes à outils mais quand je vous écoute je me dis finalement le cyberharcèlement
07:07c'est une violence, une violence comme plein d'autres violences malheureusement existent
07:12aujourd'hui qui n'est pas souvent dite, formulée, qu'on décèle parfois un peu tard.
07:18Est-ce qu'il y a des particularités quand même dans le cyberharcèlement par rapport
07:24aux autres formes de violences ?
07:25Alors oui, les particularités c'est que d'abord ça se fait de manière cachée et qu'on ne
07:32décèle pas tout de suite les conséquences sur la victime et comme on en parle c'est
07:37que, et notamment si on parle des enfants, ça peut avoir des réels impacts psychologiques
07:43et jusqu'au suicide et c'est souvent ce que je passe comme message notamment quand je vais
07:49dans les lycées, c'est qu'aussi on connaît beaucoup de choses sur les gens finalement.
07:54Ce qu'on ne veut pas faire c'est de dire que quelqu'un n'est pas bien, qu'il se passe
08:01quelque chose dans la vie d'une camarade ou d'un camarade parce qu'il peut y avoir des
08:07conséquences sur son état moral, sur sa façon de se comporter, sur ses notes à l'école
08:13ou une baisse des résultats.
08:15Il y a quand même beaucoup d'éléments et c'est là qu'on constate que ces effets si
08:23on ne les prend pas en compte et si on ne cherche pas à savoir d'où qui les provoque
08:27et bien ça peut avoir des vrais, on peut avoir affaire à des vrais drames.
08:32Vous voulez dire que ça peut parfois être minimisé finalement, c'est ça peut-être ?
08:36Alors minimisé oui, c'est un peu comme dans beaucoup de choses, j'ai envie de vous dire
08:41qu'on traite également les violences conjugales, parfois on voit mais souvent on ne dit pas.
08:47Donc le témoin est important aussi dans tout ça, on peut se retrouver avec un enfant,
08:53encore plus chez les enfants que chez les adultes, quelqu'un d'isolé et qui a peur
08:58et qui ne sait pas comment agir, qui se renferme sur lui-même ou sur elle-même.
09:03Alors comment vous travaillez au quotidien ? Parlez-nous de la brigade numérique, je
09:09viens de dire la compagnie numérique, c'est ça maintenant ?
09:10Exactement.
09:11Et de l'APNAV, cette plateforme qui permet de discuter avec les parents, les victimes,
09:18comment vous travaillez ?
09:19C'est accessible à toutes les personnes de la société, à toute la population, victimes,
09:25témoins, c'est du tchat en fait.
09:28Donc on va sur arrêtonslesviolences.google.fr ?
09:30Oui, arrêtons les violences, vous pouvez avoir une porte d'accès assez rapide maintenant
09:34puisque l'application et le site MaSécurité permettent d'accéder à ces canaux, donc
09:39quand on parle de simplifier effectivement le message, moi j'encourage tout le monde
09:43à pouvoir utiliser ce site et cette application MaSécurité.
09:47Vous avez donc des canaux qui sont spécifiquement dédiés, soit pour des questions généralistes
09:52mais spécifiquement aussi pour les violences et le cyberharcèlement est un des canaux
09:58que nous avons à notre disposition et que la population a à disposition.
10:01Et quand on arrive sur cette plateforme, on se retrouve quoi ? Discuter avec des gendarmes
10:05?
10:06Voilà, en quelques secondes.
10:07Ça peut être impressionnant ça non ?
10:08En quelques secondes, alors je dis bien gendarmes, des humains et pas des robots, on parle de
10:12l'humain.
10:13Il n'y a pas du tout de réponse automatique ?
10:14Non absolument pas, s'agissant des violences, ce sont des gendarmes qui sont spécifiquement
10:19formés qui en quelques secondes vont vous répondre et vont chercher à, on parlait
10:25tout à l'heure de la libération de la parole, à libérer la parole, à mettre en confiance
10:29et c'est l'objet de notre formation aussi, une formation spécifique puisque nous agissons
10:34par écran interposé et nous avons une compétence nationale donc on a des victimes de partout
10:40en France, les Outre-mer comprise.
10:41C'est un complément du 3018 parce qu'il y a un numéro qui a été lancé par e-Enfance
10:46justement pour avoir un numéro de secours, un numéro d'urgence en cas de violences numériques.
10:52Ce sont des partenaires, voilà, on travaille tous ensemble et l'intérêt c'est qu'il
10:59y ait un numéro de secours et qu'effectivement on identifie parfaitement les portes d'entrée
11:02pour qu'on puisse être pris en compte en charge totalement parce que ça ne se contente
11:08pas d'un échange mais ça peut aussi aller jusqu'à la judiciarisation donc la prise
11:13en compte d'un dossier d'enquête.
11:15Le cyber harcèlement ce n'est pas que les enfants, ça existe aussi pour les adultes,
11:19ça peut se passer en entreprise, est-ce qu'aujourd'hui il y a des points de vigilance, vous avez
11:24l'impression en tout cas qu'il y a des actions qui sont mises en place ?
11:27Il y a des sujets qui sont nécessaires de mettre en oeuvre vis-à-vis de la population
11:32générale, c'est la prévention aux risques liés à ces risques de cyber harcèlement
11:36via l'exposition large qu'une personne va vouloir faire de sa vie privée en pensant
11:43que, en la diffusant sur les plateformes, sur les réseaux sociaux, en donnant des
11:47informations sur elle, voire en se connectant avec des personnes qu'elle pense connaître
11:51ou qu'on pense être identifiées comme sûres, qui en fait ne sont pas du tout celles qu'elle
11:55prétend être, avec des tendances même de pédocriminels qui eux sont sur ces réseaux
12:00justement pour essayer d'approcher des victimes et du coup se mettre en danger, ces personnes
12:06se mettent en danger en diffusant des informations parce qu'elles n'ont pas été informées
12:10du risque lié à ces usages.
12:12Et je crois qu'il y a un sujet de sensibilisation fort à mener vers toute la population sur
12:18la tendance de qu'est-ce que vous voulez mettre en ligne, qu'est-ce que vous voulez diffuser
12:23sur vous, est-ce que vous feriez la même chose dans la vraie vie sans savoir qui est
12:26réellement derrière l'écran, est-ce qu'on peut faire confiance totalement à ces personnes
12:29qui sont derrière l'écran, et je crois qu'il y a un sujet de sensibilisation à mener.
12:33Sur le type d'informations personnelles qu'on partage sur les réseaux, qui peuvent se retourner
12:37contre nous.
12:38Absolument, il y a énormément d'informations aujourd'hui qui sont sur les réseaux pédocriminels
12:42qui viennent ne serait-ce que des photos mises sur les réseaux sociaux classiques par les
12:46parents.
12:47Donc là-dessus il y a un sujet après de cyberharcèlement aujourd'hui qui rentre en
12:50ligne de compte avec malheureusement des usages négatifs aussi de l'intelligence artificielle
12:54pour provoquer des jeunes et mettre en difficulté des jeunes via des images transformées, modifiées,
13:00retouchées, et ça c'est un vrai sujet.
13:03On va quand même parler des sanctions, j'en ai évoqué, le cyberharcèlement c'est un
13:09délit, c'est puni par la loi, est-ce qu'aujourd'hui ces sanctions sont à la hauteur du phénomène
13:15selon vous et comment est-ce qu'elles sont appliquées aussi ?
13:18Je ne suis pas législateur déjà donc je ne fais que constater ce que je vois.
13:24Alors vous, vous pouvez être le point de démarrage d'une enquête ?
13:27Oui exactement, c'est à l'issue de l'échange, on va pouvoir offrir tous les éléments à
13:33des enquêteurs de terrain qui sont territorialement compétents pour recevoir l'audition, le témoignage
13:38de la victime.
13:39Et vous allez rassembler des preuves aussi ?
13:42Exactement, on va d'abord conseiller de les préserver puisque c'est déjà aussi
13:46toute la notion d'accompagnement et de conseil.
13:48C'est important parce que des captures d'écran, la récurrence des faits, il faut
13:56qu'on puisse déterminer tout ça et consigner tout ça.
14:00Pour revenir sur la sanction, le souci c'est que le numérique va très vite, il y a une
14:08sorte de fulgurance de l'action qui peut se passer en 24 heures, qui peut avoir un retentissement
14:15sur la victime en 24 heures.
14:16Et c'est vrai que le harcèlement, on attend qu'il y ait des conséquences physiques
14:21et psychologiques et c'est vrai qu'on s'aperçoit qu'il n'y a pas besoin réellement d'attendre
14:28qu'il y ait des conséquences pour constater le cyberharcèlement qui va très très vite
14:33et qui peut avoir des dommages importants, pas que pour la victime, pour les autres aussi.
14:37Et les sanctions peuvent tomber vite aussi ou pas ?
14:40De toute façon ensuite, il y a un circuit judiciaire, il y a une phase indispensable
14:47et préalable du recueil des auditions, des témoins, la préservation des traces et le
14:52prélèvement technique de ces éléments de preuves pour pouvoir permettre ensuite l'ouverture
15:00d'un procès et puis surtout l'identification des auteurs, du ou des auteurs.
15:05Donc un temps plus long ?
15:07Il y a toujours un temps dédié à l'action de la justice et si on le met effectivement
15:13à côté du temps du cyberharcèlement, il peut y avoir une petite différence.
15:18D'où l'importance de se prémunir peut-être déjà en amont contre ces faits de cyberharcèlement
15:25même si ça peut arriver à tout le monde.
15:27Même si on ne partage pas des informations personnelles, on peut être cyberharcelé.
15:31Et d'où l'importance après d'entamer aussi une démarche d'aller porter plainte
15:35ou d'aller signaler à la justice et de ne pas rester dans un phénomène de dire
15:39de toute façon on ne trouvera jamais les personnes.
15:41Si on ne porte pas plainte, oui on ne trouvera jamais les auteurs.
15:43Aujourd'hui en tout cas on voit qu'il y a quand même une mobilisation assez large
15:48sur ces sujets.
15:49Merci beaucoup de nous avoir éclairé sur les actions justement de lutte.
15:53Capitaine Sébastien Possémé et Michael Benoît, merci encore à tous les deux.

Recommandations